Audition, conjointe avec la commission des affaires européennes, de M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux Affaires européennes, auprès du ministre des Affaires étrangères et du développement international.
La séance est ouverte à dix-sept heures.
C'est une belle rentrée, puisque nous commençons nos travaux par une réunion commune de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes, organisée dans le cadre des échanges réguliers que nous avons avec le Gouvernement sur les questions européennes. Bien que l'actualité européenne soit très chargée, monsieur le secrétaire d'État aux affaires européennes, votre audition sera spécifiquement consacrée au Conseil européen du 30 août dernier. Nous évoquerons ainsi les nominations décidées par le Conseil, ainsi que les décisions prises à propos de la situation économique et de l'Ukraine.
Si les décisions prises en matière de nominations n'ont pas réservé de surprises, il nous paraît nécessaire que vous nous apportiez des éclairages. La présidence du Conseil européen échoit à Donald Tusk, qui, dès lors, présidera également les sommets de la zone euro. La zone euro n'apparaît donc pas comme un club fermé – et c'est une très bonne chose – la Pologne ayant par ailleurs vocation à rejoindre l'euro. En revanche, la vision qu'a M. Tusk de l'économie européenne suscite peut-être davantage de questions.
Nous nous réjouissons qu'une femme, Mme Mogherini, ait été nommée au poste de haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – les femmes sont, hélas ! trop peu nombreuses au sein de la Commission –, même si cette personnalité n'est pas encore très connue de l'opinion publique européenne.
S'agissant de Pierre Moscovici, il faudra nous dire, monsieur le secrétaire d'État, si vous avez des précisions sur ce point, quelles responsabilités pourraient lui être confiées, au-delà de la définition des portefeuilles des commissaires, dans le cadre de la nouvelle structure de la Commission, qui inclut notamment des vice-présidents.
Quant au portefeuille climat, sa disparition serait, si elle devait être décidée, un signal négatif à un an de la COP 21, alors que Jean Jouzel et ses collègues nous rappellent l'urgence climatique et que la question de la gestion de l'énergie se pose au niveau européen et mondial.
J'en viens maintenant à la situation économique. La tenue d'un sommet sur l'emploi à Rome dans le courant du mois de novembre est intéressante, puisque l'ordre du jour, prévu par le Conseil européen d'octobre, sera consacré aux moyens de relancer l'économie et l'emploi grâce au fameux plan d'investissement de 300 milliards d'euros qui a été annoncé. Pouvez-vous nous dire, Monsieur le secrétaire d'État, si le Gouvernement travaille avec ses partenaires sur certaines pistes et dans quelles perspectives ? Nous savons qu'un plan de relance de l'investissement commun à la France et à l'Allemagne sur la relance de l'investissement est en cours d'élaboration : pouvez-vous nous en dire également quelques mots ? Par ailleurs – et cette question ne vous étonnera pas, venant de moi –, ces différentes démarches intègrent-elles la priorité qu'est pour nous la transition écologique, notamment énergétique ? Il nous semble que l'échelon européen est pertinent pour traiter de ces questions.
Enfin, le Conseil européen a également débattu de la situation en Ukraine, à laquelle un groupe de travail regroupant les membres de plusieurs commissions est consacré ; nous nous sommes rendus en Ukraine au mois de juillet mais, depuis, la situation a beaucoup évolué et suscite des inquiétudes. Que pensez-vous de l'application du cessez-le-feu sur le terrain ? Le Conseil, qui a pris de nouvelles sanctions contre la Russie, peut-il poursuivre très longtemps une telle politique ? Force est de constater que tous les partenaires européens ne sont pas sur la même longueur d'onde sur ces sujets complexes que sont la sécurité des Ukrainiens et la gestion par l'Union européenne de ses relations avec l'Ukraine. Une solution politique pérenne peut-elle être envisagée tant que les relations officielles entre l'Union européenne et l'Ukraine ne sont pas clarifiées ?
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d'être à nouveau présent parmi nous.
L'essentiel, bien entendu, c'est le contenu des politiques que conduira la nouvelle Commission européenne, sachant que le retour de la croissance est le sujet central. Cela fait déjà plus de deux ans que le Gouvernement et le Président de la République demandent que l'Union européenne mène des actions spécifiques en la matière. Or, le sujet est plus que jamais d'actualité : la reprise est extrêmement fragile, l'ensemble de l'Union est en situation de quasi-stagnation, la déflation menace et le chômage demeure élevé. La Banque centrale européenne, sous la présidence de M. Draghi, a pris ses responsabilités en abaissant son taux directeur pour la septième fois en trois ans et en annonçant un très important plan de rachat de titres adossés à des créances et d'obligations sécurisées. Il s'agit de créances sur des entreprises, notamment des PME. Des initiatives françaises intéressantes ont été prises en la matière – je pense aux propositions de Jacques de Larosière. Peut-être avez-vous des détails à nous donner sur la manière dont la BCE compte s'y prendre, car cela ne paraît pas simple.
Quoi qu'il en soit, il faut que les gouvernements agissent également et, surtout, que la Commission prenne ses responsabilités. À ce propos, on nous a annoncé un plan de 300 milliards d'euros. S'agit-il d'un recyclage, comme cela a souvent été le cas, de décisions déjà prises ? Quels sont les contacts préparatoires ? Bref, où en sommes-nous ?
Cette question recoupe celle de la répartition des responsabilités au sein de la nouvelle Commission. En effet, on entend beaucoup dire, dans la presse, que M. Katainen sera chargé d'un poste économique très important. S'agit-il de lui confier la responsabilité de ce plan de 300 milliards, sur lequel s'est engagé M. Juncker, ou s'agit-il d'autres responsabilités ? Il reste que M. Katainen, qui est certainement quelqu'un de tout à fait capable, ne s'est pas montré dans le passé très favorable aux plans de sauvetage. Ainsi, lorsqu'il était Premier ministre, la position prise par le gouvernement finlandais à l'automne 2011 sur le plan de sauvetage en faveur de la Grèce fut extrêmement restrictive. Nous souhaiterions donc savoir quelle est aujourd'hui sa position sur la poursuite de l'intégration au sein de la zone euro, notamment sur la création d'une capacité budgétaire et fiscale – c'est un point important. Ces différentes questions seront bien entendu au centre des réunions du Conseil des mois d'octobre et de décembre et du sommet de la zone euro qui a été demandé par le Président de la République et annoncé.
En Ukraine, la situation est extrêmement difficile et préoccupante, puisque nous avons vu se développer, cet été, une véritable guerre entre les séparatistes et l'armée ukrainienne. L'aide de la Russie est maintenant avérée. Après deux premières vagues de sanctions, de nouvelles mesures ont été prises au terme de négociations très difficiles entre États membres. Au reste, nous avons appris hier, par un communiqué commun de M. Van Rompuy et de M. Barroso, que l'application des sanctions qui ont déjà été décidées allait être différée pour tenir compte de l'évolution de la situation sur le terrain. Cela signifie-t-il que les États membres ayant eu tant de mal à s'accorder sur la nature des sanctions, on a de grandes difficultés, notamment au niveau du COREPER, à parvenir à un véritable accord sur la définition de leur application ou que l'on peut nourrir l'espoir que l'amélioration de la situation sur le terrain permette de ne pas recourir à ces sanctions ? Notre pays, quant à lui, a décidé de suspendre la livraison des bâtiments Mistral ; cette décision était attendue. Pensez-vous que ces sanctions seront suffisantes et, si tel n'est pas le cas, pouvez-vous nous dire quelle serait l'étape suivante ?
