COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 14 octobre 2014
(Présidence Mme Martine Carrillon-Couvreur, vice-présidente de la Commission)
La séance est ouverte à vingt et une heures trente-cinq.
La Commission poursuit l'examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 2252) sur le rapport de MM. Gérard Bapt, Olivier Véran, Mme Martine Pinville, MM. Michel Issindou, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau.
Je souhaite commencer cette réunion par une observation relative au rôle de notre assemblée. Cet après-midi, à chaque fois que j'ai défendu un amendement visant à réformer structurellement le financement de la sécurité sociale, M. le rapporteur m'a répondu qu'il nous fallait demander l'avis de madame la ministre. Or, l'Assemblée nationale a tout loisir de faire des propositions sans être à la remorque du Gouvernement. J'aimerais donc que, dorénavant, le rapporteur prenne des positions claires.
Je vous donne acte de votre observation. Cependant, il me semble que la Commission a su faire des propositions et que certains amendements ont permis de faire avancer les choses.
Après l'article 15
La Commission examine l'amendement AS124 de M. Dominique Tian.
On sait que les commissions de recours amiable (CRA) ne font qu'entériner les positions des organismes de sécurité sociale. Nous proposons donc de permettre aux cotisants qui le souhaitent d'y défendre leurs droits. En outre, cela épargnerait aux URSSAF des procédures longues et inutiles.
Avis défavorable. Les CRA sont des instances chargées des précontentieux, et non des contentieux. Leurs décisions – validées, le cas échéant, par le directeur de l'organisme – peuvent être ensuite contestées devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS). Si les CRA devaient entendre les cotisants, on voit mal comment on pourrait refuser à ces derniers de se faire représenter par des avocats, et ce serait l'escalade. Restons-en à la procédure actuelle, qui est rapide.
La Commission rejette l'amendement.
Article 16 : Simplification des modalités de contestation des cotisations AT-MP
La Commission est saisie de l'amendement AS132 de M. Dominique Tian.
S'agissant du remboursement des cotisations indûment perçues par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), il convient de conférer à l'action engagée en matière de tarification un effet interruptif de la prescription applicable aux cotisations correspondantes.
Il me semble que cet amendement est satisfait par l'article 16 lui-même. En effet, l'insécurité juridique provoquée par plusieurs revirements de jurisprudence de la Cour de cassation en matière de remboursement de cotisations AT-MP indûment perçues avait conduit madame la ministre à s'engager à résoudre ce problème après expertise. C'est ce qu'elle fait avec l'article 16. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
Nous nous félicitons que madame la ministre ait jugé notre amendement suffisamment judicieux pour répondre à la question qu'il soulève. Néanmoins, nous le maintenons et, s'il n'est pas adopté, nous le soutiendrons à nouveau en séance publique afin de connaître l'avis du Gouvernement. Il nous semble en effet qu'il apporte une réponse plus complète que l'article 16 au problème posé par les revirements de jurisprudence.
Il est quelque peu contradictoire de reprocher au rapporteur, comme l'a fait M. Vercamer, de ne pas prendre position et de se retrancher derrière le Gouvernement, et de refuser de tenir compte de son avis lorsqu'il le donne, en réclamant celui de la ministre ! En tout état de cause, je demande à la Commission de repousser cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 16 sans modification.
Article 17 : Modernisation du recouvrement des cotisations du régime de la mutualité sociale agricole
La Commission adopte l'article 17 sans modification.
Article 18 : Création d'un guichet unique pour les prestations familiales des marins
La Commission adopte l'article 18 sans modification.
Après l'article 18
La Commission examine l'amendement AS257 du rapporteur.
Cet amendement vise à simplifier les règles déterminant le régime qui sert les prestations en nature des travailleurs indépendants exerçant par ailleurs une autre activité non indépendante. Il s'agit de leur permettre de rester rattachés, s'ils le souhaitent, à leur régime d'origine.
La Commission adopte l'amendement.
La Commission est saisie de l'amendement AS38 de M. Francis Vercamer.
Les amendements AS38, AS37 et AS39 visent à réformer en profondeur le système des retraites, en proposant respectivement une mise en extinction progressive des régimes spéciaux et leur alignement progressif sur le régime général. En dépit des différentes réformes intervenues, nos régimes de retraite restent en grande difficulté, en raison notamment de l'allongement de la durée de la vie. En outre, il convient de garantir une certaine justice sociale. Or, les régimes spéciaux offrent un certain nombre d'avantages qui, s'ils pouvaient être justifiés par le passé, ne le sont plus aujourd'hui. Il est donc nécessaire d'instaurer un régime universel, a fortiori depuis que le Gouvernement a instauré le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité sera appliqué à compter du 1er janvier 2015, selon des modalités qui ont été discutées avec les branches professionnelles. Comment expliquer à des parlementaires étrangers par exemple que, dans notre pays, coexistent des régimes spéciaux, un régime général et un compte pénibilité ? Ouvrez les yeux, chers collègues de la majorité ! Quelle est la justification des régimes spéciaux, dès lors qu'il existe un compte pénibilité dont les critères sont notamment le travail de nuit, le travail posté ou le travail en caisson hyperbare ?
Nous sommes tous favorables à l'universalité à long terme. Encore faut-il que l'alignement des différents régimes se fasse par le haut et que ne soient pas remis en cause des droits acquis par les salariés grâce à leur travail. Au demeurant, certains régimes spéciaux sont exemplaires sous certains aspects, tel le régime minier, dont la majorité précédente avait décidé l'extinction et que nous avons souhaité maintenir. Ce régime comporte en effet une offre de soins de proximité, dont on s'inspire aujourd'hui dans la lutte contre la désertification médicale. Il faut donc faire preuve de discernement avant de supprimer des régimes qui donnent satisfaction, même s'ils peuvent poser problème d'un point de vue financier. Et je ne parle pas du droit local qui s'applique en Alsace et Moselle…
Cet amendement, que je vais voter, est une façon pour nous de relancer, comme chaque année, le débat sur les retraites, en montrant que, si les réformes intervenues ont permis des avancées, le problème n'est pas réglé. À ce propos, je demanderai à madame la présidente de la Commission de créer une mission d'information sur le suivi de la réforme de 2013, dont les décrets d'application ont été publiés en janvier 2014, car la situation de nos caisses de retraite n'a pas connu d'amélioration depuis. Quant au compte pénibilité, véritable usine à gaz qui ne répond ni aux préoccupations de nos concitoyens ni aux attentes des entreprises, il a été remis en question par le Premier ministre lui-même. Plutôt que de rouvrir sans cesse le débat, donnons un coup de pied dans la fourmilière et réglons le problème une fois pour toutes ! Je crois du reste que, si nous n'en prenons pas l'initiative, nous y serons contraints sous peu.
Je constate que nos collègues de la majorité sont plus enclins à protéger les régimes spéciaux que les caisses de congés payés de la fédération du bâtiment ou du spectacle.
Je précise à M. Liebgott que l'amendement ne vise que les nouveaux entrants, dont je ne suis pas certain qu'ils soient très nombreux dans le secteur des mines… Les deux autres, en revanche, visent à aligner les différents régimes, ce qui, je le reconnais, serait plus complexe : raison de plus pour voter celui-ci !
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AS118 de M. Dominique Tian.
La Commission examine les amendements identiques AS37 de M. Francis Vercamer et AS119 de M. Dominique Tian.
Si notre amendement était adopté, chers collègues de la majorité, vous pourriez faire porter la responsabilité de la suppression des régimes spéciaux à l'UDI…
Il s'agit d'un amendement fondamental. Je rappelle que les déficits des régimes spéciaux sont financés par les salariés du privé. Une telle situation n'est ni tenable, ni juste. Une réforme s'impose donc. Il faudra bien qu'un véritable débat ait lieu sur cette question, comme le demande d'ailleurs la Cour des comptes.
Il ne faut pas raisonner de façon caricaturale. N'oubliez pas, chers collègues de l'opposition, que si les pensions des fonctionnaires sont calculées sur les six derniers mois de traitement, les primes sont exclues de ce calcul. Or, nous savons, étant pour la plupart d'entre nous gestionnaires de collectivités locales, que ces primes forment une part importante, voire croissante, des rémunérations. Il faudrait établir une comparaison détaillée des différents régimes sur ce point.
Gouverner, c'est prévoir, monsieur Liebgott. Or, le Conseil d'orientation des retraites (COR) a montré, dans une étude parue avant la réforme de 2013, que, dans les années à venir, le taux de remplacement des fonctionnaires sera supérieur à celui des salariés du privé. Il est donc temps d'agir et d'engager une nouvelle réforme des retraites. Nous allons célébrer, l'année prochaine, le soixante-dixième anniversaire de notre système de protection sociale. Croyez-vous que, depuis la Seconde Guerre mondiale, le monde et la société n'aient pas évolué ? L'ensemble du système, notamment l'assurance maladie, doit être réformé en profondeur, pour y introduire davantage de justice et d'équité.
J'ai vu récemment un reportage consacré aux conducteurs de trains à grande vitesse (TGV), qui partent à la retraite à 52 ans. Savez-vous ce qu'ils font, une fois à la retraite ? Ils vont conduire des TGV en Corée ou ailleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils ne sont donc pas si fatigués. C'est bien la preuve que leur régime de retraite est inadapté.
Je ne peux rester sans réaction devant les propos de M. Tian. Les réformes successives vont aboutir à l'alignement progressif des différents systèmes. La majorité précédente a elle-même voté en 2008 celui des durées et des taux de cotisation, et nous ne l'avons pas remis en cause. J'ajoute que ceux des employés de la SNCF qui choisissent de partir à la retraite à 52 ans touchent une pension largement minorée, de sorte qu'ils doivent chercher un emploi de conducteur de bus ou de tramway, moins avantageux. Ils se font donc rares aujourd'hui… Peut-être l'extinction des régimes spéciaux ne se fait-elle pas assez vite à votre goût, mais le processus est en cours. Ne remettons donc pas ce sujet sur le tapis dans le cadre de ce PLFSS, qui plus est avec une telle exagération.
Il faut se féliciter que le savoir-faire français s'exporte jusqu'en Corée. (Sourires.) Il y a même un praticien hospitalier qui est allé opérer en Corée du Nord ! S'agissant du rapport d'information demandé par M. Robinet, je crois qu'il pourrait être confié au COR, dont c'est la mission. Enfin, M. Tian devrait faire confiance à la loi Fillon, qui a prévu l'harmonisation progressive des durées de cotisation. Je propose donc de rejeter ces amendements.
La Commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements AS39 de M. Francis Vercamer et AS120 de M. Dominique Tian.
La Commission examine l'amendement AS123 de M. Dominique Tian.
Comme en témoigne un très récent rapport de la Cour des comptes, la situation du Régime social des indépendants (RSI) est dramatique, notamment en raison de la fraude, qui lui aurait fait perdre beaucoup d'argent. Il est vrai que le RSI s'acharne à réclamer des cotisations à ceux qui ne lui doivent rien et oublie ses débiteurs véritables… Je demande par conséquent que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur ce régime, même si des évolutions doivent intervenir prochainement. Chaque semaine, nous sommes interrogés dans nos permanences par les victimes de ces dysfonctionnements.
Les dysfonctionnements du RSI sont anciens ; ils ont été dénoncés à maintes reprises, et encore l'an dernier par la Cour des comptes. Des progrès ont néanmoins été réalisés. Je m'étonne au passage que M. Tian soit aussi sévère avec cet organisme, dans la mesure où sa présidence est assurée par les employeurs. En tout état de cause, il me semble que ce serait plutôt aux rapporteurs de notre Commission ou à la MECSS de faire un rapport sur ce sujet. J'ajoute que la Cour des comptes a fixé des objectifs au RSI et qu'elle peut vérifier auprès des organismes contrôlés s'ils sont remplis. Je propose donc à M. Tian de retirer son amendement, faute de quoi j'y serais défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Chapitre III : Relations financières entre les régimes et entre ceux-ci et l'État
Article 19 : Financement des besoins de trésorerie du régime des exploitants agricoles
La Commission examine l'amendement de suppression AS164 de M. Dominique Tian.
