La Commission examine pour avis, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 2252).
L'examen pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – par la commission des Finances apparaît de plus en plus nécessaire tant l'imbrication du budget de la sécurité sociale et de celui de l'État s'accroît. Je me demande d'ailleurs s'il n'y aurait pas lieu de jumeler l'examen de leurs parties respectives consacrées aux recettes. Le rapporteur pour avis nous dira sans doute ce qu'il en pense, après avoir analysé les subtilités de la tuyauterie particulièrement complexe qui relie projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nos textes financiers – projet de loi de programmation des finances publiques, projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale – forment un tout dont la cohérence est fondée sur des objectifs communs, justifiés par le contexte économique général : maîtrise des dépenses publiques et baisse des prélèvements obligatoires.
Le projet de loi de financement pour 2015 s'inscrit dans le cadre de l'engagement pris par le Gouvernement d'économiser 50 milliards d'euros d'ici à 2017, dont 21 milliards portant sur les dépenses de protection sociale.
Il convient donc de retracer ici la trajectoire financière de la protection sociale. À la fin de l'année 2013, les dépenses des administrations de sécurité sociale représentaient près de 563 milliards d'euros, soit 46,6 % de l'ensemble de la dépense publique et 26,6 % du PIB. En termes de pourcentage des dépenses sociales par rapport au PIB, la France se situe au premier rang des pays européens, où ce taux est en moyenne de 20,6 %.
Sur le long terme, il apparaît que l'essentiel de l'accroissement des dépenses publiques est dû à la croissance des dépenses de protection sociale, lesquelles représentent les deux tiers de cette augmentation en points de PIB depuis 1978. Nous connaissons les causes de ce phénomène : vieillissement de la population, évolutions technologiques, augmentation du revenu par habitant. Les dépenses de santé qui ne représentaient en 1960 que 4 % du PIB atteignent 11 % aujourd'hui ; la part des dépenses de retraite dans le PIB est passée de 10 % en 1980 à 14 % aujourd'hui. Depuis les années 1980, comme je l'ai souligné dans mon rapport sur la fiscalité des ménages, l'augmentation de près de 6 points des prélèvements obligatoires a été intégralement supportée par les ménages : elle a permis de financer 4 points de PIB de dépenses de retraites et 1,5 point de PIB de dépenses d'assurance maladie, dépenses représentant respectivement 45 % et 40 % de l'accroissement des dépenses sociales.
Nos régimes de protection sociale n'ont plus été excédentaires depuis 2001. Dans la décennie précédente, seuls trois exercices l'ont été, sous le gouvernement Jospin : 1999, 2000, 2001. Dans les années 1990, les déficits cumulés des organismes de sécurité sociale étaient si faibles qu'ils étaient gérés grâce à des avances de la Caisse des dépôts et consignations plafonnées à 5 milliards de francs. Depuis le début des années 2000, ils ont été déficitaires pour des montants, à de rares exceptions près, supérieurs à 10 milliards d'euros. Cela a généré ce que l'on doit qualifier de dette quasi structurelle. Depuis 1996, nous avons transféré à la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES – 226,7 milliards d'euros de dette sociale, dont 89,3 milliards sont amortis. Évoquons ici un chiffre peu souvent cité : depuis 1996, la dette sociale a généré 42,8 milliards d'euros d'intérêts financiers, soit l'équivalent du budget annuel de l'Éducation nationale.
Alors qu'il n'y a aucune raison pour que les régimes sociaux ne soient pas équilibrés à moyen et long termes, il convient de s'attaquer à cette dette sociale, d'autant qu'elle revient à reporter sur les générations futures le coût de prestations dont bénéficient les générations actuelles.
L'évolution des recettes a été marquée par un mouvement de fiscalisation partielle, qui renvoie à la question de l'articulation entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'origine de ce mouvement est clairement identifiée : l'alourdissement des dépenses a entraîné un besoin de ressources complémentaires, dont le financement est passé par l'augmentation des cotisations sociales, car la croissance de la masse salariale n'a pas suffi. En 2010, la part des cotisations sociales représentait en France 17 % du PIB contre 14 % en Allemagne et en Italie, 11 % en Suède et 9 % en moyenne dans l'OCDE.
Cette fiscalisation a été marquée par la création en 1990 de la contribution sociale généralisée – CSG –, assise sur la quasi-totalité des revenus. Son produit – 91,5 milliards d'euros, soit un montant supérieur aux recettes de l'impôt sur le revenu – a été affecté pour l'essentiel à la Caisse nationale de l'assurance maladie – 55 milliards d'euros –, tandis que 11 milliards sont allés à la branche famille et 11 milliards au Fonds de solidarité vieillesse – FSV. La CSG représente aujourd'hui 16 % des recettes des régimes de base de protection sociale, tandis que la part des cotisations s'élève à 55 %.
Par ailleurs, les allégements successifs des cotisations sociales, à commencer par les « allégements Balladur » en 1993, ont donné lieu à des compensations financées par des impôts et taxes affectés – ITAF –, représentant 12 % du financement de la protection sociale.
Avec la crise économique, le chômage structurel persistant pèse sur les comptes de la protection sociale. Même si une baisse de son taux peut laisser espérer un accroissement des ressources issues de la masse salariale, nous voyons bien que nous atteignons les limites d'un système.
L'efficience de notre système socio-fiscal pose aujourd'hui question. Certes, il constitue l'un des plus redistributifs au monde : il a permis de réduire les écarts de revenus – division par quatre entre le premier et le dernier déciles –, d'améliorer les conditions de vie de ménages en situation de précarité et d'assurer un bon accès aux soins. Toutefois, certaines inégalités augmentent, alors même que les dépenses sociales progressent plus vite que le PIB.
Je terminerai cette introduction générale en évoquant les évolutions tendancielles des différentes branches de la protection sociale.
La branche famille, qui ne devrait jamais être en déséquilibre, connaît un ralentissement du rythme d'évolution de ses dépenses, dont l'augmentation se situe désormais à un niveau faible, de l'ordre de 1 % à 1,5 %.
En matière de retraites, les réformes successives ont conduit à un rythme d'évolution des dépenses beaucoup plus modéré et permettent d'envisager un retour progressif des régimes à l'équilibre.
S'agissant de l'assurance maladie, pour diverses raisons liées au vieillissement de la population, aux innovations technologiques, au fonctionnement même du système, l'augmentation des dépenses se situe aux environs de 2 %. Au-delà du débat sur les modes de calcul de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM –, il faut souligner que, si rien n'était entrepris en termes de régulation des dépenses, l'accroissement serait plutôt de 4 %. Pour 2015 et les années suivantes, la tendance est cependant plus à une augmentation de 2 % qu'à une stabilisation.
Quant au régime d'assurance chômage, la loi de programmation va parfaire l'information du Parlement sur sa situation. Avec 4 milliards d'euros de déficit et 20 milliards de déficit cumulé, la question se pose de savoir quelle réforme structurelle entreprendre pour ramener ses comptes à l'équilibre.
Pour contribuer aux 21 milliards d'économies de dépenses sociales d'ici à 2017, le déficit du régime général poursuit sa décrue : 13,3 milliards d'euros en 2012, 12,5 milliards en 2013, 11,6 milliards en 2014, 10,3 milliards pour 2015. L'effort prévu par le PLFSS porte sur 5,6 milliards d'euros par rapport à la tendance, selon des prévisions macroéconomiques qui établissent à 2 % la croissance de la masse salariale, sachant qu'un point représente 2 milliards de recettes supplémentaires. C'est dire le caractère extrêmement sensible de la question de l'activité pour la réduction du déficit.
Pour ce qui est des recettes, les mesures déjà votées permettront en 2015 d'obtenir 1,2 milliard d'euros de ressources supplémentaires pour la sécurité sociale. L'examen des financements croisés entre l'État et la sécurité sociale fait apparaître une compensation intégrale des 6,3 milliards d'euros au titre des allégements de cotisations, grâce à l'affectation de l'intégralité du produit de la fiscalisation des majorations de pensions – 1,2 milliard – ainsi que des recettes fiscales liées au plafonnement du quotient familial au bénéfice de la branche famille, comme le prévoyait son plan de rééquilibrage.
Dans ce PLFSS, s'affirme la volonté de simplifier les financements croisés entre l'État et la sécurité sociale. Le financement des aides personnelles au logement revient désormais entièrement à l'État, ce qui représente un transfert de 4,75 milliards d'euros. La retenue à la source des cotisations versées par les caisses de congés payés bénéficiera à la sécurité sociale pour 1,52 milliard d'euros en 2015 et 500 millions en 2016 – notons toutefois qu'il s'agit là d'une ressource non pérenne puisque le bénéfice lié à l'accélération du calendrier de versement ne vaut qu'une fois. Est également prévu le transfert de la totalité du produit des prélèvements de solidarité portant sur les revenus du patrimoine et de placement à la Caisse nationale d'assurance maladie – CNAM – pour un montant de 2,53 milliards d'euros. Enfin, des ressources issues d'ajustements de taux de TVA sont transférées à la sphère sociale pour assurer l'équilibre des comptes.
Les 6,3 milliards d'allégements sont bel et bien compensés, ce qui rassurera ceux qui ont exprimé des inquiétudes l'été dernier. Il faudra toutefois trouver d'autres mesures de financement en 2016.
