Le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale nous a chargés l'an dernier, Jean-Louis Touraine et moi, d'un rapport sur les politiques publiques de lutte contre le tabagisme. Il l'a adopté à l'unanimité. Nous assurons désormais le suivi de la question. Les chiffres qui sont avancés sont exacts. Les ressources liées au tabac s'élèvent bien à 15 milliards d'euros, tandis que le coût induit s'établit à quelque 45 milliards d'euros, soit le triple. Nous l'avions écrit dans notre rapport, pour mieux combattre l'idée reçue que rappelle l'exposé sommaire de l'amendement, à savoir que les fumeurs « rapporteraient » plus à l'État qu'ils ne coûtent.
De nombreux textes répriment le tabagisme. La loi Evin, excellente à cet égard, fut suivie par le décret Bertrand interdisant de fumer dans les lieux publics. Leur application systématique réduirait encore la consommation de tabac.
Mais d'autres problèmes se posent désormais. La France a le triste privilège de connaître, en Europe, le taux plus élevé de femmes enceintes continuant de fumer durant le dernier trimestre de leur grossesse, et ce taux est du reste en augmentation. Les relevés opérés dans les voitures font également apparaître que le taux d'acide nicotinique y est élevé, notamment sur les sièges arrière. Aussi faudrait-il y interdire la consommation de tabac quand des enfants de moins de douze ans y sont assis.
Si les textes actuels sont plutôt bien appliqués, les propositions nouvelles peinent à trouver des relais. Certes, le président de la République a lancé un plan cancer, tandis que la ministre Marisol Touraine a récemment présenté un programme de réduction du tabagisme. Le paquet de cigarettes coûtera également bientôt 30 centimes d'euros supplémentaires. Mais les effets de la réglementation se font parfois attendre. Ainsi, en Australie, l'imposition du conditionnement neutre au 1er décembre 2012 n'a pas produit de résultats probants, bien que le prix du paquet de cigarettes soit prohibitif : 15 euros ! Au contraire, la consommation de tabac a même augmenté.
Je suis surpris que l'on anticipe, en cas de hausse des prix, une baisse de la consommation, sans prévoir la hausse concomitante des achats transfrontaliers, comme il est aisé d'en faire en Alsace ou à Metz. La contrebande et la contrefaçon sont également à prendre en compte, les cigarettes produites en Europe de l'Est s'écoulant à 1,40 euro seulement le paquet.
Je suis favorable à la lutte contre le tabagisme, mais je ne veux pas d'une lutte en ordre dispersé telle que nous l'observons aujourd'hui. Je déplore le manque de politique cohérente en ce domaine. Quelle est, au demeurant, la position du gouvernement sur les deux amendements de Mme Delaunay ? Je rappelle que nous en avons déjà examiné à plusieurs reprises, qui ressemblaient beaucoup au deuxième.