Aujourd’hui vous la surjouez pour justifier vos échecs. En continuant de refuser le jeu de la sincérité budgétaire, vous avez affaibli la France en Europe et dans le monde. Vous avez aussi fait de ce lieu, l’Assemblée nationale, qui devrait être le coeur battant de notre démocratie, un théâtre d’ombres, déconnecté de la réalité.
Il est urgent que nos discussions budgétaires retrouvent prise avec le monde réel. Il est urgent de regarder la réalité en face, car c’est le préalable pour prendre les décisions qui s’imposent.
Il faut d’abord parler vrai sur les hypothèses sur lesquelles nous construisons notre budget. Chacun de nous ici sait très bien qu’il suffit de faire varier de quelques décimales l’hypothèse de croissance sur laquelle est construit le budget pour en modifier profondément les équilibres et afficher ainsi une baisse des dépenses là où, en fin d’exercice, on constatera immanquablement l’inverse.
C’est pourquoi je vous propose désormais – et j’ai déposé un amendement en ce sens – que l’hypothèse de croissance sur laquelle seront construits nos budgets soit décidée par le Haut conseil des finances publiques, en fonction du consensus des économistes. Cela n’évitera naturellement pas les révisions en cours d’exercice puisque les prévisions sont par nature soumises à des aléas, mais cela évitera au moins les choix politiques totalement hasardeux.
Je suis d’autant plus à l’aise avec un tel procédé que les budgets que j’avais moi-même mis en oeuvre ou défendus avaient été construits sur des hypothèses de croissance raisonnables et systématiquement révisés par des collectifs budgétaires quand les prévisions s’affaiblissaient. Je crois que j’ai dû défendre au moins trois collectifs budgétaires en un an.
II faut ensuite parler vrai sur la trajectoire des dépenses et l’équilibre général du budget. Vous ne nous y avez pas autorisés l’année dernière.
À parler d’économies quand les dépenses continuent de déraper lourdement, on perd toute crédibilité auprès de nos compatriotes. Aucun Français qui dépensait 1 000 euros en 2014 n’oserait dire qu’il fait des économies s’il en dépense 1 100 en 2015 au seul prétexte qu’il aurait pu en dépenser 1 200. Là encore, parlons simple et parlons vrai. Une baisse est une baisse et une hausse, même modérée, est une hausse.
Vous justifiez des économies dans la branche maladie de la Sécurité sociale parce que les dépenses augmenteront seulement de 2,1 % au lieu d’une improbable dérive des dépenses de 3,9 %. Comment avez-vous calculé ce 3,9 % ? D’où sort-il ? En vérité, c’est un chiffre totalement arbitraire et volontairement gonflé, uniquement destiné à faire apparaître des économies qui n’existent pas. En période d’inflation quasi nulle, jamais les dépenses de santé n’augmenteraient naturellement de 3,9 %.
Vous mettez en avant ce chiffre uniquement pour pouvoir afficher des économies qui sont en réalité virtuelles. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Haut conseil du financement de la Sécurité sociale.
Comment peut-on en effet parler d’économies quand les dépenses augmentent encore à un rythme quatre fois supérieur à celui de l’inflation ? Là encore, j’ai déposé un amendement, et j’espère que sur ce sujet aussi nous trouverons le chemin d’un consensus pour aller collectivement dans le bon sens. C’est toute la méthodologie budgétaire qu’il faudrait revoir.
Je vous propose enfin de parler vrai et de faire de la pédagogie concernant la réalité des déficits. Cessons donc d’exprimer les déficits en pourcentage du PIB et de la richesse nationale : cela n’a aucun sens ! Exprimons-les comme le font tous les Français pour eux-mêmes : en pourcentage de notre budget ou de nos recettes ! On s’apercevra ainsi que le déficit de 2015 – je parle du seul déficit de l’État – n’est pas de 3,6 % du PIB comme vous le présentez, mais de 25,9 %, autant dire presque 26 % des recettes de l’État ! Voilà la réalité que l’on ne montre pas aux Français. C’est beaucoup plus parlant ; l’urgence de la situation n’en apparaît que plus clairement. Quel Français pourrait se permettre de dépenser chaque année un quart de plus que ce qu’il gagne ?
Prenons un autre exemple cher à nos amis écologistes, qui ont inventé le Earth overshoot day, c’est-à-dire le jour du dépassement des ressources de la planète. Ils calculent ainsi chaque année la durée qu’il faut à l’humanité pour consommer les ressources que la nature peut produire en un an. Affichons donc la date à partir de laquelle notre pays entre en déficit : on se rendrait alors compte que notre pays vit à crédit dès le 27 septembre de chaque année. C’est le jour du dépassement des ressources publiques !