Intervention de François Wakenhut

Réunion du 1er octobre 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

François Wakenhut, chef de l'unité Biodiversité de la direction générale Environnement de la Commission européenne :

Lorsque, en 2012, nous nous sommes mis d'accord sur le doublement des crédits d'ici à 2015, l'Union européenne s'est engagée de façon solidaire, sous réserve que cet objectif soit envisagé collectivement, pour l'ensemble des États membres, dont l'engagement individuel est très varié. Entre 2006 et 2010, la contribution de l'Union européenne était d'environ 1,7 milliard d'euros, ce qui fait d'elle, et de loin, le premier bailleur de fonds en matière de biodiversité internationale. Notre trajectoire est conforme aux engagements pris à Hyderabad puisque nous sommes passés d'1,5 ou 1,6 milliard en 2006 à 3 milliards aujourd'hui.

Sur d'autres sujets, nos positions ne sont pas encore définies. Mais nous avons su agir de façon concertée chaque fois que c'était nécessaire, comme lors de l'adoption de l'accord sur les objectifs d'Aichi en 2010, où nous avons joué un rôle moteur.

En matière de biologie synthétique, par exemple, il existe des divergences entre les pays favorables à une application stricte du principe de précaution et d'autres, préférant une approche flexible afin de mettre en valeur les utilisations économiques potentielles ; mais nous devrions parvenir à une position commune.

Concernant l'intérêt du public, j'observe que l'article du Monde faisant état de l' Indice planète vivante est le plus téléchargé. Mais les experts, en général, communiquent mal ; le message devrait être plus clair, sans perdre de vue la complexité des enjeux.

La question du littoral est très sensible : on constate aussi des régressions en Grèce, dans le cadre de la réponse à la crise, car « dynamiser le littoral » revient un peu à le dynamiter ! La Croatie est également à la croisée des chemins en la matière. Une réponse européenne est possible si les États membres le souhaitent. Au vu du débat sur les sols, l'un des freins majeurs au progrès environnemental au niveau européen – alors que la directive proposée était raisonnable –, l'enjeu demeure entier. Reste que nous pouvons utiliser notre arsenal législatif relatif aux sites protégés, au milieu marin et à la qualité de l'eau. Une nouvelle directive sur l'aménagement de l'espace maritime offre par ailleurs quelques pistes, même si la discussion au Conseil et au Parlement européen a été délicate.

Au sujet des agriculteurs, la dynamique du paiement pour service rendu est au coeur du renversement du rapport avec eux. Nous enregistrons des retours d'expérience positifs en la matière mais le dialogue reste parfois sclérosé. La réforme de la PAC est très en-deçà de ce que la Commission européenne avait proposé ; les enjeux de court terme ont dominé la négociation, aux dépens de la transformation de notre modèle agricole. Cela dit, les ouvertures obtenues pourront être exploitées, à condition que les États membres agissent, notamment dans leur stratégie de développement rural.

L'Union européenne a adopté un règlement d'application du protocole de Nagoya et la première réunion des parties à ce texte se tiendra à Pyeongchang. C'est important car il s'agissait d'un des chevaux de bataille des pays en développement, au premier rang desquels le Brésil. Son potentiel en termes de financements innovants est réel et les champs de redistribution en termes d'actions de protection devront être pleinement défendus. La bataille est délicate, certains pays en développement estimant qu'il s'agit d'un retour à la logique de compensation, leur permettant de garder toute latitude sur les financements. À ce jour, trois États membres sont arrivés au bout de leur processus national de ratification : le Danemark, la Hongrie et l'Espagne, qui seront par conséquent parties prenantes lors des discussions, en compagnie de l'Union européenne. Nous souhaitons naturellement que le processus aboutisse au plus vite dans les autres États membres ; c'est une des conditions de notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires.

La pêche en eaux profondes, qui concerne 70 % de la surface de la planète et 90 % du volume des mers, a constitué un des enjeux principaux des CdP de Nagoya et d'Hyderabad. D'ailleurs, à Nagoya, c'est l'Union européenne qui a fait en sorte que le processus, aujourd'hui arrivé à un point crucial de son développement, puisse être engagé. La discussion au sein de l'Union est toujours en cours et des tensions se font jour sur des questions ayant davantage trait à la géopolitique. Nous espérons les régler de manière à ce que l'Union européenne conserve un point de vue offensif.

Des mesures sont nécessaires pour les pollinisateurs. En France, le débat est très actif et nous nous en réjouissons. Votre pays a permis que ce sujet investisse davantage la sphère bruxelloise : des conférences sont régulièrement organisées et mobilisent de plus en plus la société civile, mais ce débat doit être élargi à l'agriculture et aux pollinisateurs sauvages, dont le déclin est inquiétant – comme devrait le montrer une étude scientifique sur laquelle travaille ma direction générale depuis quelques mois et qui arrivera à son terme courant octobre. Ce n'est pas qu'une question de santé animale ; je note d'ailleurs que, lors de l'audition du commissaire proposé pour s'occuper de l'environnement, elle a été posée trois fois.

S'agissant de la compensation, nous travaillons à l'initiative « Aucune perte nette », engagée en 2011 dans le cadre de la stratégie pour la biodiversité 2011-2020. Une consultation Internet se clôturera le 17 octobre. Nous estimons en effet nécessaire d'aller au-delà des engagements pris en matière de conservation et de s'interroger sur l'impact des pertes de biodiversité ordinaire. La France a été pionnière car elle a reconnu ces enjeux dans la loi de 1976, et l'Allemagne a fait de même. On observe aussi des avancées en Espagne, en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Le débat est polémique dans certains États, notamment au Royaume-Uni, où les banques de compensation ont suscité des discussions passionnées. Nous souhaitons promouvoir la nécessité d'investir le champ de protection pour couvrir la totalité des enjeux liés aux écosystèmes. Et nous continuons à travailler sur les réponses en termes de compensation, encore mal définies. La difficulté repose sur le système de mesure utilisé, sachant que nous voulons nous prévaloir de principes permettant de ne pas autoriser des instrumentalisations dommageables. Notre proposition d'initiative étant programmée pour fin 2015, le délai de consultation permettra, je l'espère, de faire émerger une solution satisfaisante.

En ce qui concerne le lieu de la CdP, la Corée du Sud n'est pas la Russie ; elle s'est positionnée de façon très offensive en matière d'économie verte. Je pense donc que la situation y est plus favorable.

Par ailleurs, nous avons un dialogue intense avec l'Équateur sur les questions climatiques et environnementales. Ce pays a été l'hôte du processus de Quito, en vue de décrisper le débat sur les financements innovants et la situation est plus sereine aujourd'hui. Cela dit, il existe des tiraillements entre la défense de la biodiversité – le pays faisant partie de l' Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) – et l'exploitation des ressources.

Enfin, la pêche sans rejet constitue l'une des causes majeures de perte de biodiversité. L'enjeu consiste à différencier les approches selon que les individus rejetés sont vivants ou morts.

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