De son côté, la Russie a menacé d'interdire le survol de son territoire aux compagnies aériennes occidentales : cela vous paraît-il crédible ? Par ailleurs, on évoque assez peu le contournement des sanctions, pourtant récurrent dans ce type de situations. En l'espèce, il semble que certains produits alimentaires soient exportés vers des pays tiers où ils seraient ré étiquetés, pour contourner l'embargo russe. Avez-vous des informations sur ce point ? Enfin, une intervention solidaire de l'Union est-elle envisagée pour aider les entreprises et les secteurs mis en difficulté par les sanctions européennes et les contre-sanctions russes ? Nous avons, nous Français, des intérêts importants en Russie.
Danielle Auroi a évoqué les nominations à la Commission. Pour l'avoir rencontrée à Rome au début de l'été, je dois dire que Mme Mogherini me paraît disposer de toutes les qualités requises pour exercer la mission difficile qui lui sera confiée. Néanmoins, la Commission, qui comprend vingt-huit membres, ne compte encore que neuf femmes. Or on a le sentiment qu'un tel résultat est un exploit ! Permettez-moi de dire qu'il s'agit du minimum minimorum. Comment croyez-vous que le Parlement européen réagira sur ce point ?
Mesdames les présidentes, chère Élisabeth Guigou, chère Danielle Auroi, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation à m'exprimer devant vous en cette rentrée. Je veux tout d'abord vous confirmer que mon homologue allemand, M. Michael Roth, a accepté le principe d'une audition commune à une date qui pourrait être le 29 octobre prochain, c'est-à-dire peu après le Conseil européen des 23 et 24 octobre, qui marquera une étape importante en matière économique et pour les enjeux liés au paquet énergie-climat.
L'agenda européen est particulièrement dense en cette rentrée, en raison de crises internationales qui affectent l'Europe à ses frontières ou qui, plus lointaines, peuvent mettre en cause sa sécurité, en raison de la situation économique particulièrement préoccupante, qui a amené la Banque centrale européenne à prendre des décisions inédites – j'y reviendrai – et en raison du renouvellement des institutions européennes, qui était au coeur de l'ordre du jour du Conseil européen du 30 août. Celui-ci a permis de franchir des étapes décisives. Je pense au choix de la haute représentante de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité, qui s'est porté sur Mme Federica Mogherini, ministre des affaires étrangères italienne ; ce choix était indispensable pour permettre au président élu de la Commission, Jean-Claude Juncker, de compléter la formation du collège des commissaires. Quant au choix du président du Conseil européen par les chefs d'État et de gouvernement, il s'est porté sur M. Donald Tusk, Premier ministre polonais, qui entrera en fonction le 1er décembre prochain.
Le président élu de la Commission présentera donc, d'ici à la fin de la semaine, le collège des commissaires, qui seront soumis à des auditions devant les commissions compétentes du Parlement européen à partir du 22 septembre, puis à un vote d'investiture. Bien entendu, nous sommes très attentifs à la mise en place des nouvelles institutions, d'abord parce que le Président de la République a désigné Pierre Moscovici pour être le futur commissaire français et que nous souhaitons que la France puisse exercer une responsabilité dans la conduite des affaires économiques de l'Union européenne. Il revient au président de la Commission européenne de dire – c'est sa prérogative aux termes des traités – quel mandat il confie à Pierre Moscovici, mais il est évident que ses responsabilités seront pleines et entières dans le domaine qui lui aura été confié. Cette étape nous paraît également importante, parce qu'à travers les questions que les députés européens poseront aux commissaires et les engagements que ceux-ci seront amenés à prendre, la feuille de route de la Commission sera précisée pour les cinq prochaines années, à partir du programme stratégique adopté par le Conseil européen des 27 et 28 juin et du programme que le président Juncker a présenté au Parlement européen au mois de juillet et au Conseil européen, programme qui doit maintenant être précisé et détaillé.
Outre ces nominations, le Conseil a traité, comme la France et la présidence italienne l'avaient souhaité, de la situation économique en Europe et singulièrement dans la zone euro, qui a été marquée, au second trimestre, par une croissance du PIB nulle. Ce fut le cas en France notamment, certaines grandes économies connaissant même un recul de leur produit intérieur brut : moins 0,2 % pour l'Italie et pour l'Allemagne. L'inflation, quant à elle, se situe à 0,3 %, très loin de la cible de 2 % fixée par la Banque centrale européenne. Plusieurs pays n'ont toujours pas retrouvé leur niveau de PIB d'avant la crise ; c'est notamment le cas pour l'Espagne, le Portugal et l'Italie. L'investissement public et privé est insuffisant. D'une façon générale, la demande est insuffisante au sein de la zone euro et le chômage est supérieur au niveau atteint avant la crise de 2008.
Les conclusions du Conseil européen, qui ont été adoptées à l'unanimité, témoignent de cette situation, en relevant que « les paramètres économiques ont confirmé que la reprise, en particulier dans la zone euro, est fragile, que l'inflation est exceptionnellement faible et que le chômage est à un niveau inacceptable » – le mot « exceptionnel » est particulièrement important. La France a donc obtenu que le Conseil européen se fixe plusieurs rendez-vous, au cours de l'automne, consacrés à la politique de soutien à la croissance. Ainsi les chefs d'État et de gouvernement tiendront en Italie, au début du mois d'octobre, une réunion exceptionnelle sur l'emploi. Le Conseil européen qui se réunira à la fin du même mois sera, quant à lui, consacré en grande partie à la situation économique. Il sera suivi d'un sommet de la zone euro, proposé par le Président de la République, destiné à traiter spécifiquement de la situation dans la zone euro.
Nous voulons placer au coeur de ces débats la question de la relance de l'investissement. En effet, alors que débute le mandat des nouvelles institutions européennes, notre conviction est que l'Europe a besoin d'une nouvelle orientation et d'une stratégie économique qui repose sur l'articulation de quatre grands axes.
Le premier est la politique monétaire. À cet égard, les annonces faites la semaine dernière par le président de la Banque centrale européenne sont très importantes. Elles témoignent de la réactivité de l'institution dans les circonstances exceptionnelles auxquelles nous devons faire face et complètent des mesures qui ont été annoncées au mois de juin et qui entreront en vigueur au mois de septembre. Ces dispositions consistent, tout d'abord, en une nouvelle baisse des taux directeurs : le principal taux de refinancement de la banque centrale a été porté à 0,05 %, alors qu'il était de 0,15 % en juin dernier, celui de la facilité marginale de prêt à 0,30 % et celui de la facilité marginale de dépôt à moins 0,2 % – c'est-à-dire qu'il est désormais négatif. La poursuite de la baisse des taux d'intérêt vise à assouplir davantage les conditions de prêt sur le marché interbancaire et à inciter les banques à utiliser leurs réserves en liquidités pour financer directement l'économie, en octroyant davantage de prêts aux entreprises, et non pour redéposer sur des comptes auprès de la Banque centrale européenne les liquidités qui leur sont accordées.