Je suis très étonné par cet amendement, dans la mesure où l'article 19 vise à répondre à une demande de la Mutualité agricole (MSA), qui souhaite se financer auprès de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) plutôt qu'auprès du Crédit agricole, et ce afin de réaliser une économie annuelle d'une trentaine de millions d'euros. Avis défavorable.
Il ne s'agit pas de savoir auprès de qui se finance la MSA, mais de s'inquiéter que celle-ci ne renforce encore sa capacité d'endettement alors que le régime souffre d'un déficit chronique considérable. Après avoir pris beaucoup d'argent à toutes les entités encore excédentaires, on s'arrange pour qu'un organisme gravement déficitaire puisse emprunter un peu moins cher ! Nous aurions préféré que l'on nous propose des mesures pour lutter contre cet endettement.
Cet article vise à permettre à la MSA de réaliser quelques dizaines de millions d'euros d'économies, et vous nous parlez de son déficit. Ce n'est pas le même débat. Il s'agit ici de répondre à une demande ponctuelle. Mieux vaut que la MSA économise 30 millions d'euros plutôt que d'emprunter à des taux supérieurs auprès d'un établissement bancaire, fût-il le Crédit agricole.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement AS165 de M. Dominique Tian.
À cause du tour de passe-passe organisé par cet article, la « banque » de la sécurité sociale, l'ACOSS, va supporter de nouvelles charges, pour un montant de 3,5 milliards d'euros, alors que l'encours total de sa dette a dépassé les 130 milliards. On peut donc s'interroger sur la pertinence d'une mesure qui consiste à y ajouter la dette de la MSA. Tout cela explosera un jour ou l'autre !
En supprimant l'alinéa 3, vous supprimez l'autorisation de consentir des prêts et avances d'une durée inférieure à douze mois. Par contre, vous maintenez, pour le régime des exploitants agricoles, la possibilité de recourir à des prêts et avances.
Cet amendement n'ayant aucun sens, je propose de le repousser.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 19 sans modification.
Article 20 : Organisation comptable et budgétaire de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte
La Commission adopte l'article 20 sans modification.
Article 21 : Réaffectation de la taxe sur les salaires, des droits de consommation sur les tabacs et de la contribution sociale de solidarité des sociétés dans le cadre de la compensation des mesures du pacte de responsabilité
La Commission examine l'amendement AS9 de M. Jean-Pierre Door, tendant à supprimer l'article.
Cet amendement nous permet de dénoncer la supercherie à laquelle s'est livré le Gouvernement dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) adoptée en juillet dernier. Environ 6 milliards d'euros d'allégements de charges ont été actés, mais non compensés, alors que la loi organique dispose expressément que toute exonération de cotisation ou de charge doit être intégralement compensée, à l'euro près.
Le Gouvernement nous avait dit à l'époque que la compensation interviendrait dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015, c'est-à-dire aujourd'hui. Elle consiste d'abord à transférer l'aide personnalisée au logement (APL) – 4,6 milliards d'euros – de la branche famille vers le budget de l'État, ensuite à prélever pendant un an 1,5 milliard sur les caisses des congés payés du bâtiment et des spectacles, enfin à transférer vers le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) le produit de la fiscalisation des majorations familiales de retraite. Tout cela n'est que pure supercherie.
Cet artifice va permettre d'accroître le budget de l'État. Mais comment l'État va-t-il compenser ces 4 milliards d'euros supplémentaires ? Personne ne le sait. Et qu'en sera-t-il en 2016 ? Allez-vous continuer ce jeu de cache-cache, où l'on compense au petit bonheur, en allant chercher des recettes ici ou là ? Quel expédient prendra la suite du prélèvement sur les caisses de congés payés qui, vous l'avez assuré, ne sera pas renouvelé l'an prochain ? L'APL sera-t-elle durablement transférée au budget de l'État, au détriment d'ailleurs de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), qui est loin d'être satisfaite de cette manipulation ?
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 21.
Si nous n'allons pas jusqu'à soutenir l'amendement de M. Door, nous le rejoignons sur la question de la compensation des pertes de recettes votées dans le cadre de la LFRSS et sur le terme de « supercherie ».
Mme la ministre nous avait expliqué que cela ne nuisait en rien aux prestations sociales, puisque la perte de recettes était intégralement compensée. Les gens ne comprennent pas ce discours, car l'argent qui sert à la compensation est bel et bien prélevé sur certains budgets. Nous aimerions savoir lesquels, car je doute que ce soit neutre.
Par ailleurs, l'argent qu'affecte l'État à la compensation des recettes aurait pu être consacré, soit au maintien des prestations familiales, qui vont être rognées, soit à la réduction du déficit. C'est une question politique, et vous aurez beau expliquer les choses, les gens ne comprendront pas que l'on réduise, d'une façon ou d'une autre, dans le contexte actuel, les prestations familiales.
Cet été, il manquait 6 milliards d'euros de recettes. Aujourd'hui, il manque toujours 6 milliards. Comment allons-nous faire, si ce n'est en aggravant encore la dette ? Le rapporteur va sans doute nous expliquer comment ces 6 milliards vont être compensés. Pour cette année, nous avons compris que 1,5 milliard sera pris sur les caisses des congés payés du bâtiment et des spectacles. Mais, comme cela ne se reproduira pas l'année prochaine, vous trouverez sûrement d'autres solutions pour 2015 ! Quant aux 4,5 milliards transférés au budget de l'État et qui disparaissent du budget de la sécurité sociale, vous allez également nous expliquer comment ils seront compensés. Ne nous répondez pas que cela ne concerne pas la Commission des affaires sociales car, pour le coup, nous sommes tous concernés à la fois par le budget de la sécurité sociale et par le budget de l'État.
Je me rappelle la discussion que nous avons eue lors de l'examen du PLFRSS. L'opposition nous disait sans cesse : « Vous dites que ce sera compensé, mais on veut savoir comment ! » Et lorsque nous répondions que cela figurerait au PLF pour 2015, on nous rétorquait : « Nous voulons le savoir tout de suite. »
Aujourd'hui, nous examinons le PLFSS pour 2015, et je me permets de vous rappeler l'engagement majeur qui a été pris cet été, en réponse à notre exigence unanime : l'État compensera les effets du pacte de responsabilité sur le budget de la sécurité sociale, et le fera à l'euro près. Et vous nous demandez, une fois de plus, comment ; mais ce sujet, cher collègue, est débattu en ce moment même dans l'hémicycle.
Puisque vous parlez de supercherie, je rappellerai aussi celle à laquelle vous vous étiez livrés lorsque, pour financer la réduction du déficit du FSV, vous aviez, à la façon du sapeur Camember, interverti avec la branche famille, des recettes qui n'étaient pas pérennes. Marie-Françoise Clergeau avait à juste titre dénoncé le procédé. En l'occurrence, il s'agissait effectivement d'une supercherie, car la diminution inéluctable du produit de l'exit tax, pour ne prendre que cet exemple, avait pour effet mécanique l'aggravation du déficit de la branche famille, qui n'a pas manqué de se produire.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose de mettre à la charge de l'État les allocations logement, qu'il s'agisse de l'aide personnalisée au logement (APL) ou de l'allocation de logement à caractère familial (ALF). Il est normal que ces mesures soient financées par la solidarité nationale, et ce transfert de charges concourt par ailleurs à la compensation des pertes de recettes liée au pacte de solidarité sur le budget de la sécurité sociale, compensation qui se fait bien à l'euro près, comme vous le réclamiez. Mais cela ne vous empêche pas de continuer à nous demander comment le PLF, actuellement en discussion dans l'hémicycle, va faire pour y parvenir !
Malgré des circonstances difficiles, le déficit de la sécurité sociale va diminuer cette année, fût-ce insuffisamment, et continuera de diminuer l'an prochain. De la même façon, le budget de l'État voit son déficit diminuer d'année en année par rapport à celui que vous nous aviez laissé, chers collègues de l'opposition.
Selon la Cour des comptes, la dette sociale est plus pernicieuse que celle de l'État, car elle correspond à des prestations distribuées aujourd'hui, mais gagées sur l'avenir des enfants mêmes à qui ces prestations s'adressent.
Je propose donc à la Commission de repousser l'amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements AS258 et AS259 du rapporteur, visant à corriger des erreurs matérielles.
Elle adopte ensuite l'article 21 modifié.
Après l'article 21
La Commission est saisie de l'amendement AS210 de Mme Dominique Orliac.
Cet amendement a déjà été examiné dans le cadre de la LFRSS pour 2014. Il n'a pas lieu d'être, car les associations bénéficient pleinement de son article 2 ; les avantager par rapport à d'autres structures créerait une iniquité. Avis défavorable, donc.
L'amendement est retiré.
Article 22 : Modalités de versement de l'État à la sécurité sociale des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au titre de l'« exit tax »
La Commission adopte l'article 22 sans modification.
Article 23 : Approbation du montant de la compensation des exonérations mentionnées à l'annexe 5
La Commission adopte l'article 23 sans modification.
Titre II Conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale
Article 24 : Approbation du tableau d'équilibre de l'ensemble des régimes obligatoires pour 2015
La Commission examine l'amendement AS24 de M. Francis Vercamer, tendant à supprimer l'article.
L'équilibre budgétaire et financier du projet de loi de financement de la sécurité sociale semble compromis, car les hypothèses sur lesquelles il repose pèchent par optimisme. Le chômage, en particulier, continue de progresser, et l'INSEE ainsi que d'autres organismes prévoient qu'il en sera de même en 2015, ce qui pèsera sur les recettes comme sur les dépenses. Le Gouvernement table en outre sur une croissance de 1 % du PIB et sur une inflation de 1,2 %. Si je n'ai pas d'idées préconçues sur l'inflation, j'estime en revanche que la prévision de croissance est surévaluée, compte tenu des projections des organismes spécialisés, selon lesquels elle sera moindre. Il semble donc que l'équilibre financier ne sera pas davantage atteint qu'en 2013 et en 2014, années où les déficits ont été plus importants que ceux prévus initialement.
Bien que ce soit pour des raisons différentes, nous sommes également pour la suppression de l'article. Nous aurions souhaité, en effet, un équilibre différent, dans lequel les prestations sociales, familiales en particulier, ne soient pas rabotées. Nous voterons donc l'amendement.
Je vous fais crédit de votre bonne foi, monsieur Roumegas, mais cela ne vaut pas forcément pour tous les partisans de la suppression de l'article…
Je comprends l'inquiétude de certains concernant la croissance, mais les instituts de prévision ont montré par le passé qu'il leur arrivait souvent de se tromper ! Il n'est donc pas interdit d'avoir une vision plus optimiste. Au demeurant, ce qui compte, dans un système contributif fondé sur des cotisations, c'est moins la progression du PIB que celle de la masse salariale, sur laquelle sont assises les cotisations, et qui sera de 1,2 % en 2014. Cela peut sembler surprenant, mais les salaires continuent de progresser dans le secteur privé.
S'agissant des retraites, le comité de suivi nous dira, le 15 juin prochain, si la progression des recettes est suffisante pour assurer l'équilibre financier que nous avons prévu à l'horizon 2020. Il y a, certes, des raisons objectives de s'inquiéter pour l'avenir, mais il y en a aussi de croire que celui-ci sera meilleur grâce aux mesures que nous avons prises, notamment dans le cadre du pacte de responsabilité, pour redresser l'économie, l'emploi et, donc, les recettes de la sécurité sociale. Il serait regrettable d'anticiper des déficits. Faisons davantage confiance, les uns et les autres, aux capacités de notre pays et aux politiques que nous menons ! Ne soyons pas défaitistes !
Je suis défavorable à l'amendement.
S'agissant de la branche famille, en admettant que le dispositif gouvernemental proposé soit intégralement adopté – ce qui, dans l'attente de l'intervention de Mme Marie-Françoise Clergeau, n'est pas encore acquis –, les dépenses seront encore en augmentation en 2015 par rapport à 2014. Rappelons que l'ensemble des dépenses sociales représentent, dans notre pays, 33 % du PIB, record mondial. Si l'on doit bien rechercher plus d'efficience et de justice sociale tout en maîtrisant les dépenses, y compris celles de la branche famille, et sans créer de nouvelles injustices, cela paraît préférable pour la bonne santé économique de la nation. C'est pourquoi il convient, en l'état actuel de notre débat, d'adopter l'article 24 tel qu'il est rédigé.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 24 et l'annexe C.
