Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 30 septembre 2014 à 16h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Nous vous remercions pour votre rapport très approfondi qui soulève de nombreuses interrogations. Je pense, comme vous, que le positionnement de Polytechnique a vocation à être précisé par l'État au sens général du terme.

Ce rapport m'inspire deux séries de réflexions. Premièrement, je suis frappé par la dégradation de l'expertise scientifique et technique de l'État à laquelle nous assistons depuis une vingtaine d'années, due en partie à l'hémorragie des personnels issus des corps d'État qui, après avoir bénéficié de formations d'une très grande qualité, renoncent de plus en plus souvent à le servir. Lorsque nous avons auditionné la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence au sujet des sociétés concessionnaires d'autoroutes, ces deux instances ont souligné l'affaiblissement de la capacité d'expertise technique de l'État.

J'en donnerai deux exemples, le premier étant issu de mon expérience personnelle. Entré en qualité d'ingénieur des Ponts au ministère de l'équipement en 1976, je peux vous assurer qu'à l'époque, cela voulait dire quelque chose, aussi bien en termes de compétences que de sens de l'intérêt général – des aspects ayant aujourd'hui pratiquement disparu. Or, comme l'a dit M. le rapporteur, si l'élite était alors respectée, c'est parce que les résultats de son travail étaient visibles de tous. Je précise toutefois que l'amoindrissement de la capacité d'expertise technique de l'État résulte sans doute également pour partie de l'affaiblissement général de l'État, lié au processus de décentralisation.

Le deuxième exemple est celui du projet de loi de transition énergétique, dont l'examen en commission a été l'occasion de mettre en évidence le manque d'expertise scientifique et technique que l'on serait en droit d'attendre de l'État.

D'une manière plus générale, j'ai l'impression que la société et la puissance publique – y compris la représentation nationale – négligent de plus en plus cette expertise ce qui est pour le moins étonnant pour une société constamment demandeuse de nouvelles avancées technologiques.

Deuxièmement, à propos de la pantoufle. Un jeune polytechnicien ayant choisi le corps des Ponts – ce qui est méritoire – va, s'il quitte au bout de cinq ans le ministère où il a travaillé, devoir rembourser une partie de sa formation, alors que son condisciple intégrant un fonds d'investissement après avoir passé un master n'aura, lui, rien à rembourser – ni au titre de la rémunération de plus de 800 euros mensuels qu'il a perçue en tant qu'élève, ni au titre de la formation qui lui a été dispensée. Cette situation était proprement aberrante. L'État, qui consent un gros effort au profit de l'École polytechnique, doit en retirer quelque bénéfice, plutôt que d'être systématiquement dédaigné en tant qu'employeur – un phénomène dont l'origine remonte au début du XXe siècle en ce qui concerne la défense.

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