La deuxième série de mesures est la plus novatrice : elle traduit un véritable changement de doctrine de la Banque centrale européenne, puisqu'elle vise à dynamiser le marché des produits titrisés. Le problème auquel la BCE a voulu répondre par ces dispositions est celui de la transmission de la politique monétaire au financement de l'économie réelle : il s'agit pour elle de s'assurer que les décisions qu'elle prend permettront au réseau bancaire d'accorder davantage de crédits aux entreprises, en particulier aux PME. Ces décisions consistent à lancer un programme de rachat d'actifs adossés à des titres de créance – que l'on appelle dans le langage financier international des ABS, asset back securities. Il s'agit de faciliter le développement du marché de la titrisation de façon sécurisée, sans reproduire les erreurs qui ont en partie mené à la crise financière aux États-Unis en 2007 et 2008. Toutefois, ces mesures, qui peuvent être assimilées à une politique d'assouplissement quantitatif, visent à permettre à la zone euro de bénéficier du même type de relance de l'économie et de la croissance que celui dont ont bénéficié les États-Unis à la suite de décisions de la Réserve fédérale, ou au Japon, même si les résultats n'y ont pas été, pour l'instant, aussi probants. Parallèle, la Banque centrale va poursuivre les opérations de refinancement des banques à long terme – ce que l'on appelle les LTRO. Au total, grâce à ces mesures, ce sont potentiellement plusieurs centaines de milliards d'euros qui seront injectés dans l'économie réelle.
Ce faisant, la Banque centrale a amorcé une nouvelle politique, qui correspond aux demandes formulées par la France et dont l'impact peut être très important. Au reste, ces mesures ont d'ores et déjà permis à l'euro, qui était surévalué, de baisser par rapport au dollar, passant en dessous de 1,30 dollar. Cette évolution est plus favorable à nos exportations et contribue à faire baisser les taux d'intérêt appliqués en particulier aux pays d'Europe du sud : l'Espagne, le Portugal, l'Italie. Quant aux taux de la France, qui étaient déjà extrêmement bas, ils le sont davantage encore.
La Banque centrale a donc pris des mesures importantes mais, comme l'a dit le directeur de la Banque centrale européenne lui-même dans son discours de rentrée à Jackson Hole, lors de la rencontre habituelle des dirigeants de banque centrale nationale, il faut que les acteurs fassent, eux aussi, leur part de travail.
Quatre moteurs, disais-je, doivent être en quelque sorte rallumés. Le premier, celui de la politique monétaire, l'est désormais, même s'il se peut que la BCE soit amenée à prendre d'autres mesures du même ordre pour aller un peu plus loin dans les mois qui viennent.
Le deuxième moteur est celui de la coordination des politiques budgétaires dans la zone euro. Dans ce domaine, nous estimons – et cela figure dans les conclusions du Conseil européen du mois de juin – qu'il faut utiliser au mieux les flexibilités qu'offrent les règles actuelles du pacte de stabilité et de croissance. Il s'agit, non pas de remettre en cause le pacte, mais de tenir compte de la situation économique actuelle, du risque de déflation qui a conduit la Banque centrale à prendre des mesures exceptionnelles et des réformes qui sont engagées partout en Europe, et donc de faire en sorte que la coordination des politiques budgétaires, par son rythme, ne contredise pas la dynamique de reprise que nous souhaitons voir dans la zone euro.
Le troisième moteur est celui de l'investissement. Le président de la Commission européenne nouvellement élu, Jean-Claude Juncker, a en effet annoncé un plan de 300 milliards d'euros. Il s'agit maintenant, même si nous comprenons qu'il s'agit d'investissements publics et privés, de détailler les mécanismes, les ressources, qui permettront de mobiliser ces 300 milliards. Pourquoi a-t-on besoin d'un tel plan d'investissement ? D'abord, parce qu'il contribuera, avec les autres mesures, à injecter des fonds dans l'activité économique. Ensuite, et plus fondamentalement, parce que nous avons besoin d'investir dans un certain nombre de grands secteurs qui contribueront à élever le potentiel de croissance de l'Union européenne, soit parce que nous avons du retard dans ces domaines, soit parce que nous n'exploitons pas suffisamment les capacités de l'intégration du marché et de l'espace européen, soit parce que nous risquons d'être distancés par d'autres. Ces secteurs ont été identifiés par le Conseil européen, par la France elle-même dans l'agenda pour la croissance et le changement que nous avions transmis à nos partenaires au mois de juin et qui a été repris pour l'essentiel par Jean-Claude Juncker. Il s'agit des réseaux de transport, de la transition énergétique et des réseaux d'interconnexion énergétique, du numérique, de la recherche dans toutes ses dimensions et de la formation.
La question qui est maintenant posée est celle des instruments qui permettront de mobiliser ces fonds. Tout d'abord, il faut mieux utiliser les instruments existants. Parmi ceux-ci, je citerai en premier lieu le budget européen. À cet égard, je me réjouis de la validation, le 8 août dernier, de l'accord de partenariat avec la Commission européenne, qui nous permettra d'engager, selon les grandes priorités d'investissement arrêtées, les financements européens dans nos territoires. Il s'agit d'une enveloppe de près de 16 milliards d'euros pour les années 2014-2020. Nous devons être en mesure de mobiliser ces fonds le plus rapidement possible sur la base des projets présentés par nos régions.
La Banque européenne d'investissement est un autre instrument. Nous avons déjà obtenu, en 2012, une augmentation de capital de 10 milliards d'euros qui a permis d'investir 60 milliards d'euros supplémentaires. La BEI doit aujourd'hui prendre davantage de risques, même si nous comprenons qu'elle veille à conserver son « AAA ». Elle doit ainsi développer davantage les project bonds, qui n'existent pour l'instant qu'à titre expérimental : seuls cinq ou six d'entre eux ont été véritablement lancés, dont un en France dans le secteur du haut débit. Peut-être faut-il envisager d'augmenter à nouveau son capital, en particulier celui de sa filiale Fonds européen d'investissement, qui finance les PME.
Mais il nous faut aussi développer des outils nouveaux, poursuivre la réflexion sur de nouveaux modes de financement, l'accès au marché obligataire des PME, la relance d'une titrisation sécurisée, le développement du capital-risque. Enfin – c'est une idée promue par la France depuis plusieurs mois – il faut créer un outil qui permette de mobiliser davantage l'épargne, très abondante en Europe – le taux d'épargne moyen dans l'Union européenne est de 12 %, contre 8 % aux États-Unis –, pour l'orienter vers le financement de l'économie réelle. Nous défendons l'idée d'une sorte de livret d'épargne européen, créé sur la base d'une décision commune aux États membres, qui serait distribué dans l'ensemble du réseau bancaire européen et dont les fonds pourraient être gérés par la BEI pour financer les grands projets prioritaires et les petites et moyennes entreprises.
