Pourquoi pas ? La question qui se pose à nous, si nous exerçons le devoir d’une opposition éclairée, c’est de savoir, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, s’il y a véritablement une conversion, si nous devons l’accompagner et si cette conversion est heureuse.
Y a-t-il conversion ?
Il y aurait une certaine contradiction à imaginer que votre politique s’améliorerait du fait même que votre politique budgétaire se dégraderait. La démonstration que la dégradation des finances publiques énonce, en soi, une amélioration de la politique économique est tout de même sujette à caution. En effet, la réalité est bien là : le solde général en exécution, en 2014 comme en 2015 selon vos prévisions, sera plus mauvais qu’il ne l’était en 2013.
Cette conversion, cette éventuelle évolution et amélioration de votre politique économique, outre que la dégradation de votre politique budgétaire ne suffit pas à l’attester, butte sur un certain nombre de difficultés.
La défiance des Français, tout d’abord. Comment pouvez-vous démontrer que la politique économique s’est améliorée, comment pouvez-vous la partager avec les Français, comment pouvez-vous faire oeuvre de pédagogie utile – c’est indispensable en économie – lorsque votre Gouvernement et votre majorité sont arrivés à un tel état d’impopularité et de défiance ?
Il faudra déployer, monsieur le ministre, une énergie et une foi considérables dans cette conversion pour passer la barrière de l’opinion.
Vous aurez observé la défiance des Français y compris quand, avec quelques gestes de Père Noël, vous imaginez que la solution du problème d’achat des Français se trouverait dans la distribution. Vous l’avez fait à plusieurs reprises au début de ce mandat. Vous le faites encore dans cette loi de finances avec la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu.
Vous le savez pourtant bien : quand la défiance atteint un tel niveau, quand la critique de votre politique budgétaire est à ce point partagée, en France, en Europe, quand la politique économique est si incertaine, ces distributions n’emportent aucun crédit supplémentaire, mais seulement de nouvelles dépenses.
La défiance est aussi celle de votre majorité, vous le savez, monsieur le ministre.
Je reconnais qu’il pourrait y avoir une forme de paradoxe, de notre part, à attendre une conversion tout en dénonçant les contradictions que vous auriez au sein de votre majorité. Je vous l’accorde. Nous préférerions qu’il y ait une conversion et que vous assumiez vraiment la distance, voire peut-être la rupture, avec une part de votre majorité. Ce serait là, véritablement, une conversion salutaire. Vous n’y avez pas l’air résolu aujourd’hui.
Plus concrètement, monsieur le ministre, y a-t-il conversion ? Cela s’évalue à la réalité.
C’est aussi à l’aune de cette réalité qu’il faut évaluer la réponse à la deuxième question. Devons-nous accompagner votre éventuelle conversion ? Y a-t-il matière à le faire ? Peu ; rarement ; difficilement.
D’abord pour des problèmes de méthode, comme le montrent l’évolution de la politique économique et les réformes structurelles auxquelles nous aspirons. Vous pourriez à juste titre nous dire : « à droite, vous demandez des réformes structurelles et lorsque le Gouvernement avance, vous critiquez ! ». Oui, monsieur le ministre, mais il y a tant à critiquer !
Prenons l’exemple des professions réglementées : y a-t-il des évolutions à discuter avec les professions réglementées ? Oui, évidemment, et nous n’en disconvenons pas. Cela s’est dit sous différentes majorités et de nombreuses majorités de droite et de gauche n’ont pas eu le courage de bouger.
Mais un peu de méthode ne nuit pas, monsieur le ministre. Vous avez si tardivement décidé de rendre public le rapport de l’Inspection générale des finances. Vous avez engagé ce débat avec tant d’insultes et tant de raidissements que vous avez assurément gâché la matière et vous êtes lancés, avec le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, vers de mauvais choix.
Quand bien même nous essayerions d’évaluer cette l’éventuelle matière accompagnant une conversion, nous butterions d’abord sur la méthode.
Nous butterions aussi sur les délais. La compétitivité, le pacte de responsabilité, vous en parlez maintenant depuis si longtemps…