La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés de la majorité (Sourires),…
…il y a un an, presque jour pour jour, le Sénat, dans sa très grande sagesse, adoptait en première lecture une proposition de loi portée par les élus socialistes, radicaux, écologistes et communistes, visant à abroger le conseiller territorial.
Dans sa grande sagesse, dis-je, car cette réforme, pourtant annoncée à grand renfort de comités, de commissions et de rapports, avait vraiment tout de l'impréparation. Pour tout dire, elle représentait même une régression pour notre démocratie.
Un an a passé, et les Français ont eu l'occasion de s'exprimer et d'arrêter de nouvelles orientations pour notre pays, de souscrire au changement proposé par le Président de la République. Et ce changement consiste notamment à donner un nouvel élan à notre démocratie et à nos territoires.
Les lois de décentralisation voulues il y a trente ans par la gauche n'ont pas été simplement porteuses de transferts de compétences, elles ont également, et c'était le but visé par Pierre Mauroy et Gaston Defferre, permis de rapprocher les décisions publiques du citoyen. En d'autres termes, elles ont abouti à ce que dans nos collectivités territoriales, dans nos régions, dans nos départements, dans nos communes, se développe et s'enracine progressivement une culture démocratique à laquelle nos compatriotes sont très attachés, une culture de l'écoute, du dialogue et du lien entre les citoyens et leurs représentants.
Dans toutes les assemblées de France, communales, départementales et régionales, il y a des élus locaux qui se dévouent, quelle que soit leur sensibilité. Il faut leur rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ces élus, présents sur tous les bancs de l'Assemblée nationale ce soir (Sourires),donnent de leur temps pour leur collectivité. Ils se mobilisent pour son développement économique, son attractivité, pour la doter des équipements publics et des infrastructures adaptées, pour bâtir des logements, construire des établissements scolaires, pour faire vivre toutes les énergies, notamment culturelles, pour assurer enfin la mise en place de dispositifs de solidarité qui assurent la cohésion de notre société et de nos territoires.
Les élus locaux sont des acteurs essentiels de la vitalité démocratique dans nos territoires. Ces élus ne sont pas un luxe pour notre démocratie. C'est pourtant ce que l'on a voulu laisser entendre.
Aujourd'hui, c'est un nouvel acte de la décentralisation que le Gouvernement entend mener. Il sera porté par la ministre de la réforme de l'État et de la décentralisation, Marylise Lebranchu. Il s'appuiera sur des grandes orientations que le Président de la République a pu détailler lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat avec un objectif clair : confiance, clarté, cohérence et démocratie.
Le préalable de cette étape importante, c'est la proposition de loi sur laquelle votre assemblée est appelée à se prononcer ce soir, qui abroge le conseiller territorial.
Drôle de création en effet que cet élu bicéphale, à la fois conseiller régional et général.
Le conseiller territorial consistait à rapprocher deux échelons, le département et la région, qui n'ont pas les mêmes logiques de fonctionnement ni les mêmes perspectives d'action.
Loin de clarifier les responsabilités entre le département et la région, le conseiller territorial ne pouvait qu'entretenir une confusion en matière de répartition des compétences. Or la démocratie demande de la transparence, de la lisibilité, simplement pour savoir qui fait quoi, qui décide de quoi et pour que les citoyens – c'est fondamental – puissent porter un jugement sur l'action menée.
Le conseiller territorial était voué à des allers et retours incessants entre sa circonscription d'élection, le chef-lieu du département et le chef-lieu de région, ce qui ne pouvait que nuire à la proximité entre l'élu et ses concitoyens. Or le principe même du mandat local, c'est d'être au coeur des réalités du terrain pour en percevoir toutes les implications.
Nos concitoyens attendent de leurs élus de l'écoute, de la disponibilité, de la proximité. Les conseillers généraux et régionaux doivent garder leur ancrage dans leur territoire respectif.
Les Français attendent également que leurs élus soient à l'image de la société. Or le mode de scrutin retenu, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, était très défavorable à la parité ainsi qu'au pluralisme. C'était donc un retour en arrière pour les régions. C'est un fait, et vous le savez : les conseils généraux sont des assemblées où la part des élus hommes est la plus importante et celle des femmes la plus minorée, voire inexistante. Le mode d'élection du conseiller territorial ne pouvait que prolonger ce phénomène auquel nous devons, au contraire, opposer le principe de la parité.
L'argument économique a été brandi à maintes reprises pour justifier la création du conseiller territorial. La question des synergies générées par le rapprochement des assemblées a d'abord été mise en avant.
Le conseiller territorial devait permettre une meilleure coordination entre les actions des départements et des régions.
Mais c'était justement ignorer leurs champs d'intervention qui ne se recoupent pas.
Les économies de structures ont ensuite été avancées. Mais c'était, là encore, négliger les coûts nécessaires et très conséquents pour la reconstruction des hémicycles régionaux afin d'accueillir l'ensemble des conseillers territoriaux. Finalement, c'est la question des indemnités des élus qui a été martelée. Un nombre restreint d'élus devait se solder par des économies : pur affichage…
En réalité, il aurait fallu indemniser les remplaçants, ces super-suppléants inventés pour l'occasion et qui faisaient que, de toute façon, il n'y avait aucun changement en termes d'élus.
En résumé, on a voulu faire de fausses économies sur la démocratie locale, alors qu'elle doit être efficace et légitime. C'est de cette façon que les élus gèrent au mieux leur territoire.
Le contenu de cette proposition de loi et le débat d'aujourd'hui sont symboliques. Ils marquent la fin, et c'est très important pour la démocratie, pour l'apaisement dont la France a besoin, d'une période de défiance à l'égard des élus locaux. Ils marquent également la fin d'une méthode et le début d'une autre : il y avait urgence à rétablir une véritable concertation avec les élus pour aborder, en confiance, une nouvelle étape de la décentralisation ; et cet avis est partagé sur tous les bancs, au Sénat comme à l'Assemblée. À ce titre, il était important que l'initiative parlementaire initiée au Sénat vive et aboutisse. Je veux à ce propos saluer vos travaux, madame la rapporteure, qui ont déjà permis d'améliorer cette proposition de loi.
Il ne suffit pas d'abroger le conseiller territorial ; il faut le faire intelligemment et esquisser des pistes pour l'avenir. Je crois que c'est le cas de l'article unique de ce texte tel qu'il ressort de votre commission des lois qui travaille toujours avec la plus grande sagesse.
Le Sénat avait déjà supprimé toute référence au conseiller territorial dans l'ordonnancement juridique. L'article 1er de la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogé et avec lui le conseiller territorial. Avec cette suppression, la volonté de la majorité est claire : la démocratie locale vit au travers des régions et des départements. Elle ne peut exister sans des élus distincts.
L'abrogation de l'article 3 de la loi de 2010 est elle aussi importante : il s'agit de supprimer le remodelage prévu pour les cantons en vue de la création du conseiller territorial. Ce redécoupage n'a plus lieu d'être, de même que le tableau qui fixait le nombre de conseillers territoriaux par département.
Les avancées apportées par le texte issu de votre commission sont nombreuses. Celles qui touchent au fonctionnement des collectivités territoriales doivent être soulignées. Ainsi, l'article 7 de la loi de 2010 modifie la composition des commissions permanentes des conseils régionaux. Il a vocation à s'appliquer après le prochain renouvellement régional, ce que précise le texte de la commission ; j'approuve cette formulation, car il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement de bousculer le fonctionnement des régions avant les prochaines échéances.
Vous avez apporté une modification du même type en prévoyant que la mise en oeuvre des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services entre une région et les départements interviendrait après les élections régionales. C'est là aussi une précision de bon sens.
Madame la rapporteure, vous souhaitez également des clarifications sur le statut des chefs-lieux de cantons. En 2010, il avait été décidé qu'un canton pourrait conserver plusieurs chefs-lieux afin que les communes concernées continuent de bénéficier des avantages liés à ce statut. Ce serait pénalisant pour l'avenir, au moment même où un remodelage cantonal profond est nécessaire. Vous proposez de laisser un temps d'adaptation aux communes concernées jusqu'aux prochaines échéances municipales ; nous aurons l'occasion d'en débattre.
Enfin, vous avez fait le choix de limiter le nombre d'élections cantonales partielles. Les cas de remplacement des conseillers généraux par leur suppléant sont étendus. C'est une bonne chose.
Outre ces modifications techniques, d'autres amendements adoptés par la commission des lois contribuent à améliorer le fonctionnement de la démocratie locale et à fixer des principes pour l'avenir. Je m'en félicite et j'y suis évidemment favorable.
La démocratie, c'est d'abord le pluralisme. La précédente majorité avait fait le choix de porter à 12,5 % des électeurs inscrits le seuil de suffrages nécessaire pour accéder au second tour. Ce choix, je n'en doute pas un seul instant, était à l'évidence politique. Mais nous savons bien que, malheureusement, les élections départementales connaissent souvent – pas partout, mais souvent – une forte abstention. Lorsque celle-ci atteint 50 % – ce fut le cas en 2011 –, un candidat doit réunir 25 % des suffrages pour se maintenir. Sur votre proposition, madame la rapporteure, la commission des lois a décidé de ramener ce seuil à 10 % des inscrits. J'approuve pleinement ce choix. Au niveau local, comme au niveau national, la démocratie c'est le choix au premier tour, mais aussi au second.
La démocratie, mesdames et messieurs les députés, c'est aussi la transparence. Ainsi, vous conservez les apports de la loi du 14 avril 2011 en matière de transparence financière. Tout candidat aux élections cantonales devra prouver qu'il a désigné un mandataire financier. Cette mesure me semble logique et de nature à prévenir les contentieux potentiels.
Le choix de la démocratie, c'est enfin celui de la parité. Madame la rapporteure, vous nous présenterez tout à l'heure un amendement visant à moduler le financement public des partis politiques en fonction de la proportion de candidats de chaque sexe présentés aux élections départementales. Je ne peux qu'approuver cet objectif ; on ne peut se satisfaire d'assemblées départementales qui ne comptent que 13 % de femmes élues.
Mais, en matière de parité, nous devrons aller plus loin que le système que vous nous proposez. C'est en effet le mode de scrutin qu'il faut revoir. Et vous connaissez les intentions du Gouvernement.
Cette proposition de loi est donc la fin d'une séquence, mais également le début d'un processus. C'est le premier des textes électoraux que nous aurons à examiner dans les prochains mois.
J'entends les interrogations de celles et de ceux qui craignent que l'abrogation ne soit qu'un simple retour au passé. Je veux les rassurer, ici, de la façon la plus claire. Le Président de la République s'y est engagé : nous modifierons le mode de scrutin départemental. Il a fixé un cap très clair lors de son discours aux États généraux de la démocratie territoriale : le scrutin départemental devra impérativement allier proximité et parité.
Ne soyez pas impatient… Sous l'autorité du Premier ministre, je suis chargé de cette réforme. Je proposerai, dans les prochaines semaines, un texte au Conseil des ministres. J'entame dès demain une concertation avec les formations politiques représentées au Parlement et les grandes associations d'élus concernées. Le texte que j'aurai l'honneur de vous présenter s'inscrira pleinement dans ce nouvel acte de la décentralisation voulu par le chef de l'État.
Mon exigence sera l'approfondissement de la démocratie locale et donc de la proximité, à tous les échelons.
J'y viens.
Nous aurons d'abord à réfléchir au calendrier des prochaines élections locales. En l'état actuel des textes, quatre scrutins doivent se tenir en 2014 : les élections municipales et territoriales en mars, les élections européennes en juin et les élections sénatoriales en septembre. La restauration du double scrutin régional et départemental ajouterait ainsi une cinquième élection.
Cinq élections, neuf tours de scrutin en l'espace de six mois : ce calendrier électoral engorgé est impraticable et, à coup sûr, il conduirait à une faible participation des électeurs. Nous devrons donc le modifier.
L'exigence de lisibilité nous conduit aussi à une réflexion sur le renouvellement des conseils généraux. Le renouvellement par moitié brouille la lisibilité de ce scrutin pour les citoyens. Pour être pleinement légitime, l'institution départementale doit également être dotée d'une majorité claire pour le temps d'un mandat.
La question du mode de scrutin des élus départementaux sera posée dans le cadre fixé par le Président de la République. Le nouveau mode de scrutin doit, je le cite, respecter « le besoin d'un ancrage territorial en même temps que l'exigence de parité ».
Ces deux principes devront nous guider pour choisir un nouveau mode de scrutin, qui affirme et renforce la légitimité de nos élus départementaux.
Le département doit rester un échelon de proximité, ancré profondément dans nos territoires, notamment – mais pas seulement – dans les territoires ruraux. Dans le même temps, l'institution départementale doit assurer une représentation plurielle et paritaire. Nous proposerons donc un mode de scrutin qui garantisse strictement la parité.
Cette exigence d'une démocratie proche et lisible, nous la ferons également vivre dans le bloc communal. Le fait intercommunal est devenu concret pour les Français. Ils savent désormais que telle voie est rénovée par leur communauté de commune, ou qu'ils doivent leur tramway à la communauté urbaine. Cette réalité des politiques publiques doit devenir progressivement une réalité démocratique.
Là encore, le Président de la République a fixé le cap : les délégués communautaires seront désormais élus le même jour que les conseillers municipaux, par un même vote. Ici, également il faut privilégier la lisibilité : un vote unique permettra de préserver la légitimité communale, tout en dotant les établissements publics de coopération intercommunale d'élus clairement identifiés.
Cette élection plus démocratique des délégués communautaires doit être étendue au plus grand nombre de communes. Il faudra donc, comme cela avait été envisagé par la précédente majorité, abaisser le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste. Ce seuil est actuellement de 3 500 habitants. Plusieurs propositions aujourd'hui existent ; nous devrons trouver, lorsque le texte arrivera devant votre assemblée, le bon compromis.
Cet abaissement du seuil répond également à notre volonté de rendre le scrutin municipal plus paritaire. Aujourd'hui, l'objectif de parité est quasiment atteint dans les communes de plus de 3 500 habitants, alors que les communes plus petites ne comptent que 32 % de conseillères municipales – chiffre intéressant : dès que la loi n'encadre pas la nécessité de la parité, nous voyons de mauvaises habitudes reprendre le dessus.
Mesdames et messieurs les députés, j'aurai donc l'occasion, au terme de ces consultations, de préciser les orientations et les projets du Gouvernement. Je ne veux pas en dire plus, car je veux respecter cette phase de consultation et de travail avec l'ensemble des formations représentées dans les assemblées.
La démocratie n'est jamais un modèle abouti. Elle doit, sans cesse, se rénover pour répondre au mieux aux attentes, aux aspirations de nos citoyens. C'est là, au fond, le meilleur moyen de combattre la défiance dont peuvent faire l'objet nos institutions. Une défiance dont nous ne pouvons, en aucun cas, tous ici, nous satisfaire.
Dans nos territoires, il y a une attente pour une démocratie de proximité qui permette de faire vivre pleinement ces liens qui existent entre les citoyens et leurs représentants. C'est notre responsabilité collectivité de donner tous les moyens pour que cette attente trouve une réponse parfaitement adaptée.
Cette proposition de loi est une étape essentielle, il nous faut la franchir en ayant en tête les étapes à venir : j'ai essayé de les rappeler. L'approfondissement de notre démocratie, c'est également le renforcement de notre nation, de sa cohésion ; c'est donc une composante essentielle du redressement de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Nathalie Appéré, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, abroger le conseiller territorial est une première étape, aussi indispensable que symbolique, pour ouvrir dans la sérénité une nouvelle ère de la démocratie territoriale. L'abrogation du conseiller territorial, engagement du Président de la République, marque la volonté de notre majorité de renouer un dialogue apaisé et constructif avec les territoires et les élus locaux, malmenés par le gouvernement précédent, mais sans lesquels il ne peut y avoir de véritable réforme territoriale.
À cet égard, les débats qui ont eu lieu en commission des lois ont montré qu'au-delà de notre majorité, la conviction que l'on avait fait fausse route en 2010 est aussi répandue sur les bancs de l'opposition.
Nous avons donc pu constater, non sans plaisir, que bon nombre des commissaires membres du groupe UMP – en tout cas plus nombreux que nos collègues de l'opposition présents ce soir (Sourires) – ont voté en faveur de cette proposition de loi et donc de l'abandon du conseiller territorial, qui devait remplacer le conseiller général et le conseiller régional dès 2014.
Dans son intervention, M. le Ministre nous a présenté les intentions du Gouvernement pour rénover notre démocratie locale et mettre en place des régimes électoraux locaux modernisés, tout à la fois respectueux du pluralisme, de la représentation des territoires et de la place des femmes. Je salue, monsieur le ministre, le processus de large consultation que vous avez souhaité initier.
Mais avant même la discussion de celui-ci, il importe donc de revenir sur la création du conseiller territorial, clef de voûte de la loi dite de réforme des collectivités qu'on aurait pu appeler à bien des égards contre-réforme, afin que, sur les ruines de cet édifice mal pensé et mal conçu, puisse être réellement mis en oeuvre un acte III de la décentralisation.
C'est dans cet objectif que notre collègue Borvo Cohen-Seat et les autres membres du groupe communiste, républicain et citoyen, bientôt rejoints par les socialistes et les écologistes du Sénat, ont pris l'initiative de déposer la présente proposition de loi, montrant ainsi que la réorientation de la décentralisation est une véritable priorité. En reprenant à son tour ce texte, l'Assemblée nationale a ainsi l'occasion de montrer son attachement à la reconstruction d'un modèle de République décentralisée, toujours voulue par la gauche d'ailleurs, qui ne soit pas uniquement motivée par la recherche d'économies budgétaires – aussi légitime soit-elle, si toutefois elle est fondée –, mais par la volonté de permettre à toutes et à tous de participer réellement à la gestion et au développement des territoires où ils vivent.
La création du conseiller territorial a été présentée comme une tentative de rationalisation de l'action locale. Cependant, c'est avant tout à notre sens une tentative de mise en place d'un élu hybride, bicéphale, pour réaliser des économies introuvables. Son mode d'élection institutionnaliserait à la fois le cumul des mandats et la tutelle entre collectivités et balaierait d'un trait dix années d'avancées de la parité dans notre pays, alors qu'il est nécessaire de renforcer la place et le rôle des femmes dans la démocratie. La commission des lois a ainsi adopté cette proposition, qui reste un premier pas vers des chantiers bien plus ambitieux à ouvrir et que vous avez commencé à esquisser, monsieur le ministre.
En premier lieu, il n'est pas inutile de rappeler la genèse difficile de cet élu hybride. Il a tout d'abord été l'objet de l'une des propositions du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Édouard Balladur en 2009. La traduction des conclusions du comité dans un ensemble de trois projets de loi s'est pourtant faite au prix d'une altération profonde de l'esprit et de la lettre des préconisations. Le conseiller territorial, qui devait être élu selon un mode de scrutin proportionnel et fléché, s'est retrouvé n'être qu'une version à peine retouchée du conseiller général.
Les auditions que j'ai menées ont été l'occasion de se rappeler que la création des conseillers territoriaux a été décidée sans concertation avec les élus locaux, quelle que soit d'ailleurs leur couleur politique. L'ensemble de la réforme a même été ressenti comme une entreprise de stigmatisation de ces élus, accusés d'être trop nombreux, trop dispendieux, trop coûteux et décrits comme incapables de mener des politiques efficaces et cohérentes.
Le raisonnement économique est d'ailleurs devenu assez rapidement le principal, voire le seul, l'unique argument présenté par les – rares – défenseurs de la réforme : en remplaçant 4 118 conseillers généraux et 1 808 conseillers régionaux par 3 493 conseillers territoriaux, on allait, disait-on, économiser 40 millions d'euros par an ! Ce calcul à l'emporte-pièce n'a cependant pas résisté à l'avalanche des autres dépenses nouvelles à prévoir : les frais de transport d'un nombre important d'élus, les défraiements promis aux suppléants, les rémunérations des collaborateurs et surtout la reconstruction des hémicycles régionaux, nécessaire à la tenue de ces assemblées pléthoriques.