Pour ce qui est de la dette, rappelons que la durée de vie de la CADES n'est plus limitée. La loi organique fixe le principe selon lequel tout transfert de dettes doit être compensé par des ressources nouvelles affectées à cette caisse. Son fonctionnement repose sur le schéma établi par la loi de financement pour 2011 : le plafond de reprise de dette globale est fixé à 62 milliards d'euros et le plafond annuel des transferts à 10 milliards d'euros. Il faut y ajouter la dette sociale portée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS –, d'un montant de 28 milliards d'euros – le PLFSS prévoit de remonter le plafond d'autorisation à 36 milliards d'euros. Certains se demandent s'il convient que l'ACOSS joue un rôle de banquier, à côté de son rôle de collecteur. Le taux d'intérêt très faible auquel elle emprunte, voisin de 0,15 %, lui permettra de venir en aide à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Quant au transfert de sa dette à la CADES, il ne se justifie pas. Outre le fait qu'il impliquerait, en vertu de la loi organique, de transférer les recettes correspondantes, il ne permettrait aucun bénéfice sur le plan financier, puisque la CADES emprunte à un taux bien supérieur – 2,4 % – à l'ACOSS. Reste que, si nous voulons espérer une extinction de la dette sociale au milieu des années 2020, il faudra un jour régler ces problèmes.
Le PLFSS et les mesures réglementaires qui suivront permettront de dégager 4,4 milliards d'euros d'économies. Sont attendus 3,2 milliards d'économies au titre de l'assurance maladie, avec un ONDAM fixé à 2,1 % pour 2015 et à 2 % en moyenne pour les années suivantes, limitation qui ne s'est jamais vue ces dernières années. Par ailleurs, 700 millions d'euros d'économies sont prévus au titre de la branche famille – 1,5 milliard à l'horizon de 2017. Les mesures retenues par le Gouvernement font débat à droite comme à gauche. À mes yeux, ces économies sont pleinement justifiées, car il est impératif de parvenir au rééquilibrage de la branche famille. Reste qu'il est légitime de s'interroger sur la meilleure façon de répartir cet effort. À titre personnel, j'estime qu'il est possible de le faire plus justement que ne le propose le Gouvernement. Nos collègues de la commission des Affaires sociales travaillent à cette question et j'aimerais aussi avoir votre avis, chers collègues de la commission des Finances.
Ce PLFSS comporte de nombreuses avancées sociales, notamment en matière d'accès aux soins des personnes vulnérables et isolées et d'élargissement du tiers payant, mesure que nous pouvons saluer, car nous savons que l'avance des frais est un facteur de renoncement aux soins. La politique d'incitations financières à l'installation des médecins en zone sous-dense est poursuivie. Elle permettra de répondre à cette contradiction qui veut que les dépenses de santé augmentent de manière continue alors que l'accès aux soins est rendu difficile par la désertification médicale dans certaines parties de notre territoire, en milieu rural, mais aussi en grande couronne. Enfin, sont prévues des mesures en faveur du pouvoir d'achat des retraités : revalorisation exceptionnelle de l'allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA – au 1er octobre, versement d'une prime de 40 euros début 2015 pour les retraités touchant moins de 1 200 euros de pension. L'indexation des pensions avait fait débat au mois de juillet, mais une analyse chronologique montre que, au regard d'une très faible inflation, elle n'a pas d'effet marqué. Je vous renvoie aux tableaux du rapport.
Ce projet de loi s'inscrit dans une volonté de rééquilibrage des comptes de la protection sociale, qui doit se faire à un rythme compatible avec les exigences sociales, mais aussi répondre aux besoins de retour à la croissance.
D'après l'Organisation mondiale de la santé – OMS –, et contrairement à ce que prétendent certains, l'accès aux soins ne recule pas en France. Le reste à charge diminue même pour nos concitoyens, ce qui n'avait pas été le cas depuis longtemps.
Autre fait important : les dépenses sont maîtrisées depuis trois ans ; ce sont les recettes qui nous posent problème, car elles sont moindres que prévu, même si l'ONDAM est fixé à un niveau relativement important, bien au-delà de l'inflation, à 2,1 %. La France est le pays de l'OCDE qui consacre la part la plus importante de son PIB aux dépenses de protection sociale : 34 %. Elles augmentent chaque année, mais sommes-nous mieux soignés ? Je n'en suis pas sûr. Sont-elles efficaces ? Je n'en suis pas sûr non plus. J'attends donc beaucoup du projet de loi relatif à la santé présenté ce matin en Conseil des ministres.
Un nouveau traitement de l'hépatite C permet une guérison définitive dans la très grande majorité des cas. Il aura cependant un coût considérable sachant que plus de 200 000 personnes sont atteintes de cette pathologie en France et que le prix de chaque thérapie peut atteindre 70 000 euros par trimestre. Les ressources affectées à l'assurance maladie ne me paraissent pas de nature à supporter une telle charge. Le Royaume-Uni, soulignons-le, a fait un choix très différent du nôtre, après avoir analysé le rapport entre coûts et bénéfices : les patients n'auront pas accès à ces nouvelles molécules.
Nous saluons l'augmentation de la dotation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux – ONIAM –, qui correspond à une demande très forte des associations.
Il nous paraît important d'avancer sur deux sujets en particulier : les génériques et l'hospitalisation à domicile. Nous sommes encore loin d'une généralisation. Je crains que le développement de l'hospitalisation à domicile ne se réduise à un simple effet d'affichage. Il faut aller plus loin.
Trois types de mesures me posent problème. Il s'agit tout d'abord de celles relatives à l'emploi à domicile. La suppression de l'abattement et la fin du régime de déclaration au forfait ont abouti à une chute des emplois à domicile déclarés au profit d'une hausse des emplois dissimulés, ce qui a un coût considérable pour la sécurité sociale. Il faudra que le Gouvernement prenne en compte ces incidences.
Il me semble que les mesures de l'article 17, inspirées par la volonté d'harmoniser le régime agricole avec les autres régimes s'agissant des travailleurs occasionnels, sont une erreur et risquent d'aboutir aussi au développement du travail au noir.
Enfin, les mesures concernant la branche famille ne correspondent pas aux souhaits d'une partie du groupe socialiste. Nous espérons que les amendements déposés en commission des Affaires sociales permettront des avancées. Je le dis, avant que certains ne crient trop fort.
Les dépenses de santé sont appelées à augmenter de manière quasi mécanique pour des raisons liées entre autres au vieillissement et aux innovations technologiques. Cela oblige à une course-poursuite avec les recettes, qui ont tendance à diminuer du fait de la dynamique de la masse salariale. De ce point de vue, il convient d'étudier avec le plus grand soin toutes les décisions de nature à générer structurellement des dépenses supplémentaires ou une accélération des dépenses.
Une mesure m'inquiète en particulier : l'extension du tiers payant aux bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé – ACS –, qui dépassent le million de personnes. Je me demande si une étude précise a été menée pour analyser les effets sur les dépenses pharmaceutiques de la généralisation du tiers payant intervenue dans les années 1980 et 1990 à la suite de mesures prises par des gouvernements de droite comme de gauche. Nous savons que cela a conduit à une inflation de la consommation de médicaments et à une modification sensible des comportements. La régulation des dépenses de santé doit concerner non seulement l'État, les organismes sociaux et les professionnels de santé, mais aussi les patients. Si nous n'acceptons pas qu'il leur soit adressé certains rappels, nous ne parviendrons pas à maîtriser les dépenses.
Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le rapporteur pour avis, que l'écart de 2,6 milliards d'euros entre le déficit prévisionnel et le déficit effectif s'explique par 2,2 milliards de moindres recettes et 400 millions de dépenses supplémentaires ?
Cette année, l'augmentation de la masse salariale a été de 1,6 %, alors qu'un taux de 2,2 % avait été retenu. Le PLFSS pour 2015 retient une hypothèse de 2 %. Vous paraît-elle raisonnable ou plutôt optimiste, comme le laisse entendre le Haut Conseil des finances publiques dans son avis ?
Il est prévu, en 2015, de réduire le déficit de 2 milliards d'euros, en passant de 15,4 milliards à 13,4 milliards. Certes, 3,1 milliards de recettes nouvelles sont prévues : 1,5 milliard au titre de la modification des règles de versement des cotisations sociales sur les congés payés, 1,2 milliard au titre de l'affectation du produit de la fiscalisation des majorations de pensions et 400 millions au titre de la hausse programmée des cotisations vieillesse. Toutefois, si l'on retranche les 1,5 milliard d'euros issus de l'anticipation des versements de cotisations, qui n'aura d'effet qu'en 2015, on observe une quasi-stabilité des recettes.
Enfin, pouvez-vous nous donner le détail de l'ensemble des 9,6 milliards d'économies prévues pour 2015 au titre de la protection sociale ? Que pensez-vous de la réalité de certaines des mesures qui les sous-tendent ?
La loi de financement pour 2014 prévoyait de faire passer le déficit en dessous de la barre des 10 milliards d'euros. Or, aujourd'hui, le déficit du régime général atteint 11,7 milliards d'euros et même 15,4 milliards si l'on inclut le FSV. Cela conduit à s'interroger sur sa sincérité. Par ailleurs, les dépenses sont à peu près tenues : le mode de calcul retenu pour l'ONDAM était-il pertinent ?
La diminution des recettes a de quoi nous interpeller. Elle est liée à l'absence de croissance et de créations d'emplois et à un nombre important de défaillances d'entreprises, situation due pour une part à la politique du Gouvernement.
S'agissant du PLFSS pour 2015, l'hypothèse d'un taux de 1 % de croissance sur laquelle il se fonde est-elle sincère ? La question se pose : le Haut Conseil des finances publiques l'a qualifiée d'optimiste dans son rapport du 1er octobre.
Enfin, je soulignerai l'impact des 700 millions d'euros de mesures d'économies sur la branche famille. Celle-ci subit un véritable matraquage alors qu'elle a déjà été très affectée par la baisse du plafonnement du quotient familial, de 2 300 à 2 000 euros, puis à 1 500 euros, et par les mesures défavorables à l'emploi à domicile. Pour 2015, la restriction des conditions d'accès à la prime à la naissance, le décalage de l'âge de la majoration des allocations familiales, la modification du versement de l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant – PAJE –, la réduction du montant de l'aide à l'embauche d'une assistante maternelle suscitent de vives inquiétudes.