Article 25 : Approbation du tableau d'équilibre du régime général pour 2015
La Commission adopte l'article 25 sans modification.
Article 26 : Approbation du tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (FSV), détermination de l'objectif d'amortissement de la dette sociale et des prévisions de recettes du FRR et de la section 2 du FSV pour 2015
La Commission adopte l'article 26 sans modification.
Article 27 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l'emprunt
La Commission adopte l'article 27 sans modification.
Article 28 : Approbation du rapport sur l'évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B)
La Commission examine l'amendement AS17 de M. Jean-Pierre Door.
Je reviens en quelques mots sur l'article 21, avant le fameux transfert de charges dont le rapporteur semble satisfait. Nous persistons à dire qu'il s'agit d'une simple acrobatie budgétaire entre le PLFSS et le PLF et d'une véritable supercherie, contraire à la loi organique que vous aviez pourtant vous-même votée. Vous étiez favorables, en effet, à ce que toutes les exonérations soient intégralement compensées par des recettes nouvelles.
En l'espèce, il s'agit d'un simple transfert à fonds perdus, puisqu'on ne sait pas comment les 4,3 milliards d'euros seront financés par le budget de l'État – à moins que le rapporteur, la ministre ou le secrétaire d'État chargé du budget ne nous le dise prochainement.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 29 à 32, qui puisent à la même inspiration que l'article 21.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que nous ne puissions avoir confiance dans les solutions que vous proposez pour redresser les finances de notre pays. Démontrez-nous, monsieur le rapporteur, que nous sommes de mauvaise foi en nous apportant, lorsque nous débattrons du même sujet dans l'hémicycle la semaine prochaine, une fois que la première partie du PLF aura été examinée, la preuve de l'économie réalisée. Aujourd'hui, vous nous dites seulement que vous allez faire financer une dépense transférée par un budget déjà fortement déficitaire. Nous ne voyons vraiment pas comment vous allez faire.
Le budget de l'État a sa logique et ses équilibres. Le transfert existe, et il sera compensé par les économies que doit faire l'État. Celui-ci a choisi d'assumer entièrement cette dépense pour que la sécurité sociale ne creuse pas son déficit. Vous avez tout loisir, monsieur Barbier, d'aller consulter le projet de loi de finances.
Il n'y a pas de mauvaise foi à dire que les allégements contenus dans le pacte de responsabilité sont compensés : il existe différentes façons de le faire. Qu'il s'agisse de recettes supplémentaires ou de dépenses transférées, le résultat est le même : les pertes de recettes de sécurité sociale liées au pacte de responsabilité seront intégralement compensées.
Le déficit du budget de l'État continuera à diminuer, même si cette diminution, comme celle du déficit de la sécurité sociale, est ralentie par rapport aux objectifs. Mais, à la question, que vous avez posée tout au long de cet été, de savoir si les pertes de recettes de sécurité sociale seraient compensées, la réponse est oui.
Je suis défavorable à l'amendement.
Si les recettes du PLFSS passent dans le PLF, nous allons finir par nous demander à quoi sert le PLFSS et s'il ne serait pas préférable de supprimer sa partie recettes pour la transférer au PLF !
Monsieur le rapporteur, nous sommes tous les deux membres du Haut Conseil du financement de la protection sociale. Jamais nous n'y avons vu pratiquer ce genre de tuyauterie ! Lorsque l'on veut compenser des exonérations de charges, il faut baisser le coût du travail, nous en sommes tous d'accord, et il y a d'autres solutions pour ce faire. Il y a la TVA sociale, dont il faudra bien accepter de débattre un jour. Il y a les autres taxes, les impôts, la CSG, etc. Mais jamais, au grand jamais, on n'a vu un transfert du type de celui qui nous est présenté, et que le budget de l'État devra bien compenser de son côté. Nous voulons savoir où sont passés 4,5 milliards d'euros, et j'attends une réponse la semaine prochaine, car je pense que vous-même ne le savez pas aujourd'hui !
L'argumentation de M. Door est extraordinaire. Il commence par nous demander où sont passées les recettes de la sécurité sociale. Mais ce ne sont pas des recettes qui sont transférées au budget de l'État : ce sont des dépenses ! M. Door assiste régulièrement aux réunions du Haut Conseil du financement de la protection sociale, où l'on débat de la prise en charge des dépenses en distinguant entre les dépenses de solidarité, que les partenaires sociaux considèrent comme devant relever du budget de l'État, et les dépenses assurantielles, qui sont gagées sur des cotisations et relèvent du budget de la protection sociale. Le fait que des dépenses puissent aller d'un côté ou de l'autre, selon que l'on considère qu'elles relèvent du domaine assurantiel ou de la solidarité, n'est donc pas nouveau, puisque cela est régulièrement discuté lors des réunions du Haut Conseil, et je suis désolé que M. Door ne s'en aperçoive que ce soir !
L'engagement du Gouvernement, que nous lui avons demandé par un vote unanime de l'Assemblée nationale, est tenu. Les dépenses pour la sécurité sociale sont intégralement compensées.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 28 et l'annexe B sans modification.
Après l'article 28
La Commission examine l'amendement AS19 de Mme Michèle Delaunay.
En 2006, l'Institut national du cancer a demandé à deux auteurs issus du milieu académique de réévaluer une étude qu'ils avaient publiée, concernant le coût sanitaire et social du tabac. Cette réévaluation a été reprise par la Cour des comptes en 2012 et par les rapports de notre collègue Jean-Louis Touraine et de notre ancien collègue Yves Bur. Les chiffres sont spectaculaires : le coût sanitaire et social du tabac s'élève à 47,7 milliards d'euros, soit trois points de PIB, soit encore 742 euros par Français, fumeur ou non.
La Cour des comptes dit elle-même que ces dépenses considérables doivent être recalculées de manière plus précise, mais elle n'en conteste pas le caractère considérable. Ces quelque 50 milliards annuels nous privent de toute marge de manoeuvre en matière de sécurité sociale. C'est vrai pour les dépenses de santé, c'est vrai pour les molécules nouvelles, c'est vrai aussi pour la compensation de la perte d'autonomie. Nous sommes pieds et poings liés.
Mon amendement vise à fixer les prix du tabac en tenant intégralement compte de cet énorme surcoût. Je dis bien surcoût, car l'on doit évidemment soustraire de ces 47,7 milliards d'euros les 13 milliards d'euros de droits de consommation que rapporte le tabac ainsi que, sans vouloir faire de mauvais esprit, le montant des pensions des 73 000 personnes qui meurent chaque année à cause du tabac avant même – dans leur immense majorité – de pouvoir profiter de leur retraite. Les gens qui travaillent avec la Chine disent d'ailleurs que ce pays, qui aurait eu la capacité d'interdire le tabac à l'intérieur de ses frontières, s'en est sciemment gardé afin de réduire le « péril gériatrique » qui le menaçait. Je pense que ce n'est pas totalement faux.
Aujourd'hui, il serait irresponsable de ne pas prendre en compte ce coût sanitaire et social dans la fixation des prix du tabac. J'ai travaillé avec Gérard Bapt sur le bisphénol et, alors que nous n'avions en la matière que de fortes présomptions, elles ne nous en ont pas moins amenés à prendre des mesures drastiques. Or, y a-t-il un autre produit que le tabac qui tue un consommateur sur deux ?
Je connais les deux critiques principales qui seront faites à cet amendement. On me dira d'abord qu'il y a bien d'autres produits toxiques, au premier rang desquels l'alcool. C'est vrai, mais il faut bien commencer par un bout. En outre, la toxicité de l'alcool est moins facile à cibler que celle du tabac, qui est la drogue à la fois la plus toxique et la plus addictogène.
Une seconde critique consiste à dire qu'on ne peut pas le faire si les autres pays ne le font pas et que, si les pays européens, en particulier, ne le font pas en même temps que nous, il y aura de la contrebande. Mais il faut bien qu'un pays commence. Et je crois pouvoir vous dire que le premier pays qui évoquera le coût sanitaire et social global du tabac et qui fixera son prix en fonction de ce coût sera suivi, car les autres pays sont, eux aussi, plombés par l'ampleur des dégâts.
Je ne vous ai pas parlé de l'aspect humain, car je crois que ce dont nous devons parler aujourd'hui, à un moment où les budgets sont incroyablement contraints, ce sont des 50 milliards d'euros qui nous filent chaque année entre les doigts parce que nous ne sommes pas assez courageux.
Même si nous ne le faisons qu'à l'occasion d'un amendement, je me réjouis que nous rouvrions le débat sur le tabac. J'anime un groupe de travail contre l'ingérence de l'industrie du tabac, auquel participe le Comité national contre le tabagisme (CNCT). Les mesures que nous proposons vont dans le même sens que l'amendement proposé. Si le prix du tabac doit être multiplié par trois, encore faut-il le faire d'un coup pour que cela produise un effet dissuasif. Car, en échelonnant cette hausse, le législateur en diluerait les effets, comme le souhaite d'ailleurs l'industrie du tabac, les consommateurs s'habituant par palier aux nouveaux prix.
En matière de lutte contre la contrebande, je regrette que l'amendement de notre collègue Laurent Grandguillaume sur la traçabilité des produits, pourtant adopté en première lecture par notre assemblée, n'ait pas été repris par le Gouvernement, de sorte que l'industrie reste maîtresse de cette traçabilité, juge et partie en quelque sorte.
À moyen terme, la hausse des prix devrait permettre de diminuer le coût sanitaire et social du tabac. Pour 18 milliards d'euros qu'il rapporte en taxes, il engendre en effet un coût direct de 47 milliards d'euros, sans même compter les coûts indirects dans la sphère privée, telles les dépenses induites par l'absentéisme.
Le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale nous a chargés l'an dernier, Jean-Louis Touraine et moi, d'un rapport sur les politiques publiques de lutte contre le tabagisme. Il l'a adopté à l'unanimité. Nous assurons désormais le suivi de la question. Les chiffres qui sont avancés sont exacts. Les ressources liées au tabac s'élèvent bien à 15 milliards d'euros, tandis que le coût induit s'établit à quelque 45 milliards d'euros, soit le triple. Nous l'avions écrit dans notre rapport, pour mieux combattre l'idée reçue que rappelle l'exposé sommaire de l'amendement, à savoir que les fumeurs « rapporteraient » plus à l'État qu'ils ne coûtent.
De nombreux textes répriment le tabagisme. La loi Evin, excellente à cet égard, fut suivie par le décret Bertrand interdisant de fumer dans les lieux publics. Leur application systématique réduirait encore la consommation de tabac.
Mais d'autres problèmes se posent désormais. La France a le triste privilège de connaître, en Europe, le taux plus élevé de femmes enceintes continuant de fumer durant le dernier trimestre de leur grossesse, et ce taux est du reste en augmentation. Les relevés opérés dans les voitures font également apparaître que le taux d'acide nicotinique y est élevé, notamment sur les sièges arrière. Aussi faudrait-il y interdire la consommation de tabac quand des enfants de moins de douze ans y sont assis.
Si les textes actuels sont plutôt bien appliqués, les propositions nouvelles peinent à trouver des relais. Certes, le président de la République a lancé un plan cancer, tandis que la ministre Marisol Touraine a récemment présenté un programme de réduction du tabagisme. Le paquet de cigarettes coûtera également bientôt 30 centimes d'euros supplémentaires. Mais les effets de la réglementation se font parfois attendre. Ainsi, en Australie, l'imposition du conditionnement neutre au 1er décembre 2012 n'a pas produit de résultats probants, bien que le prix du paquet de cigarettes soit prohibitif : 15 euros ! Au contraire, la consommation de tabac a même augmenté.
Je suis surpris que l'on anticipe, en cas de hausse des prix, une baisse de la consommation, sans prévoir la hausse concomitante des achats transfrontaliers, comme il est aisé d'en faire en Alsace ou à Metz. La contrebande et la contrefaçon sont également à prendre en compte, les cigarettes produites en Europe de l'Est s'écoulant à 1,40 euro seulement le paquet.