La création des conseillers territoriaux se solderait donc par une augmentation nette des charges de fonctionnement des conseils généraux et régionaux. Cela montre l'absurdité d'un raisonnement voulant faire des élus locaux un coût et non un avantage pour mener des politiques réellement décentralisées, alors que, selon les chiffres issus des derniers comptes administratifs, les indemnités et autres frais en relation ne représentent que 0,19 % du budget des départements et 0,20 % de celui des régions.
Tout cela explique que ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales ait été discuté dans un climat particulièrement houleux, aggravé par l'attitude et les revirements du Gouvernement de l'époque, avant d'être finalement adopté au forceps.
Alors que le Gouvernement avait déposé un second projet de loi relatif au régime électoral des conseillers territoriaux – prévoyant un scrutin mixte –, il a finalement déposé des amendements visant à appliquer à ces nouveaux élus le régime électoral du conseiller général, avec un seuil d'accès au second tour porté à 12,5 % des inscrits. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que le Sénat ait, en seconde lecture, supprimé les dispositions du texte relatives aux conseillers territoriaux puisqu'elles revenaient sur les engagements pris devant lui par le Gouvernement d'alors.
Au total, les dispositions disparates de la loi ne constituent qu'une ébauche très mal taillée de ce qui devait être un élément-clé d'une réforme de l'organisation de deux niveaux de collectivités territoriales. On rappellera aussi qu'il n'a pas fallu moins de trois projets de loi successifs pour que le fameux tableau de répartition des conseillers territoriaux par région et par département respecte enfin la procédure constitutionnelle et le principe de l'égalité devant le suffrage.
En second lieu, le conseiller territorial procède d'un mode d'élection qui revient à institutionnaliser le cumul des mandats et la tutelle entre collectivités.
Étant amené, par construction, à devoir cumuler deux mandats en un, le conseiller territorial n'aurait pu, par définition, assurer une présence effective auprès de ses mandants. Alors que le cumul des mandats a montré ses limites et devrait prochainement appartenir au passé, conformément aux engagements du Président de la République et à la volonté des Français, le conseiller territorial l'institutionnalisait au contraire en faisant d'un seul élu le détenteur de deux responsabilités.
La création des conseillers territoriaux a également pour corollaire l'inflation des effectifs des conseils régionaux et la diminution de ceux des conseils généraux. Le tableau de répartition prévoit la mise en place d'assemblées régionales pléthoriques, dépassant 200 membres dans cinq régions, et même 300 en Île-de-France.
Ensuite, sur le fond, le rapprochement institutionnel entre département et région est en soi critiquable. Les élus auditionnés ont montré qu'il existait dans les faits de réelles synergies entre, d'une part, l'Union européenne, l'État et les régions, chargés de la stratégie de développement et des investissements structurants, et, d'autre part, entre les départements, les ensembles intercommunaux et les communes, chargés de la vie quotidienne, du lien social, des équipements de proximité et des politiques de solidarité. En revanche, entre l'échelon départemental et l'échelon régional, l'existence de telles synergies est loin d'être avérée.
Au vu du caractère artificiel du couple département-région et du manque de complémentarité d'action entre ces deux niveaux de collectivités, la création des conseillers territoriaux est susceptible de mener à la dissolution d'un échelon au profit de l'autre et, en pratique, d'entraîner une tutelle d'une collectivité sur une autre sans pour autant clarifier aucunement les compétences.
En effet, la création des conseillers territoriaux porte en germe deux risques opposés mais réels : selon toute vraisemblance, elle se traduirait par l'effacement des préoccupations départementales ou par une « cantonalisation » de la région qui ne serait plus qu'une fédération des départements ou, plus encore, des territoires cantonaux qui la composent. Dans un autre sens, l'examen de la répartition des conseillers territoriaux suffit à démontrer que, pour des raisons strictement arithmétiques, la création de ces élus impliquerait la mise en place d'une tutelle des départements les plus peuplés sur les autres.
Troisièmement, l'un des aspects – de mon point de vue – les plus critiquables de l'institution du conseiller territorial est bien sûr la régression démocratique que représente le choix d'un mode de scrutin balayant d'un coup dix années de progrès de la parité.
Le choix du scrutin majoritaire uninominal représente, en effet, une régression pour les régions dans lesquelles la parité est en place depuis 2000. Grâce au scrutin proportionnel de liste, 48 % des conseillers régionaux sont aujourd'hui des conseillères. Au contraire, 13,8 % seulement des élus aux élections cantonales de 2011 étaient des femmes. Les assemblées départementales sont bien les mauvaises élèves de la parité. Songez que dans trois départements – la Haute-Corse,…
Ne parlez pas de la Corse ! (Sourires.)
…les Deux-Sèvres et le Tarn-et-Garonne – le conseil général ne comprend aucune femme.
L'instauration, à partir de 2007, d'un suppléant obligatoirement de sexe opposé au candidat titulaire aux élections cantonales, n'a pas fondamentalement modifié les moeurs politiques.
Le scrutin choisi pour l'élection du conseiller territorial a montré ses limites à la fois pour le respect de la parité et pour le respect du pluralisme. Cependant, le retour au statu quo ante qu'organise le présent texte ne résout pas tous les problèmes. C'est pourquoi je me réjouis que vous nous ayez confirmé, monsieur le ministre, l'abandon futur du scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans le cadre des cantons, dont le découpage est aujourd'hui inadapté. Le mode d'élection des futurs conseillers départementaux respectera ainsi, comme l'a annoncé le Président de la République, un ancrage territorial et en même temps qu'une exigence de parité.
C'est donc en ayant pris en compte le fait que cette proposition de loi n'était qu'un premier pas que la commission des lois en a amélioré le dispositif, sans en changer l'esprit. Elle a ainsi adopté deux amendements visant à compléter le dispositif et sauvegardé certaines améliorations apportées depuis 2010 aux dispositions du code électoral relatives à l'élection du conseiller général, notamment celles permettant à son suppléant de le remplacer quelle que soit la cause de démission du titulaire.
Enfin, la commission a décidé de mettre fin à une autre disposition introduite en 2010, qui prévoyait que, dans le cadre d'un redécoupage des cantons, les communes ayant la qualité de chef-lieu de canton la conserveraient ainsi que, après le redécoupage, le bénéfice des dispositions qui y sont attachées. Le mode de scrutin, dont vous nous avez annoncé le principe, monsieur le ministre, va en effet nécessiter une refonte totale de la carte cantonale avant 2015. Il est apparu impraticable qu'un canton ait trois, quatre voire cinq chefs-lieux.
Cependant, il reste des chantiers à ouvrir, notamment sur la prise en compte des élections locales, et des efforts à fournir en faveur de la parité dans l'attribution de l'aide publique aux partis politiques.
À la suite d'amendements d'origine parlementaire, la loi du 16 décembre 2010 avait prévu la prise en compte des élections locales dans la répartition de l'aide aux partis et groupements politiques. Si le Sénat a jugé que ce dispositif était largement cosmétique et ne méritait pas d'être sauvé, votre rapporteure pense que la prise en compte de la nécessaire place des femmes dans la démocratie justifie une évaluation précise dans le cadre d'une remise à plat des systèmes électoraux. C'est le sens de l'amendement que j'ai déposé et dont nous pourrons débattre tout à l'heure.
Mes chers collègues, l'abrogation du conseiller territorial ne peut et ne doit être qu'un premier pas. Demain, le projet de loi que déposera le Gouvernement nous permettra de remettre sur le métier la question des modes de scrutin. Un autre projet, celui de l'acte III de la décentralisation, permettra de mener une discussion globale de la représentation nationale sur les modes de gestion et de coopération, les compétences et les moyens nécessaires à l'ensemble des échelons d'administration locale.
Ces sujets ont été utilement débattus lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés au niveau local, puis sur le plan national par le Sénat et qui auront permis à chacun de s'exprimer. Des attentes et des demandes se sont fait jour. Il importe désormais de les transformer en propositions dans le cadre de deux textes que votre rapporteure appelle de ses voeux. Processus de modernisation politique, d'optimisation de la gestion publique, en même temps que corollaire indispensable de la réforme de l'État, la décentralisation est aussi un moteur de croissance qui participe au redressement que notre pays attend. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe UMP une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Olivier Marleix.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis ce soir est, sur le fond, incomplet puisqu'il laisse de nombreux points en suspens que le ministre a du reste évoqués, et, sur la forme, quelque peu caricatural.
On ne trouve pas dans votre texte le début d'un commencement de proposition – à moins peut-être que vos idées soient inavouables devant la représentation nationale… Vous êtes au mieux dans la mise en oeuvre d'un slogan de campagne, au pire dans le calcul politicien au détriment de propositions structurantes pour l'avenir de nos territoires. Quoi qu'il en soit, où est le dialogue « serein et respectueux » dont vous nous avez reproché l'absence, monsieur le ministre, quand votre objectif est de supprimer à la va-vite le dispositif phare d'une réforme, sans aborder l'ensemble des questions liées à ce sujet ?
Comment parler de respect et de dialogue – valeurs dont je veux croire pourtant qu'elles vous sont chères, monsieur le ministre –, quand on décide avant la discussion et l'échange ? À quoi ont servi les états généraux de la démocratie locale, sinon à permettre au Président de la République de s'offrir un grand coup de publicité politique aux frais du contribuable ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Dans une démocratie mûre, on aurait laissé à la réforme territoriale le temps de produire ses effets avant de la remettre en cause quitte, pourquoi pas, à l'améliorer avec le temps.
Nous refusons de voter le vide juridique vers lequel vous voulez nous entraîner, car par quoi remplacera-t-on le conseiller territorial si on le supprime ? Le texte ne fait que rétablir une situation antérieure dont le Président de la République et vous-même nous avez déjà annoncé la modification. Quel manque de respect pour le travail parlementaire !
Sur le fond, supprimer le conseiller territorial est une erreur essentielle, nous y reviendrons dans le débat. Quoi que vous en pensiez, le conseiller territorial reste une réponse adaptée aux défis qui se posent à nos territoires. Nous ne pouvons donc approuver une proposition de loi qui s'offre pour seul horizon de mettre à mal la nécessaire modernisation de nos collectivités locales, pourtant votée le 16 décembre 2010.
Ce n'est pas en supprimant d'un trait de plume ce qui a été voté voilà bientôt deux ans, et qui n'a pas, s'agissant du conseiller territorial, pu s'appliquer, que nous en sortirons grandis.
Nous ne pouvons vous laisser proférer l'idée que la réforme territoriale, avec en particulier la mise en place des conseillers territoriaux, volet le plus novateur et le plus fort de cette réforme, constituait une régression politique – qu'au surplus vous caricaturez – pour le développement des territoires et la démocratie locale.
C'était aussi d'une réforme pragmatique, d'une réforme de l'organisation territoriale tirant les leçons d'une expérience décentralisatrice vieille de près de trente ans, sans remettre en cause les principes fondamentaux des réformes qui l'avaient précédée, sans faire disparaître les acquis de cette décentralisation, à travers le fonctionnement des départements et des régions. Elle ouvrait la voie à une rationalisation à l'évidence indispensable. Or que proposez-vous en matière de rationalisation de l'action locale ? Rien !
C'est en réformant notre organisation territoriale que nous conforterons, nous en sommes convaincus, les libertés locales. En ne faisant rien, nous les affaiblirons, tant le sentiment d'empilement et de gâchis tend à se répandre chez nos concitoyens.
Cette réforme était aussi historique, tout simplement parce que c'était la première de l'histoire institutionnelle française à simplifier les niveaux d'administration sans créer de structures nouvelles. Elle devait donner davantage de lisibilité à la démocratie, à l'organisation locale, ainsi qu'une nouvelle impulsion aux initiatives locales en faisant progresser la solidarité territoriale. Elle devait améliorer la coordination entre les départements et les régions, sans bien entendu remettre en cause les spécificités de chacune de ces collectivités, toujours administrées par des assemblées délibérantes distinctes.
Quant aux conseillers territoriaux, ils n'auraient pas été des élus « hors sol ». C'est le contraire : ils auraient eu un canton, un territoire, on les aurait connus et reconnus. Ils auraient répondu à une véritable attente de nos concitoyens, notamment parce qu'ils auraient été élus au suffrage universel direct uninominal, ce qui leur aurait donné une force considérable que n'ont pas aujourd'hui, individuellement, les membres des assemblées régionales élues au scrutin de liste.
Dans l'idée de la réforme territoriale, le conseiller territorial est le trait d'union entre l'échelon local, qui gère au quotidien la vie de nos compatriotes, dans le cadre du département, et l'assemblée régionale, échelon de l'aménagement du territoire et du développement économique. Un interlocuteur plus puissant que ne l'est aujourd'hui, pris séparément, le conseiller général et le conseiller régional.
Nous avions également décidé de faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, pour engager le chantier de la clarification et de la simplification qu'attendent avec impatience nos concitoyens. Le conseiller territorial, tel que nous l'avons souhaité, aurait dû être porteur d'une double vision, à la fois territoriale et régionale. Sa connaissance du mode de fonctionnement du département et de la région, de leurs compétences respectives et de leurs interventions techniques et financières lui aurait permis de favoriser la complémentarité des interventions respectives de deux collectivités trop souvent concurrentes et qui, du coup, se discréditent aux yeux de nos concitoyens.
D'un point de vue juridique, notre motion de rejet préalable est aussi l'occasion de rappeler que le Conseil constitutionnel a validé l'intégralité de la réforme territoriale, à commencer par le principe du conseiller territorial – j'aurais aimé vous l'entendre dire, madame la rapporteure !
La création du conseiller territorial avait fait l'objet de critiques, qui posaient notamment la question de sa constitutionnalité et de la difficulté potentielle de mener de front deux mandats en un. Or, par ses décisions successives, le Conseil a rejeté tous les arguments qui prétendaient remettre en cause l'existence même du conseiller territorial. Il a notamment reconnu que la création du conseiller territorial n'entraîne pas la tutelle d'une collectivité sur une autre. Le Conseil constitutionnel a également validé le seuil minimum de quinze conseillers territoriaux, pour sauvegarder la représentation de nos territoires ruraux ; et s'il a réformé le tableau des effectifs, il ne l'a fait qu'à la marge.
Enfin, le Conseil constitutionnel a été très clair sur la parité et il a reconnu que le conseiller territorial n'y porte pas atteinte.
Il le précise sans ambiguïté dans le considérant 34 de sa décision du 9 décembre 2010. Je regrette que la parité ne soit pour vous qu'un alibi, destiné avant tout à défendre un système électoral.
Le Conseil constitutionnel considère en effet que le conseiller territorial porte d'autant moins atteinte à la parité, que la loi du 16 décembre 2010 prévoit deux dispositions favorisant la parité à l'occasion des élections territoriales de 2 014.
Pour commencer, son article 4 dispose que les futurs conseillers territoriaux élus au scrutin majoritaire pourront être remplacés par leur suppléant…
…« pour quelque cause que ce soit », alors que, pour un conseiller général, cette possibilité restait limitée à certains cas.
De son côté, l'article L. 210-1 du code électoral dispose que le suppléant d'un conseiller général doit être de sexe différent, si bien que la généralisation du dispositif de suppléance devait permettre à davantage de femmes d'accéder au mandat de conseiller territorial.
Enfin, la création du conseiller territorial permettait une meilleure coordination des différents niveaux de collectivités. Des gains de productivité très importants auraient été réalisés grâce à ces gisements de coopération et de mutualisation.
Ces économies sont particulièrement substantielles, monsieur le ministre, à un moment où vous allez contraindre les collectivités locales à une cure d'austérité sans précédent. Alors que leur dotation va diminuer d'1,5 milliards d'euros en 2014 et 2015, vous allez aussi leur demander de contribuer à vos mesures de compétitivité. Vous préférez, jusqu'au congrès de l'association des maires de France, cacher aux élus locaux le montant de cette contribution, mais elle représentera une bonne partie des 10 milliards d'euros à financer.
Bref, au lieu d'offrir aux régions et aux départements la possibilité de faire des économies de structures, vous ne leur laisserez d'autre choix que de réduire l'ampleur de leurs interventions dans les territoires.
Au total, monsieur le ministre, et je conclurai là-dessus, je considère que cette proposition de loi n'est pas recevable, parce que non conforme à l'article 40 de la Constitution.
Elle n'est pas gagée et n'est assortie d'aucune étude d'impact. Alors que, dans notre droit, nous n'avons plus à élire que 3 500 conseillers territoriaux, vous rétablissez près de 6 000 élus locaux – 5 600 pour être précis. Je vous laisse le soin politique d'expliquer aux Français, en pleine crise, pourquoi ils ont besoin de 2 500 élus supplémentaires : c'est votre choix, c'est votre responsabilité politique.
Je vous laisse le soin d'expliquer aux Français, en pleine crise, qu'au lieu d'un seul scrutin, vous allez devoir en organiser deux. Quand on sait qu'un scrutin coûte 111 millions d'euros, on mesure l'ampleur de ce gâchis.
Au nom du groupe UMP, je veux faire observer que ce n'est pas un hasard si vous ne présentez pas aujourd'hui, devant l'Assemblée nationale, un projet de loi : c'est parce que le dépôt d'un projet de loi vous aurait contraint à faire une étude d'impact, qui aurait révélé le coût désastreux de ce retour en arrière.
Vous nous présentez, sur le temps gouvernemental, une proposition de loi d'origine sénatoriale adoptée lors de la XIIIe législature, ce qui vous exonère – c'est bien pratique – d'y annexer toute étude d'impact, notamment financier. C'est pourquoi, indépendamment de cette motion de rejet préalable, je veux soulever, monsieur le président, en vertu de l'article 89, alinéa 4, de notre règlement, l'irrecevabilité financière de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La question de la recevabilité financière de la proposition de loi ayant été soulevée explicitement par vous-même, mon cher collègue, je vais, conformément à l'article 89 de notre règlement, consulter le président de la commission des finances.
À défaut, je consulterai le rapporteur général, ou un membre du bureau de la commission des finances désigné à cet effet.
Motion de rejet préalable
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.)
La séance est reprise.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, accordez-moi quelques instants pour traiter la question de la recevabilité financière, posée par notre collègue Olivier Marleix.
Ainsi que vous le savez, la police de l'article 40 appartient au président de la commission des finances et à lui seul. Celui-ci n'a pas pu être des nôtres ce soir et vous demande de l'en excuser ; vous savez qu'il achève, comme beaucoup d'entre nous, un long marathon budgétaire.
Je l'ai interrogé par téléphone et sa réponse a été on ne peut plus explicite.
Premièrement, une telle proposition de loi est, à l'évidence, créatrice d'une charge publique, supplémentaire et nouvelle, pour les collectivités concernées.
Ce point ne suscite pas de débat en soi.
Deuxième élément, on ne peut plus clair : une telle proposition de loi, dans notre assemblée, n'aurait pas franchi l'obstacle de l'article 40.
Troisième élément du débat, il est de jurisprudence constante que, lorsqu'une proposition de loi est déposée, il appartient à la première assemblée saisie d'apprécier la recevabilité de celle-ci. Or, il s'agit en l'occurrence du Sénat, et non de notre assemblée.
À titre personnel, je suis convaincu que beaucoup d'entre nous, parce qu'ils sont attachés à cette maison, seront attentifs à ce propos : on constate, une fois de plus, une inégalité quant à l'appréciation de l'article 40, entre nos deux assemblées, ce qui a pour effet de créer un pouvoir d'initiative plus étendu au Sénat qu'à l'Assemblée.
Cela a été constaté à de multiples reprises par le Conseil constitutionnel, qui s'est efforcé de corriger un certain nombre d'initiatives du Sénat. Il appartiendra vraisemblablement au Conseil constitutionnel, saisi à l'occasion de ce texte, de préciser sa jurisprudence.