Il faudra trouver de nouvelles recettes en 2016 pour compenser les recettes exceptionnelles de 2015 au titre du prélèvement sur les caisses de congés payés. Il faut donc une perspective à plus long terme.
Le chapitre VI de la quatrième partie du PLFSS est relatif à l'amélioration de l'efficience de la dépense des établissements de santé. Sans doute, nous pouvons tous nous accorder sur la nécessité de maîtriser l'ONDAM – dont la progression que nous avions fixée dans le passé était plus ambitieuse qu'elle ne l'est aujourd'hui. Mais, parallèlement à la généralisation du tiers payant, qui risque d'avoir des répercussions considérables sur les comptes de la sécurité sociale, les agences régionales de santé – ARS – font des coupes claires dans nos territoires de santé, allant jusqu'à fermer des structures qui ne sont pas déficitaires. Sous prétexte de réorganisation, on prive les patients qui habitent en zone rurale d'établissements de proximité.
En même temps, on écorne régulièrement la politique familiale. C'est un très mauvais signe envoyé à nos concitoyens. L'effet de la prime à la naissance sur la natalité est pourtant bien réel.
Quant au secteur de l'emploi à domicile, il a été complètement dévasté, alors qu'il permet l'insertion de personnes peu qualifiées et représente d'énormes recettes, tant sur le plan fiscal que pour le budget de la sécurité sociale. En portant à 1,5 euro, voire à 2 euros, la déduction forfaitaire dont bénéficient les particuliers, nous permettrions de recréer de l'emploi à domicile déclaré.
J'avoue ne pas avoir tout compris du propos liminaire de Dominique Lefebvre. L'année dernière, Valérie Rabault, alors rapporteure pour avis, nous avait commenté des diapositives expliquant l'enchevêtrement des relations entre le budget global et le budget de la sécurité sociale. Serait-il possible que ce document soit mis à jour ou que notre rapporteur nous explique l'article 21 du PLFSS, c'est-à-dire comment les 6,3 milliards d'euros de la loi de financement sont compensés en loi de finances, l'exposé des motifs ne faisant état que de 1,2 milliard ?
Nous aimerions savoir où sont les vraies économies. Le taux de progression de l'ONDAM est fixé à 2,1 %. Cette référence n'ayant pas de sens, comment voulez-vous que le résultat soit interprété positivement ?
La généralisation du tiers payant n'a entraîné aucune amélioration de la prise en charge. Un changement de comportement a bel et bien été constaté dans chacune des disciplines médicales, et pas seulement en pharmacie. La responsabilité en incombe à tous les praticiens, car, en raison de la désertification médicale, ils ne disposent parfois plus du temps nécessaire pour établir un diagnostic et sont tentés de prescrire des examens complémentaires redondants. Il serait bon qu'une étude sérieuse soit enfin réalisée sur le sujet.
L'expression « franchise médicale » a disparu du vocabulaire. Lorsqu'elle était dans l'opposition, Mme Marisol Touraine répétait qu'il fallait à tout prix supprimer les franchises médicales au motif que ce système était injuste. Aujourd'hui, il n'en est plus question.
On nous annonce que, grâce à la chirurgie ambulatoire, on va faire 500 millions d'euros d'économies. Comment ce montant a-t-il été évalué ? Je ne vois rien, en effet, dans le projet de loi, qui permette une structuration de la chirurgie ambulatoire, pourtant nécessaire. Dans ma circonscription, les coopérations qui ont pu être organisées avec des établissements voisins n'ont pas permis de dégager des économies.
Faisons en sorte que le comportement des professionnels et de nos concitoyens n'entraîne pas de dépenses supplémentaires. Malgré la généralisation du tiers payant, jamais la consommation directe n'a autant augmenté.
En matière de politique familiale, la mesure la plus sensible est la suppression de la majoration des allocations familiales pour les adolescents entre quatorze à seize ans. À la différence des aides ponctuelles, comme la prime à la naissance, cette mesure représente l'amputation d'un revenu mensuel pendant vingt-quatre mois. De plus, le principe de l'universalité de l'allocation me paraît très important, dès lors que l'on a touché par deux fois au quotient familial et qu'on n'oserait plus le faire, car l'opposition ne manquerait pas de réagir vivement. En règle générale, il faut éviter de multiplier les mesures de rabotage, et se concentrer sur les mesures structurelles.
Cependant, nous n'explorons pas assez les possibilités d'économies dans le champ des prescriptions médicamenteuses et des examens complémentaires. En tant que professionnel, j'ai pu constater que des examens complémentaires avaient été prescrits de façon excessive. Un cardiologue me disait il y a quelques jours que neuf scintigraphies cardiaques sur dix n'étaient pas justifiées.
Le président Gilles Carrez est revenu sur la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales. J'entends cette petite musique, qui accompagne bien les couplets sur la déresponsabilisation et l'assistanat. Mais j'ai pu constater que la CMU n'avait pas nécessairement entraîné de consultations supplémentaires. Les abus viendront davantage des professionnels que des patients. Quand un patient se rend à une visite de contrôle qui dure une ou deux minutes, le médecin n'ose pas demander le paiement d'une consultation supplémentaire. Dès lors que le tiers payant aura été mis en place, il ne se gênera pas. D'ailleurs, je rappelle que les usagers ne sont responsables que de 17 % de la fraude sociale, contre 83 % pour les professionnels. Évitons, en abordant cette question, de sombrer dans la démagogie.
Je ne suis pas un fervent partisan du tiers payant, mais il présente un intérêt pour les jeunes, notamment les étudiants. En outre, nombre de nos concitoyens préfèrent se rendre directement à l'hôpital où ils n'ont pas à faire l'avance des frais : la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales les inciterait peut-être à aller consulter un médecin dans un cabinet.
Mon intervention risque de paraître iconoclaste. J'ai été interpellé, il y a quelques jours, par la publication d'un rapport qui précise que, alors que la France compte 1 % de la population mondiale, que son PIB s'élève à 4 % du PIB mondial et qu'elle compte pour 6 % de la dette publique mondiale, elle représente 15 % des dépenses sociales mondiales. Doit-on s'en féliciter ou, au contraire, se poser des questions sur la gestion de notre système de protection sociale ?
Ma circonscription compte beaucoup de personnes en difficulté. Quand elles ont un rhume, elles se rendent à l'hôpital, ce qui coûte fort cher. Voilà pourquoi je suis favorable à la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales : cela permettrait d'éviter de fortes dépenses tout en désengorgeant les hôpitaux.
Les chiffres que Marc Goua vient de citer méritent réflexion : j'avais moi-même l'intention de les évoquer. Peut-être devrions-nous, lui et moi, mener une mission commune pour comprendre pourquoi la France représente 15 % des dépenses sociales mondiales.
Lors de l'examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale au mois de juillet dernier, nous avons été plusieurs à demander à Mme Touraine de se pencher sur un médicament prescrit pour la dégénérescence maculaire liée à l'âge – DMLA – et fabriqué par Novartis. Il a été prouvé qu'un autre médicament, produit par le laboratoire Roche, qui n'était pas destiné à cette pathologie, mais à une forme de cancer, pouvait être très efficace pour lutter contre la DMLA et qu'il coûtait vingt-cinq fois moins cher. L'Autorité de la concurrence a été saisie et un amendement a été adopté en ce sens. On peut estimer l'économie à 200 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable.
Ne serait-il pas possible de mettre en place des procédures beaucoup plus efficaces à l'égard des acteurs de la santé ? Dans une ville, chacun sait quels sont les quelques professionnels qui prescrivent beaucoup plus que les autres, qu'il s'agisse de médicaments ou d'arrêts de travail. Pourquoi n'existe-t-il pas des procédures de décision rapides afin de responsabiliser davantage des laboratoires pharmaceutiques ou les professionnels de santé ?
La dette de l'ACOSS sera-t-elle transférée à la CADES ? Quels sont les bénéfices réellement attendus par la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales ? Quels sont les dérapages possibles, sachant que des publics bien spécifiques ont besoin de cette mesure ?
Monsieur Goua, dans mon propos liminaire j'ai mis en regard l'évolution tendancielle des dépenses de protection sociale dans notre pays et la question de l'efficience. Le système de protection sociale est d'autant plus nécessaire que les inégalités primaires sont importantes. La meilleure manière de diminuer les dépenses de protection sociale et de transfert consiste à oeuvrer pour la réduction des inégalités primaires. La question se posera tant que le chômage structurel sera élevé. Je ne peux que vous renvoyer aux excellents propos tenus par notre prix Nobel d'économie, M. Jean Tirole, sur le fonctionnement du marché du travail dans les pays d'Europe du Sud et d'Europe du Nord.
On sait comparer les niveaux de revenus disponibles et les niveaux de pauvreté suivant les différents pays. Les exemples étrangers montrent qu'il est possible de réduire par d'autres moyens les inégalités de revenus disponibles. En termes d'inégalité devant les soins, la France a des ratios tout à fait intéressants, mais on voit bien que le système pourrait être plus efficace. Si nous n'abordons pas frontalement les questions évoquées par Marc Goua et Jean-Pierre Gorges, nous aurons beaucoup de mal à stabiliser la dépense sociale. Le Premier ministre l'a dit, la France vit au-dessus de ses moyens. Il faut donc créer davantage de richesse et mieux utiliser la dépense.