Je suis favorable à la lutte contre le tabagisme, mais je ne veux pas d'une lutte en ordre dispersé telle que nous l'observons aujourd'hui. Je déplore le manque de politique cohérente en ce domaine. Quelle est, au demeurant, la position du gouvernement sur les deux amendements de Mme Delaunay ? Je rappelle que nous en avons déjà examiné à plusieurs reprises, qui ressemblaient beaucoup au deuxième.
Madame Delaunay, vous n'invoquez que des raisons budgétaires et sociales. Si votre amendement était adopté, le prix du fameux paquet à l'effigie du cow-boy passerait de 7 euros à… 21 euros ! Je suis persuadé que cela aurait un effet dissuasif sur les ventes de tabac, mais non sur la consommation…
De telles mesures ne font qu'augmenter la contrebande. J'y suis totalement opposé. Il faut au contraire miser sur la prévention, dès le collège ou l'école élémentaire, pour éclairer les jeunes sur les méfaits du tabac.
Quant à l'interdiction de fumer en voiture, c'est infantiliser les automobilistes, outre qu'il s'agit d'une mesure liberticide dont je ne veux pas. Contre la répression, je choisis la prévention.
Cet amendement est excessif. Il aurait pour résultat, non de dissuader les fumeurs, mais de faire exploser le marché parallèle, car nous sommes incapables de lutter efficacement contre les importations illégales. Dans ma ville, vous trouvez des cigarettes de contrebande à tous les coins de rue.
Dans le même temps, les élus peinent à financer la médecine préventive en milieu scolaire. Les infirmières ne sont pas assez nombreuses dans les établissements. Le taux de suicide chez les jeunes est parmi les plus élevés d'Europe et la consommation d'alcool explose. Quant à la drogue, le gouvernement veut dépénaliser le cannabis et envisage même l'ouverture de salles de shoot.
Madame Delaunay, votre amendement n'est pas sérieux. Vous ne faites que sanctionner les citoyens légalistes qui achètent leurs cigarettes chez les buralistes.
Aucun d'entre nous n'est contre la lutte contre le tabagisme. Mais comment obtenez-vous le chiffre de 35 milliards d'euros auquel vous évaluez le coût sanitaire et social non compensé par les ressources actuellement tirées du tabac ? Certes, comme ancienne ministre, vous avez le sens des responsabilités et vous vous référez à des rapports qui ont été publiés, mais je m'interroge sur la méthodologie. Le coût tel que vous l'estimez inclut-il, par exemple, celui des incendies causés par la cigarette, ou encore les fonds nécessaires à la préventologie ? Un coût global de 47 milliards d'euros me paraît énorme.
Je suis très séduite par l'idée d'une pleine compensation du coût complet du tabagisme. Sans doute ne sera-t-elle pas adoptée, mais il faut employer tous les moyens pour lutter contre ce fléau. La prévention fait l'objet de débats depuis des années, et nous devons trouver de meilleurs moyens d'alerter les jeunes des dangers de la cigarette, car ils commencent de plus en plus tôt à s'y adonner, tandis que l'idée persiste, dans le grand public, que le tabac « rapporte » à l'État, comme vous le déplorez dans votre exposé sommaire.
Étant donné les règles de recevabilité financière imposées aux amendements des parlementaires, ceux-ci sont très souvent gagés par des hausses des droits de consommation sur le tabac. Aussi aimerais-je savoir quel est l'impact réel de ces hausses, une fois additionnés tous les amendements ainsi gagés.
Notre collègue Robinet me reproche de ne présenter que des arguments financiers. Si je n'aborde pas les arguments d'humanité, c'est parce qu'ils sont à la fois trop faciles et trop terribles. Je voudrais pouvoir lui montrer ce film qui montre un patient souffrant d'un cancer du poumon avancé, et dont les douleurs ne peuvent faire l'objet de soins palliatifs.
L'argument financier, étonnamment, est moins souvent invoqué. J'ai ainsi constaté que, sur les réseaux sociaux, l'idée est couramment répandue que « le tabac rapporte tellement à l'État qu'il ne veut rien faire ». Quant à la prévention, elle se pratique depuis des années, sans guère de résultats puisque les jeunes filles n'ont jamais été aussi nombreuses à fumer, espérant contenir ainsi toute prise de poids. La prévalence du cancer du poumon a doublé chez les femmes au cours des années récentes.
Je peux m'avancer jusqu'à vous dire que le gouvernement sera bien content si mon amendement est adopté grâce au concours de députés des deux bords. La formulation retenue pour le calcul des prix nouveaux demeure ambiguë et générale : « de manière à compenser le coût sanitaire et social [du tabac] ». Elle ne recouvre pas forcément un triplement des tarifs. Un doublement serait déjà une avancée. La moitié des dégâts sanitaires provoqués par le tabac seraient ainsi couverts.
Il y a diverses manières d'aborder le tabagisme. À côté de l'approche curative, la politique publique de la prévention joue un rôle, car les compétences psycho-sociales, comme celles qui permettent de refuser la cigarette, le tabac, les drogues, se construisent avant l'âge de dix ans. C'est pourquoi je rejoins notre collègue Dominique Tian au sujet des infirmières scolaires, et compte sur son soutien lorsque nous examinerons le futur projet de loi sur la santé.
Nous sommes tous d'accord, je le pense, sur les dégâts sanitaires et sociaux dus au tabac. Encore oublie-t-on parfois, parmi les affections dont il est la cause, les maladies oto-rhino-laryngologiques, ainsi que son incidence sur le cancer de la vessie, du sein, mais aussi de la peau. Aussi le programme lancé par Mme Marisol Touraine est-il extrêmement large, incluant, à l'instar de la Grande-Bretagne, l'interdiction du tabac en voiture quand des enfants comptent parmi les passagers.
Mais la prévention ne suffit pas. Des clips chocs peuvent rester sans effet. La persistance, voire la progression, du tabagisme durant la grossesse en témoigne. La proposition de notre collègue Michèle Delaunay est fondée sur l'idée que la société ne connaît pas le coût réel du tabac, idée dont je note qu'elle est partagée par notre collègue Isabelle Le Callennec.
Louable dans l'intention, la proposition pèche quant à ses effets prévisibles, qui seraient disproportionnés. Elle mérite néanmoins d'être retenue pour contribuer à conduire une évaluation plus exacte du coût réel du tabac. Nous pourrions demander au Gouvernement de confier à l'École d'économie de Toulouse, récemment récompensée par le prix Nobel, qui fasse le point sur ces coûts.
Je suis prête à retirer l'amendement, afin d'éviter qu'il ne soit rejeté, mais je le présenterai à nouveau en séance publique. Quant à l'idée d'un rapport de réévaluation des coûts du tabac, j'y avais songé, mais on m'avait opposé qu'une telle demande constituerait un cavalier législatif.
En l'acceptant, la ministre s'impliquerait activement dans la lutte contre une certaine désinformation de l'opinion publique.
L'amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement AS21 de Mme Michèle Delaunay.
L'autre amendement que je présente sur le même sujet est plus facile à appliquer. Il tend à porter les taux de la part proportionnelle et de la part spécifique au même niveau sur les cigares et cigarillos que sur les cigarettes, l'incidence sur le cancer de la bouche ne variant que peu d'un produit à l'autre. La fiscalité y gagnerait en rationalité.
Nous avions déjà examiné des amendements similaires les années passées. Je fais miens les propos de notre collègue Martine Pinville sur la prévention, mais il semble que la « grande » loi de santé publique qui nous a été annoncée ait fait place à une simple « loi de santé », avec un volet de santé publique… Je crains vraiment que la montagne n'accouche d'une souris.
Nous aurons l'occasion d'en reparler, car le projet de loi nous sera transmis très prochainement.
J'étais d'accord, sur le fond, avec le précédent amendement, mais je crains qu'il ne demeure un voeu pieux. Aussi ma préférence va-t-elle à l'égalisation des niveaux de taxation entre les différents produits du tabac, car la mesure a l'avantage d'être plus concrète et plus formalisée.
Je suis également favorable à l'amendement, mais l'omission de la cigarette électronique n'est-elle pas fâcheuse ?
Le débat que nous menons est vieux de plusieurs années. Notre collègue Yves Bur l'a mené souvent, et de manière fort combative ! Du fait de ma profession, je ne peux qu'adhérer à cet amendement.
Mais que recouvre exactement la différence entre taux spécifique et taux normal ? Si le premier pénalise le producteur, il convient en effet de l'augmenter, car c'est au stade de la production que se trouvent les fauteurs d'accidents cardio-vasculaires.
J'approuve cet amendement, qui met en évidence des vérités de bon sens. On ne peut que se demander pourquoi cet alignement n'a pas encore eu lieu.
Le programme lancé par la ministre va également dans le bon sens, en imposant le conditionnement neutre, en interdisant le tabagisme en voiture en présence d'enfants, et même le « vapotage » sur le lieu de travail, car il peut être une première étape vers la consommation de tabac, et non pas forcément une sortie du tabagisme.
D'autres mesures, réclamées par les associations, se font attendre, notamment dans le domaine du pilotage de la politique de la santé, qui fait la part trop belle aux services de Bercy, au motif que les taxes relèvent de leur champ de compétence. C'est au ministère de la Santé qu'il revient d'être chef de file dans ce domaine.
Je crois également qu'il faudrait mettre un terme à l'auto-« blanchiment » auquel se livre l'industrie du tabac à travers le financement d'oeuvres et d'événements culturels qui permettent à ses représentants de plastronner aux côtés de ceux des pouvoirs publics lors de l'inauguration. On fait semblant d'agir, alors qu'on se complaît dans la situation actuelle, tandis que le tabagisme continue de progresser en France, notamment chez les femmes et les jeunes.
Vous avez raison, monsieur Aboud, la cigarette électronique n'est pas totalement innocente, puisqu'elle contient de la nicotine, mais elle est actuellement plus utile que nocive car elle permet à nombre de personnes de se discipliner pour arrêter de fumer. Le professeur Dautzenberg considère qu'elle est 250 fois moins chargée en nicotine que la cigarette classique.
Qu'en est-il des taxes spécifiques ? Leur fixation dépend de considérations de production, mais aussi de pressions que je ne peux établir de manière certaine.
L'amendement est intéressant, car il n'est pas logique d'avoir des fiscalités différentes sur des tabacs de même toxicité, mais nous avons déjà eu ce débat sans trouver la solution. Il serait utile de connaître les montants en jeu en matière de rentrées fiscales et de conséquences pour l'industrie concernée.
Un amendement semblable a déjà été présenté par Mme Fraysse, sans parler de M. Bur, que j'ai croisé lors de la conférence de presse de Mme Touraine à l'occasion de la présentation du plan de lutte contre le tabagisme, et qui m'a questionné sur nos intentions en matière de prix. À ce stade, nous sommes toujours en discussion avec le Gouvernement. De deux choses l'une : soit nous retenons l'idée de M. Véran, ce qui peut inciter le Gouvernement à prendre une décision ; soit l'amendement est retiré, quitte à ce qu'il soit redéposé lors de la réunion tenue en application de l'article 88 si le Gouvernement ne réagit pas.
Je préfère le retirer et le représenter dans l'hémicycle plutôt que de voir notre Commission le rejeter.
Songez que le tabac tue 200 personnes chaque jour, 73 000 personnes par an, c'est-à-dire plus que la population d'une ville comme Pau. Notre Parlement serait vidé en trois jours !
Je partage l'avis du rapporteur, qui préconise un temps de concertation avec le Gouvernement.
Les recettes supplémentaires viendraient-elles alimenter le budget de la sécurité sociale, ou celui de l'État ?
Actuellement, environ 98 % des droits sur le tabac sont dirigés vers le budget de la sécurité sociale.
L'amendement AS21 est retiré.
La Commission adopte la troisième partie du projet de loi modifiée
QUATRIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L'EXERCICE 2015
Titre Ier Dispositions relatives aux dépenses d'assurance maladie
Article 29 : Tiers payant pour les bénéficiaires de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé
La Commission est saisie de l'amendement AS166 de M. Dominique Tian.
