Notre pays souffre aussi de votre incapacité à tenir vos engagements. À force de reculades, vous avez fait perdre son crédit à la parole de la France.
Chacun sait pourtant ici combien la parole politique est importante, particulièrement en économie où deux mots dans la bouche d’un banquier central ou d’un ministre des finances peuvent avoir des conséquences qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros sur les marchés financiers et en dizaines de milliers d’emplois dans la vie réelle.
Mais il y a parole et parole. Un engagement tenu vaut mille fois un « J’aime les entreprises » ou un « My government is pro business » lancé sur les estrades et aussitôt démenti par les faits. Car, gestion Hollande-Ayrault ou gestion Hollande-Valls, le constat est le même. Aucun des engagements de la France n’a été tenu. Le déficit public 2014 était annoncé à 2,2 % du PIB dans le projet de loi de programmation des finances publiques de 2012. Il sera finalement de 4,4 %, le double. Pour que chacun prenne bien la mesure des choses, sachez que l’écart représente juste 47 milliards d’euros, près de deux fois le budget de l’ensemble des régions de France !
Il en va de même de la maîtrise des dépenses. Vous affirmez de manière quelque peu péremptoire que les dépenses sont tenues. En réalité, elles partent à la dérive.
Entre 2012 et 2014, les dépenses publiques ont bondi de 21,5 milliards d’euros. La France n’aura jamais dépensé autant dans son histoire qu’en 2014. Cela signifie que les efforts des Français en matière fiscale que vous leur avez demandé ont en partie servi à couvrir de nouvelles dépenses pas seulement à réduire le déficit. Le savent-ils ? Le leur avez-vous dit ?
Avec 56,5 % de notre PIB consacré à la dépense publique, la France crève les plafonds et tutoie les records mondiaux. Monsieur le ministre, les yeux dans les yeux comme dirait votre prédécesseur, pouvez-vous sérieusement m’affirmer que la dépense publique a baissé depuis 2012 ?
Les impôts, enfin. En septembre 2012, Jean-Marc Ayrault affirmait, là aussi assez catégorique : « Neuf Français sur dix seront épargnés par les hausses d’impôt ». Vos artifices comptables, vos contorsions sémantiques et votre autosatisfaction n’y feront rien : 100 % des Français ont bien compris qu’on les avait ponctionnés de 30 milliards d’euros.
Je le répète, aucun de vos engagements n’a été tenu. Et il y a fort à parier qu’aucun des engagements que vous prenez aujourd’hui ne sera tenu.
En effet, cette année encore, vous faites délibérément le choix de l’insincérité. Vous dissimulez à l’Europe, vous baratinez les Français et j’irai même jusqu’à dire que vous vous mentez à vous-même.
Après son premier discours de politique générale, le Premier ministre Manuel Valls se faisait fort d’aller réclamer à Bruxelles un nouvel équilibre et un nouveau délai pour rétablir nos comptes publics. Pourtant, nos négociateurs – parmi lesquels le nouveau ministre de l’économie Monsieur Macron – n’étaient pas encore à la gare du Nord qu’ils ont dû rebrousser chemin face à la fin de non-recevoir cinglante de Bruxelles.
Comme si cette gifle n’avait pas suffi, vous nous présentez aujourd’hui un projet de loi de finances et un projet de loi de programmation des finances publiques qui méconnaissent nos engagements européens, un budget dont le péché originel est d’être fondé sur une prévision de croissance irréaliste qui en sape toute la crédibilité.
Qui peut croire que la croissance sera de 1,1 % alors que l’INSEE et le Haut conseil des finances publiques jugent cette prévision excessivement optimiste et que le FMI vient de réviser à la baisse ses prévisions économiques mondiales ? C’est aussi un budget fondé sur des économies essentiellement virtuelles. Sur les 50 milliards d’économies promises d’ici 2017, seuls les 11 milliards de baisses des dotations aux collectivités locales existent vraiment.
Le problème, j’y reviendrai, c’est que ces 11 milliards sont une véritable bombe à retardement qui peut se traduire par une hausse massive des impôts locaux ou de dette locale. Au final, les Français paieront plus mais l’équilibre de nos finances publiques ne sera pas rétabli pour autant.
Votre budget, enfin, fait l’impasse sur les vraies réformes. À force de vendre et de survendre à Bruxelles des réformes structurelles que vous ne faites pas ou qui vont « pschitt », vous avez épuisé votre crédibilité auprès de nos partenaires.
La réforme des retraites n’a procuré aucune des économies promises. La réforme territoriale s’enlise et celle des professions réglementées est encalminée. Quant à la réforme du marché du travail ou celle de l’assurance-chômage, vous avez à peine prononcé leur nom que vous avez déjà fait machine arrière.
Comment pouvez-vous exposer notre pays, la cinquième puissance économique du monde, à de telles humiliations, pour reprendre le mot du président de la commission des finances ?
Notre pays, qui par son histoire, sa population, ses talents, ses entreprises a vocation à être le moteur de l’Europe est en passe de devenir son mouton noir. Il ne s’agit pas, naturellement, d’obéir servilement à des injonctions de technocrates zélés mais de protéger les Français contre la crise, d’assumer notre rang et de nous conformer à des engagements que nous avons nous-même pris. Nous devrions être aux avant-postes. Nous sommes sous tutelle.
Depuis 2012, le scénario est toujours le même. Vous nous vendez des économies qui n’existent pas et vous augmentez les impôts pour éponger la dérive des dépenses. Les Français l’ont bien compris. Eux non plus ne vous croient plus, comme le montre leur défiance à chaque nouvelle consultation électorale. Ils ont bien vu que vous leur aviez menti. Ils ont bien vu que les impôts ont augmenté, que les dépenses n’ont pas baissé et que les réformes n’ont pas été faites.
Ils ont bien vu que contrairement à vos promesses, même les plus modestes d’entre eux ont été lourdement taxés. Je pense en particulier à la refiscalisation des heures supplémentaires ou à la fiscalisation de la contribution patronale sur les complémentaires santé qui a touché de plein fouet les Français dont le revenu est compris entre 1 000 et 2 000 euros par mois.
Alors, quand vous leur annoncez une nouvelle fois qu’en 2015 leurs impôts baisseront, ils n’y croient plus. Et ils ont raison car les impôts vont encore augmenter pour les ménages.