Comment envisager les conséquences des perspectives macroéconomiques sur la masse salariale ? On connaît en général les taux de croissance un à deux ans après la fin de l'exercice : l'art de la prévision est donc extrêmement difficile. Les prévisions de croissance retenues sont celles du FMI, de l'OCDE et de la Commission européenne. Fixer un taux plus bas reviendrait soit à afficher des déficits plus importants, soit à augmenter les prélèvements obligatoires pour réduire les déficits, soit à accentuer la maîtrise de la dépense. À cet égard, j'entends nos collègues de l'opposition contester les mesures d'économie sur la branche famille et sur la branche maladie, et celles à venir sur la revalorisation des retraites, mais je ne les entends proposer aucune mesure d'économies structurelles, à l'exclusion de l'assurance maladie et du tiers payant.
Madame Berger, j'ai tenté de faire un propos introductif accessible aux esprits non scientifiques, mais je peux comprendre que les esprits scientifiques aient été quelque peu perdus. Bien évidemment, le tableau qui vous avait été présenté l'année dernière sera actualisé. Un autre tableau vous sera transmis qui vous montrera, d'un côté, comment 6,3 milliards d'euros sont compensés par l'État et, de l'autre, comment on obtient 1,2 milliard de recettes complémentaires. On connaît l'histoire qui a conduit à reclasser toutes ces petites recettes en fonction d'équilibres ponctuels et précaires de telle ou telle branche. Il faudrait remettre à plat le système de financement de la protection sociale.
Monsieur de Courson, vous faites, je crois, une erreur de raisonnement. Je rappelle que nous devons compenser 6,3 milliards d'euros d'allégements. Le système proposé – retenue à la source des cotisations sociales dues sur les indemnités de congés payés – est intelligent. Actuellement, cette ressource est thésaurisée dans les caisses des congés payés, alors qu'elle devrait être directement affectée à la sécurité sociale. Toutefois, cette ressource n'étant pas pérenne, il faudra trouver – nous n'en faisons pas mystère – d'autres mesures de compensation pour assurer, en 2016, la compensation intégrale des allégements votés au mois de juillet 2014.
Madame la rapporteure générale, la dette de l'ACOSS est sous contrôle ; elle coûte moins cher que celle de la CADES. La loi prévoit un transfert de 10 milliards d'euros par an à la CADES, et c'est bien ce qui va se passer. Il ne faut pas évacuer le débat, la dette est parfaitement connue et gérée avec un faible coût à l'ACOSS. Je rappelle que le transfert à la CADES oblige le transfert de ressources nouvelles. D'autres ont essayé de le faire avant nous. Selon la théorie du sapeur Camember, on comblait un trou en en creusant un autre.
Les discussions que j'avais eues en 1989 avec le président de la Confédération des syndicats médicaux français – CSMF – sont de même nature que celles que nous avons aujourd'hui. En matière d'assurance maladie, il y a un prescripteur, un payeur et un usager. Or, chacun sait qu'un ménage à trois ne fonctionne jamais. On sait aussi que les comportements liés à la maladie sont peu rationnels. En la matière, rien ne vaut le débat qui s'était déroulé, au début des années 1980, entre Edmond Maire et Michel Foucault sur la manière dont les sociétés contemporaines gèrent la question de l'assurance maladie par rapport à l'évolution de notre rapport à la mort.
La responsabilisation des usagers est un poncif. La prise en charge des dépenses d'assurance maladie par le régime général a baissé parallèlement à l'augmentation de la part prise par les mutuelles. Tout cela permet de faire comme si les prélèvements obligatoires augmentaient moins rapidement. Lorsque je suis arrivé au Québec, en 1984, la première chose que l'on m'ait remise est la « carte-soleil », qui m'a permis de ne rien payer. Dans les pays où le tiers payant est généralisé, les dépenses de santé ne sont pas plus importantes que dans les pays où il ne l'est pas. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – du mois de juillet 2013 rappelle que le tiers payant dans les consultations de médecine de ville n'a pas conduit à un gonflement de la dépense. En réalité, plus qu'un effet inflationniste, le tiers payant a un réel effet de justice sociale, puisqu'il limite le renoncement aux soins pour des raisons financières, c'est-à-dire qu'il rapproche le niveau de consommation de soins des personnes les plus pauvres et des personnes aisées. Les personnes aisées ont un meilleur usage du système, soit parce qu'elles le connaissent mieux, qu'elles sont orientées vers tel ou tel médecin ou tel ou tel hôpital, soit parce qu'elles ont la capacité à supporter sur leurs propres ressources une part des dépenses de santé. Quand je vais à la pharmacie, je suis surpris de ne jamais rien payer, alors que je pourrais faire l'avance.
Les questions sont toujours les mêmes : liberté de prescription du médecin, paiement à l'acte, etc. Mais, au bout de la chaîne, c'est la sécurité sociale qui paye. Si l'on estime que le patient doit changer de comportement en mettant en place des mécanismes de régulation et des sanctions financières, il faut appliquer le même modèle, et plus durement qu'on ne le fait aujourd'hui, aux professions libérales de santé qui hurleront à la mort, crieront au libre choix du médecin, à l'atteinte à la médecine libérale. Ce sont bien les mécanismes de régulation que l'on met en place qui fonctionnent.
Pascal Terrasse a rappelé, à juste titre, que le débat sur la manière de faire évoluer les dépenses de la branche famille était en cours. Le Gouvernement a eu le mérite de porter des propositions dont on connaît les objectifs d'économies. Le débat est ouvert sur la manière de les atteindre.
La Commission en vient à l'examen des articles.
PREMIÈRE PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXERCICE 2013
Articles 1er et 2
La Commission émet successivement un avis favorable à l'adoption des articles 1er et 2 sans modification, puis de la première partie du projet de loi sans modification.
DEUXIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXERCICE 2014
Articles 3 et 4
La Commission émet successivement un avis favorable à l'adoption des articles 3 et 4 sans modification.
Avant l'article 5
La Commission est saisie de l'amendement CF18 de M. Philippe Vigier.
Comme nous y invite Dominique Lefebvre, nous vous proposons de réaliser une économie. Cet amendement de justice vise à abaisser de dix fois à une fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale le seuil déclenchant l'assujettissement dès le premier euro des indemnités de rupture les plus élevées aux cotisations de sécurité sociale.
J'indique que j'ai retiré l'amendement CF17.
Il est dommage que l'amendement CF17 soit retiré : je suis sûr que Nicolas Sansu et Henri Emmanuelli l'auraient voté.
Nous avons déjà adopté une mesure dissuasive contre ces formes de niches fiscales. Avant le vote de la loi de finances rectificative d'août 2012, le seuil était de trente fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale. C'est à l'initiative de notre collègue sénateur Yves Daudigny que ce seuil a été fixé à dix fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale, soit 375 480 euros.
La proposition de Philippe Vigier est probablement un peu dure au regard de certaines conditions de licenciement. Considérant qu'un euro est un euro et que tout euro doit être taxé dès son origine, l'un des pères de la CSG ne peut qu'être favorable à cet amendement. À mon sens, passer de dix à un est cependant un pas trop important à franchir.
Nous reprochons régulièrement à l'opposition – et ce fut le cas hier encore en séance publique – de ne pas faire de propositions concrètes, soit d'économies, soit de recettes. Je ne comprends donc pas la position de la Commission sur cet amendement, car rien de ce qui a été fait par le passé n'a été dissuasif. Les « retraites chapeaux » continuent de plus belle, les entreprises incorporent toutes les pénalités fiscales, ce qui fait monter l'addition.
Je regrette que l'amendement CF17 ait été retiré.
Je ne vois pas pourquoi les indemnités considérables que peuvent percevoir certains hauts revenus ne seraient pas taxées de la même manière que n'importe quel autre revenu. Le dispositif des ruptures conventionnelles est très coûteux pour l'UNEDIC.
Les salariés âgés, notamment les cadres, voire les cadres supérieurs, se heurtent actuellement à un problème social. Lorsqu'une négociation s'engage, on leur verse une forte indemnité de licenciement. En fait, on fait payer par les ASSEDIC cette somme qui, pour l'essentiel, est nette d'impôt. Je crois que la CSG est due.
Le rapporteur pour avis estime que notre amendement va dans la bonne direction, mais que nous allons trop loin. Peut-être pourrait-il proposer deux fois la valeur annuelle du plafond, et non une fois.
Dans le texte de l'amendement, la mesure est applicable aux rentes versées à compter du 1er janvier 2014 : c'est une erreur.
Outre les indemnités de rupture conventionnelle, tomberaient également sous le coup de la mesure les primes supra-légales négociées lors d'un plan de sauvegarde de l'emploi, qui peuvent atteindre des montants très élevés lorsqu'il s'agit d'acheter la paix sociale et bénéficient aujourd'hui d'une défiscalisation. Je vous renvoie au rapport que Véronique Louwagie et moi-même avons consacré à la prévention et à l'accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l'emploi.
Je ne comprends pas les réserves du rapporteur. La puissance publique n'a pas à assumer les conséquences de négociations privées !
Je l'ai dit, je regrette le retrait de l'amendement CF17. Quant à l'amendement CF18, outre qu'il convient en effet de le rectifier pour remplacer la date du 1er janvier 2014 par celle du 1er janvier 2015 et la date du 31 décembre 2013 par celle du 31 décembre 2014, l'assujettissement aux cotisations sociales dès le premier euro est particulièrement dur. Il convient d'en étudier les conséquences pour tous les acteurs concernés, en particulier les bénéficiaires d'indemnités de rupture conventionnelle. Il paraît donc nécessaire de poursuivre le débat dans l'hémicycle, raison pour laquelle je m'en remettrai à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l'amendement ainsi rectifié.
