Intervention de Gilles Boeuf

Réunion du 1er octobre 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Gilles Boeuf, professeur à l'Université Pierre-et-Marie-Curie-Paris VI, président du Muséum national d'histoire naturelle :

L'humain est profondément inscrit dans la biodiversité : un corps humain comporte au moins dix fois plus de bactéries que de cellules.

Quand, en 2010, les Nations unies ont consacré l'année à la biodiversité, nous avions trois buts : sensibiliser à ce qu'elle était, expliquer pourquoi il fallait s'en préoccuper et entreprendre une action dans la durée.

Or le bilan des actions engagées depuis 2002, présenté à l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) les 25 et 26 janvier 2010 ont mis en évidence l'aggravation de l'érosion de la biodiversité. Alors que la situation est encore pire aujourd'hui, on peut se demander pourquoi nous réussirions entre 2010 et 2020 ce que nous avons échoué à faire entre 2002 et 2010.

On ne peut se passer de la biodiversité. En 2000, les chefs d'État avaient d'ailleurs invité à une réflexion globale. Celle-ci a donné lieu au document Millennium Ecosystem Assessment, publié en 2005, qui a mis au goût du jour la notion de services écosystémiques. Pour un écologue, la valeur de la biodiversité est incommensurable. Il ne s'agit pas d'une liste d'espèces mais de l'ensemble des relations entre les êtres humains ainsi que de celles qu'ils entretiennent avec l'environnement.

Si nos concitoyens ont conscience de son lien avec la question du climat, nous éprouvons du mal à leur faire comprendre combien elle est importante. Ils ont davantage peur d'un dérèglement climatique que d'une perte dans ce domaine. Quand je parle de la disparition du dauphin du Yang-Tsé-Kiang en 2007, à Paris, on me répond que son existence était inconnue ! Or, comme il vivait dans une eau très chargée en particules, il avait inventé le plus fabuleux sonar que la nature ait connu.

Il faut conserver les capacités du système à réagir et à évoluer dans les conditions d' agression créées par l'homme. C'est pourquoi a été fondée à Bonn, il y a deux ans, l' équivalent du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) : l' IPBES (pour Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem), plateforme internationale sur ces questions, en relation étroite avec la CDB.

Cette question ne relève pas d'une approche politique partisane, mais intéresse tout le monde. Chaque fois que l'homme fait quelque chose, il doit réfléchir à ce que cela doit déclencher à terme.

On s'est beaucoup intéressé aux pertes de fonctions des écosystèmes. Le corail, par exemple, qui représente 1 % de la surface des océans et plus du tiers des espèces qu'ils hébergent, est très menacé. Mais comment traduire ces pertes de fonctions en pertes de services ? Cela représente un énorme travail.

Ces pertes viennent des destructions, de la pollution, de la surexploitation, de la redistribution d'espèces invasives et du dérèglement du climat.

Pour sauver ce qui servira à l'humanité demain, encore faudrait-il être capable de savoir ce qui lui servira. C'est dans une étoile de mer que le prix Nobel Timothy Hunt a découvert la molécule clé déclenchant dans une cellule la décision de recommencer à se diviser et par conséquent le processus de cancérisation. Les exemples de ce type sont courants. Il nous faut donc avoir une réflexion écologique en tenant compte du besoin essentiel d'avancer dans les sciences fondamentales en même temps que dans les sciences humaines et sociales.

Je rappelle enfin que l'Italie est le pays d'Europe possédant le plus d'espèces connues.

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