Nous ne pouvons évidemment aller au-delà ; nous allons donc poursuivre nos travaux, au bénéfice des informations que nous a communiquées M. le président de la commission des finances et que je viens de relater.
Mais peut-être certains collègues souhaiteraient-ils réagir, dans le cadre d'un rappel au règlement, avant que nous ne reprenions le débat.
Je prends acte de la décision du président de la commission des finances, mais je souhaite observer que l'examen de la recevabilité financière a été effectué par le Sénat sous une précédente législature.
Dans de telles circonstances, le Sénat a pour habitude de faire subir le couperet de l'article 40 à toutes les propositions de loi émanant de l'Assemblée nationale dès lors qu'elles sont issues d'une législature antérieure. Effectivement, l'interprétation du président de la commission des finances de l'article 89 alinéa 4 créée une distorsion entre les députés et les sénateurs dans le droit d'invoquer les dispositions de l'article 40 de la Constitution.
C'est un point sur lequel il est important que le règlement de notre assemblée soit précisé. Nous attendrons avec intérêt la décision du Conseil constitutionnel.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, vous me permettrez ici, au nom du respect du bicaméralisme, de défendre le Sénat. (Sourires).
Nous aurions pu nous éviter cette manoeuvre dilatoire : personne n'a jamais rien contesté, chacun connaît la jurisprudence qui vient de nous être rappelée. Mais si le changement de législature que vient d'évoquer notre collègue Marleix vaut pour l'Assemblée nationale, il ne vaut pas pour le Sénat, qui était dans sa composition actuelle lorsqu'il a étudié la recevabilité de la proposition de loi – et je me félicite une fois de plus que la gauche ait ouvert la présidence de la commission des finances au Sénat à l'opposition, comme c'est le cas dans cette assemblée.
Les choses sont donc claires, nous allons pouvoir discuter du fond, et chacun regrettera que nous ayons perdu un petit peu plus de temps, mais l'UMP est dorénavant assez coutumière du fait. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Mes chers collègues, au vu de ces éléments qui laissent malgré tout planer une incertitude quant au devenir final de ce texte, il nous appartient désormais de reprendre nos débats.
La parole est à M. le ministre.
La décision de supprimer le conseiller territorial avait été annoncée avec force dès la reprise des débats parlementaires à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Elle avait une double légitimité. D'abord celle des élus : j'étais alors maire et je me souviens que, lors du congrès des maires de France, cette réforme dite de décentralisation – une véritable recentralisation en fait, pour la première fois depuis trente ans – suscitait le scepticisme général. Mais pour ce qui est du conseiller territorial, ce scepticisme a souvent laissé place à une opposition clairement énoncée, au-delà des clivages politiques.
Cette décision résulte ensuite du choix de la majorité au Sénat. Cela a été rappelé par mes soins, mais aussi et surtout par Mme la rapporteure : cette suppression est un acte de la gauche sénatoriale, à l'initiative du groupe communiste suivi par l'ensemble de la majorité sénatoriale. Là encore, ne contestons pas le choix démocratique du Sénat et restons attachés – à plus forte raison lorsque l'on se réclame du gaullisme – aux principes de la Constitution et au bicaméralisme.
Enfin, je suis très étonné des éléments que vous invoquez, monsieur Marleix, pour contester le choix qu'est en train de faire la majorité avec le soutien du Gouvernement. Vous usez pour une bonne part de subterfuges, comme celui qui a donné lieu à l'épisode que nous venons de connaître, et je ne vous en contesterai pas le droit, mais également d'arguments financiers qui ne tiennent pas la route un seul instant : ainsi que je l'ai rappelé, et Mme la rapporteure l'a souligné avec beaucoup de force, vous n'avez en rien réduit le nombre d'élus puisque vous avez créé ces fameux suppléants. Certes, le Conseil constitutionnel a validé cette loi ; mais cette étrange invention démontrait à l'évidence que le conseiller territorial était dans l'incapacité de mener à bien la double mission des régions et des départements sur un territoire aussi vaste. Ou alors il vous aurait fallu aller jusqu'au bout et supprimer le département. Vous ne l'avez pas fait et vous avez créé un élu hybride qui n'aurait pas pu remplir ses missions. Cela aurait coûté beaucoup plus cher, du fait des indemnités dues aux suppléants, et aussi parce qu'il fallait réaménager de fond en comble les hémicycles de ce pays.
Vous avez parlé de « double vision » : mais lorsque l'on conduit avec une double vision sur les routes de nos départements, cela peut mal se terminer. (Sourires.)
La clarté est du côté du Gouvernement et de la majorité : une nouvelle étape de la décentralisation est en cours. Je sais que vous trouvez le temps long, mais nous n'en sommes qu'au début du quinquennat. Le Président de la République a fait un discours très important devant les élus, à l'initiative du Sénat. Respectez-le, monsieur Marleix ! C'est votre deuxième attaque contre le Sénat, car c'est lui qui a organisé des états généraux en invitant le Président de la République à en arrêter les grandes orientations. Je ne vous trouve guère respectueux à l'égard de vos collègues, y compris ceux de l'opposition, de la Haute assemblée qui représente notamment nos territoires.
Cette nouvelle étape de la décentralisation vous sera présentée au début de l'année. La réforme de notre vie politique fera l'objet d'une concertation, après le rapport émis par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin. Cette concertation sera menée par le Président de la République lui-même à la fin de l'année ; il a exposé les grands traits de cette réforme il y a quelques jours, à l'occasion de sa conférence de presse. Je vous ai donné les dates des prochaines échéances à l'instant même, indiqué la philosophie de ce que pourrait être le scrutin départemental, et rappelé les orientations pour ce qui touche à l'intercommunalité. On ne saurait être plus clair et plus transparent ; j'entame une concertation politique – je n'ai pas pu rencontrer ce matin François Copé, le secrétaire général de l'UMP, parce que j'ai dû me rendre en Corse,…
mais je ne doute pas que je rencontrerai le prochain président de l'UMP, quel qu'il soit, tout comme l'ensemble des forces politiques. Si j'avais donné tous les éléments ce soir, je n'aurais respecté ni le Parlement, ni les forces politiques, ni le travail interministériel. Ne soyez pas impatients, vous disposerez très rapidement, après ces concertations, un projet de loi. Il pourra être présenté à nos deux assemblées au début de l'année prochaine. Ainsi, au cours de l'année 2013, il viendra compléter un ensemble de modifications qui apporteront du souffle, de la transparence et de la parité – vous n'avez pas évoqué cette question de la parité, monsieur Marleix, mais comment pouvez-vous vous satisfaire de la situation que nous connaissons en la matière ? Et vous osez soutenir que le conseiller territorial aurait réglé le problème de la parité ?
Nous sommes attachés à la parité, pas seulement dans les textes, mais aussi dans la réalité.
Voilà pourquoi les motifs d'inconstitutionnalité que vous avez soulevés ne me semblent pas solides, et voilà pourquoi le Gouvernement appelle au rejet de la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe SRC.
Il est toujours émouvant pour un jeune député de prendre la parole dans cet hémicycle ; mais j'avoue que ce soir, pour le benjamin de la commission des lois que je suis, il est particulièrement impressionnant de devoir faire face à une opposition venue si nombreuse pour défendre avec autant de force et de vigueur son bilan en matière de réforme territoriale ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Sans doute est-ce pour cela qu'elle en est réduite à se réfugier derrière l'article 89 alinéa 4 de notre règlement, et à user de ce subterfuge juridique pour faire croire que ses arguments pourraient prospérer.
Monsieur Marleix, sans qu'il soit nécessaire de vous répondre davantage sur le fond puisque le président de la commission des lois et le ministre de l'intérieur viennent de le faire mieux que moi, un simple coup d'oeil autour de vous vous indiquera que votre motion de rejet préalable a vocation, pour reprendre les mots d'un grand gaulliste, à faire « pschitt ». Pschitt politiquement et pschitt juridiquement !
Rappelons qu'une motion de rejet préalable a pour objet de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles.
Or quand bien même on nous a rapporté des propos que le président de la commission des finances aurait tenus au téléphone – je ne sais d'ailleurs quelle validité ils auraient pu avoir – rien dans votre discours n'accrédite un quelconque motif sérieux d'inconstitutionnalité de la présente proposition de loi. Au vide politique que l'on constate à voir vos bancs désertés s'ajoute un vide juridique. Le groupe SRC votera contre votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Les propos du président de la commission des finances ont bel et bien été rapportés, comme c'est mon devoir, cher collègue. La jeunesse n'excuse pas tout. (Sourires.)
La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.
Je reconnais la ténacité et la constance de M. Marleix, même si je comprends que ce ne sera pas toujours facile pour lui ce soir. Mais j'ai l'habitude d'être moi-même minoritaire : je ne lui en ferai donc pas le grief ! (Sourires.)
Pour nous, ces conseillers territoriaux sont bel et bien une recentralisation et pas une décentralisation. Ils mettaient à mal non seulement la parité, mais aussi la biodiversité – pardonnez-moi l'image – nécessaire en politique ! (Sourires.)
Au-delà de l'abrogation du conseiller territorial, ce que nous attendons tous, c'est la grande loi et l'acte III de la décentralisation ; mais il ne me paraît pas superfétatoire de nous débarrasser une bonne fois pour toutes de ce conseiller territorial. C'est ce que réclamaient nos élus locaux, – et je crois que ce n'est pas totalement étranger au fait que la gauche soit devenue majoritaire au Sénat –, mais également ce que souhaitaient plus globalement les Français qui ne s'y seraient pas retrouvés entre le département et la région. Évidemment, nous voterons contre cette motion de rejet.
La parole est à M. Marc Dolez, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le groupe GDR repoussera bien évidemment cette motion de rejet préalable, parce que la proposition de loi qui nous vient du Sénat est la bienvenue. Rappelons-nous des débats d'il y a deux ans, tant dans cet hémicycle que parmi les élus locaux : cette création inopportune avait suscité perplexité, incompréhension et même désarroi chez les associations d'élus locaux, majoritairement opposées à cette disposition.
Qui plus est, comme notre rapporteure l'a parfaitement expliqué, ce texte ne pouvait atteindre aucun des deux objectifs qui lui étaient assignés : pas d'économies, mais au contraire des dépenses supplémentaires ; pas de simplification de l'organisation territoriale, mais au contraire des difficultés que nous allons souligner dans la discussion générale.
Pour ouvrir une nouvelle page de la décentralisation dans ce pays, il est d'abord urgent d'abroger le conseiller territorial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, mes chers collègues,…
La proposition de loi que nous examinons ce soir est un texte bricolé et partiel, – c'est déjà moins bien ! –…
…comme la plupart des textes que nous avons eus à examiner depuis six mois.
Votre seul acte politique, s'agissant des collectivités territoriales, après six mois de pouvoir, se résume à proposer un article unique de suppression de ce que la majorité précédente avait fait voter. Et, qui plus est, par le biais d'une proposition de loi d'origine sénatoriale adoptée lors de la XIIIe législature, ce qui vous exonère d'y annexer toute étude d'impact, notamment financière… La belle affaire !
À la base, il s'agit donc d'une proposition de loi sénatoriale déposée et discutée à l'automne 2011, en pleine période pré-électorale, par la nouvelle majorité sénatoriale : autant dire un tract électoral élaboré sur un coin de table pour faire passer un message politique !
Que ce texte soit repris par la gauche désormais majoritaire à l'Assemblée nationale est symbolique et révélateur de votre pratique du pouvoir. Quel symbole ! Une fois dans la majorité, vous reprenez ce que vous avez fait dans l'opposition, sans doute pour essayer de nous faire croire à une continuité sur certains sujets, mais surtout pour masquer vos très nombreux reniements. Vous avez choisi de reprendre un texte d'opposition, forcément mal écrit juridiquement, pour en faire une proposition de loi.
Cela a nécessité un travail supplémentaire que l'on remarque aisément : le texte qui nous est soumis a été considérablement « enrichi » – comme on dit poliment quand on veut en fait dire qu'il a été complètement réécrit – parce qu'il ne tenait pas la route. On peut toutefois se demander s'il a été suffisamment travaillé…
Au passage, ce travail de réécriture vous aura permis d'y ajouter quelques petites dispositions techniques qui n'ont strictement rien à voir avec la suppression du conseiller territorial, même si elles sont suffisamment connexes pour ne pas constituer des cavaliers.
La première est très tactique. Nous avions remonté le seuil de voix nécessaires à un candidat pour se maintenir au second tour, en le faisant passer de 10 à 12,5 % des inscrits. Cela permettait d'harmoniser les seuils, puisqu'il faut également avoir obtenu les voix de 12,5 % des inscrits pour se maintenir au second tour des législatives. Vous avez ramené ce seuil à 10 % : il faudra nous expliquer le lien de cette mesure avec l'abrogation du conseiller territorial. Il faudra aussi nous expliquer la raison de ce changement, si ce n'est de favoriser la présence du Front national au deuxième tour et vous permettre ainsi de gagner des cantons lors de triangulaires. Personne ne sera dupe de ce tour de passe-passe.
Après le mode de scrutin, la deuxième disposition concerne le redécoupage des cantons. Je tiens ici faire remarquer, alors que vous semblez avoir soigneusement oublié de le dire, que l'ancienne majorité a choisi de ne pas procéder au redécoupage cantonal qu'elle aurait très bien pu effectuer par décret.
Le précédent gouvernement a préféré laisser cette tâche à la nouvelle majorité.
L'article unique indique clairement que, contrairement à la réforme de fond que constituait la création du conseiller territorial, vous allez très rapidement procéder à un redécoupage électoral des cantons. C'est à de petits signes comme cet amendement qu'on le voit, car pour le reste, vous ne semblez pas disposés à communiquer. Il est bien dommage que vous ayez oublié aussi vite, maintenant que vous êtes au pouvoir, toutes les critiques que vous aviez formulées à l'époque sur la manière dont s'était déroulé le redécoupage des circonscriptions législatives.
Monsieur le ministre, il serait bon de nous en dire un peu plus sur la manière dont vous envisagez de procéder à ce redécoupage cantonal, qu'il s'agisse du calendrier, de la méthode ou des grandes lignes.
Ce qui nous frappe également, c'est le peu d'ambition de ce texte. Vous disposez d'un véhicule législatif qui permet d'intégrer des dispositions sur le statut de l'élu, sur le cumul des mandats pour les élus locaux, et vous n'en faites rien. Vu l'encombrement de notre calendrier parlementaire, il faut savoir profiter de chaque texte pour faire passer le maximum de réformes dans la première année du mandat. Ce n'est pas en 2015 qu'il faudra nous soumettre une grande loi : ce sera trop tard !
Ce manque flagrant d'ambition peut être vu soit comme de l'incompétence et de l'amateurisme – ce qui est peut-être une hypothèse d'école au regard de ce que vous avez montré depuis six mois –, soit comme un moyen de ne pas réformer.
Vous faites passer dans ces petites propositions de loi l'essentiel des mesures que vous voulez absolument voir adopter : celles qui, pour vous, ne peuvent pas attendre. En revanche, vous renvoyez le reste à une hypothétique grande loi, en vous réfugiant comme toujours derrière une vaste concertation. Vous nous le faites déjà avec les collectivités territoriales et le fameux acte III de la décentralisation, au sujet de la culture et de l'acte II de l'exception culturelle, et au sujet de la transition énergétique. Cela semble être un modèle bien rodé, votre marque de fabrique : vous faites passer vite fait bien fait l'urgent, afin de ne pas avoir à examiner un texte de loi dans lequel vous seriez obligés d'inscrire le résultat de la concertation. Je sens que sur bien des réformes, vous allez nous faire le coup de l'encombrement du calendrier parlementaire, comme d'autres font le coup de la panne alors qu'ils savaient en démarrant la voiture que le réservoir était quasiment vide…
Avec cette proposition de loi, vous vous offrez la possibilité de choisir l'immobilisme sur la décentralisation et la réforme territoriale, afin de ne surtout rien changer avant 2014 et 2015 – sauf, bien entendu, le mode de scrutin et le découpage électoral. Si j'étais un grand baron socialiste, je serais entièrement satisfait de cette situation !
Dans ce texte, vous attaquez de manière injuste la réforme du conseiller territorial, sur la forme comme sur le fond. Nous sommes les premiers à dire que cette réforme est inaboutie, et qu'il est nécessaire de la reprendre pour l'améliorer et régler les questions restées en suspens du fait de votre obstruction.
Sur la forme, il est assez osé de parler de réforme au forceps, car après seulement six mois d'exercice du pouvoir, votre bilan n'est pas fameux ! Dois-je vous rappeler la censure de la loi sur le logement social pour vice de procédure, parce que vous avez voulu aller un peu trop vite et accélérer les débats parlementaires ?
Dois-je vous parler de la proposition de loi relative à la transition énergétique, dont la discussion à l'Assemblée et au Sénat a été tellement catastrophique que vous avez été obligés de la mettre au congélateur le temps de la réécrire complètement, si tant est que ce soit possible ? Dois-je également vous rappeler l'adoption par le Sénat d'un texte sur la commémoration de la guerre d'Algérie sans que les députés, pourtant détenteurs d'une légitimité démocratique supérieure à celle des sénateurs, n'en aient été saisis après un vote intervenu à l'Assemblée nationale il y a plus de dix ans ?
Il y a des matières très difficiles à traiter : ce sont celles qui touchent très directement les élus. La réforme du conseiller territorial en était une, puisque l'on diminuait le nombre d'élus. Avec la réforme du cumul des mandats, à laquelle je suis personnellement favorable,…
…vous allez voir ce qu'il en est de mener une réforme qui change les règles du jeu pour les élus et contrarie leur organisation. On commence d'ailleurs à entendre parler – je pense aux déclarations du président du groupe SRC à l'Assemblée nationale – d'un référendum à ce sujet. On passerait ainsi complètement par-dessus la tête des élus, sans débat parlementaire. On renouerait ainsi avec la pratique du général de Gaulle qu'un certain François Mitterrand qualifiait de coup d'État permanent…
Madame la rapporteure écrit dans son rapport que la réforme du conseiller territorial a été « conçue sans respect de l'avis des élus locaux intéressés et née au forceps à la suite d'une procédure d'examen parlementaire heurtée ». Que dirait-elle d'une réforme du cumul des mandats adoptée par référendum à cause d'une opposition déterminée des élus écartant complètement le débat parlementaire ? Si la réforme du conseiller territorial a été accouchée au forceps, celle du cumul des mandats risque de naître par césarienne… Vous n'avez donc pas vraiment de leçons à nous donner !
Sur le fond, cette réforme du conseiller territorial a voulu régler de manière innovante un problème récurrent : notre trop grand nombre de collectivités, et surtout le fait que nous avons au moins un niveau de trop. La création du conseiller territorial répondait à un vrai besoin de modernisation de notre démocratie locale et permettait d'accroître la lisibilité démocratique, l'efficacité politique et la vertu économique.
Accroître la lisibilité démocratique : tel est bien le défi majeur auquel voulait répondre la création du conseiller territorial. Celui-ci est – ou était – une réponse pragmatique à la défiance croissante et inquiétante de nos compatriotes à l'égard de leurs élus. En effet, il est urgent de rapprocher nos élus d'électeurs qui ne comprennent plus qui fait quoi dans un paysage démocratique atomisé.
Qu'est-ce que le conseiller territorial ? Un élu mieux identifié, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional. Le lien entre l'électeur et son élu est maintenu, tout comme la représentation des territoires qui composent chaque région et chaque département. N'en déplaise à la nouvelle majorité, il est parfaitement envisageable que ce conseiller siégeant à la fois dans les assemblées délibérantes du département et de la région s'investisse autant pour l'un que pour l'autre.
