Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 15 octobre 2014 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur pour avis :

La question mérite débat. Vous proposez, monsieur le président, de supprimer l'extension du tiers payant intégral aux bénéficiaires de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé – ACS –, déjà accordée aux bénéficiaires de la CMU-C. Rappelons que les bénéficiaires de l'ACS ont un niveau de vie équivalent, au mieux, au seuil de pauvreté : le plafond de ressources applicable est de 973 euros par mois, ce qui correspond à une situation de précarité. S'il y a une population où l'obligation d'avance des frais peut entraîner le renoncement aux soins, c'est bien celle-là. La généralisation à tous les patients est une autre question. Le tiers payant est déjà effectif sur la part financée par les régimes obligatoires ; l'article ne concerne que la part complémentaire.

On peut concevoir que, pour des raisons culturelles, la généralisation du tiers payant ne produise pas les mêmes effets dans notre pays que dans d'autres. Mais nous devons nous efforcer de tenir nos objectifs. Je reste persuadé que la régulation par la responsabilisation du patient n'est pas la bonne méthode : elle n'a jamais produit de résultat satisfaisant. Lorsque nous avons voulu mettre en place les enveloppes globales, avec Claude Évin, nous avons réussi à conclure un accord avec les biologistes, mais jamais avec les radiologues. Puis nous avons proposé les contrats de santé, dont le principe a été repris par une autre majorité, avec aujourd'hui le dispositif du médecin traitant. À propos des contrats de santé, qui étaient une forme d'abonnement, le président de la Fédération française des médecins généralistes – MG France –, qui n'est pourtant pas réputée conservatrice, m'avait fait remarquer que le patient ne manquerait pas d'aller consulter un médecin concurrent si son médecin référent ne lui avait pas prescrit le médicament ou l'arrêt de travail auquel il s'attendait. Pourtant, il revient bien au médecin d'orienter le patient : un malade a rarement un rapport rationnel à sa maladie ! Nous touchons là au fondement de la médecine libérale : les professions libérales de santé veulent que les patients puissent à tout moment choisir leur médecin et en changer s'ils ne sont pas satisfaits, mais, de ce fait, le médecin, qui est pourtant le « sachant », ne peut rien imposer.

Vous en concluez, chers collègues de l'opposition, qu'il faut augmenter la participation du patient pour le responsabiliser. Or, le patient qui en a les moyens n'hésitera jamais à aller consulter un autre médecin ou un spécialiste, car payer la part complémentaire n'est pas un problème pour lui. En revanche, une telle mesure défavoriserait les personnes en situation de précarité et pourrait créer des problèmes de santé publique. Votre amendement, monsieur le président, toucherait lui aussi les personnes en situation précaire. Il est lourd à porter, socialement et politiquement. Avis défavorable.

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