Cet article tend à appliquer le tiers payant aux bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS), de la même manière qu'il s'applique aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Pour nous, il s'agit de la première étape de la généralisation du tiers payant, annoncée dans le cadre du futur projet de loi de santé publique.
Les syndicats médicaux eux-mêmes ne sont pas favorables à la généralisation du tiers payant, système qui déresponsabilise totalement le patient. Sur le plan financier, la charge sera extrêmement lourde pour la sécurité sociale, car environ un million de personnes seraient directement concernées. L'étude d'impact ne calcule pas l'augmentation de consommation, quasi naturelle et automatique dans une situation de gratuité. Avec l'abandon des franchises médicales, la mesure coûtera entre 12 et 18 millions d'euros.
Pour des raisons financières et philosophiques, le monde médical est opposé à cette généralisation du tiers payant. Notre système de sécurité sociale, extrêmement malade, ne pourra pas la supporter.
Monsieur Tian, je vous invite au tact et à la mesure dans la défense de vos amendements… (Sourires.) Quand vous écrivez que l'application du tiers payant aux bénéficiaires de l'ACS revient à remettre en cause de la médecine libérale, vous exagérez fortement. Il n'est pas apparu, au cours des nombreuses auditions, que cette mesure mettait en jeu la médecine libérale.
Qui sont ces 1,2 million de patients qui bénéficient de l'ACS ? Ce sont des gens qui sont au seuil de pauvreté : le niveau annuel de ressources est fixé à 11 700 euros pour une personne seule et entre 16 000 à 17 000 euros pour un couple. Le tiers payant, qui s'applique aux bénéficiaires de la CMU et de la CMU-C sans avoir détruit la médecine libérale, représente une avance de trésorerie et ne signifie pas la gratuité des soins. Pour ces personnes aux revenus vraiment faibles, cette avance de frais peut avoir un impact.
Si la généralisation du tiers payant provoque des débats chez les médecins et d'autres acteurs de la santé, son extension aux bénéficiaires de l'ACS est assez consensuelle. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement AS166.
Puis elle examine l'amendement AS11 de M. Jean-Pierre Door.
Sur le tiers payant, notre discussion ne sera pas aussi consensuelle que sur le tabac. Son extension aux bénéficiaires de l'ACS est relativement aisée sur le plan technique mais, comme vous venez de le reconnaître, il ne s'agit que de la première étape d'une généralisation à laquelle nous ne sommes pas favorables. Nous attendons des garanties de la part des caisses d'assurance maladie, des mutuelles et des complémentaires, afin que de parvenir à une régulation avec tous les professionnels de santé. Dans le système de tiers payant tel qu'il existe pour la pharmacie, la radiologie et les technologies, des frais incombent aux professionnels. Tout a un coût, y compris lorsque l'on engage le tiers payant. Nous pouvons vous suivre sur son extension aux bénéficiaires de l'ACS, mais nous ne sommes pas favorables à sa généralisation. C'est pourquoi cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 à 4 de cet article.
Monsieur le rapporteur vous estimez à 1,2 million le nombre des patients concernés et vous présentez le dispositif comme une simple avance de trésorerie, mais, si c'était le cas, il y aurait un reste à charge. Or ces personnes n'auront rien à payer. Il ne faut donc pas le présenter comme une simple dispense d'avance de frais.
Qu'ils n'aient rien à payer, c'est ce que j'espère, car nous serons nombreux, lors de l'examen en séance de la loi de santé publique, à voter pour la suppression des franchises et des participations forfaitaires pour les bénéficiaires de l'ACS. Mais, dans le système actuel de tiers payant, ils doivent bel et bien régler les franchises médicales et les participations forfaitaires. En revanche, ils ont – par construction – accès à une couverture complémentaire qui comporte souvent le tiers payant intégral.
La gratuité, est-il prévu, sera effective pour les bénéficiaires de l'ACS qui auront utilisé leur attestation de droits pour souscrire une assurance maladie complémentaire et qui respecteront le parcours de soins. Qui vérifiera ce respect ?
Les bénéficiaires de l'ACS ont une carte Vitale. Les caisses d'assurance maladie contrôlent le parcours de soins, tout comme elles prélèvent les sommes correspondant aux franchises et participations forfaitaires. C'est la situation que vivent déjà les bénéficiaires de la CMU et de la CMU-C, et qui est étendue à 1,2 million de personnes qui sont au seuil de pauvreté. Il ne s'agit pas de créer un nouveau système.
Cet article définit le cadre général qui permet la mise en place d'un tiers payant total pour les patients bénéficiaires de l'ACS. Deux options sont possibles : soit l'assurance maladie est l'interlocuteur unique des professionnels de soins et se fait ensuite reverser leur part par les complémentaires ; soit celles-ci interviennent d'une manière plus directe. Sans préjuger des arbitrages qui auront lieu, je considère que le choix technique le plus simple est le premier : faire transiter l'ensemble des remboursements par l'assurance maladie. Pour les professionnels, c'est un gage de juste paiement. Or, la suppression des alinéas visés par votre amendement ôterait au dispositif toute sa base juridique. Avis défavorable, donc.
Si l'on étend le tiers payant aux bénéficiaires de l'ACS avant de le généraliser, que deviennent les franchises ? Jusqu'à présent, elles étaient déduites des remboursements de sommes que le patient devait régler. Si le patient n'a plus rien à régler, est-ce que l'assurance maladie va lui réclamer les franchises ?
Pas du tout : ce n'est pas le professionnel de santé qui déduit les franchises sur le tiers payant. c'est l'assurance maladie qui tient le compte des boîtes de médicaments prises, et les franchises sont déduites du montant de tous ses remboursements. Si le patient ne paie plus rien, la sécurité sociale n'aura plus rien à lui rembourser, et les franchises devront être réclamées à l'assuré, qui devra alors rembourser l'assurance maladie. Cela me paraît assez complexe et risqué.
Le tiers payant n'est pas seulement affaire d'équité : il permet aussi d'améliorer la prévention, ce qui peut être source d'économies pour la sécurité sociale.
La réaction de M. Barbier m'étonne car, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2012, vous nous aviez laissés, chers collègues de droite, une ardoise de 225 millions d'euros de franchises et de forfaits à récupérer chez les patients. La gauche a dû faire le « sale boulot » : les assurés ont reçu une demande de recouvrement de la part de la sécurité sociale. L'an dernier, lors de la discussion générale du PLFSS pour 2014, j'avais pris des exemples de demandes de recouvrement s'élevant à 150 ou 200 euros, et adressées à des personnes qui gagnaient 800 euros ! Il a bien fallu, dans certains cas, que Marisol Touraine efface l'ardoise.
Le mode de recouvrement est donc connu. Il s'applique déjà aux patients atteints d'affections de longue durée et remboursés à 100 % : ils ne font pas l'avance des frais mais, à la fin de l'année, ils reçoivent une facture de la sécurité sociale. Voilà comment cela se passera.
La démonstration de Mme Lemorton conforte mon propos. Avec la gratuité, les patients ne se rendent pas compte du coût de la franchise qui leur sera réclamée par l'assurance maladie. Ce qui était exceptionnel va se généraliser, avec deux conséquences : l'assurance maladie va rencontrer des problèmes de recouvrement ; certaines personnes seront en difficulté. Comment informer le public et comment récupérer les sommes si les franchises sont maintenues ?
Au moment de la création des franchises et des participations forfaitaires, vous pensiez que l'euro déboursé pour la consultation permettrait de modérer les dépenses. Le débat sur la responsabilisation – qui ne va pas manquer de ressurgir – était hors de toute réalité, puisque les patients ne paient pas cet euro au moment de la consultation, mais reçoivent une facture en fin d'année, facture dont, bien souvent, ils ne comprennent pas à quoi elle correspond. Le paiement des franchises est ainsi totalement déconnecté des actes de soins.
Le système, donc, ne fonctionne pas, et je suis content que vous en fassiez la démonstration. Sur le plan des principes, nous étions opposés à ce système de franchises et de participations forfaitaires lorsqu'il a été mis en place. Sur le plan technique, il est incohérent et pose un tas de problèmes. Les caisses de l'État ne nous permettent pas de proposer la fin des franchises pour les patients les plus pauvres dès la discussion de ce PLFSS, mais il faudra un jour y venir. Pour les patients bénéficiaires de l'ACS, le prélèvement sera effectué en fin d'année.
Prenons l'exemple du médicament. Le système des franchises a permis de faire produire aux laboratoires des grands modèles de boîtes. Les patients qui prennent des traitements au long cours sont demandeurs de boîtes pour quatre-vingt-dix jours. Les franchises ont eu le mérite de faire évoluer la demande du patient, le mode de prescription et l'industrie pharmaceutiques vers de grands modèles qui coûtent beaucoup moins cher. Je ne suis donc pas d'accord avec vous quand vous affirmez que les franchises ont été inefficaces.
La Commission rejette l'amendement AS11.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission.)
La Commission est saisie de l'amendement AS115 de Mme Véronique Massonneau.
Nous nous réjouissons de l'extension du tiers payant et de la volonté du Gouvernement de le généraliser à l'occasion de la future loi de santé publique. Les inquiétudes relatives à une possible incitation à consommer davantage de soins ou de services de santé ne résistent pas à l'examen des faits : le système actuel de tiers payant peut, au contraire, faire baisser les dépenses de santé, dans la mesure où les soins qui sont différés coûtent souvent beaucoup plus cher. C'est aussi une mesure de justice sociale.
Notre amendement vise à étendre aux retraités qui ont des revenus modestes le dispositif de tiers payant intégral que le texte propose pour les bénéficiaires de l'ACS. Ces retraités modestes – qui ne sont pas pris en charge à 100 % dans le cadre d'une affection de longue durée – renoncent parfois à des soins parce qu'ils ne peuvent pas avancer les frais. Pour les gens qui perçoivent une retraite inférieure à 1 200 euros, c'est un vrai problème, équivalent à celui qui se pose aux bénéficiaires de l'ACS. Comme les deux catégories ne se recouvrent pas, nous proposons une extension du dispositif aux retraités modestes.
L'assurance maladie n'a pas d'informations sur les catégories socioprofessionnelles des assurés, encore moins sur leur niveau de revenu. Hormis les dispositifs particuliers tels que la CMU, la CMU-C, l'ACS ou l'aide médicale d'État (AME), elle n'a pas de fichiers et ne peut donc appliquer de mesures spécifiques en fonction des revenus. Ce n'est d'ailleurs pas souhaitable, et ce serait même dangereux : imaginons que l'on en vienne à proposer de moduler les prestations en fonction des revenus des assurés !
L'assurance maladie n'est donc pas capable d'appliquer la mesure proposée dans cet amendement dont l'intention pouvait être partagée. Dans le cadre du débat sur la loi de santé publique, dans trois mois, vous aurez l'occasion de défendre la généralisation du tiers payant pour l'ensemble des patients. Vous ne perdrez pas au change…
Mais lorsque l'on est éligible à la CMU ou à la CMU-C, n'est-ce pas en fonction des revenus ?
Il s'agit d'une inscription dans un dispositif spécifique, où les assurés sont identifiés et inscrits comme tels auprès de l'assurance maladie.
Il y a donc bien un critère de revenu. Et il existe un statut AME pour les étrangers en situation irrégulière.
Oui, mais le statut « petite pension de retraite » n'existe pas. L'assurance maladie ne peut pas identifier les retraités modestes, mais elle peut identifier les personnes qui sont inscrites dans un dispositif comme la CMU, l'ACS, etc. Lorsque l'État a décidé, voici deux ans, d'accroître le nombre de bénéficiaires de la CMU-C, elle a inscrit 400 000 Français de plus dans ce dispositif. Elle n'a pas à connaître les revenus de chacun d'entre eux ; elle applique simplement les dispositifs existants, en fonction de critères qui peuvent notamment inclure le revenu des assurés.
Je souligne que le nombre de personnes éligibles à la CMU a explosé : on évoque une progression de 10 % au cours de la période récente, avec une augmentation tout à fait sensible entre 2013 et 2014. J'aimerais savoir combien, du fait de la politique de régularisation massive menée par le Gouvernement, sont passées de l'AME à la CMU, et nous allons questionner la sécurité sociale sur le coût exact de ces dispositifs, que nous supposons très élevé. Le rapporteur le connaît-il ? Ce serait utile à nos discussions.