Pourquoi porter par avance sur ces élus une appréciation négative ? Il s'agit simplement d'améliorer la cohérence et la lisibilité, de faire en sorte que lorsqu'un responsable d'association s'adresse à un conseiller territorial, ce dernier s'exprime à la fois comme conseiller général et comme conseiller régional. Un chef d'entreprise, une association, un maire ou un particulier aurait pu ainsi trouver dans son conseiller territorial un interlocuteur unique qui représenterait à la fois le département et la région. Que de temps gagné pour eux ! Que de simplification apportée ! Cet effort de lisibilité dans ce que l'on appelle à raison le millefeuille des collectivités était la véritable valeur ajoutée de ce nouvel élu.
De plus, le conseiller territorial serait le véritable moteur d'une meilleure articulation entre les conseils régionaux et les conseils généraux. Ses actions dans ses deux collectivités d'élection gagneraient en cohérence et en complémentarité, ce qui renforcerait leur efficacité politique. La concurrence des interventions du département et de la région – même s'ils sont de la même couleur politique – sur un même territoire identique ne serait plus possible. Au contraire, les interventions complémentaires du département et de la région seraient facilitées.
Supprimer un niveau apparaît impossible : une telle mesure serait politiquement et techniquement trop complexe à mener. Il faut alors fédérer pour arriver à deux strates. La première strate est composée des communes et de l'intercommunalité ; la deuxième ne peut donc résulter que d'un rapprochement entre les départements et les régions.
Pour ce rapprochement entre le département et la région, nous avons voulu reprendre un modèle qui a fait ses preuves pour la strate des communes et de l'intercommunalité, et qui consistait à faire siéger les mêmes élus aux deux niveaux. Regardez les intercommunalités : on y trouve des délégués des communes. Il n'y a donc que des cumulards ! Même si les intercommunalités ne sont pas formellement des collectivités locales, la charge de travail qu'elles assument dans les faits, en temps passé comme en responsabilités, est celle d'une vraie collectivité locale. Le fait que ces élus soient à la fois des élus communaux, avec tout ce que cela peut impliquer comme charge de travail, et des élus intercommunaux pose-t-il problème ? Pourquoi le fait d'être en même temps conseiller régional et conseiller général poserait-il plus de problèmes ?
Cela devrait même en poser moins, car à l'inverse des petites communes et des communautés de communes, les conseils généraux et régionaux disposent de la structure administrative propre à assister efficacement les élus.
Vous reprochez au conseiller territorial d'être un recul pour la parité. C'est un faux problème. Nous avons choisi un scrutin uninominal par canton, car nous estimons qu'il permet une meilleure identification de l'élu par les populations. J'y trouve également une autre vertu : il oblige l'élu à affronter le suffrage universel seul, sur son nom. C'est le vrai test, celui qui donne la légitimité. Que valent des élus qui sont en place parce qu'ils étaient bien placés sur les listes, par copinage, et donc assurés d'être élus ?
Vous auriez très bien pu conserver le conseiller territorial en modifiant légèrement le mode de scrutin. Vous auriez pu prévoir des circonscriptions couvrant un territoire plus large, élisant chacune plusieurs conseillers territoriaux au scrutin de liste.
Votre accusation d'atteinte à la parité ne tient pas. Le Conseil constitutionnel a été très clair sur ce sujet : le conseiller territorial ne porte pas atteinte à la parité. Il le précise sans ambiguïté dans le considérant 34 de sa décision du 9 décembre 2010. Vous utilisez la parité comme un alibi. Le Conseil constitutionnel considère que le conseiller territorial porte d'autant moins atteinte à la parité que la loi du 16 décembre 2010 prévoit deux dispositions favorisant la parité à l'occasion des élections territoriales de 2014. L'article 4 dispose en effet que les futurs conseillers territoriaux élus au scrutin majoritaire pourront être remplacés par leur suppléant pour « quelque cause que ce soit », alors qu'un conseiller général ne l'était que dans un nombre limité de cas. Combinée à l'article L. 210-1 du code électoral qui prévoit que le suppléant d'un conseiller général doit être de sexe différent, la généralisation du dispositif de suppléance devait permettre à davantage de femmes d'accéder au mandat de conseiller territorial.
Dans sa décision du 21 juillet 2011, le Conseil constitutionnel avait en outre rejeté un autre grief : s'agissant d'assemblées régionales, le principe d'égalité devant le suffrage doit s'apprécier à l'intérieur d'une région et non à l'échelle nationale.
Par ailleurs, bien que cela ne figure évidemment pas dans le texte, nous avons cru comprendre que vous souhaitiez l'avènement d'un monstre à double tête, avec l'idée d'un scrutin cantonal binominal qui élirait une femme et un homme dotés de pouvoirs identiques à la tête d'un même canton. Outre l'étrangeté institutionnelle de ce futur conseiller général hermaphrodite (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
Vous vous moquiez bien du conseiller territorial hybride !
…vous taisez soigneusement ce qui pourtant est une évidence : il vous faudrait diviser le nombre de cantons par deux. Comme les élus ruraux vont alors regretter le conseiller territorial, lorsque vous aurez supprimé dans ces territoires deux cantons sur trois ! Vous l'avez bien compris : il s'agit d'un problème de mode de scrutin, et non de couplage de postes.
Cette réforme vous gêne, car elle touche au nombre d'élus, et par là même au statut de l'élu local, qui est un véritable serpent de mer. Nous avons avancé ; vous détricotez aujourd'hui ce que nous avons fait, mais sans rien proposer. Le conseiller territorial aurait été un élu certes occupé, mais bien occupé, c'est-à-dire avec des dossiers importants à traiter.
Comme pour les subventions, il existe deux méthodes : soit effectuer un saupoudrage pour contenter tout le monde, mais en ne donnant pas assez à chacun pour construire quelque chose de valable, soit concentrer les subsides sur quelques projets jugés prioritaires, en leur donnant les moyens d'aboutir. Nous n'avons pas les moyens de donner un statut réellement intéressant et attractif à tous les élus locaux, en responsabilités mais aussi en moyens matériels. Nous avons donc jusqu'ici saupoudré les moyens, ce qui donne un résultat très insatisfaisant : d'où les perpétuelles propositions de réformes qui partent toutes du constat que l'existant est très insuffisant. Avec le conseiller territorial, il était possible de concentrer davantage de moyens sur cette catégorie d'élus, que ce soit pour la formation ou pour l'accompagnement en sortie de mandat. On pouvait aussi faire de même avec les élus communautaires dans les grosses intercommunalités, où le mandat occupe quasiment à plein temps. On créait ainsi de véritables postes d'élus, exerçant clairement leur mandat à temps plein, ce qui justifiait une évolution de leur statut.
Il aurait fallu un peu de temps, mais on aurait fini par y arriver. La pression aurait été trop forte de la part des conseillers territoriaux, qui n'auraient pas pu fonctionner avec l'actuel statut de l'élu. Avec votre retour au saupoudrage des responsabilités, vous fermez une porte à une évolution du statut de l'élu local, sans bien entendu ouvrir la moindre nouvelle porte.
Nous en arrivons à ce qui devrait nous donner un peu d'espoir : vos propositions. Et, là, force est de constater le vide ! Votre programme en matière de décentralisation, c'est l'immobilisme, ce qui se comprend parfaitement quand on connaît la structure du Parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), composé d'élus locaux et de militants qui aspirent tous à devenir élus locaux.
On peut parfaitement comprendre l'anxiété de personnes qui ont travaillé et investi pour atteindre un but et à qui l'on annonce qu'il y aura moins de postes, que les règles du jeu pour les obtenir ne sont plus les mêmes et que les atouts dont ils se sont parfois péniblement dotés sont sans valeur ; on est exactement dans la même logique pour le cumul des mandats.
Vous dites à des personnes qui se sont donné beaucoup de mal pour arriver là où elles sont que les règles du jeu changent et que les compteurs sont remis à zéro. Elles n'apprécient pas – personne n'apprécie les révolutions, surtout quand on est au sommet dans l'ancien système et qu'il va falloir se battre, sans être sûr de gagner, pour maintenir sa position.
Alors que sur la question du cumul des mandats des parlementaires, l'actuelle majorité fait preuve, pour l'instant, de fermeté – je le salue –, pour ce qui est des collectivités territoriales, c'est l'inverse : la capitulation en rase campagne, sans combat, devant le lobby des élus locaux.
Comment allez-vous nous faire croire que vous allez mener une réforme ambitieuse sur la décentralisation, alors que vos troupes sont debout sur les freins ?
Il viendra, mais on attend la date, on attend le calendrier !
Pourtant, les chantiers ne manquent pas, à commencer par celui des finances.
Les collectivités locales sont un trou noir financier. En 2010, l'effort financier de l'État en faveur des collectivités locales a représenté 97 milliards d'euros, sans le moindre contrôle, avec des gabegies que tous s'accordent aujourd'hui à reconnaître. A-t-on besoin d'autant de ronds-points sur nos routes ? Comment, à l'heure de l'intercommunalité et des transferts de compétences, les communes arrivent-elles à justifier les augmentations de leurs effectifs de fonctionnaires ? Les collectivités ne sauraient être exemptées de l'indispensable effort de rationalisation de la dépense publique.
La création du conseiller territorial participait de l'effort général demandé à tous, aux collectivités comme à l'État ou aux autres acteurs publics, pour réduire les dépenses publiques. La création du conseiller territorial permettait une meilleure coordination des différents niveaux de collectivités. Des gains très importants de productivité auraient été réalisés grâce à ces gisements de coopération et de mutualisation.
Il existe aussi une autre source d'économies. Chaque élection coûtant 111 millions d'euros, nous aurions pu faire autant d'économies en organisant non plus deux scrutins, les élections cantonales et régionales, mais un seul, les élections territoriales.
Autre grand sujet, sur lequel nous avons essayé d'avancer, sans pourtant réussir, faute de temps, à aller au bout : la répartition des compétences.
Actuellement, les collectivités locales font à peu près ce qu'elles veulent, avec des financements croisés dans tous les sens et un respect très aléatoire des compétences inscrites dans la loi. Chaque collectivité – je devrais dire chaque grand élu – cherche à accaparer les compétences qui lui permettent de se mettre en valeur. J'ai l'impression que la culture notamment est de la compétence de tous les niveaux… Je m'interroge aussi sur la solidité juridique de la coopération décentralisée, qui permet parfois à bien des élus locaux de faire de beaux voyages, sans que les résultats en terme de développement soient très probants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai bien peur que votre acte III de la décentralisation ne se résume à cette proposition de loi : un détricotage de nos réformes et quelques tripatouillages sur le découpage électoral et le mode de scrutin.
Vous dites avoir lancé une grande concertation, mais, quand les résultats en seront connus, on sera à quelques mois des municipales et surtout des sénatoriales. Vous n'aurez pas le courage de bouger, de peur de perdre le Sénat, et, une fois les sénatoriales passées, on sera à quelques mois des cantonales et des régionales et vous nous direz – à juste titre, d'ailleurs – que l'on ne change pas les règles du jeu à quelques mois d'un scrutin.
Ensuite, nous serons à l'automne 2015, à un an et demi de la fin de la législature, trop tard pour lancer avec quelque chance d'aboutir une grande réforme.
Les réformes qui ont des chances de survie, ce sont celles qu'on lance maintenant, dans la première année du mandat. Vous aviez dix ans d'opposition pour vous préparer. Vous n'avez donc pas l'excuse de l'impréparation et de la surprise.
Nous sommes en train de nous rendre compte que vous ne faites rien sur la question de la réforme territoriale. En la matière, l'immobilisme semble être votre seule feuille de route. Un renoncement de plus dans une liste déjà longue !
Ce texte mérite vraiment d'être retravaillé pour que lui soit donné un vrai contenu. C'est pourquoi le groupe UMP demande qu'il soit renvoyé en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Tardy s'est évertué, avec une conviction que je ne lui connaissais pas sur ce sujet, de défendre ce qu'on ne peut pas défendre.
Vous êtes allé chercher loin dans l'histoire, monsieur le député, en citant François Mitterrand. J'irai moins loin, en relevant simplement que, depuis trente ans, les grandes avancées de la décentralisation sont le fait de la gauche. D'ailleurs, la première étape de la décentralisation, en 1981-1982, contre laquelle l'opposition de l'époque a voté, est aujourd'hui admise par tous, par vous et surtout par nos concitoyens. L'intercommunalité, voulue par Jean-Pierre Chevènement et Dominique Voynet, approfondissant cette décentralisation, c'est encore une majorité de gauche qui l'a portée.
Je dois reconnaître que ce que souhaitait le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin allait dans le sens de la décentralisation. On ne peut en dire autant de ce qui a été porté par le Président de la République Nicolas Sarkozy et sa majorité – trois ans après son arrivée au pouvoir, rappelons-le. Vous nous reprochez de préparer un texte seulement pour 2013, puisque l'Assemblée nationale et le Sénat vont être saisis au début de l'année prochaine, alors que vous, vous avez attendu trois ans ! Épargnez-nous donc les leçons sur le sujet.
Pour ce qui est de la concertation, je ne sais si c'est faire preuve de courage mais le Sénat, dont la majorité était à l'époque de droite, était vent debout contre ce qui lui était proposé, avec le Congrès des maires au milieu de tout cela. Je ne devrais pas vous le dire, mais le basculement du Sénat à gauche doit beaucoup, au-delà du talent de nos candidats, à l'impression que votre réforme a laissé aux élus locaux, notamment aux maires ! Vous nous reprochez la concertation, mais elle est nécessaire, notamment pour ce qui concerne les élus, les scrutins locaux, la rénovation de la vie politique. Tout cela se fera au plus tard au cours de l'année 2013 : un texte de loi arrêtera les dates des élections et, je vous l'ai dit, je commence moi-même la concertation, demain matin, avec les groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale. Il y a donc bien concertation, transparence et volonté d'inscrire ces réformes politiques dans une nouvelle étape de la décentralisation.
Enfin, soyez intellectuellement honnête, Marylise Lebranchu a répondu ici même, il y a deux jours, à une question sur le statut de l'élu local ; c'est évidemment un sujet qui nous préoccupe, même si c'est un serpent de mer.
Pour toutes ces raisons, nous avons considéré qu'il fallait abroger le conseiller territorial. C'est le choix, comme le rappelait M. Blazy à l'instant, du Sénat. C'est une première étape ; d'autres suivront.
Pour ce qui concerne le scrutin départemental, j'ai eu l'occasion de donner les principes, tout en respectant, évidemment, la phase de concertation que je viens d'évoquer. S'il doit y avoir création de cantons ou redécoupage, nous le ferons, bien évidemment, et, n'en doutez pas, nous ferons appel aux uns et aux autres. Croyez-moi, M. Marleix – fils – sera pleinement y sera pleinement associé. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
N'en déplaise à M. Tardy, le travail en commission a bien eu lieu. Des auditions ont été conduites, auxquelles étaient conviés l'ensemble de nos collègues. Des amendements ont été déposés, qui n'étaient nullement des cavaliers mais proposaient de véritables améliorations législatives en termes de précision et de clarification de l'état du droit. Par ailleurs, des débats ont bel et bien eu lieu.
À ce propos, je suis un peu surprise par les plaidoyers univoques de nos deux collègues de l'opposition qui se sont exprimés ce soir, alors que des parlementaires UMP – non des moindres, puisque certains étaient, ni plus ni moins, membres du gouvernement de l'époque – nous ont dit en commission que cette réforme territoriale que nous voulons abroger était à la fois inapplicable et régressive.
Le différend qui nous oppose n'a donc rien d'un problème de procédure : il ne tient pas à l'opportunité d'un éventuel renvoi en commission, il ne porte pas sur un éventuel problème de recevabilité. C'est bien d'un différend de nature politique qu'il s'agit : vous vous obstinez à défendre le conseiller territorial, vous souhaitez persister dans l'erreur, soit. Nous considérons au contraire qu'il est urgent de supprimer cet élu hybride, coûteux, hors sol, hermaphrodite diront certains, en tout cas, à mes yeux, cumulard – et masculin…
C'était donc une urgence que de supprimer ce conseiller territorial, une première étape en tout cas, nécessaire à la remise en route d'un processus authentique d'approfondissement de la démocratie territoriale.
J'appelle donc au rejet de cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, radical et citoyen.
J'aime, monsieur Tardy, à vous entendre évoquer le futur acte III de la décentralisation. Par cette simple formule, vous faites l'aveu que la loi du 16 décembre 2010 ne saurait être regardée comme un tel acte III
Nous avons fait l'acte I. Nous vous faisons crédit d'avoir fait l'acte II. Nous ferons bien l'acte III de la décentralisation.
Absolument, prenons rendez-vous.
Revenons à ce qui aurait dû être l'objet principal de votre intervention, si le règlement n'était pas utilisé à des fins dilatoires. Rien, dans vos propos, ne justifie que la proposition de loi soit renvoyée en commission. Pourtant, la tentation était forte, car nous aurions pu ainsi renouveler le plaisir d'entendre une majorité de vos collègues du groupe UMP nous dire tout le mal qu'ils pensaient du conseiller territorial.
Ce soir, nous serons raisonnables : nous n'écouterons pas le conseil d'Oscar Wilde et nous ne céderons pas à la tentation. Nous voterons donc contre votre motion et nous allons sans tarder abroger le conseiller territorial.
J'abonde dans le sens de Mme la rapporteure. En commission, habituellement, quand les bras se lèvent à gauche, ils ne se lèvent pas à droite, et inversement ; or cette fois-ci, à peu près tous les bras étaient levés en même temps, à ceux ou trois exceptions près… Nombre de députés UMP, et non des moindres, nous ont dit qu'à l'époque, ils n'avaient pas voté son instauration, et qu'ils ne la voteraient pas davantage aujourd'hui, autrement dit qu'eux aussi étaient favorables à l'abrogation.
Cela dit, M. Tardy a évoqué le fait que nous ramenions de 12,5 % à 10 % des suffrages le seuil à atteindre pour se maintenir au second tour. Sachez, monsieur Tardy, que, lorsque l'on est dans un petit parti, atteindre 10 %, cela peut être un exploit comparable à l'ascension du Mont-Blanc ; dans un grand parti, évidemment, ce n'est que l'ascension du Mont des Avaloirs, qui culmine à 416 mètres dans le Massif armoricain… (Sourires.)
Enfin, comparer les collectivités locales à des trous noirs, ou leur budget au tonneau des Danaïdes, cela risque de ne pas vous rendre très populaire en circonscription.
Nous voterons évidemment contre cette motion de renvoi en commission.
Dans leur grande majorité, les députés du groupe UMP présents ce soir voteront la motion de renvoi en commission.
Je suis assez étonné, monsieur le ministre. Nous pouvons débattre des heures et des heures des mérites du conseiller territorial mais, par-delà nos différences politiques, chacun doit considérer que, avec 36 000 communes, 101 départements, 22 régions, nous avons, à nous tous seuls, 45 % des collectivités locales d'Europe.
C'est la richesse de la République ! L'héritage de la Révolution française !
Je croyais que vous aviez une plus vive conscience de cela et de la réalité économique de notre pays, et que le changement passerait également par là. Peut-être le conseiller territorial n'était-il pas la solution, et votre majorité peut souhaiter, je ne le conteste pas, de mettre un peu de proportionnelle. Toutes ces questions ne me dérangent pas outre mesure.
Cependant, en l'occurrence, vous faites un pas en arrière. Ma grande crainte, c'est qu'il ne se soit, à la fin de la législature, rien passé sur ce sujet. Vous savez, comme moi, que cela aura pour grave conséquence de participer à la dégradation de nos comptes publics.
Le conseiller territorial était une étape, certes imparfaite. Fusionner les élus départements et régionaux devait permettre, à terme, de fusionner les collectivités : je suis persuadé, en qualité de vice-président d'un conseil général, que l'on pourrait supprimer rapidement les départements et transférer leurs compétences sociales aux agglomérations et la gestion des infrastructures aux régions. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR).