Je tiens à dire à mes collègues du groupe UDI que je déposerai avec plusieurs de mes collègues, en vue de la réunion de l'article 88, leur très intéressant amendement CF17 sur les retraites chapeaux.
Articles 5 et 6
La Commission émet successivement un avis favorable à l'adoption des articles 5 et 6 sans modification, puis de la deuxième partie du projet de loi modifiée.
TROISIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2015
Avant l'article 7
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF1 de M. Charles de Courson et CF5 de Mme Marie-Christine Dalloz, et les amendements identiques CF6 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF7 de M. Christophe Castaner.
De l'avis de tous, on est allé trop loin en fixant à 0,75 euro par heure travaillée la déduction forfaitaire de cotisation dont bénéficient les particuliers employant un salarié à domicile. Le Gouvernement l'a reconnu et a accepté, par la voix de M. Christian Eckert, de la porter à 1,50 euro.
Cet amendement a été censuré cet été par le Conseil constitutionnel au nom du principe de « l'entonnoir », parce qu'il n'avait pas été discuté auparavant.
Nous en reprenons le principe. Un montant d'environ 2 euros paraît raisonnable. Tel est le sens de l'amendement CF1.
L'amendement CF5 est identique. Il s'agit d'un amendement d'appel. Pour la première fois, en 2013, la masse salariale nette du secteur des particuliers employeurs a reculé, de 2,2 % en rythme annuel. En 2013, il y a eu 29,5 millions d'heures déclarées en moins par rapport à 2012. Et l'évolution, on le sait, se poursuit en 2014. C'est très inquiétant : comment remplacer ces emplois non qualifiés, sinon par des contrats aidés qui pèseront sur le budget ? Un forfait à 2 euros représente une solution a minima relativement simple.
L'amendement de repli CF6 propose un forfait à 1,50 euro.
Je détaillerai en séance publique le coût réel de la mesure, en retranchant du coût facial les rentrées de cotisations sociales afférentes.
Précision importante : ce domaine d'activité est exclu du champ du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE.
Sortons de l'entonnoir en adoptant mon amendement CF7 !
L'honnêteté oblige à reconnaître que la situation actuelle résulte, outre la conjoncture, de l'effet conjoint de deux mesures successives : avant la suppression de la déclaration au forfait, qui se voulait une mesure de justice, celle de l'abattement de 15 points sur les cotisations patronales, décidée sous la précédente législature et entrée en vigueur le 1er janvier 2012, avait joué son rôle. C'est ainsi qu'ont été supprimés 16 500 équivalents temps plein dans le secteur – officiellement, car nombre de ces emplois ont en réalité basculé vers l'économie noire ou grise, réduisant d'autant les recettes fiscales.
Pour compenser ce double effet, il serait plus juste de porter la déduction forfaitaire à 2 euros par heure, mais nous nous en tenons à 1,50 euro – comme d'ailleurs la commission des Affaires sociales à l'initiative de son rapporteur, Gérard Bapt – en raison des contraintes budgétaires actuelles.
Avis favorable aux amendements CF6 et CF7. La commission des Affaires sociales a adopté le forfait à 1,50 euro ; faisons de même, à l'unanimité, afin que le débat se poursuive sur cette base avec le Gouvernement dans l'hémicycle et qu'une mesure puisse être appliquée au 1er janvier prochain.
Christophe Castaner a eu raison de rappeler l'ensemble de la séquence incluant la suppression de l'abattement de 15 points et celle de la déclaration au forfait, laquelle était défavorable aux salariés.
À ce propos, j'ai été quelque peu surpris des conclusions pour le moins inopportunes de la Cour des comptes sur la fraude aux cotisations sociales – un sujet que j'aborde dans mon rapport. Prétendre que la fraude représenterait 20 milliards d'euros en 2012, quand on plaide matin, midi et soir pour la maîtrise des dépenses, n'est-ce pas une manière de faire diversion ? En outre, le chiffre lui-même est très contestable, de l'aveu même de l'ACOSS : il supposerait que notre pays compte plus d'un million d'emplois non déclarés.
N'oublions pas que, comme je le montre dans mon rapport, les entreprises ayant fait l'objet d'un redressement à la suite d'un contrôle disparaissent au cours des deux années qui suivent, soit au profit d'une nouvelle structure, toujours au noir, soit parce qu'elles ont perdu leur viabilité économique. Les contrôles n'en demeurent pas moins indispensables. Il faut donc parvenir à un compromis.
Certains considèrent que les dépenses correspondant aux avantages fiscaux pourraient être supportées par les ménages dont les revenus sont les plus élevés. D'autres mécanismes, dont le plafonnement, le permettent.
Je suis entièrement d'accord avec vous : au lieu de s'attaquer aux problèmes structurels, on se donne une échappatoire !
Les amendements CF1 et CF5 sont retirés.
Puis la Commission adopte les amendements CF6 et CF7.
Article 7 :
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article sans modification.
Après l'article 7
La Commission est saisie de l'amendement CF20 de M. Philippe Vigier.
À l'UDI, nous pensons que, pour réformer les finances locales, il faut s'attaquer au financement du « bloc social » des conseils généraux, auxquels l'amendement tend donc à octroyer une part de CSG, de manière encadrée, en réduisant à due concurrence la dotation globale de fonctionnement. C'est la énième fois que nous le proposons !
Nous devons rompre avec un système qui met peu à peu en faillite les conseils généraux, où l'on bricole des dotations exceptionnelles, sans la moindre cohérence. Un autre moyen de le faire serait la nationalisation : l'État reprendrait le bloc social des conseils généraux et réduirait à due concurrence la DGF des départements.
Je suis résolument défavorable à cet amendement. Comment Charles de Courson peut-il le défendre, alors qu'il est opposé à la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG ?
Quant au fond, cette dernière a déjà évolué : d'une contribution unique, avec un taux unique, on est passé à quatre impôts différents, avec plusieurs taux et diverses affectations – au régime général, au FSV, à la CADES, à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA. Ne sortons pas cet impôt de la sphère sociale stricto sensu. Il y a d'autres choses à faire, dans le cadre de la réforme territoriale en cours, pour l'avenir des départements et le financement des dépenses sociales. Nous y viendrons au moment opportun.
Sans rouvrir le débat sur le financement des dépenses sociales par les conseils généraux, signalons que l'amendement est satisfait puisqu'une part de la CSG finance déjà les dépenses sociales des départements, en l'espèce l'allocation personnalisée d'autonomie, par l'intermédiaire de la CNSA.
Le financement des prestations universelles par les départements est une aberration : ces prestations sont décidées par le Parlement, les conditions de leur versement sont fixées par décret ; les assemblées départementales n'ont aucune marge de manoeuvre. Les quelques fois où, comme président de conseil général, j'ai voulu refuser une demande de revenu de solidarité active – RSA –, je me suis retrouvé au tribunal administratif, et j'ai perdu !
Dans mon département, les dépenses ont augmenté cette année de près de 7 % pour le RSA et de 5,6 % pour l'allocation personnalisée d'autonomie – APA. Comment faire ? Pour l'APA, nous devions financer la dépense pour moitié : nous en finançons 72 %. C'est la même chose pour le RSA, dont l'État devait pourtant se charger. C'est la politique de l'autruche !
Le comble, c'est que le système en devient anti-redistributif : pour financer notre part de l'APA, nous faisons payer des personnes qui touchent le SMIC, voire moins, alors que plus de 20 % des bénéficiaires de l'APA disposent de revenus financiers !
Sans compter que la proportion de personnes défavorisées varie selon les départements et qu'elle est d'autant plus élevée que le département est pauvre : c'est une forme de double peine. L'inégalité devient alors extrême : les compensations de l'État ne suffisent plus à couvrir les dépenses.
Notre amendement est peut-être imparfait, mais la situation est ubuesque. Mon département, la Seine-Saint-Denis, concentre un grand nombre de pauvres, des personnes âgées et des mineurs isolés, ce qui fait exploser le système.
Nous proposons ici d'affecter une ressource nationale pour dynamiser les sources de financement, mais, à supposer que l'échelon départemental soit adapté à l'instruction des dossiers et au versement des prestations – nous le verrons dans le cadre de la réforme territoriale –, il ne saurait l'être à leur financement. Le financement de la solidarité doit être entièrement nationalisé pour remédier aux disparités qui viennent d'être évoquées. La voilà, la vraie réforme. Certes, elle ne peut passer en loi de finances, mais notre amendement met le doigt sur une situation qui ne peut plus durer. On regrette à propos de la loi de finances l'absence ou l'insuffisance de réformes de structure ; en voilà une, indispensable à la santé financière de nos départements comme au traitement social des personnes concernées.
Tous le disent, sur tous les bancs : le dispositif existant n'est pas satisfaisant, car les payeurs ne sont pas les décideurs, ils se contentent d'exécuter des décisions qui leur sont imposées et devant lesquelles tous les départements ne sont pas égaux.
Je regrette que ce point n'ait pas été abordé dans le cadre du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, ce qui aurait permis de revoir la part des départements et celle qui reste à la charge des familles. J'espère que la réforme territoriale nous permettra de trouver une solution, car l'urgence est vitale pour les départements comme pour leurs habitants.
Nous ne jouerions pas notre rôle de commissaires aux Finances si nous ne soulevions pas ce problème, en proposant des solutions. Celles-ci ne sont pas en nombre infini : soit l'on remonte tout ou partie du bloc social au niveau national, puisque les prestations à financer sont universelles, soit les départements continuent de les gérer, à la manière d'un bureau d'aide sociale, et l'État compense à l'euro près ou au moyen d'une aide affectée, que l'on réajuste chaque année. La nationalisation ou un financement national, voilà l'alternative.