Vous avez raison, mesdames les présidentes, l'un des grands enjeux des réunions à venir des chefs d'État et de gouvernement consacrées au soutien à la croissance et à l'investissement et de l'audition des nouveaux commissaires devant le Parlement européen est de préciser la nature de ce plan de 300 milliards, qui ne doit pas consister seulement à re-labelliser des fonds déjà existants mais aussi à créer des instruments nouveaux. Il faut également étudier la manière dont ces nouveaux outils publics peuvent contribuer à mobiliser l'investissement privé.
La question des migrations a également été abordée, en marge du Conseil européen, à l'occasion de contacts bilatéraux avec nos partenaires. Nous sommes convaincus de la nécessité que l'Europe se dote d'une politique commune en matière de migrations. Le Conseil européen l'a affirmé, à l'instigation de la France, dans les conclusions qu'il a adoptées à l'issue de sa réunion des 27 et 28 juin 2014, et M. Juncker a repris ces priorités stratégiques dans le programme qu'il a présenté devant le Parlement européen.
L'aggravation de la situation migratoire en Méditerranée est alarmante. L'Italie ne peut rester seule devant l'afflux de migrants. La France est à l'initiative et M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, a entrepris une tournée européenne auprès de ses homologues pour défendre une nouvelle approche qui reposerait sur le développement de nouveaux outils. Il nous faut avancer sur trois fronts.
D'abord, les flux de migrants devraient être mieux gérés grâce à un contrôle commun aux frontières. L'opération Mare nostrum menée par la marine italienne n'est qu'une réponse d'urgence, en l'attente d'une approche commune. Certes, elle a permis de sauver des vies, mais les naufrages continuent, l'opération ayant peut-être produit aussi une forme d'appel d'air. Les filières criminelles de passeurs sont de plus en plus nombreuses. L'Europe doit s'engager avec détermination contre le trafic d'êtres humains. Avec « Frontex + », la Commission européenne formule un projet qui reprend en partie la proposition française de nous doter de garde-frontières européens. Une campagne d'information serait également menée, jusque dans les pays d'origine des migrants, pour les éclairer sur les risques qu'ils courent et sur l'absence d'un droit au séjour quand ils ne remplissent pas les critères légaux.
Deuxièmement, la lutte efficace contre les filières elles-mêmes passe par une coopération incluant un échange accru d'informations entre les services de surveillance des frontières, avec le soutien des services de police et des douanes des États tiers, ainsi que, le cas échéant, des garde-côtes. Enfin, une action doit être menée pour promouvoir le développement et renforcer la stabilité des pays de provenance. La situation en Libye est particulièrement préoccupante. Les institutions étatiques s'y sont effondrées, faisant le lit de tous les trafics. Mais la coopération avec les autres pays de la rive sud de la Méditerranée et de l'Afrique subsaharienne est tout aussi importante pour qui veut apporter une réponse durable à la question des migrations.
Madame la présidente Auroi, vous m'avez interrogé sur le paquet énergie-climat. Assurant le suivi régulier des négociations, vous savez combien il est nécessaire d'aboutir à un accord au Conseil européen d'octobre prochain, de telle sorte que l'Union européenne présente un front uni à la conférence Paris Climat 2015 et que cette conférence, dite COP 21, parvienne à un accord à Paris à la fin de 2015. Sur la base du mandat donné par le Conseil européen, la Commission européenne a proposé des objectifs de négociation ambitieux pour 2030 : baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre ; part des énergies renouvelables portée à 27 % dans la consommation d'énergie ; économies d'énergie à hauteur de 30 %.
Les États membres discutent pour fixer le partage des efforts entre eux. Leurs discussions portent sur la réforme du marché du carbone qui ne fonctionne plus depuis que le prix de la tonne de carbone s'est effondré, ainsi que sur les ressources disponibles pour financer la transition énergétique vers un modèle plus sobre dans les pays qui accusent le retard le plus important à cet égard. Un accord équitable et équilibré doit être trouvé avec tous, y compris avec le groupe de Visegrád, dont certains membres sont particulièrement concernés par le problème de la sobriété énergétique.
Enfin, je voudrais aborder trois sujets internationaux, en commençant par l'Ukraine, où la situation s'est terriblement dégradée pendant l'été. Vous avez entendu au mois d'août M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, principalement sur la situation en Irak, mais aussi sur les affrontements dans cette région. Ils ont déjà fait 3 000 victimes et contraint un demi-million d'Ukrainiens à quitter leur foyer. Le Conseil européen du 30 août a rappelé l'urgence de parvenir à un cessez-le-feu, tout en renforçant les sanctions individuelles et sectorielles, dont une réunion au niveau des représentants permanents auprès de l'Union européenne fixera cette semaine les modalités.
En parallèle, des contacts étroits sont maintenus avec les autorités russes et ukrainiennes, pour éviter de rompre le fil du dialogue, qui conserve la priorité. Couplée aux sanctions, la mobilisation diplomatique a permis une rencontre à Minsk, sous l'égide de l'OSCE, en présence de MM. Porochenko et Poutine. La conclusion d'un protocole en douze points a permis, parmi d'autres avancées, un cessez-le-feu. Il est fragile, mais sera durable si chacun de ces points est bien respecté. Aussi vais-je les citer tous :
- le cessez-le-feu doit être effectif ;
- l'OSCE doit en assurer le contrôle et le suivi ;
- une forme de décentralisation doit garantir en Ukraine, par la loi, une autonomie provisoire aux oblasts de Donetsk et de Lougansk ;
- la surveillance de la frontière russo-ukrainienne sera effectuée sous le contrôle de l'OSCE et une zone de sécurité sera instaurée entre l'Ukraine et la Russie ;
- tous les otages et personnes illégalement détenues seront libérés ;
- une loi d'amnistie couvrira les personnes ayant agi dans la région ;
- un dialogue national inclusif sera poursuivi ;
- la situation humanitaire sera améliorée ;
- des élections locales seront organisées de manière anticipée, conformément à la loi ukrainienne sur l'autonomie provisoire de certaines régions ;
- des milices armées illégales se retireront ;
- un programme de renouveau économique de Donetsk sera adopté ;
- les participants aux consultations jouiront de garanties de sécurité.
Tous les efforts doivent désormais converger pour soutenir le respect de cette feuille de route. La libération des 1 200 prisonniers ukrainiens capturés par les séparatistes serait en particulier un signal très important.
Le Conseil européen a également débattu de la situation en Irak. Il a apporté son soutien aux États membres qui viennent en aide aux forces kurdes et à l'État irakien dans sa lutte contre le groupe de l'État islamique. Une réunion de l'OTAN, dont nombre d'États membres de l'Union européenne sont parties, a eu lieu également pour décider de lutter contre ce groupe terroriste fanatique qui porte atteinte non seulement à la stabilité régionale mais à la sécurité internationale.