Notre déception, monsieur le ministre, explique que nous votions massivement tous les trois (Sourires) la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, comme vous l'aurez compris, nous ne sommes pas favorables au conseiller territorial. Nous sommes donc pour son abrogation.
Nous n'avons d'ailleurs pas bien compris à quoi il devait servir : à faire des économies ? À lier les départements à la région ? À recentraliser l'organisation territoriale de la France ? La petite taille des circonscriptions servant à l'élection de ces conseillers aurait en tout état de cause rendu difficile l'élaboration de schémas à l'échelle des régions. Surtout, notre crainte était que l'élection des conseillers territoriaux dans le cadre des cantons entraîne la négation de la région et de sa prospective stratégique.
Avec cet acte de recentralisation que cette réforme représentait à nos yeux, on voit mal comment, avec une base locale très réduite, les régions auraient eu à la fois le pouvoir et la légitimité nécessaires pour mettre en place schémas et politiques.
Déjà, la suppression de la taxe professionnelle a mis à mal l'autonomie fiscale des régions et des départements : leurs budgets étant désormais principalement alimentés par les dotations de l'État central, ce dernier est en position de force pour négocier. Il se trouve donc in fine en mesure d'orienter les politiques des régions, voire même de les faire participer à des politiques qui ne sont pas décidées au niveau régional mais directement par lui. C'est aussi pourquoi nous avons pu parler de phénomène de recentralisation.
La manoeuvre était d'ailleurs à peine voilée : l'ancien Président de la République avait, au cours de la campagne, émis l'idée de moduler les dotations attribuées aux collectivités territoriales en fonction de leur mise en oeuvre de la RGPP. Cette menace faisait là encore planer un doute sur l'autonomie des collectivités territoriales, du point de vue fiscal certes, mais pas seulement.
La création d'un conseiller territorial était également contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales, institutionnalisait le cumul des mandats, tant décrié par nos contemporains, et mettait à mal la parité : on voit mal comment un scrutin uninominal majoritaire pourrait faire élire plus de femmes. Déjà que les conseils généraux comptent très peu de femmes, les analyses montraient que le mode de scrutin retenu pour le conseiller territorial aboutirait à l'élection de 20 % de femmes seulement.
La réforme modifiait également le mode de financement des partis politiques en incluant les résultats obtenus aux élections locales dans la répartition des aides publiques. Fondée sur un scrutin de type uninominal, qui n'est pas favorable aux petits partis, elle nous faisait craindre que le financement de certains de ces derniers, comme le nôtre, diminue.
À cet égard, le principe de la suppression du conseiller territorial étant aujourd'hui arrêté, se pose maintenant la question du futur mode de scrutin. Vous le savez, nous sommes favorables à un mode de scrutin de type régional, c'est-à-dire à un scrutin de liste qui permette à toutes les familles politiques, ou à tout le moins à un certain nombre d'entre elles, de disposer d'élus, sachant qu'un tel mode de scrutin permettrait aussi de mieux respecter la parité. On me dira que les territoires seraient alors moins bien représentés. Mais leur représentation peut être réalisée de la même manière que par les scrutins régionaux, qui se font par département. On peut très bien diviser un département en trois ou quatre sections, sans même qu'il soit nécessaire de doter chaque section du même nombre d'élus, et organiser un scrutin de liste dans ce cadre.
Quant au scrutin binominal à deux tours qui semble aujourd'hui envisagé, il est une anomalie au sein des systèmes de vote actuels. Il n'y a guère qu'au Pays de Galles qu'un système approchant est en vigueur. Nous inventerions donc un nouveau mode de scrutin. Je ne suis pas certain que les citoyens s'y retrouvent alors que le scrutin de liste proportionnel à deux tours a l'avantage d'être déjà en place pour les communes de plus de 3 500 habitants et pour les régions. Il suffirait de l'étendre aux départements pour que les choses soient claires. C'est pourquoi nous souhaitons que ce type de scrutin soit adopté. Nous avons déposé un amendement à cet effet. Nous en reparlerons donc, s'agissant notamment des risques liés à la probable inconstitutionnalité du nouveau mode de scrutin proposé.
Comme vous pouvez le constater, j'ai fait court afin de ne pas allonger ces débats nocturnes, sachant que M. le ministre a déjà fait un voyage assez long aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après le Sénat, l'Assemblée nationale examine la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial. Le mandat de celui-ci devait permettre aux mêmes élus de siéger à la fois au sein du conseil général du département d'élection et au sein du conseil régional de la région dont fait partie le département d'élection. Cette disposition aurait dû entrer en vigueur en mars 2014 et les conseillers territoriaux se substituer aux actuels conseillers généraux et conseillers régionaux. Cette substitution simultanée avait été rendue possible par l'adoption, en janvier 2010, de la loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux.
L'étude d'impact du projet de réforme territoriale était éloquente : « Il s'agit de rapprocher ces deux collectivités territoriales, département et région, à travers un élu commun. Ce nouvel élu développera à la fois une vision de proximité du fait de son ancrage territorial et une vision stratégique en raison des missions exercées par la région. Sa connaissance du mode de fonctionnement des structures des deux collectivités, de leurs compétences respectives et de leurs modalités d'intervention juridiques, techniques et financières lui permettra de favoriser une articulation plus étroite de leurs interventions respectives afin d'éviter les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire ». Que ces choses-là sont bien dites !
L'objectif affiché par l'exécutif était bien de remplacer les conseillers généraux et régionaux par les conseillers territoriaux. Sous prétexte d'organiser la complémentarité entre régions et départements, il s'agissait de diminuer le nombre d'élus locaux. Parmi les élus concernés on comptait, comme par hasard, deux fois plus d'élus de gauche que d'élus de droite. Toutefois, le nombre d'élus concernés ne représentait que 1 % du nombre total d'élus locaux, dont les indemnités représentent moins d'un millième des budgets des collectivités concernées et 1,2 % de leur budget de fonctionnement.
Ces conseillers territoriaux devaient être élus selon un mode de scrutin complexe : dans un cadre cantonal, 80 % d'élus auraient été élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour, et les 20 % restants auraient été élus à la proportionnelle sur des listes auxquelles se seraient rattachés les candidats au scrutin majoritaire.
Déjà, à l'époque, les objections juridiques dirimantes s'accumulaient. Le Conseil d'État, avait exprimé le 15 octobre 2009 de nombreuses réserves d'État sur le mode de scrutin, celui-ci étant de nature « à porter atteinte à l'égalité comme à la sincérité du suffrage compte tenu des modalités complexes de la combinaison opérée entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel dans le cadre d'un scrutin à bulletin unique ». La doctrine considérait également que la création de conseillers territoriaux était douteuse d'un point de vue constitutionnel, puisqu'elle impliquait l'assimilation totale des conseils généraux et régionaux et des conseillers généraux et régionaux.
Le Gouvernement et sa majorité se sont, malgré tout, entêtés. S'ils ont abandonné un mode scrutin complexe, vaguement inspiré du mode de scrutin législatif allemand, qui aurait à coup sûr été censuré par le Conseil constitutionnel, le tableau fixant le nombre de conseillers territoriaux a, lui, été censuré à deux reprises : la première fois du fait des écarts démographiques entre différentes circonscriptions électorales, la seconde fois pour non-respect des prérogatives constitutionnelles du Sénat. Ces atermoiements n'étaient que la manifestation de la tentative pour la majorité de l'époque de passer en force une réforme à cadre constitutionnel constant puisque le Gouvernement de l'époque ne disposait pas de la majorité qualifiée requise pour réviser la Constitution afin de regrouper des niveaux de collectivités disposant d'un statut constitutionnel. À défaut d'une fusion entre départements et régions, la majorité a voulu fusionner les élus de ces collectivités.
Les analystes les plus perspicaces avaient prédit, dès 2009, que les conseillers territoriaux ne verraient jamais le jour. Avant même que le Sénat adopte la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui – proposition que les députés du groupe RRDP adopteront, bien évidemment –,…
…il était de facto impossible d'élire les conseillers territoriaux. Le redécoupage cantonal préalable n'avait pas été effectué. Et si le régime juridique de ces futurs élus hybrides avait fait l'objet de deux projets de loi déposés au Sénat en même temps que le projet de réforme territoriale, ces textes sont toujours pendants et n'ont jamais été inscrits à l'ordre du jour. Pas de circonscription électorale, pas de régime d'incompatibilités, pas de régime indemnitaire : les conseillers territoriaux n'existaient qu'en puissance.
Ce texte vient heureusement remettre le droit en correspondance avec la réalité. Il fallait nettoyer le code général des collectivités territoriales de cette scorie. Ainsi, l'article 81 de la loi du 16 décembre 2010 qui introduisait l'élection des conseillers territoriaux comme élément de détermination d'une part de la fraction de l'aide publique aux partis politiques – article, introduit précipitamment par amendement en deuxième lecture à l'Assemblée nationale afin de compenser la contrariété entre l'institution des conseillers territoriaux et le respect de la parité électorale –, est lui aussi abrogé. Nous nous en félicitons.
L'erreur de la précédente majorité a été d'ériger la création de ces conseillers territoriaux en mesure emblématique de la réforme des collectivités territoriales. Ne pouvant supprimer le département, comme le proposait le rapport Attali, la majorité d'hier s'était résolue à « cantonaliser » la région, en rendant de facto impossible la réunion de son assemblée délibérante, tout en affaiblissant le département par la création de métropoles dans lesquelles ils seraient à terme absorbés. À plus longue échéance, la fusion des deux collectivités aurait été ainsi opérée avec plus de facilité. Leurs élus étant communs, la fusion des départements et des régions serait apparue assez formelle, surtout si la majorité de l'époque avait pu, du fait de la mise en place du conseiller territorial, reprendre des couleurs à l'occasion des prochains scrutins.
Il est assez piquant, à ce propos, d'entendre certains reprocher à l'actuelle majorité de reculer sur la question du cumul des mandats, alors que la création de ces conseillers territoriaux institutionnalisait le cumul des mandats locaux. Elle tendait à imposer aux électeurs de faire un seul choix politique alors que nombre d'entre eux auraient vraisemblablement fait des choix différents pour deux types de fonctions différents.
Il ne reste principalement de la réforme territoriale de 2010 que l'achèvement de la carte intercommunale. Cet achèvement était nécessaire. Un acte III de la décentralisation, annoncé par le Gouvernement, devra être examiné par le Parlement en début d'année prochaine. Une véritable clarification des compétences des collectivités territoriales devra être effectuée.
Par ailleurs, la fiscalité locale devra être réformée, comme l'examen des crédits budgétaires qui vient de s'achever l'a une nouvelle fois illustré. Nous devrons sortir de l'ambiguïté de l'autonomie fiscale à la française et nous donner les moyens d'une véritable refondation des rapports financiers entre l'État et les collectivités territoriales. Les députés du groupe RRDP s'y emploieront. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe se réjouit grandement de la discussion de cette proposition de loi, adoptée il y a déjà un an par le Sénat à la suite de l'heureuse initiative prise par le groupe communiste, à laquelle se sont associés les groupes socialistes et RDSE. Nous nous en réjouissons parce que la création du conseiller territorial représentait un recul majeur et sans précédent de la décentralisation. Il constituait aussi un recul gravissime de la démocratie locale.
Pour justifier la création de ces conseillers territoriaux, effectuée – je le rappelle – sans concertation avec les élus locaux, le gouvernement de l'époque avait fait valoir deux arguments majeurs.
Le premier, l'argument économique, a été largement discrédité lors des débats parlementaires. Les coûts dus à la création des conseillers territoriaux, principalement les travaux de reconstruction des hémicycles régionaux et de réaménagement des conseils régionaux pour accueillir les nouveaux élus estimés à au moins 600 millions d'euros, dépassaient largement les économies escomptées. Quant au second argument, la création du conseiller territorial ne permettra, en aucune manière, d'assurer une meilleure coordination entre les actions du département et celles de la région. Elle participe simplement de la volonté, à l'époque jamais exprimée explicitement, de faire disparaître les départements. Je rends hommage à notre collègue de l'UMP qui, dans son explication de vote sur la motion de renvoi en commission, a clairement indiqué que l'objectif de la création du conseiller territorial était bel et bien de faire disparaître les départements, au même titre que celui de la réforme « Sarkozy » de 2010 qui était de faire disparaître, à terme, un grand nombre de communes, lesquelles constituent, pourtant, un des héritages essentiels de la Révolution française.
Loin de simplifier l'organisation territoriale, la création du conseiller territorial serait source d'une grande complexité et générerait de graves problèmes que je me contenterai, ce soir, de rappeler très brièvement.
D'abord, la création de ce conseiller, si elle était confirmée, ferait reculer la démocratie locale et la liberté de vote. Alors que les départements et les régions disposent de compétences spécifiques, l'élection doit permettre l'organisation d'un débat démocratique centré sur les thématiques propres au département ou à la région. La fusion des élections priverait inévitablement l'une de ces collectivités d'un véritable débat démocratique. De même, il paraît bien difficile de comprendre comment le droit et la liberté de vote de l'électeur pourraient être respectés, alors même que ce dernier ne peut voter qu'une seule fois pour un même candidat pour désigner deux assemblées délibérantes distinctes. L'électeur doit pouvoir être libre de se déterminer en fonction des enjeux propres à chacune de ces collectivités et d'en confier la gestion à des personnes distinctes.
Ensuite, la création du conseiller territorial institutionnaliserait le cumul des mandats et professionnaliserait la fonction d'élu.
D'une part, le conseiller territorial étant appelé à siéger au conseil général et au conseil régional, il serait obligatoirement titulaire de deux mandats locaux auxquels, dans l'état actuel de la législation, pourrait également s'ajouter un mandat national. Ce cumul des mandats ne va évidemment ni dans le sens d'une clarification ni dans celui d'une simplification des compétences de chacun des échelons territoriaux, loin s'en faut. La création du conseiller territorial organiserait, au contraire, la confusion des élus, donc des politiques portées par deux assemblées. Cette confusion, octroyant à un même élu, en vertu du même mandat, le pouvoir décisionnaire pour deux collectivités distinctes, contreviendrait au principe de libre administration territoriale.
D'autre part, au regard de la charge de travail qui pèserait sur le conseiller territorial, on ne voit pas comment celui-ci pourrait maintenir un travail de terrain et de proximité. Pour les administrés, non seulement l'action publique n'en serait pas plus lisible, mais les élus seraient moins disponibles, moins présents sur le terrain et le fossé se creuserait davantage encore avec l'attente de nos concitoyens.
La création du conseiller territorial, ce n'est pas le moindre des paradoxes de la loi de 2010, engendrerait l'accroissement des effectifs des conseils régionaux et la diminution de ceux des conseils généraux, ce qui poserait inévitablement des difficultés de fonctionnement. D'un côté, il serait difficilement possible de réunir certaines assemblées régionales en raison du nombre trop important de leurs membres – plus de 300 en Île-de-France –, ce qui, de fait, aboutirait à transférer une prise de décision en amont, c'est-à-dire au bureau de la région. D'un autre côté, certains conseils généraux, composés de trop peu d'élus, rencontreraient de grandes difficultés à régler l'ensemble des questions du ressort des départements. En pratique, et cela a déjà été développé, le risque d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre serait majeur. Au vu du caractère artificiel du couple département-région et du manque de complémentarité entre l'action de ces deux types de collectivités, la création des conseillers territoriaux serait susceptible de mener à la dissolution d'un échelon au profit de l'autre et, en pratique, de provoquer la mise en place d'une tutelle d'une collectivité sur une autre.
Enfin, s'agissant du mode de scrutin retenu pour l'élection des conseillers territoriaux, il porterait évidemment une grave atteinte au pluralisme politique et à la parité. D'une part, le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours ne permettrait pas une représentation juste de la diversité des sensibilités politiques de nos concitoyens et favoriserait, au contraire, le bipartisme. D'autre part, le mode de scrutin retenu aurait pour conséquence une diminution sans précédent du nombre de femmes élues dans les hémicycles locaux.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué, tout à l'heure, le futur mode de scrutin pour les élections cantonales que vous allez soumettre à la concertation des principales forces politiques de ce pays. Il n'est un secret pour personne, je le crois, qu'est envisagé un mode de scrutin binominal permettant de faire élire en même temps un homme et une femme. Vous avez rappelé l'exigence de proximité – d'ancrage sur le terrain – et de parité. Vous me permettrez d'en ajouter une troisième qui est l'exigence de respect du pluralisme. C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables, d'une manière ou d'une autre, à l'introduction d'une certaine dose de proportionnelle via des modes de scrutin déjà existants ou en projet pour les élections législatives, en particulier.
Pour toutes les raisons que je viens de développer, vous le comprendrez, la suppression du conseiller territorial est incontournable pour notre groupe. Elle constitue, pour nous, une première étape avant l'abrogation totale de la réforme territoriale du 16 décembre 2010. Il nous semble, en effet, que cette abrogation est le préalable indispensable à l'élaboration d'une nouvelle réforme territoriale qui serait, elle, réalisée en lien avec les élus locaux et les populations, visant à redonner tout son sens à la décentralisation, afin de mieux répondre sur l'ensemble du territoire aux besoins et aux attentes de nos concitoyens.
Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que nous aurons certainement matière à débat sur les grandes orientations de cette nouvelle page de la décentralisation. Je ne vous cache pas non plus que certaines orientations dévoilées lors du discours du Président de la République en clôture des états généraux de la décentralisation et, ce matin, alors que Mme Lebranchu était interviewée sur une grande radio, nous inquiètent. Je pense, en particulier, au rôle accru qui pourrait être confié aux métropoles ou encore au pouvoir normatif qui pourrait être accordé aux régions. De tout cela, nous aurons, bien entendu, l'occasion de reparler.
Pour l'instant, l'important est de créer les conditions de la discussion d'une future réforme, donc d'abroger le conseiller territorial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il est une mesure de la réforme des collectivités territoriales portée par la précédente majorité qui a particulièrement défrayé la chronique et exacerbé les passions sur les bancs de l'Assemblée nationale et surtout sur ceux du Sénat, c'est bien celle visant à la création d'un nouveau type d'élu local : le conseiller territorial. L'instauration de cet élu hybride, ce « Janus » territorial, ne corrigeait aucun des défauts du système préexistant, aggravant même certains aspects et complexifiant l'entrelacs des collectivités.
Adopter cette proposition de loi, c'est se situer dans une démarche positive, c'est poser les bases sereines d'une nouvelle réforme. C'est le préalable à un véritable acte III de la décentralisation.
La création du conseiller territorial offrait un menu indigeste – vous me pardonnerez de filer la métaphore culinaire à cette heure tardive : en entrée, on instaurait une confusion généralisée entre départements et régions, et un grave recul des capacités des régions à construire des politiques ambitieuses ; en plat principal, on nous faisait avaler une régression historique de la parité et un cumul institutionnalisé, et, en dessert, on nous faisait miroiter la fusion latente des collectivités régionales et départementales. Mais le pire, c'est que cette purge antidémocratique aurait été sanctionnée par une addition particulièrement salée !
L'exposé des motifs de la loi, aujourd'hui soumise à abrogation, critiquait, non sans raison, l'enchevêtrement des compétences locales, mais le remède proposé était tout de même particulièrement étrange, car on y répondait par un entrelacement accru des fonctions électives et, de fait, par un obscurcissement pour le citoyen de l'exercice des responsabilités locales. De plus, la loi générait mécaniquement une confusion considérable. En effet, comment envisager un débat démocratique serein et clair si une même élection devait décider de la politique de deux collectivités aux compétences pourtant différentes ?
Curieuse façon de simplifier le complexe édifice de notre République décentralisée !