Quelque solution que l'on choisisse, on ne peut continuer ainsi. Le bloc social pèse quelque 40 milliards d'euros, dépenses de personnel incluses. Dans mon département, sur 400 millions d'euros de budget de fonctionnement, le bloc social en représente 300 et augmente de 15 millions par an. Nous sommes très attentifs aux dépenses, nos recettes sont stables ; au bout du compte, nous sommes en déficit de fonctionnement, de 10 millions d'euros cette année. C'est intenable. Prenons nos responsabilités !
Je maintiens donc cet amendement destiné à susciter la réflexion.
En effet, le système ne tient plus. Dans nos départements, les prestations sociales explosent, le RSA surtout, du fait de la crise sociale et économique, mais aussi les allocations liées au vieillissement de la population, sans ressources dynamiques pour les financer.
Mais nous ne pourrons réfléchir à une solution que lorsque nous aurons clarifié les compétences et que la nouvelle organisation sera stabilisée. Allons-nous confier ces compétences, à moyen ou à long terme, aux intercommunalités, qui n'en veulent pas ? Faudra-t-il renationaliser ? On commence à affecter des ressources dynamiques à la région, on parle de lui allouer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. On voit bien toutefois que l'allocation des ressources a pour préalable la clarification des compétences.
Soit, mais l'on sait que les ressources ne seront jamais équivalentes d'une collectivité à une autre, alors que les dépenses sont totalement indépendantes de la gestion de la collectivité puisqu'elles sont liées à l'âge des habitants ou à leur pauvreté. Il y va de la solidarité nationale : c'est à la nation de donner aux collectivités compétentes les moyens de faire face à une situation dont elles ne sont en rien responsables.
Nous savons parfaitement pourquoi nous sommes dans cette situation, et cela fait vingt-cinq ans que nous en débattons. La première fois que j'ai siégé dans l'hémicycle, c'était parmi les commissaires du Gouvernement, derrière le ministre Claude Évin, à l'automne 1988, lors de l'examen du projet de loi relatif au revenu minimum d'insertion – RMI – dont M. Jean-Michel Belorgey était rapporteur. Le RMI était à l'origine une allocation d'État, financée par l'État grâce à la recréation de l'impôt de solidarité sur la fortune et gérée par les caisses d'allocations familiales. Dès cette époque, on avait débattu de la gestion du RMI par les centres communaux d'action sociale. Par la suite, sous le gouvernement Raffarin, cette gestion a été transférée aux départements.
Lors du débat, certains dans l'hémicycle disaient : « Donnez-nous l'argent, nous allons gérer les allocations ! » Mais le transfert aux départements de la responsabilité de l'allocation était un choix politique qui engageait l'égalité des droits, s'agissant d'une prestation de solidarité universelle. S'il a eu lieu par la suite, c'est notamment parce que le budget de l'État ne pouvait plus assumer la dépense. Le département devait financer le dispositif d'insertion, soit 20 % du montant des allocations versées l'année précédente : il apportait une partie des ressources sans disposer des recettes correspondantes. C'est ainsi que l'on a créé un système dans lequel les départements n'ont aucune marge de manoeuvre.
On avait aussi fait valoir dès l'origine la nécessité d'une péréquation, puisque les inégalités, plus ou moins prononcées selon les territoires, l'étaient particulièrement là où les ressources fiscales manquaient le plus.
À l'époque, M. Jean-Michel Belorgey avait insisté sur les principes d'universalité et d'égalité de la prestation, qui ne devait pas pouvoir être distribuée par les élus locaux de manière discrétionnaire. Le choix contraire du gouvernement Raffarin était politique, et non uniquement budgétaire.
Cet amendement d'appel est donc intéressant, mais inepte du point de vue de l'objectif de clarification des compétences et de responsabilisation : il faut conserver à la CSG une affectation simple aux régimes de base de protection sociale. Cela dit, le débat sur la nature des droits à ces prestations et sur notre capacité à les payer est devant nous.
Notre amendement n'est certainement pas inepte ; il est inapproprié peut-être, insuffisant à coup sûr. Mais, si cela fait vingt-cinq ans que nous débattons du dispositif, depuis dix ans celui-ci dérape, asséchant les finances des départements au détriment des autres dépenses qui leur incombent. Or, si l'amendement n'est pas adopté, nous n'aurons eu ce débat qu'entre nous, non avec le Gouvernement, de sorte que tout sera à refaire l'an prochain à moins que l'exécutif ne se décide de lui-même à réagir. Dans l'intervalle, les finances des collectivités, en particulier des départements, continueront d'être mises à mal.
Je le répète, si l'on peut concevoir à l'échelon territorial – départements, métropoles, agglomérations – des guichets de proximité, dédiés à l'ouverture des droits et au traitement des dossiers, le financement, lui, doit être entièrement national, et non passer par une compensation à l'euro près ni, d'une manière générale, par les caisses des collectivités.
Nous redéposerons l'amendement en vue de la réunion de l'article 88. Le but est d'inciter à trouver une solution dans le cadre de la réforme territoriale.
L'amendement est retiré.
Articles 8 à 18
La Commission émet successivement un avis favorable à l'adoption des articles 8 à 18 sans modification.
Après l'article 18
La Commission examine l'amendement CF2 de M. Charles de Courson.
Afin d'encourager l'épargne salariale placée dans un plan d'épargne entreprise – PEE – ou dans un plan d'épargne pour la retraite collectif – PERCO –, nous proposons de l'exonérer du forfait social. En effet, de l'avis de tous, depuis plusieurs années, la fiscalité de l'épargne en général marche sur la tête : on taxe davantage l'épargne de long terme et on détaxe l'épargne de court terme. Cet amendement est un petit geste pour donner plus de cohérence à notre système fiscal en ce qui concerne l'épargne salariale.
Avis résolument défavorable à cet amendement, par lequel nos collègues de l'UDI veulent manifestement, au choix, apporter leur contribution au creusement des déficits ou faire échouer définitivement la discussion engagée avec l'Union européenne par le Gouvernement. Alors que le rendement du forfait social représente 4,6 milliards d'euros, les deux tiers de l'assiette sont constitués des sommes versées au titre de l'intéressement, de la participation et de l'épargne salariale. En visant les sommes abondées au titre des PEE et PERCO, vous proposez une perte de recettes d'au moins 600 millions d'euros. La mesure n'est ni opportune ni soutenable financièrement.
La Commission rejette l'amendement.
Articles 19 et 20
La Commission émet successivement un avis favorable à l'adoption des articles 19 et 20 sans modification.
Avant l'article 21
La Commission examine l'amendement CF13 de M. Philippe Vigier.
Nous proposons ici de supprimer le CICE, dont la complexité est avérée et l'efficacité douteuse : certes les entreprises apprécient l'apport d'argent, mais elles sont conduites à des décisions qui ne sont pas adaptées. Mieux vaudrait substituer au dispositif une suppression pure et simple de l'intégralité des cotisations patronales familiales : ce serait neutre, lisible et équitable. Nous l'avons déjà proposé et nous continuerons de le faire.
Avis défavorable. Nous en avons déjà parlé la semaine dernière dans le cadre du projet de loi de finances, et nous en débattrons cette semaine en séance.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CF16 de M. Philippe Vigier.
Nous proposons de concentrer les allégements généraux de charges sur les bas salaires. En effet, si le recrutement de ces personnes, le plus souvent peu qualifiées, pose problème, c'est que l'entreprise devrait payer les mêmes charges pour une productivité qu'elle considère moindre. Cela vaut pour les jeunes, qui démarrent dans la vie, comme pour les seniors qui souhaitent être réembauchés, et cela contribuerait à la compétitivité des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. Car c'est sur ceux qui connaissent le plus de difficultés que la nation doit concentrer ses efforts de solidarité et d'efficacité, pour ne pas dire d'efficience.
Avis défavorable. Nous avons adopté l'été dernier des mesures d'allégement de charges sur les bas salaires, et nous devons faire preuve de stabilité et de lisibilité. En ramenant à 1,5 SMIC le seuil des « allégements Fillon » tout en le maintenant à 1,6 SMIC pour les moins de vingt-cinq ans et les plus de cinquante-cinq ans, comme vous le proposez, on ne ferait que compliquer encore davantage le dispositif, pour une efficacité relative. Ce sujet suscite le débat, mais tenons-nous-en là pour l'heure.
Cet amendement est en contradiction parfaite avec le précédent, qui tendait à substituer au CICE, lequel cible précisément les bas salaires, une généralisation des allégements de charges.
C'est que le CF16 est un amendement de repli : nous n'espérions guère que le précédent serait voté !
La Commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l'amendement CF14 de M. Philippe Vigier.
Articles 21 à 28
La Commission émet successivement un avis favorable à l'adoption des articles 21 à 28 sans modification.
Après l'article 28
La Commission est saisie de l'amendement CF21 de Mme Monique Rabin.
Dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, deux taux distincts de TVA s'appliquent, l'un aux soins, l'autre aux prestations liées à l'état de dépendance. Cela induit des difficultés d'interprétation des services fiscaux ici ou là. Ce problème est connu et a notamment fait l'objet, en 2006, d'un rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale – MECSS – resté sans effet.
Un amendement plus opérationnel aurait été préférable, mais, voyant qu'une clarification fiscale dès cette année était peu probable, j'ai déposé cette demande de rapport dans l'espoir d'obtenir tout de même des éléments d'explication et de parvenir à l'égalité de traitement entre les EHPAD.
En effet, le dispositif est complexe. Selon qu'ils sont publics ou privés, les EHPAD ne sont pas soumis au même régime de taxation. La TVA est tantôt récupérable, tantôt non, et, lorsqu'elle l'est, c'est en totalité ou en partie, en fonction des activités. Mais les rapports déjà établis n'ont débouché sur aucune décision, sans doute pour des raisons qui ne sont pas uniquement budgétaires.
