Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 15 novembre 2012 à 21h30
Abrogation du conseiller territorial — Présentation

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

Le contenu de cette proposition de loi et le débat d'aujourd'hui sont symboliques. Ils marquent la fin, et c'est très important pour la démocratie, pour l'apaisement dont la France a besoin, d'une période de défiance à l'égard des élus locaux. Ils marquent également la fin d'une méthode et le début d'une autre : il y avait urgence à rétablir une véritable concertation avec les élus pour aborder, en confiance, une nouvelle étape de la décentralisation ; et cet avis est partagé sur tous les bancs, au Sénat comme à l'Assemblée. À ce titre, il était important que l'initiative parlementaire initiée au Sénat vive et aboutisse. Je veux à ce propos saluer vos travaux, madame la rapporteure, qui ont déjà permis d'améliorer cette proposition de loi.

Il ne suffit pas d'abroger le conseiller territorial ; il faut le faire intelligemment et esquisser des pistes pour l'avenir. Je crois que c'est le cas de l'article unique de ce texte tel qu'il ressort de votre commission des lois qui travaille toujours avec la plus grande sagesse.

Le Sénat avait déjà supprimé toute référence au conseiller territorial dans l'ordonnancement juridique. L'article 1er de la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogé et avec lui le conseiller territorial. Avec cette suppression, la volonté de la majorité est claire : la démocratie locale vit au travers des régions et des départements. Elle ne peut exister sans des élus distincts.

L'abrogation de l'article 3 de la loi de 2010 est elle aussi importante : il s'agit de supprimer le remodelage prévu pour les cantons en vue de la création du conseiller territorial. Ce redécoupage n'a plus lieu d'être, de même que le tableau qui fixait le nombre de conseillers territoriaux par département.

Les avancées apportées par le texte issu de votre commission sont nombreuses. Celles qui touchent au fonctionnement des collectivités territoriales doivent être soulignées. Ainsi, l'article 7 de la loi de 2010 modifie la composition des commissions permanentes des conseils régionaux. Il a vocation à s'appliquer après le prochain renouvellement régional, ce que précise le texte de la commission ; j'approuve cette formulation, car il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement de bousculer le fonctionnement des régions avant les prochaines échéances.

Vous avez apporté une modification du même type en prévoyant que la mise en oeuvre des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services entre une région et les départements interviendrait après les élections régionales. C'est là aussi une précision de bon sens.

Madame la rapporteure, vous souhaitez également des clarifications sur le statut des chefs-lieux de cantons. En 2010, il avait été décidé qu'un canton pourrait conserver plusieurs chefs-lieux afin que les communes concernées continuent de bénéficier des avantages liés à ce statut. Ce serait pénalisant pour l'avenir, au moment même où un remodelage cantonal profond est nécessaire. Vous proposez de laisser un temps d'adaptation aux communes concernées jusqu'aux prochaines échéances municipales ; nous aurons l'occasion d'en débattre.

Enfin, vous avez fait le choix de limiter le nombre d'élections cantonales partielles. Les cas de remplacement des conseillers généraux par leur suppléant sont étendus. C'est une bonne chose.

Outre ces modifications techniques, d'autres amendements adoptés par la commission des lois contribuent à améliorer le fonctionnement de la démocratie locale et à fixer des principes pour l'avenir. Je m'en félicite et j'y suis évidemment favorable.

La démocratie, c'est d'abord le pluralisme. La précédente majorité avait fait le choix de porter à 12,5 % des électeurs inscrits le seuil de suffrages nécessaire pour accéder au second tour. Ce choix, je n'en doute pas un seul instant, était à l'évidence politique. Mais nous savons bien que, malheureusement, les élections départementales connaissent souvent – pas partout, mais souvent – une forte abstention. Lorsque celle-ci atteint 50 % – ce fut le cas en 2011 –, un candidat doit réunir 25 % des suffrages pour se maintenir. Sur votre proposition, madame la rapporteure, la commission des lois a décidé de ramener ce seuil à 10 % des inscrits. J'approuve pleinement ce choix. Au niveau local, comme au niveau national, la démocratie c'est le choix au premier tour, mais aussi au second.

La démocratie, mesdames et messieurs les députés, c'est aussi la transparence. Ainsi, vous conservez les apports de la loi du 14 avril 2011 en matière de transparence financière. Tout candidat aux élections cantonales devra prouver qu'il a désigné un mandataire financier. Cette mesure me semble logique et de nature à prévenir les contentieux potentiels.

Le choix de la démocratie, c'est enfin celui de la parité. Madame la rapporteure, vous nous présenterez tout à l'heure un amendement visant à moduler le financement public des partis politiques en fonction de la proportion de candidats de chaque sexe présentés aux élections départementales. Je ne peux qu'approuver cet objectif ; on ne peut se satisfaire d'assemblées départementales qui ne comptent que 13 % de femmes élues.

Mais, en matière de parité, nous devrons aller plus loin que le système que vous nous proposez. C'est en effet le mode de scrutin qu'il faut revoir. Et vous connaissez les intentions du Gouvernement.

Cette proposition de loi est donc la fin d'une séquence, mais également le début d'un processus. C'est le premier des textes électoraux que nous aurons à examiner dans les prochains mois.

J'entends les interrogations de celles et de ceux qui craignent que l'abrogation ne soit qu'un simple retour au passé. Je veux les rassurer, ici, de la façon la plus claire. Le Président de la République s'y est engagé : nous modifierons le mode de scrutin départemental. Il a fixé un cap très clair lors de son discours aux États généraux de la démocratie territoriale : le scrutin départemental devra impérativement allier proximité et parité.

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