Pensons, un instant, à cet élu virtuel, et qui heureusement le restera. La confusion schizophrénique aurait rapidement guetté le nouveau conseiller territorial, lequel aurait dû être en même temps à l'hôtel du département pour le conseil général, à l'hôtel de région pour siéger, sans, bien sûr, quitter son vaste canton redécoupé – nous ne sommes plus dans le dédoublement, mais dans le triplement de personnalité ! – tout cela, bien sûr, en conservant une activité professionnelle, ce qui eut été, avouons-le impossible, considérant la charge de travail imposée.
Tout aussi dramatique également, le conseiller territorial faisait reculer la capacité des régions à piloter une politique à son échelle par une « cantonalisation » de l'intérêt régional. C'était revenir, de fait, à la situation antérieure à 1986. C'était, également, aller complètement à rebours des évolutions constatées partout en Europe où les régions sont de plus en plus en pointe dans le développement économique.
Le mode d'élection du conseiller territorial au scrutin uninominal majoritaire aurait conduit, également, à une annihilation du pluralisme et de la diversité dans les régions. Or nous devons assurer la plus juste représentation possible de l'ensemble des courants de pensée si l'on veut une démocratie territoriale vivante. De plus, nos assemblées locales doivent représenter la société française d'aujourd'hui, une société plurielle, métissée, socialement ouverte à tous. C'est le sens du rétablissement du scrutin proportionnel aux régionales qui nous est proposé, ce soir, grâce à l'abrogation du conseiller territorial.
Surtout, le conseiller territorial mettait un terme à la parité dans les conseils régionaux. De fait, le passage à un scrutin majoritaire condamnait l'équilibre actuel, car les conseils régionaux comptent aujourd'hui près de 48 % de femmes. C'est là un acquis majeur que nous ne pouvons pas accepter de voir remis en cause. C'est pourquoi ce que nous nous apprêtons à voter, c'est le rétablissement de la parité dans l'ensemble de nos régions.
Plus tragique encore, ce projet, dans la représentation des conseils généraux, gravait dans le marbre d'un nouveau mode de scrutin des déséquilibres inacceptables. Au niveau des départements, le déséquilibre femmes-hommes était d'ailleurs tellement criant que le législateur avait institué, en 2007, un ticket obligatoirement paritaire aux cantonales. C'était, certes, en apparence un léger progrès, mais certains se sont, à juste titre, interrogés sur l'effet de cette mesure. En effet, à la question de savoir quel était le féminin de conseiller général, la réponse fusait : avec ce système, le féminin de conseiller général, c'était suppléante ! De plus, Le conseiller territorial institutionnalisait le cumul des mandats à l'échelon local, car le nouvel élu, non content de devoir s'occuper au quotidien d'une population de 30 000 à 40 000 habitants, aurait dû avoir une charge régionale.
Ce texte allait, ainsi, à l'inverse des efforts conduits depuis 1997 en vue d'imposer progressivement le non-cumul des mandats, et que sous l'impulsion du président de la République, nous allons poursuivre. Tout aussi critiquable, il aurait professionnalisé les élus locaux, obligés de consacrer à leur mandat plus qu'un plein-temps. Or nous avons besoin d'élus qui gardent un pied dans la vie professionnelle.
En commission des lois la semaine dernière, notre collègue UMP Guillaume Larrivé se déclarait « favorable au conseiller territorial comme première étape de la fusion de la région et du département » ? Tout était dit !
Le conseiller territorial était bien la première étape de la fusion programmée des départements et des régions.
Les élus locaux l'avaient d'ailleurs bien compris en sanctionnant durement les candidats de la précédente majorité au Sénat en septembre 2011. À bien y réfléchir, le défunt texte aura au moins eu ce mérite : avoir permis à la gauche de devenir majoritaire au Sénat !
Le texte instaurant le conseiller territorial générait, en fait, une forme de darwinisme institutionnel conduisant lentement à l'extinction d'une des deux collectivités ou, peut-être, à une Saint-Barthélemy des territoires, sans que l'on sache d'ailleurs vraiment qui, de la région ou du département, en sortirait vivant. Je le dis clairement, notre vision n'est pas celle-là. Nous sommes attachés aux départements en tant qu'échelon de proximité et nous sommes déterminés à doter les régions de la capacité à affronter la concurrence européenne.
Enfin, cette réforme était supposée économiser les deniers publics, louable intention, mais, à y regarder de près, la création du conseiller territorial aurait été fort coûteuse, avec, notamment, la création de véritables petits sénats locaux lestés de centaines d'élus, et donc d'inévitables et dispendieux agrandissement des hémicycles. Bien sûr, on ne compte pas les nombreux techniciens qu'il aurait fallu recruter pour pallier l'absence d'élus cumulards, toujours quelque part, mais jamais là, un peu comme à l'UMP ce soir. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, la création de ce conseiller territorial avait été présentée comme la pierre angulaire de la prétendue réforme des collectivités voulue par l'ancien Président de la République, mais, avouons-le, on a rarement vu architecte choisir une pierre si brute et la tailler si maladroitement dans une masse aussi friable. Heureusement, cet édifice restera virtuel, et il évoque finalement la triste mélodie du prélude pour piano de Claude Debussy, La cathédrale engloutie.
Ce qui nous est demandé aujourd'hui, par l'abolition du conseiller territorial, c'est en résumé de rétablir les départements dans leur plein exercice ; de pérenniser le pluralisme et la parité au sein des conseils régionaux ; d'empêcher la concrétisation d'un cumul institutionnalisé en dotant chaque échelon territorial d'élus qui lui sont dédiés et, dès lors, spécifiquement chargés de défendre, d'une part, l'intérêt départemental et, d'autre part, l'intérêt proprement régional ; d'éviter une dérive des coûts financiers des collectivités ; de préparer enfin le terrain législatif à une réforme territoriale nouvelle plus juste, dans la ligne fixée par le Président de la République, rappelée et précisée ce soir par le ministre de l'intérieur.
Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera bien sûr en faveur de l'abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, cette proposition de loi est un énième exemple de votre méthode de gouvernement : on tire d'abord, on réfléchit ensuite. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est une méthode qui a déjà fait ses preuves avec la suppression en fanfare, dès le mois de juillet, de la TVA antidélocalisation, pour le résultat brillant que l'on sait quelques mois plus tard.
Aujourd'hui vous nous présentez un texte qui ne vise qu'à supprimer le conseiller territorial, sans exposé des motifs, sans étude d'impact – c'est dommage, vous auriez pu vous vanter de recréer quelque 2 500 postes d'élus en pleine crise, ce qui aurait intéressé nos compatriotes –, sans même être en mesure de nous dire véritablement ce qui le remplacera.
J'ai bien entendu vos explications sur la concertation, il en faut et je vous en félicite, mais alors pourquoi présenter ce texte aujourd'hui, pourquoi ne pas le déposer dans six mois avec l'ensemble des dispositions ?
Pour nous, la seule explication, c'est la volonté délibérée du Gouvernement de se passer de l'étude d'impact.
Pourtant, ce conseiller territorial avait de grandes vertus. Il valait beaucoup mieux que les caricatures qu'on en a fait, et je suis convaincu que cette réforme sera remise sur le métier.
C'était d'abord, reconnaissons-le, le moyen d'engager une logique d'économies et de rationalisation, dont notre pays a infiniment besoin.
Vous allez, dans les années qui viennent, imposer aux collectivités locales de notre pays une cure d'austérité comme elles n'en ont jamais connu, avec une baisse des dotations déjà annoncée de 1,5 milliard pour les années 2014 et 2015, sachant que s'ajouteront plusieurs milliards supplémentaires pour financer vos mesures de compétitivité.
Le conseiller territorial était la meilleure façon de faire des économies dans le fonctionnement des régions et des départements,…
…que tout incite – ce n'est en effet pas de leur faute – à doublonner leurs services.
Je n'ai jamais été tout à fait convaincu par le chiffre de 20 milliards d'euros qui avait été avancé par la commission Balladur-Mauroy, mais ce qui est certain, c'est que demain, vous allez condamner les régions et les départements à réduire le volume de leurs interventions quand il aurait été plus judicieux de réduire les dépenses de structure.
Je ne prendrai que l'exemple de l'action économique : les communes s'en occupent, les intercommunalités s'en occupent, les départements s'en occupent, les régions s'en occupent, l'État s'en occupe. Le conseiller territorial, c'était le moyen de mettre un peu d'ordre entre la région et le département, d'arrêter cette compétition absurde qui décourage la plupart des chefs d'entreprise de solliciter quoi que ce soit tant tout est compliqué aujourd'hui. De ce point de vue, c'était, je crois, une très bonne chose.
Le conseiller territorial, c'était ensuite une façon très souple, très décentralisatrice, très humaine, de mettre de l'ordre dans la répartition des compétences entre région et département. On choisissait de faire confiance aux élus pour décider eux-mêmes, région par région, s'ils souhaitaient exercer telle ou telle compétence au niveau départemental ou au niveau régional. Une compétence peut en effet être un enjeu régional en Bretagne, je pense à la gestion des ports ou à la politique de la pêche, et rester un enjeu départemental en Poitou-Charentes, par exemple, où un seul département a une façade maritime.
À défaut, nous allons retomber dans ce système ultrajacobin où c'est encore le législateur national qui dira que, de Brest à Colmar et de Valencienne à Perpignan, c'est le conseil régional qui change les ampoules dans les lycées et le conseil général qui achète des friteuses dans les collèges. On aura beau inventer tous les systèmes de chef de filât que l'on voudra, comme on a essayé de le faire il y a dix ans dans l'acte II, il n'en sortira pas grand-chose, et vous le savez.
Ce conseiller territorial, c'était aussi et surtout une façon de réconcilier deux réalités, deux légitimités, que l'on oppose à tort : la légitimité historique et de proximité qui est celle du département, et la réalité économique qui est celle de la région. Pour moi, mais ce n'est peut-être pas le point de vue de certains de mes collègues du groupe UMP, c'était envoyer paître, une fois pour toutes, tous ces technocrates qui décident régulièrement depuis leurs ministères que les départements, c'est ringard et qu'il faut les supprimer, où tous ceux qui n'ont toujours pas admis le fait régional.
Le conseiller territorial, c'était la seule façon de concilier, de combiner, d'articuler région et département. En y renonçant, vous nous condamnez immanquablement à ce qu'un jour où l'autre, la question de la suppression pure et simple de l'échelon départemental soit rouverte, et vous en porterez la responsabilité.
Le conseiller territorial, c'était aussi plus de lisibilité pour la démocratie locale, avec un citoyen qui n'aurait eu en face de lui qu'un seul élu, capable d'intervenir au niveau départemental et au niveau régional. Peu importe alors qu'il sache avec précision qui fait quoi de la région ou du département, quand il a aujourd'hui à faire face à un millefeuille auquel il ne comprend rien et, pour le dire poliment, n'a pas toujours la chance de croiser régulièrement chez le boulanger du coin un conseiller régional pour le lui expliquer. Ce n'est qu'une observation statistique sur le nombre de boulangeries, plus important que le nombre de conseillers régionaux, sans aucun jugement sur la proximité des élus régionaux en général.
Enfin, ce conseiller territorial, à l'opposé des caricatures, c'était aussi une chance pour les territoires ruraux d'être mieux représentés dans les régions. Il était assuré un nombre minimal de conseillers territoriaux par département, quinze. Ainsi, la Lozère, chère à Pierre Morel-A-L'Huissier, aurait eu quinze élus siégeant à la région alors qu'elle n'en a qu'un seul, deux au plus les bonnes années. Je ne crois pas que ce retour en arrière sera un progrès pour ce département.
Au nom d'un slogan de campagne, vous allez renoncer à ce compromis historique, qui aurait ouvert la voie à la rationalisation et à la rénovation de l'action locale. Ce sujet aurait mérité mieux qu'une décision à l'emporte-pièce, et je reste persuadé que la question se posera un jour d'y revenir.
Cet éloge funèbre terminé, quels sont vos projets pour remplacer le conseiller territorial ? C'est là que le texte que nous examinons démontre toute son originalité puisqu'il défait quelque chose, mais ne propose pour l'instant qu'un demi-dispositif de remplacement.
La moitié que l'on connaît, c'est le retour de l'élection autonome de conseillers régionaux. Cette décision appelle d'ores et déjà deux observations.
La première, c'est le coût du texte qui nous est présenté. Notre droit actuel, avec la loi de 2010, prévoyait l'élection de 3 500 conseillers territoriaux aux lieu et place des près de 6 000 conseillers généraux et régionaux. Vous recréez donc 2 500 postes d'élus locaux. En période de crise, nous vous laissons le soin d'assumer cette décision auprès de nos compatriotes, dont vous augmentez chaque jour un peu plus les impôts. Cela pose la question de l'application de l'article 40 que j'ai soulevée tout à l'heure : ce texte aurait dû, selon moi, être déclaré irrecevable en l'état.
Ma seconde observation, c'est le lien que l'on peut faire entre ces dispositions, l'annonce par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale que les élections régionales auront lieu en 2015, et la proposition de la commission Jospin de modifier le collège électoral sénatorial. Nous avons là trois pièces d'un puzzle qui, lorsqu'elles sont assemblées, deviennent inquiétantes.
En clair, si les souhaits de M. Jospin étaient exaucés avant septembre 2014, non seulement les actuels conseillers régionaux seraient conduits à élire à deux reprises des sénateurs, en 2008 et en 2015, ce qui a évidement pour vous l'avantage de limiter les risques d'alternance, mais, en plus, pour être sûr que tout se passe bien, la prochaine fois qu'ils voteraient, ils auraient le droit de mettre dans l'urne non plus un bulletin mais quinze. Inscrire le bourrage d'urne dans la loi, personne n'y avait encore pensé ! Je n'ai pas besoin de développer l'analyse, chacun comprend la gravité d'un tel processus. Si, d'aventure, le Gouvernement proposait un tel dispositif, notre groupe ne manquerait évidemment pas de saisir le Conseil constitutionnel.
La moitié dont nous ne savons rien, ce sont les conditions d'élection des futurs conseillers généraux. En effet, si le texte qui nous est présenté rétablit clairement les conseillers généraux tels qu'ils existaient, l'exécutif a d'ores et déjà fait connaître son intention de proposer un dispositif électoral nouveau.
Vous proposez de remplacer le conseiller général par un conseiller départemental élu au scrutin binominal paritaire, un homme et une femme élus en même temps dans des cantons agrandis. Si le conseiller territorial était qualifié par certains de monstre hybride ou de créature bicéphale, vous inventez là un conseiller hermaphrodite, à la fois homme et femme. Vous faites preuve d'une grande originalité, d'une grande créativité, dont, avec une pointe d'ironie, je vous félicite.
Il est assez étonnant que le même gouvernement qui nous explique par ailleurs que l'on n'a pas besoin d'un homme et d'une femme pour avoir des enfants tienne absolument à ce que, pour gérer des routes départementales, il y ait exactement autant d'hommes que de femmes dans une assemblée départementale. Vous n'en êtes pas à une incohérence près.
Votre scrutin binominal, qui serait une première dans notre histoire électorale, et peut-être une création mondiale, n'est pas sans poser de problèmes de lisibilité électorale et démocratique.
Dans une même circonscription, il y aura deux élus. Dans la République romaine, qui avait expérimenté un tel système avec deux consuls, cela ne s'est pas très bien terminé, comme vous le savez, ni pour Marc Antoine, ni pour la République elle-même.
Comment s'exercera la responsabilité élective en fin de mandat ? Le couple sera-t-il condamné à ne jamais pouvoir divorcer et à se représenter en ticket indéfiniment ? Si l'un des deux décide de changer de co-conseiller et de se présenter contre son ancien co-élu, en aura-t-il le droit ? Dans la pratique, il faudra aussi des suppléants, de sexe opposé, j'imagine. Cela veut dire qu'il y aura quatre noms sur le bulletin de vote. Je crains que l'intelligibilité de la loi électorale n'y gagne pas vraiment.
Ne croyez-vous pas, quitte à ne rien réformer, puisque telle est l'ambition de votre gouvernement, qu'il serait plus sage de ne rien changer du tout, comme vous le demandent un certain nombre de vos propres amis au PS, quitte à renforcer les dispositifs de pénalisation financière des partis politiques ?
Enfin, si vous ne voulez pas ajouter des conseillers généraux aux 3 900 actuels, cela signifie très clairement que vous devrez supprimer un canton sur deux dans notre pays. Là où nous conservions 3 500 cantons pour le conseiller territorial, vous n'en aurez que moins de 2 000 pour un nombre d'élus identique – Mme la rapporteure a même expliqué qu'il pourrait y avoir quatre à cinq chefs-lieux de canton dans un même canton pendant un certain temps. Votre ambition est donc d'aller très loin et d'en supprimer jusqu'à quatre ou cinq à la fois pour n'en faire plus qu'un. Beau projet que voilà !
En Lozère, vous ne laisserez sans doute que neuf cantons. Je lance le chiffre au hasard, mais il pourrait ne pas être éloigné des projections du Gouvernement s'il veut en rester à 3 900 conseillers départementaux. Dans la Creuse, les Hautes-Alpes, l'Ariège, le Cantal, le Gers, le Lot, les Alpes-de-Haute-Provence, vous ne pourrez pas en conserver plus de onze, soit le tiers des effectifs actuels.
J'invite mes collègues des territoires ruraux, sur tous les bancs et surtout à gauche, à bien y réfléchir.
Et à l'intérieur de chaque département, monsieur le ministre, dans les parties les plus rurales, le rééquilibrage démographique vous amènera sans doute à supprimer deux cantons sur trois, ainsi que l'a donné à penser Mme la rapporteure.
Ce que vous allez réaliser, avec ce conseiller hybride, à la fois homme et femme, c'est une atteinte sans précédent à ce qui fait la structuration de nos territoires ruraux et bien souvent encore de nos services publics, collèges ou gendarmeries, par exemple.
Un écrivain italien, popularisé par un grand cinéaste, a écrit : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Votre gouvernement, qui prétend ne rien changer, invente une sorte de maxime inverse : vous voulez que rien ne change et vous allez pourtant détruire l'un des derniers repères de nos territoires ruraux : les cantons.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà deux ans presque jour pour jour, le 17 novembre 2010, l'Assemblée nationale adoptait, au terme de longs débats passionnés, la réforme des collectivités territoriales. Ce texte était conçu comme le préalable d'un nouveau projet d'organisation territoriale.
Un an plus tard, la nouvelle majorité sénatoriale s'est empressée d'abroger la mesure la plus emblématique de cette réforme : la création du conseiller territorial destiné à remplacer les conseillers généraux et régionaux. Il revient aujourd'hui à notre assemblée de se prononcer sur ce texte transmis par le Sénat.
Avant tout, le groupe UDI tient à faire part de son étonnement quant à la voie retenue pour débattre d'une disposition aussi importante et dont l'issue, que l'on décide de son maintien ou de sa suppression, aura de grandes conséquences sur le devenir de notre organisation territoriale. Le recours à une proposition de loi se bornant à supprimer certaines dispositions de la loi du 16 décembre 2010 est plus que contestable. Cette manière de procéder est révélatrice de la volonté de la majorité de supprimer au plus vite une réforme qu'elle désapprouve.
Au lendemain des élections, et alors que se sont achevés les états généraux de la démocratie territoriale, on aurait pu légitimement attendre du Gouvernement, qui a indiqué à plusieurs reprises qu'il ferait de la concertation sa méthode de gouvernance, qu'il nous soumette un projet de loi qui comprenne, outre la question du conseiller territorial, d'autres sujets importants qui lui sont fondamentalement connexes : la répartition des compétences – autrement dit, les chevauchements entre différentes collectivités –, le statut de l'élu, le cumul des mandats, sujet d'actualité s'il en est, le mode de scrutin et la parité. Le maintien ou non du conseiller territorial ne peut être décidé qu'en lien avec l'ensemble de ces points.