Je m'en remettrai donc à la sagesse de la Commission, qui pourra ainsi adopter l'amendement afin de le soumettre au Gouvernement en séance et d'obtenir de lui une réponse.
Soit ; mais, même si l'amendement est adopté, cela ne veut pas dire que nous ne renoncerons pas à demander un énième rapport sur ce sujet bien connu.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de la troisième partie du projet de loi modifiée.
QUATRIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L'EXERCICE 2015
Article 29 : Tiers payant pour les bénéficiaires de l'ACS
La Commission est saisie de l'amendement CF4 de M. Gilles Carrez.
Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article qui étend le tiers payant intégral. En effet, j'y insisterai en séance, cette mesure nécessiterait un minimum d'études d'impact, sur le passé – quels ont été les effets constatés de la généralisation du tiers payant sur le médicament ? – comme sur les avantages et inconvénients prévisibles à l'avenir. Je suis sensible aux arguments de Marc Goua, mais je ne trouve pas normal qu'il n'existe aucune étude sur un sujet aussi important. Pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire – CMU-C – l'étude réalisée avait montré une accélération du rythme des soins, puis, assez vite, une stabilisation.
La question mérite débat. Vous proposez, monsieur le président, de supprimer l'extension du tiers payant intégral aux bénéficiaires de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé – ACS –, déjà accordée aux bénéficiaires de la CMU-C. Rappelons que les bénéficiaires de l'ACS ont un niveau de vie équivalent, au mieux, au seuil de pauvreté : le plafond de ressources applicable est de 973 euros par mois, ce qui correspond à une situation de précarité. S'il y a une population où l'obligation d'avance des frais peut entraîner le renoncement aux soins, c'est bien celle-là. La généralisation à tous les patients est une autre question. Le tiers payant est déjà effectif sur la part financée par les régimes obligatoires ; l'article ne concerne que la part complémentaire.
On peut concevoir que, pour des raisons culturelles, la généralisation du tiers payant ne produise pas les mêmes effets dans notre pays que dans d'autres. Mais nous devons nous efforcer de tenir nos objectifs. Je reste persuadé que la régulation par la responsabilisation du patient n'est pas la bonne méthode : elle n'a jamais produit de résultat satisfaisant. Lorsque nous avons voulu mettre en place les enveloppes globales, avec Claude Évin, nous avons réussi à conclure un accord avec les biologistes, mais jamais avec les radiologues. Puis nous avons proposé les contrats de santé, dont le principe a été repris par une autre majorité, avec aujourd'hui le dispositif du médecin traitant. À propos des contrats de santé, qui étaient une forme d'abonnement, le président de la Fédération française des médecins généralistes – MG France –, qui n'est pourtant pas réputée conservatrice, m'avait fait remarquer que le patient ne manquerait pas d'aller consulter un médecin concurrent si son médecin référent ne lui avait pas prescrit le médicament ou l'arrêt de travail auquel il s'attendait. Pourtant, il revient bien au médecin d'orienter le patient : un malade a rarement un rapport rationnel à sa maladie ! Nous touchons là au fondement de la médecine libérale : les professions libérales de santé veulent que les patients puissent à tout moment choisir leur médecin et en changer s'ils ne sont pas satisfaits, mais, de ce fait, le médecin, qui est pourtant le « sachant », ne peut rien imposer.
Vous en concluez, chers collègues de l'opposition, qu'il faut augmenter la participation du patient pour le responsabiliser. Or, le patient qui en a les moyens n'hésitera jamais à aller consulter un autre médecin ou un spécialiste, car payer la part complémentaire n'est pas un problème pour lui. En revanche, une telle mesure défavoriserait les personnes en situation de précarité et pourrait créer des problèmes de santé publique. Votre amendement, monsieur le président, toucherait lui aussi les personnes en situation précaire. Il est lourd à porter, socialement et politiquement. Avis défavorable.
Je suis préoccupé non pas tant par cette mesure que par ce que dit le Gouvernement de ses objectifs en matière de tiers payant. Le dossier de presse qui accompagne le PLFSS indique : « La généralisation du tiers payant intégral constitue un élément essentiel de la démarche du Gouvernement en faveur de l'accès aux soins. Il s'agit d'éviter que l'avance des frais par les patients conduise à renoncer aux soins pour des raisons financières. » Et plus loin : « En anticipation de la généralisation du tiers payant intégral pour tous, le tiers payant est mis en place pour les bénéficiaires de l'ACS ». L'objectif du Gouvernement est donc bien le tiers payant pour tous !
Avant de nous invectiver les uns les autres, il serait utile que nous disposions d'études précises sur les conséquences d'une généralisation du tiers payant, ou que nous demandions à des collègues de conduire une mission sur cette question, notamment pour faire le point sur les exemples étrangers et sur l'expérience des caisses qui ont déjà mis en place le tiers payant. Nous ne pouvons pas décider ainsi sans inventorier les questions et les problèmes.
Je reprends votre argumentaire, monsieur le rapporteur pour avis : le problème, c'est en effet la compatibilité entre le tiers payant et le libre choix du médecin. Je suis prêt à admettre le système du tiers payant à partir du moment où le médecin est imposé. Tel est le mode de fonctionnement des caisses spéciales qui ont mis en place le tiers payant. Le problème que je soulève avec mon amendement est non pas l'extension du tiers payant aux bénéficiaires de l'ACS, mais sa généralisation. C'est ce que j'expliquerai en séance publique.
Je soutiens votre amendement, monsieur le président. Alors que la préparation de ce PLFSS est engagée depuis un certain temps déjà, monsieur le rapporteur pour avis, je ne comprends pas que nous ne disposions pas d'une étude d'impact sur les conséquences de la généralisation du tiers payant. Une telle mesure ne s'improvise pas ! Avec une étude d'impact, nous pourrions avoir une appréciation différente de la question, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. Sans étude d'impact, c'est impossible.
D'autre part, vous nous avez donné raison à propos de la responsabilisation. La question de la responsabilisation se pose pour tous les patients, quelles que soient leurs ressources financières. Il est essentiel que chacun se sente responsable lorsqu'il prend une initiative. Tel est en tout cas notre point de vue. Vous avez dit qu'il suffisait d'avoir de l'argent pour aller consulter un autre médecin. De tels cas se produisent probablement, mais c'est faire fi de la conscience professionnelle des médecins !
Dès lors que l'on met en place un système de tiers payant, il n'est pas souhaitable de laisser la liberté de choix du médecin. Nous sommes passés, je le rappelle, du médecin référent au médecin traitant. Avec le dispositif du médecin référent, mis en place par M. Bernard Kouchner, le professionnel de santé était rémunéré non plus à l'acte, mais au forfait, et le tiers payant était inclus dans ce forfait. En contrepartie, le patient était suivi en priorité par ce professionnel de santé et avait l'obligation de le consulter. Il est dommage que les organisations professionnelles n'aient pas souhaité poursuivre dans cette voie : ce dispositif avait fait la preuve de son efficacité en termes d'économies.
Je suis favorable au tiers payant dès lors qu'il s'inscrit dans un mode de financement global et forfaitaire. En revanche, si l'on maintient dans le même temps le libre choix du médecin, le dispositif risque d'avoir des effets inflationnistes : un certain nombre de médecins se rattacheront très rapidement au secteur 2, et leurs dépassements d'honoraires seront partiellement pris en charge, compte tenu de la généralisation des complémentaires santé. En définitive, le coût sera considérable pour l'assurance maladie.
J'approuve les dispositifs qui facilitent l'accès aux soins, notamment des personnes en situation de précarité, et qui, dans le même temps, permettent de désengorger les services d'urgence des hôpitaux. Mais une généralisation complète n'aurait pas de sens. Par ailleurs, l'utilisateur en vient souvent à considérer qu'un service gratuit – quel qu'il soit – n'a pas de réelle valeur.
Vous venez de défendre mon amendement beaucoup mieux que je ne l'ai fait moi-même, monsieur Terrasse !
Je souscris aux propos de Pascal Terrasse. Il conviendrait aussi de mettre en place, dans notre pays, un suivi du patient au moyen d'un dossier numérique. Chacun pourrait ainsi se rendre compte que des examens sont souvent prescrits par des médecins différents à un même patient. Ce phénomène, encore renforcé lorsque le patient n'avance pas d'argent pour ces examens, contribue à l'inflation des dépenses. Si nous voulons avancer, il faut envisager trois mesures : tiers payant, désignation du médecin et dossier numérique du patient.
Je partage ces analyses. Le débat sur le tiers payant, son impact, ses implications en termes de responsabilisation et son éventuelle généralisation aurait toute sa place dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la santé.
Selon vous, monsieur le président, il manque des éléments d'évaluation préalable et une étude d'impact concernant la mesure proposée. Ce point est d'autant plus important que l'article 29 prévoit une date d'entrée en vigueur décalée. Or, nous avons été quelque peu échaudés, récemment, par les problèmes qu'ont pu poser certaines mesures transitoires et l'évaluation de leur impact, notamment financier, sur les territoires et sur les acteurs économiques. Il vaut mieux, parfois, se donner un peu plus de temps avant d'envisager une généralisation, en recourant à l'expérimentation territoriale : cela évite de commettre des erreurs que l'on devra corriger par la suite. À cet égard, Laure de La Raudière et moi-même venons de remettre un rapport qui traite notamment de la qualité des études d'impact. Je serais d'avis que la Mission d'évaluation et de contrôle ou le Comité d'évaluation et de contrôle confie une mission d'évaluation sur le tiers payant à des députés issus de la majorité et de l'opposition.