Chaque année, la confusion entre CMU de base et CMU complémentaire revient dans nos discussions. La CMU de base s'adresse à tous ceux – qu'ils soient Anglais, Norvégiens ou autres – qui travaillent sur notre territoire et cotisent. Seule la CMU complémentaire est soumise à une condition de ressources. La CMU de base, elle, peut très bien intéresser – prenons l'exemple au hasard – un Anglais qui vient résider en Dordogne et qui gagne beaucoup d'argent. Il importe de bien distinguer les deux régimes : une personne qui cotise à la CMU de base n'a pas forcément droit à la CMU complémentaire. C'est une question d'affiliation.
Monsieur le rapporteur, votre réponse est très technique, mais quelque peu dilatoire, voire inexacte : dans le précédent budget de la sécurité sociale, lors du débat sur le gel de la revalorisation, les retraites inférieures à 1 200 euros par mois avaient bien fait l'objet d'une mesure particulière, et cela n'avait pas posé de difficulté.
Les organismes sociaux savent, en tout cas, si les gens sont retraités ou non. Peut-être pourriez-vous, monsieur le rapporteur, étendre le tiers payant à tous les retraités, compte tenu des efforts importants que vous leur demandez, notamment en augmentant la CSG applicable à leurs pensions ? Ce serait une sorte de contrepartie, qui leur donnerait l'impression que leur argent est bien utilisé…
Prédicateur de l'apocalypse quand nous parlions des laboratoires pharmaceutiques, vous vous faites provocateur quand nous abordons le tiers payant, monsieur Barbier ! (Sourires.)
Monsieur Roumegas, il ne s'agit pas que d'une question technique. Si l'assurance maladie veut s'adresser aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), qui ont un niveau de revenu encore inférieur à celui des éligibles à l'ACS, elle peut passer par la caisse ad hoc. Quoi qu'il en soit, la loi de santé publique permettra dans trois mois, je l'espère, de généraliser le tiers payant. C'est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement.
La Commission rejette l'amendement AS115.
La Commission en vient à l'amendement AS227 de Mme Bérengère Poletti.
Les caisses de sécurité sociale, qui peuvent demander copie des déclarations d'impôt, connaissent par conséquent les revenus de chaque assuré, lesquels déterminent l'ouverture de certains droits.
Le projet de loi tend à supprimer une franchise instituée par le gouvernement Raffarin au terme de longs débats. La franchise médicale existe en Allemagne – pour les consultations, les examens ou les médicaments –, où elle est calculée par trimestre ou par an ; en France, elle est plafonnée à 50 euros annuels. Sur ce point, notre opposition est idéologique, car les franchises nous paraissent nécessaires pour responsabiliser les patients.
En Australie, pays dont le système de santé est proche des standards européens, le paiement des prestations d'assurance maladie pourrait bientôt, à en croire l'Australian Financial Review, être géré par des banques ou par Australia Post, les services de sécurité sociale n'ayant pas les moyens techniques d'assurer les paiements à l'acte.
Vous ne pourrez que souscrire à notre amendement, monsieur le rapporteur, car il tend à réserver le tiers payant aux seuls patients ayant déclaré un médecin traitant ; ce dispositif doit aussi profiter à l'ensemble des professionnels de santé.
Merci de nous avoir fait voyager en Australie ; espérons toutefois que notre système de solidarité ne tombera pas aux mains du privé.
La question se pose ici comme en Australie. Le président de la Mutualité française, je vous le rappelle, s'interroge sur la gestion du remboursement du tiers payant.
À moins qu'il ne suggère d'étendre la déclaration de médecin traitant aux spécialistes, monsieur Door, votre amendement est satisfait puisque le tiers payant est déjà réservé aux patients qui suivent le parcours de soins.
La Commission rejette l'amendement.
Elle rejette également, suivant l'avis défavorable du rapporteur, l'amendement AS226 de Mme Bérengère Poletti.
Puis elle examine les amendements identiques AS175 de M. Dominique Tian et AS228 de Mme Bérengère Poletti.
La garantie de paiement par un payeur unique est la clé pour faire accepter la nouvelle obligation par les professionnels de santé libéraux.
À la différence des établissements et des centres de santé, les structures libérales sont souvent dépourvues de secrétariat. Dans la plupart des cas, c'est donc le praticien qui devra gérer l'ouverture des droits et la procédure de recouvrement : autant de tâches administratives qui impliquent des frais supplémentaires.
Avis défavorable : ces précisions ne sont pas de niveau législatif. Le professionnel de santé bénéficiera d'une garantie de paiement dès lors qu'il aura appliqué le tiers payant après vérification des droits du bénéficiaire de l'ACS, ou par sa carte vitale ou par une attestation papier. Les organismes complémentaires informeront en temps réel l'assurance maladie des souscriptions et des résiliations de contrat.
La Commission rejette ces amendements.
Elle passe à l'amendement AS208 de Mme Dominique Orliac.
Comme l'a rappelé M. Roumegas, les pensions de retraite inférieures à 1 200 euros par mois ont été exonérées du gel voté dans le PLFSS pour 2014.
L'article 29 ne prévoit, pour les bénéficiaires de l'ACS, qu'une procédure de tiers payant alors qu'il en existe d'autres. Mon amendement tend donc à laisser « aux professionnels et établissements de santé la liberté de choisir entre plusieurs solutions de tiers payant ».
Avis défavorable, car l'amendement supprime la phrase selon laquelle les modalités du tiers payant « permettent aux professionnels […] d'avoir un interlocuteur unique pour l'ensemble de la procédure » ; or un tel cadre est un gage de sécurité pour eux.
Un décret fixera les détails de la procédure. Selon la solution envisagée, l'assurance maladie serait l'interlocuteur des professionnels de santé, la gestion étant déléguée aux organismes complémentaires ; mais rien n'interdira à ces derniers de devenir les interlocuteurs uniques, s'ils sont à même de proposer des solutions plus simples au niveau local.
La solution de l'interlocuteur unique pourrait-elle être étendue à l'ensemble des prestataires, y compris aux pharmaciens qui, je le rappelle, doivent s'adresser à la fois aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et aux organismes mutualistes ? La mise en oeuvre du tiers payant, assez simple avec les premières, l'est un peu moins avec les seconds : les rejets ne sont pas rares, et ce sont désormais les CPAM qui auront à les gérer puisqu'il leur reviendra de rembourser les professionnels après avoir encaissé les sommes. A-t-on évalué le coût de fonctionnement, pour elles, de cette tâche particulièrement lourde ?
La question se pose, en effet, dans l'hypothèse d'une généralisation du tiers payant : nous pourrons interroger le Gouvernement sur ce point. Cela dit, le dispositif est sécurisé pour les bénéficiaires de l'ACS puisque le lien entre l'assurance de base et l'assurance complémentaire est très étroit.
Le système de l'interlocuteur unique s'appliquera, selon les modalités que j'indiquais, dans le cadre d'une généralisation du tiers payant. Il faudra néanmoins réfléchir à la place des organismes complémentaires, qui ne doivent évidemment pas disparaître du dispositif.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 29 sans modification.
Après l'article 29
La Commission examine les amendements identiques AS275 rectifié du rapporteur et AS109 de Mme Monique Iborra.
Il s'agit de demander au Gouvernement un rapport sur la possibilité d'exonérer les bénéficiaires de l'ACS de la participation forfaitaire de 1 euro ainsi que des franchises médicales, respectivement instaurées en janvier 2005 et janvier 2008.
Nous pourrions même aller plus loin. Le taux de bénéficiaires de l'ACS atteints d'une affection de longue durée est de 22 % – soit deux fois plus que chez les bénéficiaires de la CMU et trois fois plus que dans l'ensemble de la population –, et, parmi eux, 60 % ont moins de cinquante ans. Des études montrent que l'application de la franchise entraîne, chez ces assurés, un recul des soins. Les exonérations visées impliqueraient un effort d'environ 10 millions d'euros pour l'État. Nous souhaitons donc, à travers ce rapport, interroger le Gouvernement sur le sujet.
La Commission adopte ces amendements.
Article 30 : Exonération de la participation de l'assuré sur l'honoraire complémentaire de dispensation facturé par le pharmacien en cas d'ordonnance complexe
La Commission adopte l'article 30 sans modification.
Article 31 : Transfert de l'indemnité du congé maternité en cours en cas de décès
La Commission adopte l'article 31 sans modification.
Article 32 : Réforme du financement des soins aux détenus
La Commission adopte l'article 32 sans modification.
Chapitre II Promotion de la prévention
Article 33 : Création des centres d'information, de dépistage et de diagnostic gratuit des infections sexuellement transmissibles (CIDDGI)
La Commission se saisit de l'amendement AS269 du rapporteur.
À des fins de meilleure lisibilité, je propose de rebaptiser le centre d'information, de dépistage et de diagnostic gratuit (CIDDG) « centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic » (CeGIDD).
Nous souscrivons à cet amendement. Le regroupement des deux centres en un seul est un voeu que nous formulons depuis longtemps, au Sénat comme à l'Assemblée, notamment à travers plusieurs rapports. C'est aussi ce que souhaitent les acteurs et les associations spécialisées. La simplification du nom est également une bonne chose.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 33 modifié.
Article 34 : Les centres de vaccination
La Commission examine les amendements identiques AS53 de M. Jean-Pierre Door, AS72 de M. Gilles Lurton et AS156 de M. Dominique Tian.
Je propose que les vaccinations réalisées par les établissements et organismes habilités fassent l'objet d'un retour d'information vers le médecin traitant. Celui-ci avait été tenu à l'écart lors de la campagne de prévention de la grippe A (H1N1) : l'expérience des « vaccinodromes » doit servir de leçon.
Il importe en effet que le médecin traitant ait la meilleure connaissance possible de l'état vaccinal de ses patients ; mais certaines personnes se rendent dans les centres habilités faute d'avoir une couverture sociale – a fortiori un médecin traitant. De plus, les amendements ne précisent pas les modalités de ce retour d'information. Je vous propose donc de revenir sur le sujet dans le cadre du futur projet de loi sur la santé, et plus précisément des dispositions qui viseront le dossier médical personnel (DMP). Avis défavorable, même si je partage l'objectif.
Les actes consignés dans le DMP devraient être enregistrés sur la carte Vitale, afin de les porter à la connaissance de tous les professionnels de santé.
S'agissant du DMP, des dizaines de millions d'euros ont été gaspillées alors qu'il existe des solutions simples, comme la clé USB que préconisait la proposition de loi de MM. Door et Morange. Il est absurde que le médecin traitant ne soit pas informé de la vaccination de ses patients.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 34 sans modification.
Article 35 : Financement de la démocratie sanitaire
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AS139 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article.
Elle examine ensuite l'amendement AS268 du rapporteur.
Dans un contexte budgétaire contraint, l'amendement tend à réserver en priorité les subventions au collectif interassociatif sur la santé, le CISS, dont l'action dans le domaine de la démocratie sanitaire est reconnue, ainsi qu'à d'autres bénéficiaires nationalement reconnus, comme l'École des hautes études en santé publique, qui développe un institut des patients.
La Commission adopte l'amendement.
Elle passe à l'amendement AS167 de M. Dominique Tian.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 35 modifié.
Chapitre III Renforcement de la qualité et la proximité du système de soins
Article 36 : Amélioration de la qualité et de la sécurité des soins en établissements de santé
La Commission est saisie des deux amendements identiques AS54 de M. Jean-Pierre Door et AS157 de M. Dominique Tian.
L'article prévoit le versement d'une dotation complémentaire aux établissements de santé, dont le montant serait déterminé en fonction d'indicateurs de qualité et de sécurité des soins. Il est indispensable que ces indicateurs nationaux, de même que leurs valeurs limites, soient élaborés en concertation avec les représentants des conférences médicales d'établissement (CME) et les conseils nationaux professionnels.
Avis défavorable. L'article vise la détermination, non d'indicateurs, mais de critères de classement afin de fixer le montant des dotations versées aux établissements. Dans ce cadre, la consultation systématique de l'ensemble des organismes n'a pas lieu d'être.