Enfin, les conclusions du Conseil européen abordent l'épidémie du virus Ebola, qui ravage actuellement l'Afrique de l'Ouest. La solidarité internationale est mobilisée, car le monde entier est concerné vu l'ampleur de l'épidémie. L'Union européenne a mobilisé rapidement 140 millions d'euros, en particulier pour financer la coopération médicale. À l'initiative de la France, une nouvelle réunion de haut niveau aura lieu à Bruxelles dans les prochains jours afin de renforcer la coordination européenne et internationale.
Tels sont les sujets qui ont été au coeur de la réunion de rentrée du Conseil européen.
Madame la présidente Guigou, vous m'avez interrogé sur les conséquences des sanctions économiques, et surtout des contre-sanctions russes, qui touchent nos agriculteurs, et affectent en particulier les exportations de nos producteurs de fruits et légumes. Des dispositions ont été prises. Mais nous sommes attentifs à tous les secteurs économiques potentiellement concernés. Dans la définition des sanctions relatives à l'industrie et à l'énergie, nous veillons par exemple à ce que la coopération civile dans le domaine spatial ne soit pas atteinte.
La Russie se doit de respecter la légalité internationale, ce qu'elle n'a pas fait en annexant la Crimée et en portant atteinte à l'intégrité et à la souveraineté de l'Ukraine. Mais la priorité va à une solution politique, telle que l'accord de Minsk en a tracé les contours la semaine dernière. Les sanctions de l'Union européenne ont, entre autres objectifs, celui de préparer une voie de sortie en amenant chacun à accepter une solution négociée et un cessez-le-feu durable.
Merci, Monsieur le secrétaire d'Etat. Je vais maintenant donner la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent vous interroger, en les invitant à la concision.
La semaine dernière, le Président de la République a pris la décision de bon sens de suspendre la livraison à la Russie des Mistral tant qu'un cessez-le-feu durable ne s'est pas établi et qu'un règlement politique n'est pas trouvé au conflit. Comment cette décision est-elle perçue par les autres États membres ? Je voudrais également savoir comment le plan de paix du président ukrainien, validé par l'Union européenne, est accepté par la Russie, qui aurait formulé son propre plan. Une délégation de la commission des Affaires européennes s'est rendue à Kiev et à Odessa en juillet. Nous avons constaté les attentes ukrainiennes vis-à-vis de l'Union européenne, sur la question de son territoire, de ses frontières, mais aussi de l'annexion de la Crimée, qui a trop tendance à être oubliée.
Non, justement, nous voulons éviter la guerre, mais il faut une réponse forte de l'Union européenne.
Monsieur le ministre, débordant le cadre du dernier Conseil européen, je voudrais connaître vos réactions à l'arrêt récent de la Cour de justice de l'Union européenne qui condamne la Société nationale Corse-Méditerranée à rembourser les aides publiques qu'elle a perçues.
Vous aviez bien répondu à nos inquiétudes au sujet du paquet énergie-climat. Je m'interroge seulement sur la position du prochain président du Conseil européen qui faisait passer, comme Premier ministre polonais, la sécurité de l'approvisionnement du marché européen de l'énergie avant l'action climatique.
Le chômage a atteint un niveau inacceptable dans l'Union européenne. Le Président de la République plaide en faveur d'un plan d'investissement européen dont le montant représenterait 2 % du PIB français. Le Premier ministre italien est sur la même ligne et des mesures sont attendues en faveur de la croissance et de l'emploi. Certaines d'entre elles concerneront-elles les jeunes ?
À propos de la crise économique qui sévit en Europe et particulièrement dans notre pays, le gouvernement français paraît fonder beaucoup d'espoirs sur les institutions de l'Union européenne et sur celles de la zone euro. Ces institutions joueront certes un rôle dans la sortie de crise, mais votre insistance là-dessus me paraît symptomatique et m'inspire deux remarques. D'abord, j'estime qu'elle révèle votre incapacité à engager de vraies réformes structurelles en France. En prétendant utiliser au mieux la flexibilité du pacte de stabilité et de croissance, vous renoncez à l'objectif de 3 % de déficit et vous ouvrez la voie à tout un cortège de problèmes. Cette demande n'est en réalité qu'un aveu de faiblesse.
Car pour obtenir quelque chose dans l'Union européenne, comme dans toute instance internationale, il faut être fort, et le gouvernement français et le président de la République sont faibles. Votre voix ne porte plus. Dans l'affaire ukrainienne, ce sont Mme Merkel et le président Obama qui ont obtenu des concessions de Poutine, ce n'est certainement pas la France.
Il en va de même pour les questions migratoires. Vous avez raison d'appeler à une politique migratoire au niveau européen. Mais cela ne doit pas servir d'alibi pour éviter de renforcer la politique nationale en ce domaine.
Au sein de la Commission dont le mandat s'achève, une cohérence d'ensemble a manqué à la politique de voisinage. L'Union européenne ne doit-elle pas penser plus largement, en y intégrant l'élargissement ? La question se pose au vu des développements au Caucase ou en Ukraine, où l'Union européenne a marché d'un pas boiteux. Une réponse positive serait également un précieux soutien à nos amis baltes.
Les conclusions du Conseil européen ne font que reprendre la litanie habituelle sur le chômage, glissant vers un commentaire de commentaire qui éloigne encore un peu plus le citoyen de la politique.
L'effondrement de la Libye a provoqué un afflux migratoire sans précédent, alors qu'une action coordonnée entre les deux rives était possible quand des structures étatiques subsistaient. La Commission européenne propose déjà « Frontex + », mais où en sommes-nous de l'application de Frontex ? Ce sont des milliers de vies humaines qui sont en jeu et je suis atterré de trouver si peu de remarques à ce sujet dans les conclusions du conseil européen. Le génocide des chrétiens en Irak aurait également mérité d'y être mentionné de manière plus appuyée.
Les conclusions du Conseil ne font pas non plus référence aux récentes initiatives de la Banque centrale européenne, qui a rompu avec son orthodoxie traditionnelle. Cela est-il dû à ce que les participants n'aient pas réussi à se mettre d'accord sur une formulation commune, ou simplement au fait que la question n'était pas été inscrite à l'ordre du jour ?
Au paragraphe 18, le Conseil européen effleure le problème des djihadistes de l'intérieur. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le contenu des discussions ?
Enfin, avez-vous entendu des commentaires sur le référendum en Écosse ?
Je suis étonné d'entendre parler de récession dans la zone euro, ou de déflation, comme le faisait tout à l'heure la présidente Guigou, alors que le Président de la République nous avait annoncé il y a quelques mois que la crise était derrière nous. En vérité, l'Allemagne, très hostile aux mesures non conventionnelles, s'oppose au rachat de dette d'État, qui serait le seul moyen efficace pour sortir du marasme. Car les dogmes de Maastricht ont vécu. Je ne donne pas cher de la zone euro si vous ne l'avez pas compris.
En Ukraine, aucun des deux camps n'est tout blanc. Mais où doit nous conduire la politique d'aventure et de provocation du président Obama, qui veut faire entrer l'Ukraine dans l'OTAN ? Cette annonce catastrophique menace la paix dans la région.
Je suis étonné de la place réservée à la France dans la composition de la future Commission et dans la répartition des responsabilités en son sein. Si M. Katainen devait obtenir le portefeuille des Affaires économiques, quel serait celui de Pierre Moscovici ? La chancelière Merkel joue quant à elle un rôle central dans les nominations, comme l'a prouvé la désignation de Jean-Claude Juncker, puis celle de Donald Tusk.
Alors que l'Italie a déjà pourvu la présidence de la Banque centrale européenne, le poste de haut représentant échoit à sa ministre des affaires étrangères, Federica Mogherini, qui n'a que six mois d'expérience à son poste actuel. Les Etats auraient pu laisser plus de marge de décision à Jean-Claude Juncker en lui proposant chacun deux noms, ce qui aurait facilité au passage la solution du problème signalé par Mme la présidente Guigou.
Le ministre des Finances, M. Sapin, vient d'annoncer que la France ne tiendrait pas son objectif de déficit budgétaire à 3 %, malgré deux reports successifs qui lui ont été déjà accordés. Vous prétendez qu'il s'agit non d'un objectif européen, mais d'un objectif français. En réalité, la Commission européenne formulera un avis négatif, à moins que M. Moscovici n'ait été chargé de négocier un troisième report, qui serait un véritable échec pour la France.
Enfin, je suis choqué par l'inertie de l'Europe sur les questions migratoires. Moins de 1 % du budget européen leur est consacré. Il faut plus de solidarité avec l'Espagne, avec la Grèce, avec l'Italie. Un financement accru et une réforme de Schengen sont nécessaires. Il n'est pas admissible de laisser se perpétuer une situation où tant de vies humaines sont menacées.
Pour réduire la défiance des Français vis-à-vis de l'Europe en revalorisant le rôle du Parlement, il serait heureux que, dans chaque État membre, le commissaire désigné par son pays soit entendu par le parlement national, même s'il est d'abord chargé de l'intérêt général européen. Nous devons entendre le commissaire français.
Très bien. Par ailleurs, y a-t-il une politique européenne commune pour empêcher les jeunes qui cherchent à partir rejoindre les dijhadistes ?
Vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre, sur la parité au sein de la Commission européenne, problème à la solution duquel la France n'a pas apporté de contribution décisive… (Sourires.) Les commissaires européens sont membres d'un collège, et l'audition du commissaire désigné par notre pays aurait donc en effet tout son sens. Enfin, vous avez annoncé que la politique européenne de la croissance repose sur quatre piliers, mais n'avez cité que la politique monétaire, la convergence des politiques budgétaires et l'investissement, à moins que je n'aie pas entendu le quatrième…
Je vous remercie pour vos questions et pour votre écoute vigilante ; votre question, monsieur Glavany, me permettra de compléter mon propos.
Monsieur Pueyo, en ce qui concerne la livraison du premier bâtiment Mistral, il s'agit bien d'une suspension. Le contrat, qui a été conclu en 2011 pour un montant de 1,1 milliard d'euros et qui a d'ailleurs été payé pour l'essentiel, correspond à un engagement qui avait été pris par le précédent Président de la République en 2009. Le Président de la République a indiqué que les conditions n'étaient pas réunies à ce jour pour autoriser la livraison du premier bâtiment le 1er novembre. Il sera donc amené à prendre une décision dans les deux mois qui viennent en fonction de l'évolution de la situation. Quant au plan de paix en Ukraine, il a fait l'objet d'un accord entre toutes les parties : l'Ukraine, la Russie et les séparatistes ukrainiens. Il doit donc être mis en oeuvre et il faut vérifier qu'il est respecté sur le terrain. Certaines de ses dispositions doivent être appliquées à court terme – libération de prisonniers, maintien du cessez-le-feu –, d'autres imposent qu'un dialogue national et des réformes institutionnelles soient mis en oeuvre.
Monsieur Quentin, s'agissant d'Ebola, des décisions ont été prises ; la France a mobilisé l'Union européenne tout au long de l'été.
Quant à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne concernant la SNCM, elle a confirmé en appel la condamnation de celle-ci, qui doit donc rembourser 220 millions d'euros d'aides versées entre 2002 et 2006 dans le cadre de sa restructuration et de sa privatisation. La SNCM doit par ailleurs rembourser 220 millions d'euros d'aides jugées contraires aux règles de la concurrence, donc illégales, qui avaient été versées au titre de la délégation de service public entre 2007 et 2013. Le Gouvernement travaille depuis deux ans sur ce dossier. Une négociation est engagée avec la Commission européenne afin de trouver une solution durable pour la SNCM, qui permette de maintenir la continuité territoriale avec la Corse, de solder ces contentieux européens et de préserver le maximum d'emplois. C'est une négociation longue, qui devra trouver une issue d'ici à la fin du mois d'octobre. Une discussion a lieu également avec les actionnaires et les repreneurs potentiels. La priorité est désormais pour tous les acteurs de trouver une solution durable. Celle-ci passera par un redressement judiciaire et la reprise d'une partie des activités de la société. La décision de la Cour de justice ne fait que confirmer la nécessité de travailler dans cette direction.
Madame Karamanli, vous m'avez interrogé sur la nomination de Donald Tusk et sur sa position vis-à-vis des objectifs ambitieux que l'Union européenne se fixe en matière climatique. Tout d'abord, le choix du Premier ministre d'un pays membre de l'Union européenne depuis dix ans, la Pologne, pour présider le Conseil européen a bien entendu une très grande portée historique. Il a également été décidé que M. Tusk présiderait aussi les sommets de la zone euro. Certes, la Pologne n'est pas encore membre de l'euro, mais elle a indiqué qu'elle avait l'objectif de le rejoindre.
En tout état de cause, ce choix aidera la Pologne à être davantage en phase avec les décisions les plus ambitieuses de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la politique monétaire commune ou des objectifs en matière climatique, même si l'on sait que la Pologne, dont 80 % de l'électricité est produite à partir de charbon, fait partie des pays auxquels la transition énergétique demandera un effort très important. Nous pouvons ainsi espérer qu'un accord unanime ambitieux sera trouvé sur le paquet énergie-climat. Parce qu'elle est soumise à des risques en matière de sécurité d'approvisionnement, la Pologne est plus sensible aux questions de sécurité énergétique et d'investissements dans les réseaux qu'aux objectifs climatiques. Mais, dès lors que l'un de ses responsables préside le Conseil européen, elle doit prendre en charge l'ensemble des objectifs de l'Union : les objectifs climatiques ne doivent pas être détachés des objectifs énergétiques. Les deux sujets doivent être traités ensemble : il faut mener simultanément une politique d'intégration du marché européen en matière d'énergie, d'interconnexion, d'investissement dans les énergies nouvelles et d'efficacité énergétique.