J'ai bien compris que l'amendement visait davantage à susciter un débat sur la généralisation du tiers payant qu'à supprimer la mesure prévue à l'article 29 en tant que telle. Celle-ci vise, je le rappelle, à étendre le tiers payant aux bénéficiaires de l'ACS. L'étude d'impact laisse penser que le taux de recours à l'ACS pourrait augmenter d'un point et que le coût pour l'assurance maladie serait compris entre 12 et 18 millions d'euros. Il ne me semble guère justifié de supprimer cette mesure au motif qu'il y a un débat plus large sur le tiers payant.
Je suis néanmoins tout à fait d'accord pour que nous évoquions la question du tiers payant en séance publique. Du reste, elle a déjà fait l'objet de rapports et d'études internationales. Nous avons d'ailleurs eu ce débat de principe chaque fois que nous avons réalisé une avancée : lors de l'instauration des bons d'aide médicale, lors de celle de la CMU, lors de celle du tiers payant pour les médicaments. Certains médecins disent qu'ils ne veulent pas devenir, avec le tiers payant, des fonctionnaires rémunérés par la sécurité sociale. Nous avons rencontré le même problème avec les pharmaciens il y a vingt ans. Or, aujourd'hui, aucun pharmacien ne souhaite revenir en arrière par rapport au mode de fonctionnement actuel. Je ne parle même pas de la carte Vitale : il a fallu plusieurs années pour la mettre en place, mais elle a fini par entrer dans les moeurs. Aujourd'hui, rien ne démontre que la CMU ait entraîné un recours aux soins des personnes défavorisées plus massif qu'avec le système des bons d'aide médicale. Je comprends que le tiers payant suscite des débats et que l'on ne souhaite pas l'étendre dans n'importe quelles conditions, mais il reste à prouver qu'une généralisation aboutirait à une modification dommageable des comportements et à une explosion des dépenses de santé.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 29 sans modification.
Articles 30 à 47
La Commission émet successivement un avis favorable à l'adoption des articles 30 à 47 sans modification.
Article 48 : Création d'une dotation prudentielle sur le champ OQN
La Commission est saisie de l'amendement CF11 de M. Charles de Courson.
La mesure prévue à l'article 48 revient à interrompre la convergence tarifaire entre les hôpitaux publics et les cliniques privées. Or, la convergence tarifaire présente au moins un avantage : elle permet d'y voir plus clair et d'établir des comparaisons.
Le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie estime que l'ONDAM pour 2015 est tenable à condition d'assurer un suivi infra-annuel des dépenses, ce qui suppose d'avoir la possibilité de faire jouer un mécanisme de réserve prudentielle. La suppression de l'article reviendrait en réalité à exonérer les établissements de santé privés de tout pilotage infra-annuel. Le mécanisme prévu à l'article 48 est le suivant : s'il n'y a pas de dérapage des dépenses, la dotation mise en réserve sera entièrement restituée aux établissements de santé privés ; dans le cas contraire, elle ne sera pas restituée, ou pas intégralement. En 2015, elle pourrait être de 8 millions d'euros, soit un montant identique à celui qui est mis en réserve pour les établissements de santé publics via le gel des tarifs. Comparé au montant total de l'enveloppe pour 2014 – 2,8 milliards d'euros –, ce montant apparaît symbolique. Nous ne pouvons pas nous priver d'un outil de régulation infra-annuel de la dépense : la dotation prudentielle est nécessaire pour faire face à un éventuel dérapage. Tous les établissements de santé doivent cotiser pour que nous puissions tenir l'objectif. À défaut, cela retombera in fine sur le secteur public, et Marie-Christine Dalloz se plaindra que l'on ferme les hôpitaux de proximité !
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le rapporteur pour avis, le montant du déficit cumulé des hôpitaux publics en 2014 ? Il s'agit en quelque sorte d'un déficit caché : on connaît le déficit qui peut exister dans tel ou tel hôpital, mais le montant consolidé de ces déficits n'apparaît pas dans le PLFSS.
Je souhaite connaître non pas le montant de la dette, mais celui du déficit annuel. Prenons l'exemple de l'Ardèche : les sept ou huit hôpitaux du département accusent chacun un déficit qui va de 500 000 à 2 millions d'euros ; le déficit à l'échelle de l'Ardèche doit donc être de 7 à 8 millions d'euros. Quel est le montant du déficit cumulé à l'échelle nationale ?
On évoque souvent le déficit cumulé des hôpitaux qui sont en déficit, mais il conviendrait de mettre en regard l'excédent cumulé des hôpitaux qui sont en excédent.
Le déficit annuel net des hôpitaux publics est de l'ordre de 400 millions d'euros. Il s'ajoute aux 30 milliards de déficits cumulés. Ces chiffres figureront dans mon rapport.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 48 sans modification.
Articles 49 à 60
La Commission émet successivement un avis favorable à l'adoption des articles 49 à 60 sans modification.
Article 61 : Modulation de la prime à la naissance
La Commission examine l'amendement CF12 de M. Charles de Courson.
La prime à la naissance s'élève actuellement à 923 euros, quel que soit le rang de l'enfant. Avec cet article, le Gouvernement propose de maintenir ce montant pour le premier enfant, mais de le baisser à 308 euros – c'est-à-dire de le diviser par trois – à compter du deuxième enfant. Cela paraît aberrant ! Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement du Gouvernement, monsieur le rapporteur pour avis ? Autrefois, on considérait que, jusqu'à deux enfants, les parents ne faisaient que leur devoir. Si l'on avait supprimé la prime à la naissance pour le premier enfant, j'aurais donc pu, à la rigueur, comprendre la logique de la mesure.
Le raisonnement du Gouvernement est simple : l'objectif est de rétablir les comptes de la branche famille, ce que la majorité précédente n'a pas fait. Or, rétablir les comptes sans augmenter les prélèvements obligatoires implique de réaliser des économies. Il y a plusieurs manières de procéder, et les mesures proposées par Gouvernement ont, chacune, leur cohérence. Comme vous le savez, le Gouvernement a écarté les mesures qui auraient pu porter sur les allocations familiales et sur leur majoration, qui constituent la plus grande masse au sein des prestations familiales.
Vous l'avez compris : il y a un débat entre le Gouvernement et le groupe SRC à l'Assemblée sur cette question. Pour ma part, j'ai indiqué à la ministre des Affaires sociales, il y a quinze jours, qu'il n'était pas nécessairement normal qu'un foyer fiscal ayant des revenus analogues à ceux du mien perçoive non seulement des allocations familiales universelles, mais aussi une majoration de 64 euros lorsque les enfants ont plus de quatorze ans. Surtout lorsque l'on sait que les mesures envisagées toucheraient toutes les familles, notamment le report de quatorze à seize ans de l'âge à partir duquel la majoration est versée. Déterminer qui doit contribuer à l'effort d'économies relève d'un choix politique. La majorité fera des propositions, y compris sur la modulation de la prime à la naissance à compter du deuxième ou du troisième enfant. Cependant, nous tiendrons l'objectif d'économies. L'opposition ne sera crédible dans ce débat que si elle nous explique comment elle ferait pour rétablir les comptes de la branche famille.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 61 sans modification.
Articles 62 à 65
La Commission émet un avis favorable à l'adoption des articles 62 à 65 sans modification.
Après l'article 65
La Commission en vient à l'amendement CF19 de M. Philippe Vigier.
Cet amendement vise à améliorer l'interconnexion des fichiers afin de renforcer la lutte contre la fraude. Cela permettra de détecter automatiquement certaines fraudes.
Il convient de lutter contre toutes les formes de fraude – aux cotisations comme aux prestations –, qui alimentent le débat populiste. Votre intention est donc louable, monsieur de Courson. Néanmoins, je vous suggère de retirer votre amendement et d'en revoir la rédaction, si vous souhaitez avoir un débat sur ce point en séance publique. En effet, votre amendement ne fait pas référence aux articles pertinents du code de la sécurité sociale. En outre, il n'aurait qu'une portée limitée : l'administration fiscale transmet déjà toutes les informations nécessaires aux caisses de sécurité sociale, en application des articles L. 152 à L. 162 B du livre des procédures fiscales. Enfin, pour lever toute incertitude juridique, il faudrait examiner ce qu'il convient de faire pour garantir la confidentialité des données et la protection de la vie privée.
La fraude aux prestations familiales consiste souvent à dissimuler la composition réelle du foyer. Le rapprochement des déclarations faites aux caisses d'allocations familiales et des fichiers des fournisseurs de gaz ou des opérateurs de télécommunications permettrait de découvrir des incohérences. Il s'agirait d'une innovation.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez fait part l'un et l'autre de votre étonnement à propos du montant de la fraude aux cotisations sociales – 25 milliards d'euros – cité dans le rapport de la Cour des comptes. Et vous avez dit quelque chose de très juste : lorsque des chiffres sont jetés en pâture de la sorte, ils servent d'alibi. Voilà ce qui risque de se passer : lorsque nous allons proposer des réformes structurelles afin d'améliorer notre système de protection sociale, on va nous répondre qu'il faut d'abord récupérer l'argent de la fraude. Je propose qu'un député de la majorité et un député de l'opposition mènent une nouvelle mission sur ce sujet. On entend tellement de choses sur la fraude !
Je suis d'accord avec votre proposition, que le bureau de la Commission pourra examiner cet après-midi même.
La Commission rejette l'amendement.
Article 66
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 66 sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de la quatrième partie du projet de loi sans modification.
Elle émet enfin un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 modifié.
Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 15 octobre 2014 à 9 h 30
Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier
Excusés. - M. Jean-Claude Fruteau, M. Patrick Lebreton, M. Victorin Lurel, M. Pierre Moscovici, M. Éric Woerth
Assistait également à la réunion. - M. Luc Belot