Intervention de Guillaume Sainteny

Réunion du 1er octobre 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Guillaume Sainteny, maître de conférences à l'école polytechnique :

En ce qui concerne le littoral, la France est vraiment en avance et le sujet, chez nous, est consensuel. Il a fait l'objet de l'instruction Chirac de 1976, de la directive d'Ornano de 1979 puis de la loi littoral de 1986, votée à l'unanimité et qui a relativement bien résisté. Notre pays pourrait donc porter ce sujet.

Dans un premier temps, des pays comme l'Espagne ou la Croatie ont essayé d'adopter des législations inspirées de notre loi littoral, mais, avec la crise, certains pays sont tentés de privatiser leur patrimoine naturel pour le rentabiliser.

Nous sommes confrontés à une inégalité de normes juridiques : les textes législatifs européens primant sur la loi littoral, la directive ERU pousse les maires à aménager des stations d'épuration dans des espaces naturels du littoral, car ne pas la respecter rend passible de pénalités importantes. Une directive littoral serait donc nécessaire.

La Convention de Barcelone constitue à cet égard une bonne mesure, de même que le protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée. Il ne faut pas non plus oublier qu'une grande partie des zones Natura 2000 se trouve sur le littoral. Je rappelle au passage que Xinthia n'aurait pas causé de mort d'hommes si la loi littoral avait été appliquée. La bande des 100 mètres, qui avait au départ un objectif visuel, est devenue un objectif de protection contre l'élévation du niveau de la mer liée au changement climatique. L' Union européenne pourrait ainsi avancer par le biais de la protection des populations civiles, ce qui n'empêche pas par ailleurs un renforcement du contrôle de légalité des préfets sur les plans locaux d'urbanisme (PLU).

La réforme de la PAC devrait en effet être plus ambitieuse et rapide. Je rappelle qu'il existe un confit local important à propos du barrage de Sivens : le conseil général finance lourdement cet ouvrage, qui servira uniquement à l'irrigation de la culture du maïs, dont les inconvénients sont connus. C'est un exemple de subvention dommageable typique.

L'Union européenne pourrait agir davantage pour le maintien des prairies, très avantageux pour la biodiversité – dans un hectare de prairie, on dénombre 60 à 80 espèces végétales différentes, contre trois dans un hectare de maïs –, mais aussi en ce qui concerne les réserves d'eau en cas de pluies ou d'inondations, la trames vertes et bleues, le piégeage des nitrates et le stockage du carbone. Or l'écart des primes entre un hectare de prairie et un hectare de maïs continue à être très défavorable au premier. Je préférerais que les agriculteurs français soient rémunérés par l'intégration du prix du carbone stocké dans la prime à l'hectare de prairie plutôt que par une prime triple – sans compter le subventionnement du drainage et de l'irrigation – quand ils le plantent en maïs.

Un des problèmes liés à la directive sol est l'étalement urbain et l'artificialisation des sols. Je rappelle qu'il n'y aura plus d'agriculture en Martinique en 2050 et que 80 000 hectares disparaissent chaque année en France. C'est peut-être la principale cause de disparition de la biodiversité.

Les départements d'outre-mer reçoivent des fonds communautaires sans être soumis à beaucoup de directives européennes environnementales. Les directives Habitat et Oiseaux ne s'y appliquent pas alors qu'ils sont beaucoup plus riches que la métropole en matière de biodiversité. S'il ne faut peut-être pas appliquer ces textes dans ces territoires pour des raisons de sensibilité politique ou de différence écologique, des mesures de protection devraient quand même prévaloir. Quant à l'orpaillage, au-delà de ce que vous avez dit, il n'engendre aucune retombée économique ou fiscale et pose des problèmes d'insécurité, avec assassinats et traite d'êtres humains.

Le problème ne tient pas au subventionnement de la pêche mais à la forme que prennent les subventions, qui conduit à favoriser la pêche intensive et le chalutage, au travers de la défiscalisation du carburant. Mon rapport fait d'ailleurs la distinction entre les subventions favorables, neutres et dommageables dans ce domaine.

En matière de communication, je suis interloqué par le décalage, en France, entre l' attention portée au changement climatique et celle bénéficiant à la biodiversité. Dans les pays anglo-saxons, au contraire, les deux problèmes sont considérés de même importance.

Les aides fléchées sur l'action pour le climat pourraient porter davantage sur l' adaptation que sur l'atténuation, sachant que les projets d'adaptation sont souvent mixtes et également favorables à la biodiversité.

L'écotourisme pourrait également être développé. Une réforme importante a eu lieu récemment en France, avec le passage de ce domaine sous la coupe des affaires étrangères : le ministre a annoncé un plan de développement reposant sur des pôles, dont un consacré à ce secteur. Notre pays pourrait faire beaucoup plus ; ce serait utile économiquement, d'autant que certaines activités pourraient avoir lieu hors saison, comme l' observation des oiseaux.

Enfin, le Centre thématique européen sur la diversité biologique étant une des rares institutions européennes implantées en France, une visite de votre Commission sur place serait intéressante et utile, d'autant que cette localisation est régulièrement mise en cause.

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