En ce qui concerne les investissements, vous souhaitiez savoir quelles mesures concerneraient spécifiquement l'emploi des jeunes. La politique de l'emploi est le quatrième pilier, que j'ai omis de mentionner tout à l'heure, monsieur Glavany. Le taux de chômage des jeunes reste supérieur à 25 % dans beaucoup de pays de l'Union, en particulier dans l'Europe du sud mais aussi dans plusieurs régions françaises, même si le taux moyen de chômage des jeunes y est passé sous les 25 %. Nous devons donc nous assurer que l'on ne passe de la génération ERASMUS à une génération sacrifiée. Nous avons renforcé le programme ERASMUS pour les jeunes qui suivent une formation universitaire, car c'est un immense succès tant en matière de formation qu'en matière de citoyenneté, mais il faut consentir des efforts beaucoup plus importants pour ceux qui sont sortis du système scolaire sans qualification et qui sont sans emploi. Tel est l'objet de la « garantie pour la jeunesse », que nous avons commencé à mettre en oeuvre en France et pour laquelle nous avons obtenu un budget européen de 6 milliards d'euros sur les deux prochaines années, dont 600 millions pour la France. Cette dernière a été l'un des premiers pays – elle a été suivie par l'Italie et le sera bientôt par l'Espagne – à signer son programme opérationnel. Il faut maintenant utiliser ce fonds destiné à tous les jeunes qui sont depuis quatre mois sans formation ou sans emploi.
L'Union doit avoir pour objectif prioritaire de mettre en oeuvre des dispositifs volontaristes destinés à accompagner le retour à l'emploi de ces jeunes, que ce soit par la formation ou par l'immersion en entreprise. C'est un devoir moral, mais il y va aussi de la crédibilité de l'Union et de la relance économique, car lorsque la moitié d'une classe d'âge est exclue du marché du travail, c'est non seulement un désastre social, mais aussi un handicap majeur pour la vie économique du pays, incompatible avec la relance européenne que nous souhaitons. La politique de l'emploi en direction des jeunes est donc une priorité absolue.
Monsieur de La Verpillière, vous voulez voir dans notre insistance pour que l'Europe crée un cadre favorable à la croissance le révélateur de notre faiblesse dans la mise en oeuvre des réformes. Non ! Les réformes sont engagées : le pacte de responsabilité et de solidarité a été voté par votre assemblée et se traduit d'ores et déjà par des mesures favorables à la compétitivité des entreprises et à la réduction de la dépense publique. Le budget pour 2015, qui sera bientôt soumis au Parlement, complétera les dispositions que vous avez déjà adoptées dans le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative pour la Sécurité sociale pour 2014.
Les réformes en matière de finances, de compétitivité, d'allégement du coût du travail et de simplification ainsi que la réforme territoriale sont, je le répète, engagées, en France comme dans tous les pays de l'Union européenne. Il est vrai que certains d'entre eux ont fait ces réformes plus tôt que d'autres : c'est le cas de l'Allemagne, qui a pris des mesures visant à améliorer sa compétitivité entre 2002 et 2005, sous le gouvernement de Gerhard Schröder ; elle en tire aujourd'hui les bénéfices.
En France, c'est le gouvernement actuel qui entreprend ces réformes. En Europe, tout le monde le sait, et on ne lui reproche pas de faire le travail qui n'a pas été fait précédemment. Toutefois, chacun doit être conscient que ces réformes peuvent mettre du temps à produire leurs effets. Certaines d'entre elles sont d'application immédiate, comme le crédit d'impôt compétitivité emploi, qui permet d'ores et déjà d'alléger le coût du travail en diminuant l'impôt sur les sociétés et dont je rappelle qu'il porte sur l'ensemble des rémunérations versées aux salariés n'excédant pas 2,5 fois le SMIC. D'autres dispositions s'appliqueront progressivement, dont certaines à partir du 1er janvier prochain, notamment la baisse des cotisations sociales pour les entreprises. Par ailleurs, plusieurs millions de ménages n'entreront pas dans l'impôt sur le revenu ou verront celui-ci baisser, ce qui est une façon de redistribuer du pouvoir d'achat. Quant aux mesures concernant la compétitivité, elles auront des effets à plus long terme.
En demandant une certaine flexibilité, nous cherchons, non pas à éviter de faire les réformes, mais à créer le cadre européen favorable à leur réussite, car celle-ci dépend aussi de la croissance. Personne ne peut interpréter les décisions qui ont été prises comme un aveu de faiblesse ou comme le signe que la voix de la France n'est pas entendue. Je l'ai dit tout à l'heure mais je veux être encore plus précis : certains avaient imaginé, au début de la réunion du Conseil européen du 30 août que l'on n'y traiterait pas de la situation économique, ce qui était, pour nous, inconcevable. La France a donc fait en sorte, avec la présidence italienne, que ce sujet soit à l'ordre du jour. En outre, les rencontres qui ont été annoncées et qui auront lieu au cours de l'automne ont été décidées sur l'initiative de la France, qu'il s'agisse du sommet de la zone euro, de la rencontre sur l'emploi et la croissance ou du débat sur les priorités en matière d'investissement. La voix de la France est donc entendue ; la phrase que j'ai citée tout à l'heure est extraite des conclusions du Conseil européen, dont je rappelle qu'elles ont été adoptées à l'unanimité.
Sur la situation en Ukraine, vous avez entendu M. Laurent Fabius. La France est à l'initiative de la première rencontre qui a eu lieu entre MM. Porochenko et Poutine, le 6 juin, en Normandie. Les ministres allemand, français, russe et ukrainien des affaires étrangères se sont rencontrés à plusieurs reprises durant l'été pour des réunions à quatre. Des contacts téléphoniques réguliers ont lieu entre le Président de la République et la chancelière Merkel, de même que, de l'autre côté, avec MM. Poutine et Porochenko. C'est par ce processus qu'a abouti le cessez-le-feu.
Monsieur Le Borgn', dans la Commission européenne dont le mandat s'achève, un même commissaire était en charge de la politique européenne d'élargissement et de la politique de voisinage, qui inclut le partenariat oriental, les relations avec l'Ukraine ou encore la question moldave. Ces deux politiques méritent d'être bien distinguées. Une procédure d'adhésion est déjà engagée pour certains pays, tels la Serbie et le Monténégro, la perspective européenne étant un facteur de stabilité dans les Balkans. Même si Jean-Claude Juncker a annoncé qu'il n'y aurait pas de nouvelle adhésion dans les cinq ans à venir, le processus de rapprochement est en cours, ce qui permet de conjurer la menace d'une répétition des conflits qu'ont connus les Balkans il y a vingt ans.
Il ne faut pas entretenir de confusion entre cette politique d'élargissement et le partenariat oriental ou la politique de voisinage visant à apporter une plus grande stabilité aux frontières de l'Union européenne. Pour les États tiers limitrophes, aucune décision d'adhésion n'est prise. Élargissement et voisinage sont deux vocations qui ne se superposent pas. L'Union européenne ne pourra s'élargir jusqu'à l'Oural ; elle n'en a ni les moyens, ni la vocation.
Présidence de Mme Marietta Karamanli, vice-présidente de la commission des Affaires européennes.