Lesdits critères seront fixés par décret en Conseil d'État : j'espère que le Gouvernement pourra nous donner des précisions sur ce point en séance. Nous aimerions notamment connaître les établissements concernés.
Comment le rapporteur peut-il s'opposer à nos amendements, qui responsabiliseraient les représentants des CME – dans les hôpitaux publics comme privés – en leur permettant d'être informés de ces critères ? Les praticiens hospitaliers se plaignent de ne pas être suffisamment informés des modalités d'évaluation des établissements.
Je suis moi-même très attaché à tout ce qui favorise une gouvernance éclairée, et les CME ont évidemment un rôle à jouer en ce domaine ; mais, en l'occurrence, les amendements témoignent d'une confusion. Les indicateurs retenus ont déjà été utilisés dans le cadre d'expérimentations : je vous renvoie au tableau inséré dans le commentaire de l'article. Un décret précisera les modalités de la concertation, à laquelle seront bien entendu associés les acteurs.
Je veux me faire aussi l'avocat des établissements publics. Selon le commentaire de l'article, page 47, « les établissements ayant répondu à un appel à candidatures dans le cadre du programme portant sur l'incitation financière à l'amélioration de la qualité pourront bénéficier d'un financement complémentaire dans le cadre de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation ». Pour que les établissements puissent percevoir cette dotation, il faut bien que leurs responsables médicaux aient connaissance des indicateurs.
À ce stade nous ne connaissons ni le montant de la dotation complémentaire, ni les établissements éligibles. Les agences régionales de santé (ARS), par exemple, établiront-elles une liste d'établissements ? Il faut éviter un système à la tête du client, si vous me passez l'expression.
L'appréciation sera objective. La dotation peut aller de 50 000 à 500 000 euros : tout est précisé dans le commentaire d'article. Vous confondez, je pense, cette disposition avec celle réservée aux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM). En l'occurrence il ne s'agit, je le répète, que d'établir un classement sur la base de scores déterminant le montant de la dotation.
La Commission rejette ces amendements.
Elle en vient aux amendements identiques AS81 de M. Jean-Pierre Door et AS158 de M. Dominique Tian.
Je le répète, la concertation avec les CME est indispensable. Comme l'indique le commentaire d'article page 48, des surcoûts sont envisagés, qu'il s'agisse du risque médicamenteux – dans une fourchette de 5 000 à 10 000 euros –, du risque infectieux ou du coût de l'hospitalisation.
Il ne faut pas confondre la dotation complémentaire versée en fonction du score et le contrat d'amélioration des pratiques, qui peut être signé en l'absence de conformité avec le référentiel national, cette conformité étant appréciée au moyen d'indicateurs dont les valeurs limites seront fixées par décret. Les CME sont évidemment impliquées dans le CPOM.
Le calcul du score ne faisant pas intervenir de valeur limite, les amendements n'ont pas de sens : le score agrège des indicateurs afin de déterminer le rang d'un établissement et, par suite, la somme qui lui sera versée.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement AS77 de M. Rémi Delatte.
Je souhaite que la notion de « référentiels nationaux » soit élaborée par la Haute Autorité de santé (HAS) ou, à tout le moins, validée par elle. L'avis des fédérations hospitalières représentatives doit également être sollicité. Cette question ne saurait être tranchée par décret.
L'article ne traite pas des référentiels nationaux déterminés par la HAS. Une fois encore, les référentiels nationaux s'appliquent au contrat d'amélioration des pratiques. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle passe aux amendements identiques AS62 de M. Jean-Pierre Door et AS141 de M. Dominique Tian.
Le non-respect des engagements pris dans le cadre du contrat d'amélioration des pratiques entraînera un déremboursement. Ce contrat n'apporte donc aucune garantie supplémentaire : évitons la multiplication des démarches superflues.
Avis défavorable. Les alinéas visés n'instituent pas de nouveau contrat : ils ajoutent une annexe au CPOM. Ils constituent une incitation financière pour améliorer la qualité, l'enveloppe atteignant 34 millions d'euros la première année et 60 millions en année pleine, auxquels pourront être retranchés 10 millions de pénalités.
La Commission rejette les amendements.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AS86 de M. Rémi Delatte.
Il s'agit, là encore, de confier à la HAS l'élaboration ou la validation des référentiels nationaux.
La HAS est effectivement un acteur incontournable dans l'élaboration des indicateurs, mais elle n'est pas le seul : on peut notamment penser, selon les thèmes visés, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), au tableau de bord des infections nosocomiales ou à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH). Ces autorités aident les pouvoirs publics dans la définition de démarches de qualité : mieux vaut éviter une liste qu'il faudrait rendre exhaustive. Avis défavorable.
Une enveloppe importante est prévue pour ces aides. Il est dit qu'elle sera financée par les économies réalisées grâce à la démarche qualité. C'est un pari risqué : si ces économies ne sont pas faites, les contrats auront été signés et de l'argent aura été dépensé que l'on n'aura finalement pas. Demander aux hôpitaux d'améliorer leurs pratiques permettrait de faire des économies sans rien devoir débourser.
L'ONDAM hospitalier prévoit l'amélioration de la qualité. Voilà qui devrait vous rassurer.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS55 de M. Jean-Pierre Door, AS73 de M. Gilles Lurton et AS160 de M. Dominique Tian.
La CME doit donner un avis conforme avant la signature du contrat d'amélioration des pratiques avec l'ARS. C'est l'objet de nos amendements.
Je suis heureux de constater que mes collègues de l'opposition demandent l'avis conforme d'une CME qui m'est chère et qu'ils avaient malmenée au cours des débats relatifs à la loi dite « hôpital, patients, santé et territoires » (HPST). En l'espèce, la CME ne saurait donner d'avis conforme sur ce contrat, annexe du CPOM pour lequel l'avis conforme n'est pas requis.
Il est singulier de vous entendre refuser l'avis conforme de la CME. On semble débattre à front renversé.
Je ne le refuse pas : il ne peut être. Pour le rendre juridiquement possible, il vous faudrait déposer une proposition de loi tendant à soumettre le CPOM lui-même à un avis conforme de la CME ; cela emporterait l'avis conforme pour le contrat annexé. Je suis donc défavorable aux amendements.
Plus vertueux seront les établissements, plus élevée sera l'aide financière accordée. Mais un établissement vertueux a-t-il vraiment besoin d'argent pour le rester ? Ne serait-il pas plus judicieux d'utiliser ces fonds pour aider ceux qui ne le sont pas à s'améliorer ?
La Commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite les amendements identiques AS82 de M. Jean-Pierre Door et AS159 de M. Dominique Tian.
Puis elle examine l'amendement AS270 du rapporteur.
Je propose de réorienter vers le fonds d'intervention régional (FIR) le produit de la pénalité due en cas de non-respect du contrat portant sur la qualité des établissements de santé. Cette ressource alimenterait ainsi l'aide à la contractualisation d'amélioration de la qualité des soins.
Au lieu de pénaliser les établissements qui ne respectent pas les dispositions du contrat de qualité puis de leur reverser l'argent pour les encourager à mieux faire, ne pourrait-on simplifier le dispositif et le rendre moins coûteux en leur laissant les fonds ?
Mon explication était fautive. Les ressources qu'il est proposé de verser au FIR sont le produit des pénalités qui frapperont les établissements de santé ayant refusé d'adhérer au contrat.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 36 modifié.
Article 37 : Création du statut d'hôpital de proximité
La Commission examine les amendements identiques AS63 de M. Jean-Pierre Door et AS142 de M. Dominique Tian.
Il est prévu que les hôpitaux de proximité ne puissent exercer une activité de chirurgie. Le sujet est difficile. Je sais les risques induits par un personnel insuffisamment compétent ou un bloc chirurgical obsolète, mais il peut se produire qu'en cas d'urgence absolue on n'ait d'autre choix que de se rendre dans un de ces établissements. Il faut donc maintenir cette possibilité.
Je me suis également demandé si l'on ne pourrait intégrer dans le dispositif les hôpitaux de proximité où existe un bloc de chirurgie ambulatoire. Mais en ce cas, le mécanisme de financement dérogatoire prévu ne concernerait plus 200 à 300 établissements, mais 500. Or ce dispositif n'est pas conçu pour soutenir la chirurgie de proximité dont on sait les limites. Sauf à sortir entièrement les établissements considérés de la tarification à l'activité, la mesure me paraît d'une application difficile. Je suis donc défavorable à l'amendement.
Le virage vers la chirurgie ambulatoire est certainement une bonne chose pour les comptes de l'assurance maladie, mais elle a ses limites. Dans ma circonscription, l'ARS souhaite qu'une certaine clinique se réoriente vers la chirurgie ambulatoire. Il en résulte que le nombre de lits réservés à la chirurgie classique n'est plus que de quinze. Cette approche pose un problème médical – il faut trouver les médecins qui ne pratiquent que la chirurgie ambulatoire – et un problème financier – il est impossible d'amortir un bloc avec la chirurgie ambulatoire seule. En résumé, ou l'on développe la chirurgie ambulatoire dans les hôpitaux de proximité tout en acceptant qu'ils pratiquent aussi une certaine proportion d'actes de chirurgie classique, ou ces hôpitaux disparaîtront. Il faut prendre les mesures permettant de maintenir ces structures là où elles sont nécessaires. Considérer qu'il ne doit plus y avoir que de la chirurgie ambulatoire dans un territoire où vivent plus de 100 000 personnes n'est pas forcément la bonne solution.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 37 sans modification.
Après l'article 37
La Commission examine l'amendement AS279 du rapporteur.
L'amendement tend à autoriser à titre expérimental la création d'« hôtels hospitaliers ». Le financement des frais d'hébergement est assuré par l'assurance maladie, celui des frais de fonctionnement par les FIR. Proposer ce mode d'hébergement, dont le coût est infiniment moindre pour la solidarité nationale que celui d'une journée d'hôpital, permettrait de développer la chirurgie ambulatoire pour des patients dont l'état ne demande pas une hospitalisation au long cours après une intervention, mais qui habitent trop loin de l'hôpital pour y revenir sûrement et confortablement en cas d'urgence ; cela réduirait aussi le risque de contracter des maladies nosocomiales.
Certains hôpitaux ont déjà créé des structures de ce type : ainsi du CHU de Toulouse avec la maison d'accueil et d'hébergement Le Laurier rose, ou de l'Hôtel-Dieu à Paris. Une capacité hôtelière est couplée à une présence médicale à proximité immédiate, ce qui permet de rapatrier très vite le malade à l'hôpital en cas de complication. De telles structures permettent d'augmenter significativement le taux de chirurgie ambulatoire pour les interventions liées, par exemple, à des cancers du sein. Elles sont aussi très utiles aux femmes pour lesquelles le risque d'accouchement prématuré est élevé et que l'on doit parfois hospitaliser préventivement, deux semaines durant, par précaution. Une étude menée à Paris a montré un taux de satisfaction de 85 % des usagers de ces structures – alors même que, dans leur très grande majorité, ils avaient dû payer cet hébergement, le remboursement par l'assurance-maladie n'étant pas prévu.
Ce dispositif est plébiscité par les malades et par les établissements, et correspond au souhait, partagé sur nos bancs, de voir se développer la chirurgie ambulatoire. L'amendement tend à encourager son développement à titre expérimental. Il ne s'agit pas de remplacer les hôpitaux – non, contrairement à ce que j'ai pu lire à ce sujet, ce ne seront pas des hôteliers qui opéreront les malades ! –, mais ces petites structures non médicalisées, en réduisant la durée des hospitalisations, entraîneront de considérables économies pour l'Assurance maladie.
J'avais déposé un amendement presque identique à celui-ci, que je soutiens vigoureusement. Pourquoi ne pas généraliser immédiatement une mesure proposée à titre expérimental alors que l'on en connaît déjà le bien-fondé ?
Les ministres de la santé successifs encouragent le développement de la chirurgie ambulatoire pour permettre un retour à domicile plus rapide. Pourquoi, alors, créer une sorte de sous-hospitalisation ? Si le malade est souffrant, il doit être gardé à l'hôpital, où il y a des lits et où il sera mieux pris en charge que chez lui ; s'il est capable de rentrer chez lui, il y rentre ! L'idée me semble d'autant plus bizarre qu'il existe déjà des établissements de soins de suite, conçus pour favoriser la convalescence.