Quel contraste avec les propos du président du Sénat qui indiquait, dans sa lettre aux élus locaux, vouloir faire de ce grand rendez-vous de la démocratie territoriale « le creuset d'une nouvelle réflexion sur les droits et libertés des collectivités locales, sur les compétences, sur les financements, sur les solidarités territoriales, en un mot sur le devenir de la France des territoires » ! Que c'est beau ! Difficile, dans les conditions qui nous sont faites à présent, d'avoir le dialogue « serein et respectueux de chacun » dont Jean-Pierre Bel avait formé le voeu.
Le second reproche que l'on peut faire à cette proposition de loi, c'est qu'elle n'anticipe aucune des conséquences de l'abrogation du conseiller territorial. De nombreux points restent en suspens et suscitent parfois même un peu plus que des interrogations.
Ce texte propose de supprimer les conseillers territoriaux qui ont vocation à être élus en 2014, mais rien n'est proposé en remplacement. Rien non plus n'est dit sur le calendrier électoral. Après six années de profond renouvellement électoral, 2014 devrait être l'année des élections municipales, européennes et sénatoriales. Le Premier ministre avait confirmé dans son discours de politique générale, le 3 juillet dernier, que la fusion des élections prévue par la réforme territoriale et devant s'ajouter à ces trois scrutins ne serait pas appliquée et qu'un report à 2015 des élections cantonales et régionales était envisagé.
On nous a également annoncé une vaste réforme probable du système électoral, notamment une modification du mode de scrutin des conseillers généraux qui irait de pair avec ce nouveau calendrier. Dans ces conditions, quel type de scrutin allez-vous prévoir pour les élections cantonales ?
À en croire le discours de clôture des états généraux de la démocratie territoriale prononcé le mois dernier par le Président de la République, le Gouvernement envisage pour les cantonales un scrutin majoritaire binominal, fondé, je cite, sur « deux principes : l'ancrage territorial et la parité ». Cette mesure entraînerait nécessairement un redécoupage des cantons, pour effacer les disparités démographiques ; cela a été évoqué il y a quelques minutes. Or il est de tradition que tout découpage soit engagé un an avant l'élection ; il en résulte donc qu'il devrait intervenir avant mars 2013.
Par ailleurs, la proposition de loi prévoit d'abaisser à 10 % des électeurs inscrits, contre 12,5 % actuellement, le seuil exigé d'un candidat aux élections cantonales pour accéder au second tour. Cette disposition est pour le moins incohérente avec la volonté de la majorité d'instaurer un nouveau mode de scrutin pour les élections départementales dans le cadre de la réforme de la décentralisation.
En résumé, cette proposition n'a, je le regrette, qu'une vocation : supprimer purement et simplement la réforme territoriale héritée du précédent quinquennat, sans aucune proposition ni réflexion d'ensemble sur l'équilibre politique et institutionnel de nos institutions.
Mes chers collègues, la décentralisation est une chance pour nos territoires et pour la République. Elle mérite mieux qu'une réforme adoptée à la hâte sans la moindre considération des enjeux qui l'entourent. La question du conseiller territorial ne peut être examinée isolément, elle doit s'accompagner d'une véritable clarification des compétences. Il en va de notre responsabilité d'élus nationaux et d'élus locaux de ne pas bâcler des chantiers essentiels pour notre pays. Pour reprendre la formule de Godard, c'est la responsabilité des « professionnels de la profession ».
Donnons-nous le temps de réaliser une vraie réforme territoriale dans un esprit de concertation, qui nous permettrait de débattre de sujets aussi essentiels que la clarification des compétences entre l'État et les collectivités locales et entre les collectivités elles-mêmes, le statut de l'élu, le mode de scrutin ou encore la parité.
Mes chers collègues, pour l'ensemble de ces raisons, vous comprendrez aisément que les députés du groupe UDI ne peuvent voter ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, vouloir réformer nos collectivités n'est pas chose aisée, mais vouloir le faire avec un certain dédain de ceux qui les font vivre est peine perdue. C'est bien ce qu'a tenté la précédente majorité en instaurant ce fameux conseiller territorial.
Selon elle, l'objectif était « simple » : « faire confiance à un élu local au plus près des réalités territoriales » qui, à lui tout seul, aurait instauré « une complémentarité » entre régions et départements. C'est l'exemple type d'une réforme au mieux imaginée dans une tour d'ivoire, au pire émanant d'un tripatouillage politique. Quoi qu'il en soit, cette réforme est inapplicable dans les territoires et bientôt, je le souhaite, inappliquée. Car nous sommes décidés, à juste titre, à revenir dessus. Pourquoi ?
Une collectivité, c'est bien une population, un territoire, un conseil élu, une libre administration, un domaine de compétences et, souvent, un pouvoir réglementaire. Chaque collectivité doit pouvoir exercer pleinement ses compétences. Or le conseiller territorial, élu dégingandé, opérant à la fois dans un conseil général et un conseil régional, se serait certainement disloqué ou aurait fini par défendre l'intérêt de l'un au détriment de l'autre. Face au vote, qui aurait décidé ? Nous ne savons pas. Nul doute que des conflits et des confusions d'intérêts auraient régné au niveau régional. Et les départements, les moins représentés, en auraient subi les conséquences.
S'il existe un problème de répartition de compétences entre les régions et les départements, clarifions la situation, mais ne pensons pas que le conseiller territorial réglera le problème. Au contraire, il introduit davantage de confusion pour le citoyen qui se serait retrouvé face à deux programmes, l'un régional, l'autre départemental, mais aussi face à deux bilans. Pourtant, il aurait dû faire son choix avec un seul et unique bulletin de vote. Étrange conception de la liberté de suffrage et de la démocratie !
Et puis, quelle aurait été la proximité entre cet élu, les maires et les citoyens ? Nous savons tous que les maires des petites communes, notamment, et leurs habitants ont besoin de cette proximité. Il en va du bon fonctionnement de la démocratie territoriale et de la décentralisation. D'ailleurs, nombre de maires se sont élevés contre cette réforme : la Révolte des ruraux, titraient certains journaux à l'époque, sans que cela n'émeuve l'ancienne majorité.
Nous verrons bien !
Le conseiller territorial aurait fait régresser la proximité des élus et des décisions, alors que les Français y sont, précisément, attachés.
Je pense aussi que nous nous serions dirigés vers une professionnalisation grandissante de la fonction d'élu. Certaines catégories socioprofessionnelles auraient disparu peu à peu des rangs de ces assemblées. Et c'est aussi, bien sûr, la parité qui aurait subi les conséquences de votre réforme.
D'ailleurs, chers collègues de l'opposition – tout au moins ce qu'il en reste ce soir ! –, la perception du conseiller territorial a introduit une gêne au sein de votre majorité.
On le voit bien aujourd'hui : la plupart d'entre vous sont déjà partis en week-end, car cette discussion vous gêne particulièrement, comme elle vous a gêné au sein des différentes associations d'élus !
Notre volonté de l'abroger ne découle pas tant d'un simple principe de précaution pour le bon fonctionnement de nos institutions que du besoin de poser une véritable évolution et modernisation de ces institutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en montant à cette tribune j'ai en tête les débats qui se sont déroulés au Sénat il y a un peu plus d'un an et qui ont conduit la Haute Assemblée à abroger, dans sa sagesse, le conseiller territorial.
J'ai en tête les mots du ministre des collectivités locales de l'époque, qui disait, un peu comme ce soir nos collègues au sujet de l'acte trois de la décentralisation, que ce vote au Sénat n'était qu'une opération préélectorale qui ne serait jamais suivie d'effet, qu'aucune suite ne serait donnée à ce texte dans notre hémicycle. Ce soir, nous prouvons le contraire, avec l'abrogation du conseiller territorial.
Nous pouvons comprendre le malaise aujourd'hui de certains de nos collègues de l'opposition, leur manque d'arguments pour assumer une réforme qu'ils ont reçue en héritage et que beaucoup d'entre eux combattent, comme nous l'avons vu en commission des lois.
Ce malaise s'explique par deux éléments. Le premier tient au contexte dans lequel la réforme a été menée. Les élus ont été méprisés, humiliés,…
…accusés d'être dispendieux, inefficaces, trop nombreux, inutiles. Les associations d'élus n'ont été consultées à aucun moment, mais l'ADF et l'ARF ont fait savoir qu'elles ne partageaient aucun des arguments avancés par le Gouvernement de l'époque, qu'elles n'approuvaient rien du projet adopté par le Parlement. Leurs arguments ont été balayés d'un revers de main par le Gouvernement qui n'a pas pris la peine d'en écouter ne serait-ce que le début.
Je me rappelle aussi de la manière dont cette réforme a été adoptée. On peut le dire, elle a été adoptée au forceps, à l'issue d'une procédure parlementaire particulièrement heurtée. Les élus n'ont pas été consultés, je l'ai dit, mais le travail du Parlement n'a pas non plus été respecté, puisque le tableau de répartition des conseillers territoriaux par région nous avait été livré à l'occasion d'un amendement déposé par le Gouvernement lors d'une séance de nuit.
Il faut aussi rappeler que cette précipitation a provoqué une censure du Conseil constitutionnel par deux fois, chose inédite sous la cinquième République. Il a ainsi fallu trois examens, chaque fois au forceps, pour qu'un tableau puisse enfin être livré.
De même, le « saucissonnage », pour reprendre le terme employé il y a encore une semaine en commission des lois, n'est pas de notre côté.
Enfin, la majorité de l'époque a renoncé à examiner le projet de loi relatif au mode de scrutin, pour le remplacer là encore par des amendements apportés brutalement en séance. Elle a même in fine renoncé à dessiner les circonscriptions d'élection de ce conseiller territorial !
Ayant rappelé le contexte, j'en viens au point essentiel. Aujourd'hui, en abrogeant le conseiller territorial, par une proposition de loi enrichie des amendements de notre rapporteure, nous allons abroger une mesure qui aurait engendré des assemblées régionales pléthoriques et difficilement gouvernables, qui aurait rétabli de facto la tutelle d'une collectivité territoriale sur l'autre, et qui se serait révélée défavorable tant à l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs qu'au pluralisme politique. Finalement, nous allons abroger une mesure de duplicité tant les interventions de ce soir montrent que l'objectif n'était pas d'être plus efficace en réduisant le nombre d'élus, mais de fusionner la région et le département, chose qui n'avait jamais été dite, jamais avouée à l'époque.
Évidemment, l'abrogation du conseiller territorial n'est pas une fin en soi. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, ainsi qu'aux autres membres du Gouvernement, pour que, dans quelques semaines, soient proposés un mode de scrutin, un calendrier et les conditions dans lesquelles la démocratie locale pourra être renouvelée. Là aussi, ce sera une pierre supplémentaire apportée à ce vaste chantier de la réorganisation de l'action publique et des territoires, qui trouvera aussi sa suite dans le travail sur les compétences et la répartition de celles-ci à l'occasion de l'examen du texte que présentera Marylise Lebranchu.
Je suis donc heureux ce soir, comme nombre d'intervenants avant moi, d'apporter mon soutien à l'abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le texte portant abrogation du conseiller territorial est bien, vous l'avez dit, monsieur le ministre, une première mesure hautement symbolique. Elle est le point d'ancrage des réformes à venir avec l'acte III de la décentralisation, C'est une vraie contre-réforme qui met à néant la tentative de réforme des collectivités territoriales voulue par l'ancienne majorité qui était mal pensée parce que rédigée à la hâte et sans concertation aucune, dont la seule utilité était de stigmatiser les élus locaux, que la droite considérait trop nombreux, trop dépensiers et totalement inefficaces.
La loi portant abrogation du conseiller territorial a pour but d'affirmer haut et fort le respect que nous portons aux élus de nos territoires, tous choisis pour leurs compétences et pour leur dévouement à la chose publique, respect que nous leur portons aussi parce qu'ils sont les élus du suffrage universel.
Il fallait impérativement abroger cette loi de 2010 tant il est vrai qu'elle risquait de paralyser tout le fonctionnement de nos institutions, par son coût tout d'abord : elle était censée provoquer des économies par une diminution du nombre des élus, mais il apparaît qu'elle aurait généré des coûts très élevés en termes d'aménagement d'une part, et de fonctionnement d'autre part. Je citerai à cet égard l'exemple de la région Midi-Pyrénées, qui serait passé de quatre-vingt-onze élus à 255 élus.
Elle constituait par ailleurs un inacceptable recul de la parité.
Plus grave encore, elle instituait le cumul des mandats automatique : le conseiller territorial devenait à la fois et conseiller régional, et conseiller général. Ce nouvel élu hybride et bicéphale, en un mot « bizarre », n'avait aucune légitimité puisqu'il était un élu hors-sol. Il n'aurait inspiré ni confiance, ni respect, aurait été éloigné de sa base et jamais efficace. En réalité, le conseiller territorial tel qu'il était conçu par la droite n'était qu'une invention théorique, une création étrange, mais aussi et surtout cynique et démagogique.
Toujours plus grave : la loi de 2010 en provoquant la fusion contre nature de deux collectivités et de deux mandats, l'un tourné vers la stratégie et le développement – l'élu régional –, l'autre tourné vers la solidarité et la proximité – l'élu départemental –, constituait un véritable recul de la démocratie.
Sous le prétexte de simplifier le millefeuille administratif, la loi de 2010 organisait la confusion entre les structures administratives existantes, détruisant tout l'édifice politico-administratif hérité de notre histoire. C'était un coup porté lâchement aux lois de décentralisation qui, depuis 1982, renforcent la démocratie locale en rendant nos collectivités territoriales de plus en plus indépendantes du pouvoir préfectoral.
La double fonction imposée à ce nouvel élu faisait de ce dernier un professionnel de la politique alors même que sur nos territoires l'intérêt de la gestion locale est en majeure partie dû au fait que les élus locaux conservent, pour la grande majorité d'entre eux, un ancrage professionnel. En un mot, ce conseiller territorial n'aurait eu ni la proximité du conseiller général ni la vision prospective du conseiller régional.
Le conseiller territorial portait en lui le germe d'une fusion des structures, mes collègues l'ont rappelé et je n'y reviens pas, mais dans le cadre de cette réforme, d'aucuns ont manqué de courage : il aurait fallu alors supprimer le département ou la région. Le conseiller territorial n'était que le fruit d'une vaste hésitation et d'un manque de courage politique évident.
Enfin, loin de simplifier, de clarifier, d'alléger, de réaliser des économies, le conseiller territorial était donc source de cumul, de confusion, d'opacité et de dépenses supplémentaires ; il relayait la parité au dernier rang de nos préoccupations ; il ajoutait à la complexité de nos structures administratives ; il était l'illustration de la parfaite méconnaissance du rôle et du fonctionnement des collectivités locales par le gouvernement précédent.
Il était donc temps d'abroger cette mesure injuste, inutile, voire démagogique.
Sur la forme, ce que nous proposons aujourd'hui est simple : un seul article portant abrogation du conseiller territorial. Sur le fond, il nous appartient désormais de repartir sur de bonnes bases en vue de poser enfin une grande réforme de l'État. Il est temps maintenant de créer un système moins complexe, plus lisible, plus simple, plus efficace pour nos politiques publiques locales. Il est temps aussi de clarifier les compétences et de préciser le rôle des élus. Je souhaite donc une véritable réforme territoriale qui devra être, pour réussir, réfléchie et consensuelle, fédératrice et solidaire, juste, démocratique et respectueuse de la parité. Je reconnais les mots que vous avez employés, monsieur le ministre, et je vous fais confiance pour mener à bien cette nouvelle réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en un seul et simple article, il nous est proposé de mettre fin à un symbole : celui du conseiller territorial. Mais que symbolise celui-ci exactement ? Une conception de la démocratie locale uniquement envisagée sous l'angle comptable, uniquement perçue comme un coût, uniquement imaginée comme un contre-pouvoir qu'il faut réduire et museler !
Le conseiller territorial symbolise une conception de la parité et de la pluralité, mais une conception où l'on fait peu cas de ces deux paradigmes, où l'on se fiche bien de les mettre en danger et de les réduire à la plus simple portion, où le cumul des mandats devient la règle alors que les citoyens revendiquent qu'il soit une exception.
Le conseiller territorial symbolise une conception de la décentralisation qui ne considère pas la proximité comme un atout, qui n'envisage pas la présence sur le terrain comme indispensable, qui préfère la fusion et la confusion à la volonté de clarté et de clarification des compétences.
Le conseiller territorial symbolise une conception de la pratique du pouvoir et de la démocratie dans laquelle la concertation est inexistante, qui ne laisse aucune place aux débats, à la prise en compte de l'expérience et de l'opinion des acteurs locaux, une conception où est clairement fait le choix de stigmatiser, de caricaturer, d'imposer et de maltraiter. Tel est le sort qui a été réservé aux collectivités locales durant cinq ans, et cette conception a, tristement, connu son apogée avec la loi de régression territoriale, faussement appelée « réforme territoriale ». Mais cette conception a été massivement rejetée par les élus locaux en septembre 2011 et par les Françaises et les Français en mai et juin 2012, et nous devons évidemment y mettre fin en votant cette proposition de loi car nous avons une autre conception de la décentralisation, une autre ambition pour la démocratie locale !
Nous savons que si la démocratie locale a un coût, elle a surtout un prix lorsqu'elle est démonétisée, lorsque la proximité est annihilée, lorsque la représentativité est minorée : elle a le prix du désintérêt des citoyens, de la montée de l'extrémisme et du populisme.
À l'inverse donc, notre conception, c'est de renforcer la démocratie locale pour renforcer la République, c'est également de retrouver la confiance des collectivités locales, elles qui sont des moteurs du redressement de notre nation, elles qui sont des forces pour notre république. Ce sera fait avec l'acte III de la décentralisation et avec un prochain projet de loi sur le conseiller départemental et son mode d'élection que le ministre a évoqué.
Supprimer aujourd'hui le conseiller territorial, cet élu hybride à deux têtes, c'est pouvoir demain présenter une autre réforme, une réforme ambitieuse et réfléchie, partagée avec les élus locaux et les citoyens.
Supprimer aujourd'hui le conseiller territorial, c'est respecter chaque collectivité pour leurs missions et pour leurs compétences, c'est prendre en compte leurs spécificités et leurs différences.
Supprimer aujourd'hui le conseiller territorial, c'est aussi respecter les élus locaux, qui ont été souvent pointés du doigt par l'ancienne majorité et par l'ancien Président de la République alors que la grande majorité d'entre eux est bénévole, alors que leur engagement est sans faille et que leur importance pour notre pays ne fait aucun doute.
Supprimer aujourd'hui le conseiller territorial, c'est rendre possible un autre avenir pour les collectivités locales, c'est participer à la construction d'un nouveau modèle français.
C'est pour la démocratie locale, pour les collectivités locales, pour une autre réforme et une rénovation de la vie publique que le groupe socialiste, républicain et citoyen, auquel j'appartiens, votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la création du conseiller territorial, annoncée comme une mesure emblématique et comme un miracle d'économie budgétaire par l'ancienne majorité, est une mesure totalement inadaptée à nos territoires.
Cette mesure visant à créer un système de cumul obligatoire est mauvaise car elle a déjà un effet très pervers dont notre démocratie n'a aucunement besoin : celui de stigmatiser une fois encore en la réactivant une opposition entre des assemblées, dans le cas présent entre le département et la région, et, plus grave encore, de stigmatiser le travail des élus alors que tous les élus locaux, ceux-là mêmes qui se battent au quotidien pour leurs territoires et pour nos concitoyens, sont les forces vives de la démocratie représentative.
Le fameux bouc émissaire du mille-feuille représentatif est un mythe. Le vrai mille-feuille est celui, insupportable, des méandres administratifs, par exemple le trajet d'un dossier tendant à demander des fonds européens. Non, il n'y a pas trop d'élus. Simplement, il faudra bien clarifier leurs compétences et leur donner les moyens d'agir, mais c'est un autre domaine qui sera bien évidemment à revisiter.
