Intervention de Gilles Boeuf

Réunion du 1er octobre 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Gilles Boeuf, professeur à l'Université Pierre-et-Marie-Curie-Paris VI, président du Muséum national d'histoire naturelle :

Le problème est effectivement que des animaux déjà morts sont rejetés car le sonar ne distingue pas maquereaux, anchois et sardines. Il faut trouver un moyen de différencier les stocks.

Sur plus de 2 millions d'espèces vivantes sur la terre, 250 000 sont des pollinisateurs et, rien qu'en France, il existe plus de 1 000 espèces d'abeilles.

Après avoir tout détruit en mer entre 0 et 400 mètres, on veut aller pêcher à 800, 1 000 ou 1 800 mètres, alors que ces zones sont peu riches en diversité et que les femelles y font souvent des bébés pour la première fois entre dix-sept et trente ans. Cela rend impossible la reconstitution des stocks de pêche, car ces poissons ne se reproduisent pas vite. De plus, c'est inutile. En outre, les bateaux de pêche, très subventionnés par l'Europe, coûtent un prix exorbitant en énergie fossile, ce qui est indéfendable. Quelques kilomètres de chalutage à 1 800 mètres de profondeur détruisent mille ans de constitution d'un écosystème.

Quant au corail, il doit résister à l'augmentation de la température, à l' effondrement de l'acidité, à l'accroissement du niveau de la mer et à la surexploitation, parfois à l'aide de dynamite ou de cyanure. Or, sans le récif corallien, le tsunami de Sumatra en 2002 aurait peut-être tué trois millions de personnes au lieu de 300 000. Je rappelle qu'en Martinique, il reste seulement 1 % du récif.

La Guyane est le seul territoire de l'Union européenne où il reste encore de la forêt d'origine. Mais, pour l'anecdote, sur la carte que le président de la plus grande université scientifique brésilienne a dans son bureau, aucune frontière ne délimite son pays de la Guyane, et des sites Internet brésiliens expliquent qu'il faut aller orpailler dans ce département car le plus grave qui puisse arriver est d'être reconduit à la frontière. La France n'est pas armée pour lutter contre de tels phénomènes.

S'agissant de la biologie de synthèse, ce n'est pas la recherche qui me gêne, mais la philosophie qui l'accompagne. À quoi servirait-il, par exemple, de cloner l'homme de Néandertal ?

Il faut en effet redonner du sens et de la dignité à nos agriculteurs. J'ai d'ailleurs coécrit un livre intitulé Cultiver la biodiversité pour transformer l'agriculture. En 2007, par exemple, alors qu'une grave d'épidémie attaquait les rizicultures en Inde, il a fallu tester 6 000 variétés de riz avant de trouver une espèce, perdue dans l'Himalaya, permettant d'apporter une réponse. La préservation de la diversité biologique est vitale.

Quant au dauphin du Yang-Tsé-Kiang, en France, il aurait été sauvé grâce au monde associatif. Son cas a intéressé le public trop tard.

Je crois beaucoup à l'unité entre la recherche fondamentale, le monde de l'ingénierie et de la recherche finalisée, le monde de l'entreprise, les organisations non gouvernementales, le monde associatif et le monde politique. Cette table ronde constitue à cet égard une opportunité exemplaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion