Intervention de Guillaume Sainteny

Réunion du 1er octobre 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Guillaume Sainteny, maître de conférences à l'école polytechnique :

Je ne sais pas ; vous rassurer est une bien grande tâche… Dans l'objectif d'Aichi A.3, eux sujets peuvent être liés ou séparés : la diminution des subventions publiques dommageables et l'augmentation des moyens.

Le Millennium Ecosystem Assessment de 2005 a effectué une percée conceptuelle fondamentale en légitimant la notion de services écosystémiques : la biodiversité fournit gratuitement des biens et services, sans lesquels un certain nombre d'activités économiques, comme l'agriculture, la pêche, la sylviculture ou le tourisme, ne serait ni possibles ni rentables. Cela permet de passer d'une approche défensive, trop dominante en France, à une approche offensive, conférant une valeur économique à la biodiversité. Le rapport de référence TEEB (pour The Economics of Ecosystems and Biodiversity) estime la valeur des services écosystémiques rendus dans le monde à 24 000 milliards de dollars par an. La pollinisation équivaudrait à 153 milliards d'euros ; dans certains pays où elle ne fonctionne plus naturellement, le travail est accompli par des femmes, ce qui pose le problème de l'évolution de leur condition.

Par ailleurs, aux États-Unis, dix des vingt-cinq médicaments les plus vendus sont directement issus de la biodiversité, ce qui représente 37 % du chiffre d'affaires du secteur pharmaceutique. L'écotourisme produit un chiffre d'affaires de 400 milliards de dollars, en croissance de près de 20 % par an, contre 3 % pour le secteur touristique dans son ensemble.

Le seul chiffre d'affaires de l'observation des oiseaux d'eau aux États-Unis – activité peu développée en France malgré un gros potentiel – s'élève à 10 milliards de dollars, et celui de la grande barrière de corail australienne atteint 6 milliards de dollars.

Comme pour le climat, le coût de l'inaction est supérieur au coût de l'action. La perte des services écosystémiques terrestres est évaluée à 50 milliards d'euros par an alors que les investissements publics sont estimés à 10 milliards. En Irlande, par exemple, les services écosystémiques dégagent plus de 2,6 milliards d'euros par an, pour seulement 280 millions d'euros de dépenses en faveur de la biodiversité.

Il ne faut pas oublier la valeur sociale de la biodiversité, « PIB des pauvres » : moins un pays est développé, plus la biodiversité constitue une part importante du revenu national et leur part dans la consommation des ménages est inversement proportionnelle à l'échelle des catégories sociales.

L'Union européenne a un bilan environnemental très positif, notamment en ce qui concerne la biodiversité. Sans elle, en France, les dates d'autorisation de chasser seraient toujours déraisonnables et nous ne disposerions pas du réseau Natura 2000. Mais plusieurs chantiers restent à approfondir : l'intégration de la biodiversité dans la PAC ; le projet de directive sol, qui a échoué ; le besoin d'une directive sur le littoral, menacé même en France, puisque la loi littoral a une valeur inférieure aux directives européennes, comme la directive ERU (Eaux résiduelles urbaines), qui contraint parfois à artificialiser des côtes.

La France a un rôle international particulier car elle dispose d'une richesse très importante en métropole et outre-mer, avec notamment 10 % des récifs coralliens du monde – dont sont issues une grande partie des substances médicamenteuses contre le cancer. En outre, alors que le bassin de forêt tropicale d'Asie du Sud-Est est pratiquement condamné et que celui de l'Amazonie est entamé, le troisième du monde, celui d'Afrique centrale, zone où nous entretenons des liens politiques importants, reste presque inentamé. Or la manière la plus économique de limiter le changement climatique est la conservation des forêts tropicales.

Mais notre pays est confronté à plusieurs problèmes. Seulement 17 % des sites Natura 2000 sont dans un état favorable de conservation. Les moyens de la biodiversité s'élèvent à 1,8 % de la dépense nationale de protection de l'environnement, ce qui est très peu. On enregistre aussi parfois des reculs : le projet de loi sur la biodiversité prévoit ainsi une quasi-suppression des sites inscrits.

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