Monsieur Cochet, vous avez vu cet été que la France a été la première à se mobiliser sur la question des chrétiens d'Irak, notre ministre des affaires étrangères s'étant même sans délai rendu sur place. La possibilité leur est ouverte de venir en France lorsqu'ils y ont déjà de la famille, mais cela n'empêche pas une mobilisation concrète contre les persécutions qui les touchent, eux et les minorités turkmène et yézidi. La France est donc aux avant-postes et conjugue un effort humanitaire avec une réponse militaire, puisqu'elle a déjà équipé certaines des forces qui se battent contre le groupe de l'État islamique.
Je vous avais interrogé également sur les relations entre l'Italie et la Libye et les bénéfices à attendre de « Frontex + ».
Nous considérons qu'il est indispensable de montrer notre solidarité avec l'Italie et avec Malte.
Seule une réponse européenne permettra de répondre au défi migratoire tout en préservant, par un meilleur contrôle des frontières communes, les acquis de Schengen et de l'espace de sécurité, de liberté et de justice. Les ministères de l'Intérieur s'emploient à la bonne mise en oeuvre de la dernière réforme de Schengen. Mais il faut aussi consacrer plus de moyens à la rive sud de la Méditerranée.
Le dispositif « Frontex + » a pour objet de prendre la relève de l'opération Mare nostrum. À l'heure actuelle, l'agence Frontex facilite l'échange d'information entre les services nationaux et conduit des opérations de surveillance aérienne, sans posséder d'autre compétence opérationnelle. Elle n'assure pas la protection des frontières, qui échoit aux États membres, en l'occurrence à la Grèce, à l'Italie et à Malte. Il faut donc que les interventions européennes soient mieux coordonnées et de que nouvelles règles soient définies pour faciliter les sauvetages en mer sans pour autant créer d'appel d'air.
Pour ce faire, il convient de travailler avec les États de provenance pour mieux lutter contre les réseaux et contre les trafics d'êtres humains, en favorisant la réadmission, mais aussi la stabilité économique et politique dans la région de provenance. Nous sommes ainsi préoccupés par la situation en Libye, car le pays sert de refuge à des groupes terroristes, notamment au Sahel, et cette situation retentit également sur les filières d'immigration clandestine, qui profitent de l'instabilité.
Monsieur Lequiller, vous déplorez que seulement 1 % du budget européen soit alloué à ces politiques. Des moyens supplémentaires ne suffiront cependant pas à eux seuls à améliorer la situation. Il faut définir une approche globale, car l'espace de sécurité et de liberté ne pourra subsister que si les États frontaliers ne sont plus seuls à gérer la frontière extérieure.
Monsieur Savary, vous demandez quelles raisons ont conduit le Conseil européen à ne pas saluer les initiatives de la Banque centrale européenne. Puis-je vous rappeler d'abord que les traités en font une institution indépendante ?
Certes, mais elle l'est lorsqu'elle définit les taux d'intérêt et sa politique de titrisation. En outre, son président Mario Draghi avait fait de premières annonces à Jackson Hall, fin août, mais les décisions du directoire n'ont été prises qu'ultérieurement, soit après le Conseil européen du 30 août. Si lui-même ne s'en est pas félicité, car ne pouvant le faire, la France et l'Italie l'ont fait en leur nom propre.
Quant aux djihadistes de l'intérieur, les experts estiment à plusieurs centaines le nombre de ceux qui ont quitté la France, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Allemagne, pour aller combattre en Syrie ou en Irak, d'où le groupe de l'État islamique, en particulier, pratique un recrutement international. En France, le ministre de l'Intérieur a présenté au conseil des ministres un plan d'action visant, comme le plan britannique, à empêcher que des combattants rejoignent des groupes de ce type. Les dispositifs légaux et juridictionnels d'interdiction seront prochainement soumis au parlement.
La coopération internationale doit être approfondie. Il faut contrer la propagande et l'action des réseaux Internet, en bloquant la diffusion de certaines images, en fermant certains sites, mais aussi en informant sur la réalité des crimes commis et sur les peines encourues. La lutte contre le groupe de l'État islamique doit se déployer à la fois sur le terrain et contre ses soutiens et relais.
Le référendum en Écosse retient l'attention de chacun. Il s'agit d'une décision démocratiquement soumise aux citoyens dans une partie d'un État membre. Nous ne saurions nous mêler à ce choix libre et souverain que le Royaume-Uni organise à ses conditions. Le France ne s'exprimera donc pas sur les positions défendues par les uns et par les autres.
Monsieur Myard, vous voulez voir une contradiction entre les faits et les déclarations du Président de la République sur la crise qui serait derrière nous. Ces déclarations gardent pourtant tout leur sens, puisqu'il parlait du risque d'effondrement monétaire, qui est en effet écarté depuis l'entrée en vigueur du mécanisme européen de stabilité (MES) et de l'union bancaire. Cette dernière prévient toute transmission d'un institut à l'autre en cas de faillite d'un établissement de crédit. Les récentes difficultés de la banque Espírito Santo au Portugal, ou même le début de ruée vers les guichets d'un institut de crédit important en Bulgarie, ont prouvé que le risque de contagion n'existe plus au sein de la zone euro.
La croissance, en revanche, continue de poser problème. Certes, elle est repassée au-dessus de son niveau de production de 2008, lorsque le PIB s'était effondré ; ce n'est pas le cas dans tous les États membres. Mais le niveau de croissance reste insuffisant pour assurer le plein emploi et investir pour l'avenir. La Banque centrale européenne devra-t-elle prendre d'autres mesures non conventionnelles ? Les opérations de titrisation qu'elle a annoncées produiront le même effet qu'un rachat de dettes d'État. C'est en tout cas l'analyse des marchés.
Quant à une adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, le Conseil européen ne la défend pas, et ce n'est pas la position des États membres de grande taille, car ils estiment qu'elle n'apporterait pas de réponse à la crise actuelle.
Monsieur Lequiller, vous présentez dans un esprit polémique le processus des nominations et le choix de Pierre Moscovici.
J'ai vécu la situation de l'intérieur du Parti populaire européen, où M. Juncker apparaissait clairement comme le candidat de la chancelière Merkel. L'influence de la France s'avère très faible.
La France a accepté dès l'origine l'idée que la formation politique qui aurait gagné les élections européennes désigne le président de la Commission européenne. Il n'en va pas de même de tous les États membres.
Au demeurant, la France a toujours affirmé que la croissance et l'investissement constitueraient une priorité pour la prochaine Commission européenne, ajoutant que le commissaire français devrait avoir une part dans sa mise en oeuvre. Vous verrez que la place faite à la France correspond à la priorité fixée, conformément aux voeux des Européens, qui attendent que l'Union se recentre sur la croissance et l'emploi.
Les conclusions du Conseil européen des 26 et 27 juin l'ont rappelé. M. Juncker en a repris le contenu dans le programme qu'il a présenté devant le Parlement européen. Le Conseil européen du 30 août l'a réaffirmé. Ainsi, la France a joué un rôle moteur dans la définition des priorités européennes pour les cinq prochaines années.
La séance est levée à dix-huit heures quinze.