Venez à Toulouse visiter Le Laurier rose, monsieur Tian, et vous serez éclairé. Je respecte l'ignorance, pour autant que l'ignorant cherche à s'améliorer…
La proposition est très intéressante. Elle permet de développer la chirurgie ambulatoire tout en assurant le confort et la sécurité du patient. Une structure de ce type – la Maison de parents – existe à Dijon. Comme Mme Carrillon-Couvreur, je serais favorable, là où de telles maisons existent, à la généralisation immédiate d'un dispositif qui a déjà fait ses preuves, sans passer par une phase d'expérimentation.
Avez-vous connaissance d'expériences étrangères de ce type, monsieur le rapporteur ? D'autre part, que faut-il entendre exactement par « hôtel hospitalier », le terme qui figure dans l'exposé des motifs de votre proposition ? S'agit-il d'établissements existants ? Par qui sera-t-il tenu, et qui investira ? L'hôpital lui-même ? Une collectivité locale ? L'entrée en vigueur de ce dispositif entraînera-t-elle ipso facto la suppression de lits hospitaliers ?
L'idée est très bonne, à condition qu'elle soit envisagée dans un tout, pour permettre un nouvel équilibre. Si l'on développe la chirurgie ambulatoire, des chambres seront disponibles dans les hôpitaux. Ce matin même, la station de radio France Info faisait état de la reconversion d'un étage d'hôpital, désormais réservé à l'hôtel hospitalier. À raison de 1 200 euros la nuitée à l'hôpital et de 67 euros dans cette configuration, l'idée est excellente – ce qui coûte cher, dans une hospitalisation, n'est pas le bâtiment, puisqu'il existe, mais le personnel. Les établissements hospitaliers doivent donc aménager ces hôtels dans leurs locaux, en fonction du développement de la chirurgie ambulatoire, assurant ainsi une proximité réelle aux patients. De plus, la prudence s'impose, au risque, sinon, qu'un dispositif de ce type, assorti d'un remboursement par l'assurance maladie, n'attire des investisseurs privés pressés de créer des structures pour lesquelles ils demanderont des prix de journée supérieurs au tarif de remboursement. Je suis tout à fait favorable à la proposition, à la condition que ce soient les hôpitaux qui la mettent en oeuvre.
L'idée est intéressante. Elle m'avait été suggérée par un transporteur sanitaire, stupéfait de devoir amener puis ramener de Rennes à Lille une patiente venue consulter un spécialiste et qui n'aurait pas eu besoin d'être hospitalisée pour cela, au prix de 1 200 euros pour la collectivité. Cette proposition pragmatique répond aux observations des praticiens eux-mêmes et au souhait des patients, et je n'y vois rien de choquant. Des précisions seraient toutefois souhaitables : dans le cas précédemment cité, à quel FIR reviendrait la prise en charge de la nuitée ?
Le groupe UDI n'est pas opposé à l'amendement, à condition qu'il n'ait pas pour effet de compliquer encore le parcours de soins. Il faudra d'une part ne pas empêcher le retour au domicile quand il est possible, d'autre part réviser la carte hospitalière sans s'interdire des fermetures de lits et, éventuellement, d'établissements.
Il conviendra aussi d'éviter une autre dérive qui consisterait à faire sortir le patient de l'hôpital trop tôt, la conséquence étant que la famille entière serait à l'hôtel auprès de lui… J'appelle aussi l'attention sur le fait qu'après un pontage on envoie les patients dans des établissements de rééducation cardio-vasculaire spécialisés, alors que la rééducation pourrait parfaitement avoir lieu à l'hôpital. La mise en oeuvre de la mesure doit être souple.
Les structures dont il s'agit sont des lieux de transit, des sas. Quand on habite l'Aveyron et que le CHU le plus proche est à Toulouse, à 180 km de là, être hébergé au Laurier rose facilite grandement la vie et évite que des effets secondaires banals prennent, pour des raisons psychologiques, des proportions indues. Savoir que l'on peut être hébergé à côté de l'établissement dans lequel on a été opéré contribuera à faire accepter la révolution culturelle qu'est la chirurgie ambulatoire. La proposition constitue un bon compromis et, contrairement à ce qu'a dit M. Tian, elle entraîne une dépense bien moindre.
Je suis favorable au principe de l'expérimentation. Le mode d'hébergement dont il est question existe depuis longtemps, sous des formes diverses. À Toulouse, le Laurier rose était conçu à l'origine pour les familles ; à Villejuif, l'Institut Gustave-Roussy loue, après conventionnement, des chambres à des hôtels ; maintenant, cela a été dit, des salles sont réservées à cet accueil au sein des hôpitaux eux-mêmes ; dans ma commune, une grosse clinique a favorisé l'implantation d'une résidence hôtelière à cet usage. Le terme d'« hôtel hospitalier » qui figure dans l'exposé des motifs ne me paraît pas le meilleur, car il donne à penser que des constructions auront lieu, avec l'intervention d'investisseurs qui voudront rentabiliser leurs capitaux. À mon sens, il faut commencer par expérimenter le dispositif avant de l'institutionnaliser. Enfin, il est illusoire de penser que l'on économisera par ce biais 1 200 euros par nuitée, car les frais fixes – les lits et le personnel – demeurent.
La prudence est effectivement de rigueur, mais chacun a compris le principe qui sous-tend l'amendement.
Je m'interroge sur le statut de ces établissements : feront-ils partie du schéma régional d'organisation des soins (SROS) ? J'entends que l'hôpital public coûte trop cher et qu'il s'agit donc de conventionner avec des groupes hôteliers privés, qui accueilleront les malades qui le peuvent à proximité des hôpitaux, sans personnel et sans soins. À enveloppe constante, cela implique forcément de fermer des lits dans les hôpitaux ; les directeurs d'établissement apprécieront. Cette expérimentation aura au moins le mérite de montrer que l'hôpital public coûte très cher.
Le développement de la chirurgie ambulatoire va nécessairement libérer des lits dans les hôpitaux. Il faut donc avoir le courage d'en supprimer.
L'expérimentation que je propose s'inspire de modèles étrangers, dont le plus connu est celui de la Mayo Clinic, aux États-Unis, qui a imaginé un système de souterrains reliant l'hôpital aux principaux hôtels de la ville. Ces formules existent également dans plusieurs pays européens – sous des formes plus modestes, rassurez-vous… (Sourires.) Quant à l'expérimentation menée à l'Hôtel-Dieu, elle avait pris le nom d'Ambulotel. Je précise enfin que, si nous nous en tenons à une expérimentation, c'est à cause de l'article 40 de la Constitution.
La Commission adopte l'amendement.
Article 38 : Contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire
La Commission examine l'amendement AS113 de M. Jean-Louis Roumegas.
Il s'agit de préciser que le praticien territorial s'engage à limiter ses dépassements d'honoraires à 40 % du tarif opposable de la sécurité sociale. Ces médecins exercent en effet dans des zones où la patientèle ne manque pas et ils bénéficient en outre, du fait de leur statut, d'une rémunération et d'avantages consentis. C'est donc un plafond acceptable.
Le praticien territorial de médecine ambulatoire (PTMA) bénéficie du droit à congé de maternité ou de paternité. En contrepartie, il a l'obligation de travailler dans une zone sous-dotée, de se faire remplacer lors de son congé et d'exercer soit à tarif opposable, soit en modérant ses dépassements d'honoraires. La loi ne précise pas dans quelle mesure, car les PTMA ne sont pas tous des généralistes. Certains spécialistes exercent en secteur deux et ont souscrit au contrat d'accès aux soins, ce qui est un dispositif de modération moins rigide. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques AS56 de M. Jean-Pierre Door, AS92 de M. Rémi Delatte et AS161 de M. Dominique Tian.
Les avancées contenues dans le statut de PTMA sont intéressantes. En revanche, les engagements requis sont assez lourds. Ils rappellent ceux de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Or trop de contraintes peuvent avoir un effet désincitatif.
Si l'on veut inciter les jeunes médecins à s'installer, il faut en effet ne pas leur imposer trop de contraintes.
Je vous rejoins sur le fait que le contrat comporte beaucoup trop d'obligations au regard de l'avantage que constitue le droit à un congé de maternité. Dès lors qu'un praticien exerce en zone sous-dotée, à tarif opposable ou en modérant ses dépassements d'honoraires et qu'il se fait remplacer en cas d'absence, il n'y a pas lieu d'ajouter des contraintes supplémentaires. Faut-il pour autant supprimer la faculté pour les ARS de prévoir des engagements individualisés ?
Je propose pour ma part l'amendement AS282 qui propose des engagements individualisés pouvant porter sur les modalités d'exercice, des actions d'amélioration des pratiques, des actions de dépistage de prévention et d'éducation à la santé, des actions destinées à favoriser la continuité de la coordination des soins et la permanence des soins. Il n'est plus question de collaboration avec les autres médecins ni d'engagements en matière de prescriptions.
Faire référence à des objectifs de santé publique comme la permanence des soins ou les actions de dépistage est en effet très incitatif pour les jeunes praticiens.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte l'amendement AS282 du rapporteur, à l'unanimité.
Puis, selon l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques AS57 de M. Jean-Pierre Door et AS93 de M. Rémi Delatte.
Elle adopte ensuite l'article 38 modifié.
Article 39 : Soutien de la médecine générale de montagne
La Commission examine les amendements identiques AS59 de M. Jean-Pierre Door, AS94 de M. Rémi Delatte et AS162 de M. Dominique Tian.
Si nous voulons favoriser l'installation des jeunes médecins dans des zones géographiques spécifiques, ne multiplions pas les contraintes désincitatives.
L'article 39 vise à soutenir la médecine générale de montagne et les médecins de station, qui ont une forte activité en haute saison touristique mais ne travaillent pas assez en basse saison. Il s'agit donc de leur assurer non seulement une garantie de rémunération, mais également un soutien à l'installation de plateaux techniques. Cela justifie que le contrat prévoit des actions de formation. Il est important en effet que ces médecins puissent accueillir des étudiants en médecine ou des internes. Nous sommes dans un cas où les contraintes se justifient. Avis défavorable.
Les médecins de montagne sont assez isolés, ce qui rend difficiles les actions de coopération avec d'autres médecins. Quant à former des internes, il faut pour cela qu'ils soient déclarés comme maîtres de stage. Les y obliger peut être très désincitatif.
Il s'agit d'engagements individualisés. On ne demandera pas à un médecin isolé de mener des actions de coopération. On peut en revanche imaginer des actions de prévention spécifiquement destinées aux populations de montagne.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 39 sans modification.
Après l'article 39
L'amendement AS45 de M. Francis Vercamer est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AS230 de Mme Bérengère Poletti.
Pour des questions d'équité entre les professionnels de santé libéraux, la subvention versée par les caisses d'assurance maladie aux centres de santé doit être modulée par l'application d'un coefficient multiplicateur défini comme le rapport entre le montant total des actes et prestations remboursables divisé par le montant total du chiffre d'affaires. Cela concerne au premier chef les centres bucco-dentaires.
Certains abus ont en effet été constatés dans certains centres de santé, notamment bucco-dentaires, qui pratiquent en quantité plus ou moins importante des actes non remboursables. Ils bénéficient néanmoins du régime fiscal appliqué aux centres de santé. Cette question mérite que nous en rediscutions en séance publique avec la ministre. D'ici là, je m'en remets à votre sagesse.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement AS127 de M. Dominique Tian.
Il s'agit d'un amendement sur le cumul emploi-retraite, que nous déposons à chaque PLFSS. Il vise à exonérer partiellement de cotisations retraite les médecins qui exerceraient en zone sous-dense
La mesure proposée par cet amendement n'est pas chiffrée. Le cumul emploi-retraite n'est ouvert qu'à des médecins qui ont liquidé l'ensemble de leur pension de retraite. Je doute par ailleurs que la mesure proposée permette d'améliorer la répartition des médecins dans les territoires sous-dotés. Comme l'an dernier, et sans doute comme l'an prochain, avis défavorable.
La séance est levée à une heure vingt.