Intervention de François Wakenhut

Réunion du 1er octobre 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

François Wakenhut, chef de l'unité Biodiversité de la direction générale Environnement de la Commission européenne :

Je vous remercie de votre invitation car il n'est pas si fréquent de pouvoir débattre de ces questions dans les États membres.

En Europe, la situation est critique : lors de notre dernier rapport sur l'état de la biodiversité à partir des directives Habitat et Oiseaux, publié en 2010, nous avons constaté un taux de 17 % de conservation favorable. Malgré certains signaux positifs, le deuxième état des lieux, qui est en cours de finalisation et sera publié en avril ou mai prochain, ne devrait pas aboutir à des conclusions réjouissantes. L'arsenal législatif et politique a pourtant beaucoup évolué ces dernières années en Europe et les changements de perception en cours nous aideront dans les années à venir. En passant d'une logique de protection entravant le développement économique à une logique de protection positive, valorisant les services écosystémiques, l'Union européenne a accompli une révolution. Les initiatives relatives à l'objectif « Aucune perte nette » soulignent que le cadre a changé. Nous travaillons par exemple, avec la Banque européenne d'investissement (BEI), à l'établissement d'un instrument innovant, appelé « facilité financière sur le capital naturel », qui devrait être finalisé dans les mois à venir et portera cette logique d'intégration de la biodiversité bien au-delà du cercle de la conservation.

À l'échelle internationale, nous souhaitons faire reconnaître aussi que l'enjeu de la biodiversité, de la valorisation des écosystèmes et des services qu'ils nous fournissent est essentiel dans le cadre du modèle de développement. Les objectifs de développement durable (ODD) placent au coeur de notre problématique la question des écosystèmes. Ce débat est douloureux car les grands pays en développement réfléchissent dans une logique de compensation. La CDB a surtout vu dialoguer deux grandes entités depuis 1992 : l' Union européenne et le Brésil. Or, depuis 2010, dans l'approche de ce pays comme dans celle du G77, c'est cette logique, alignée sur celle présidant aux négociations sur le climat, qui s'affirme. Cette évolution nous semble inappropriée et nous inquiète car elle conduit à une verticalisation de la biodiversité, reposant sur des fonds propres de compensation, à l'image du fonds vert pour le climat, alors que les enjeux sont horizontaux et qu'il est nécessaire de travailler à des questions de politique industrielle, de développement, énergétique ou de transports. Le grand enjeu de la CdP de Pyeongchang est d'empêcher que cette logique prenne en otage la mise en oeuvre des engagements actés en 2010, lors de la CdP de Nagoya. Il convient d'arriver à un point d'équilibre offrant une garantie de financement suffisante pour que les pays en développement se reconnaissent dans ces objectifs et les honorent, alors que des pertes de biodiversité continue d'être enregistrées sous les tropiques, notamment au Brésil. Il faut éviter une « climatisation » de la CDB : depuis vingt ans, nous sommes dans une logique de négociation plus constructive que celle sur le climat et il serait dangereux que nous nous alignions sur elle, au risque de ne plus discuter que du seul financement. La dimension normative, au coeur des adaptations nécessaires, est en effet un peu occultée par certains de nos partenaires. Mais la réforme de la stratégie Europe 2020, qui sera amorcée dans les mois à venir, tendra à placer la biodiversité au centre de la dynamique de développement. Les intérêts sectoriels sont si forts qu'il s'agit d'une bataille de tous les instants.

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