Le refus de cette mesure simpliste, démagogique et prise à la va-vite n'est pas un refus de l'évolution du mode de fonctionnement de nos institutions, au contraire, mais une réforme doit être pensée et réfléchie dans une globalité et une fonctionnalité conformes aux besoins de l'évolution de notre pays.
Ce fameux conseiller territorial que l'on a voulu nous imposer au nom du sacro-saint motif de l'économie, qu'en est-il ? Je rappellerai quelques citations, elles sont édifiantes : « Si cela devait permettre à moindre coût un meilleur fonctionnement de notre démocratie locale, je ne vois pas au nom de quoi nous devrions nous en excuser », affirmait Nicolas Sarkozy ; « L'objectif de la loi est de dégager des économies substantielles », prévoyait M. Alain Marleix. Lors des débats relatifs à la création du conseiller territorial revenait comme argument principal, dans la bouche des ministres et des députés de l'ancienne majorité, celui de l'économie financière. En remplaçant les conseillers généraux et régionaux par les conseillers territoriaux, on devait faire des économies ; en concentrant l'ensemble des conseillers territoriaux dans vingt-deux hémicycles régionaux, on devait faire des économies ; en mettant fin au soit disant mille-feuille représentatif, on devait faire des économies. Or cet argument n'est pas fondé et, comme l'indique le rapport du Sénat sur ce texte, la « création des conseillers territoriaux sera à l'inverse à l'origine de coûts substantiels ».
En effet, comment aurait-on pu croire une seule seconde que ce conseiller territorial n'allait rien coûter pour les finances publiques ? Alors que le coût des élus locaux ne représente aujourd'hui globalement que moins de 0,3 % du budget de fonctionnement des collectivités, l'ancienne majorité a créé un « machin » bicéphale exerçant deux mandats différents, et la liste des surcoûts n'est pas exhaustive : une indemnité supérieure à celle aujourd'hui touchée par les conseillers généraux et régionaux – le texte prévoyait une indemnité égale à celle des conseillers régionaux majorée de 20 % ; les frais de secrétariat ; les frais de déplacement ; les frais de fonctionnement liés au nombre d'élus siégeant à la région ; l'indemnisation des suppléants ; le financement des moyens humains nécessaires à l'accompagnement du travail des élus ; etc. Sans oublier, bien évidemment, le coût relatif à l'aménagement des hémicycles. Faire des économies en engageant des surcoûts substantiels : « Étonnant non ? », aurait dit un humoriste malheureusement disparu.
Il est vraiment très troublant que dans l'étude d'impact faite par la précédente majorité, rien n'était dit sur le coût des aménagements nécessaires à l'accueil de tous ces conseillers. L'Association des régions de France estime, quant à elle, à environ un milliard le surcoût de dépenses qui aurait été nécessaire. Ainsi, l'argument de l'économie n'était que poudre aux yeux pour endormir les Français.
L'objectif de notre majorité n'est pas, comme a voulu le faire croire en début de séance la motion de rejet déposée par le président Jacob, de détricoter de manière aveugle ce qui a été fait précédemment : mes chers collègues de l'opposition, vous ne pouvez pas nous faire un tel procès.
Nous souhaitons construire une alternative à la politique que vous avez menée. Nous avons toujours dit notre opposition totale à ce conseiller territorial. L'acte III de la décentralisation promis par le Président de la République est une loi pour plus d'efficacité, de rapidité, de proximité et de démocratie.
Pour ce qui est des économies, c'est en revenant sur la création du conseiller territorial que nous en ferons. En réalité, éloigner les citoyens de l'élu qui les représente serait remettre en cause la démocratie représentative.
Nous ne voulons pas d'une réforme à la va-vite, comme en faisait souvent le précédent gouvernement. Nous prenons le temps de la concertation et du dialogue, le Président de la République l'a indiqué et s'y est engagé le 5 octobre dernier lors des états généraux de la démocratie territoriale.
Abrogeons le conseiller territorial. À quelques voix près, mes chers collègues, nous avons toute les chances ce soir de recueillir la quasi-unanimité dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous voulons abroger le dispositif du conseiller territorial, c'est qu'il ne répond pas aux exigences d'une démocratie territoriale moderne.
Plusieurs arguments ont déjà été avancés dans cet hémicycle et dans d'autres enceintes pour démontrer les effets pervers liés à la création de ce conseiller territorial. Je concentrerai mon propos sur les conséquences de cette création sur l'articulation entre le niveau départemental et le niveau régional.
Le conseiller territorial est, en effet, appelé à incarner ces deux échelons et à siéger en tant que tel dans deux assemblées délibérantes de niveaux différents, se substituant ainsi à la fois au conseiller général et au conseiller régional. Avouons-le, cette incongruité met de la confusion là où il nous faut de la clarté. Cela est d'autant plus dommageable que, entre le bloc communal et l'État, le département et la région, quoi qu'on en pense, ont acquis au fil de l'Histoire leur légitimité et leur pertinence qui sont reconnues par leur inscription à l'article 72 de la Constitution.
La mise en place du conseiller territorial porte en elle la volonté de faire disparaître un échelon, très certainement l'échelon départemental, au profit de l'autre. Mais on ne peut écarter non plus le risque d'une dérive vers une sorte de « cantonalisation » de la région qui ne serait plus qu'une fédération de départements.
Nous voulons sortir de cet entre-deux, de cette ambiguïté. Nous préférons rappeler, pour notre part, que le département et la région ont des vocations différentes : le département est le niveau des solidarités sociales et territoriales tandis que la région est l'échelon des missions stratégiques et de préparation de l'avenir.
Cette discussion sur le conseiller territorial appelle un débat plus vaste qui traverse l'organisation de notre République : doit-on conserver aux départements et aux régions la clause générale de compétence ou doit-on leur assigner le principe de spécialité ?
La loi du 16 décembre 2010 tendait à supprimer la clause générale de compétence. Nous n'y sommes pas favorables car cette clause est un principe fondateur des collectivités locales depuis l'origine de la République.
Mais nous souhaitons pouvoir identifier clairement la collectivité responsable d'une politique : il s'agit du principe de chef de file, prévu dans la Constitution à l'article 72-3.
C'est ce principe de chef de file que nous voulons, avec le Président de la République, étendre à tous les domaines de l'action locale. De plus, nous souhaitons aller avec lui jusqu'au bout de la logique des premières lois de décentralisation qui était de proposer des blocs de compétences.
L'abrogation du conseiller territorial n'est donc que le prélude à une véritable clarification de notre architecture territoriale que nous appelons de nos voeux, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le conseiller territorial figurera sans doute au rang des curiosités de l'histoire du droit électoral de notre pays. Il aura fallu à la précédente majorité s'y reprendre à trois fois avant qu'il puisse être difficilement créé. Il aura fait l'objet de deux censures successives du Conseil constitutionnel pour finalement ne jamais voir le jour.
Conformément aux engagements pris par le Président de la République, nous allons en effet l'abroger, laissant définitivement à l'état de prototype cette étonnante construction : parce que le conseiller territorial prenait à contre-pied trente années de progrès démocratique en matière de décentralisation dans notre République ; parce qu'il s'inscrivait à rebours de toutes les avancées obtenues dans le domaine de la parité au cours de la dernière décennie ; parce que son esprit comme sa construction tendaient à remettre en cause quelques grands principes auxquels tous ceux qui siègent au sein d'assemblées locales sont légitimement attachés : la libre administration de chaque collectivité territoriale et l'absence de tutelle de l'une sur une autre.
Quant aux arguments avancés pour justifier la création du conseiller territorial, ils m'ont toujours semblé infondés. On nous promettait davantage de fluidité dans la prise de décision. J'ai pour ma part la conviction qu'au sein d'assemblées pléthoriques – la loi prévoyait une augmentation parfois impressionnante des effectifs des conseils régionaux – les conseillers territoriaux auraient eu les plus grandes peines à dégager des consensus et à décider vraiment.
On nous annonçait des économies d'échelle. Je veux répéter, pour que chacun ait bien à l'esprit les ordres de grandeur en cause, que les frais relatifs aux élus représentent un peu moins de 0,2 % des charges de ces collectivités.
Je n'insisterai pas sur les dépenses supplémentaires induites par la création de cet élu protéiforme qu'aurait été le conseiller territorial, mais je tiens à redire ici combien je trouve regrettable, pour ne pas dire détestable, l'exercice réitéré ce soir par différents intervenants de l'opposition consistant à dénigrer les élus en entretenant le fantasme de leur coût supposé.
Dans l'immense majorité des cas et quelles que soient leurs convictions politiques, les élus de France ne comptent ni leur temps ni leur engagement au service de leurs concitoyens. La vérité est que si l'on calculait le taux horaire de leurs indemnités, chacun pourrait mesurer combien ils sont bon marché.
Au-delà de tous ces éléments, il n'est pas sain de prévoir organiquement un seul et même élu, désigné par un mode de scrutin et une élection uniques, pour représenter nos compatriotes au sein de deux collectivités bien différentes.
À mesure que la décentralisation s'installait dans le paysage institutionnel français, les départements comme les régions se sont construits des identités distinctes qui procèdent de compétences et de périmètres d'intervention différents.
Nous entendons d'ailleurs, à l'occasion de la mise en oeuvre d'une troisième étape de la décentralisation, renforcer le rôle de programmation des grands projets structurants des territoires qui s'est progressivement imposé comme la vocation première des conseils régionaux. Aux régions la charge de prévoir les grands aménagements d'équipements, les infrastructures de transport, les politiques de développement économique, de formation professionnelle, de création d'activités et d'emplois et de piloter peut-être demain les politiques de logement.
Dans le même temps, nous voulons conforter les départements dans leurs missions de proximité. Principal opérateur de la solidarité, le département est l'instance d'accompagnement des Français à toutes les étapes de la vie et face aux difficultés qu'ils peuvent rencontrer. Il est le partenaire privilégié du bloc communal auquel il apporte un soutien logistique, matériel et financier bien souvent indispensable.
Cette logique institutionnelle, ces vocations qui ne se superposent pas, ces missions différentes justifient des élus procédant de scrutins séparés.
Le scrutin de liste régional tel qu'il a été adopté en 2003 – qui a fait ses preuves lors des élections de 2004 et de 2010 – est de facto rétabli par la proposition de loi que nous examinons. Il sied à la désignation d'élus qui ont la charge de décider et de mettre en oeuvre des politiques globales à l'échelle de vastes territoires.
Quant aux assemblées départementales, elles doivent, comme l'a indiqué le Président de la République en conclusion des états généraux de la démocratie territoriale, procéder d'un mode de scrutin alliant l'ancrage territorial et permettant de répondre à l'exigence de parité, à l'instar de ce qui devient une réalité dans toutes les assemblées élues de la République française. C'est ce que nous proposerons prochainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai bien entendu les propos tenus à droite de cet hémicycle, l'avenir de la décentralisation serait dans le rabotage, l'élagage, l'amoindrissement des collectivités locales et de leurs élus. Je rappellerai à cet égard une phrase de François Mitterrand : « La France a eu besoin de la centralisation pour se faire ; elle a besoin de la décentralisation pour ne pas se défaire. » J'ajouterai simplement que la France a besoin d'une décentralisation juste, claire, équilibrée, sereine, à l'écoute de ses territoires et de ses habitants et respectueuse des élus de la République. Ce sont là les préalables indispensables à une poursuite sérieuse de la décentralisation et aux avancées de la démocratie locale dont notre pays a plus que jamais besoin.
Remettons-nous un instant dans le climat de 2010 qui avait présidé au vote de ce texte. C'était un climat de défiance vis-à-vis des collectivités locales jugées trop dépensières, trop frondeuses vis-à-vis du pouvoir central et sans doute trop à gauche. Dès lors, sans réelle concertation mais surtout dans la précipitation et l'impréparation, la loi du 16 décembre 2010 créa cette toute nouvelle espèce d'élu inconnu, baptisée par ses créateurs « conseiller territorial ».
Conseiller régional un jour, conseiller général le lendemain, l'élu hybride allait vite devenir schizophrène, sans boussole démocratique ni assise territoriale, sorte de girouette institutionnelle sans axe – juste un élu sautillant à la légitimité incertaine et aux compétences improbables.
Cette réforme à contre-courant des avancées de la démocratie locale engagées depuis 1982 institutionnalisait en fait le cumul des mandats, remettait en cause la parité hommes-femmes, éloignait les citoyens des élus et rendait définitivement illisible la répartition des missions et des compétences entre les échelons locaux.
Rarement un projet de réforme institutionnelle avait porté autant de mépris pour les représentants du peuple. C'est à croire que l'objectif caché était de discréditer définitivement ceux qui partout, de tous bords, depuis le début des années 1980 notamment, ont accompagné sans relâche et avec efficacité la modernisation de notre pays.
Et, pour forcer le trait de ce discrédit orchestré, il y avait aussi l'argument, que je voudrais dénoncer, du coût financier de ce nouvel élu. Tous ici se souviennent avec quelle insistance le conseiller territorial était présenté comme le moyen de réduire le nombre des élus et de faire en conséquence des économies substantielles – au passage, les élus de la République étaient considérés du seul point de vue de leur coût financier, voire comme une ligne budgétaire… À la démagogie du mille-feuille succédait l'opprobre sur les indemnités des élus locaux, dont nous savons tout ici pourtant la modicité – il est vrai qu'eux ne les avaient pas augmentées de 70 % en arrivant aux responsabilités !
Les chiffres ont été rappelés par mes prédécesseurs : pour mémoire, en 2009, le coût des élus représentait 0,19 % du budget des départements, 0,20 % pour les régions. Ce paravent, cet argument cyniquement utilisé par les promoteurs du conseiller territorial masquait une réalité tout autre. En effet, quelle ne fut ma surprise de constater qu'en vérité, en dépit de la diminution du nombre d'élus, les charges liées à l'exercice du mandat de conseiller territorial auraient tellement augmenté qu'elles auraient dépassé le coût total des conseillers généraux et régionaux actuels ! Les études et projections réalisées par les associations d'élus, l'ARF et l'ADF, ont clairement levé le voile sur ce tour de passe-passe. Moins d'élus, mais un coût plus élevé : on a connu meilleure efficacité budgétaire !
En vérité, cette supercherie entendait masquer l'objectif réel du précédent gouvernement : déstabiliser les collectivités locales plutôt qu'approfondir la décentralisation. Pourtant, qui aujourd'hui peut sincèrement contester l'efficacité des conseils généraux et des conseils régionaux ?
À rebours des attentes des citoyens, la loi du 16 décembre 2010 avait pour objectif une recentralisation, une re-concentration des pouvoirs. Le conseiller territorial en était le masque ou l'alibi. Aujourd'hui, nous allons tenir la promesse prise par le Président de la République, une de plus, en abrogeant le conseiller territorial.
La République des territoires a besoin de respiration démocratique, de confiance et d'une ambition nouvelle. Elle mérite assurément mieux que le conseiller territorial. Ce soir, disons-lui adieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais insister sur les trois principales critiques qui avaient été développées lors du débat sur la loi de 2010.
La première porte sur la régression que constituait l'abandon d'un mode de scrutin paritaire. Afin d'élire ce conseiller territorial, la loi supprimait deux modes d'élection, celui des conseillers régionaux et celui des conseillers généraux. Cela revenait à supprimer l'un des rares scrutins faisant sa pleine place à la parité.
L'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes avait estimé que les résultats à l'issue du scrutin de 2014 pourraient être de 20 % de conseillères et de 80 % de conseillers. Avec 48 % de conseillères régionales – contre 12 % dans les conseils généraux – le mode de scrutin régional est clairement une bonne chose. Le supprimer portait un mauvais coup à l'accès des femmes aux responsabilités, à un échelon incontournable de la vie politique.
Il convient ici de rappeler que certains ministres avaient à l'époque avancé l'argument que, la parité progressant au niveau communal, le niveau supérieur pourrait en quelque sorte s'en passer… C'était un peu comme dire que les femmes pouvaient s'asseoir dans les wagons de deuxième classe, occupés jusque-là surtout par les hommes, dès lors qu'était créée une super-première classe majoritairement réservée à ces derniers ! À n'en pas douter, le train de l'égalité a encore du chemin à faire…
Deuxième critique : l'absence de preuve que cette nouvelle institution allait générer des économies. Les partisans de la réforme justifiaient la suppression des actuels conseillers généraux et régionaux, dont l'existence est pourtant consubstantielle de celle des collectivités territoriales, par le fait qu'ils coûteraient cher. M. Marleix a montré le contraire. À l'époque, l'étude d'impact jointe au projet de loi donnait des chiffres sur des dépenses ventilées entre compétences exclusives, non exclusives ou intermédiaires,… mais rien sur les supposées économies qu'apporterait la nouvelle organisation. J'avais d'ailleurs interrogé trois ministres en commission des lois et aucun n'avait été en mesure de me donner un montant !
De façon globale, rien ne permettait de dire que la réforme, en diminuant le nombre des élus, n'entraînerait pas un accroissement des dépenses de fonctionnement liées à leur indemnisation. En effet sa mise en oeuvre débouchait sur la création de véritables professionnels de la politique.
Au final, ce texte de loi ne correspondait guère aux attentes de nos concitoyens, qui souhaitent des élus de terrain qui les défendent, pas qui passent leur temps à régler des problèmes de cohésion entre institutions, de légitimité des exécutifs et de combinaison d'appareils entre majorités départementales et régionales regroupées mais en fait distinctes !
Enfin, la dernière critique était relative à la nouvelle architecture institutionnelle obtenue. La réforme s'appuyait sur la fusion de deux niveaux territoriaux, avec de nouveaux conseillers dont une partie seulement aurait contribué à gérer la région. C'était de nature à réaliser une déconnexion démocratique. Une certaine paralysie, une forme de bureaucratisation étaient à craindre.
Élire des représentants régionaux sur une base cantonale était préjudiciable à l'affirmation de régions que nous voulons fortes à l'échelle internationale, afin de défendre l'aménagement du territoire, 1'économie, l'université, la science, la recherche et l'innovation. Le mode de scrutin préconisé et la conception du conseiller territorial allaient à rebours de cette ambition.
Cette réforme des collectivités territoriales, permettez-moi d'utiliser ces mots ici, marchait sur la tête. Au travers de plusieurs lois discutées sans lien direct entre elles, on avait successivement modifié les ressources des collectivités, créé un élu hybride et posé quelques principes pour partager les compétences.
Le bon sens aurait voulu qu'on se pose d'abord la question du meilleur niveau d'exercice des compétences, puis de la bonne organisation pour les exercer et enfin des ressources nécessaires pour le faire. Les propos liminaires du ministre nous laissent penser que les réformes qui vont être présentées dans quelques mois iront dans ce sens.
Autrement dit, le gouvernement de l'époque défaisait ce qui marchait plutôt bien au profit d'un dispositif injuste et complexe. Il va y être mis fin et nous en sommes heureux. Nous pouvons nous en féliciter et nous mettre à travailler sur la suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Puisqu'il me revient l'honneur de terminer cette discussion, je voudrais en faire une rapide synthèse. Le conseiller territorial, c'était une réforme contre les élus et contre les territoires ; une maïeutique sans péridurale, au forceps ; une méthode bâclée, sans concertation, sans l'avis des associations d'élus, retoquée deux fois par le Conseil constitutionnel ; une volonté de stigmatisation des élus, remettant notamment leur nombre en cause ; une réforme démagogue et populiste, polarisée sur le coût des élus – mais la démocratie a un coût, celui de la faire vivre au quotidien ! ; enfin une remise en cause de l'engagement et de la compétence des élus eux-mêmes.
Il a beaucoup été question d'hybridation. C'est très bien pour les véhicules et pour la biodiversité, beaucoup moins pour la clarté des institutions et le fonctionnement des collectivités territoriales. Et, s'agissant de gouvernance, on a évoqué le problème du balancier entre deux stratégies inverses possibles – cantonalisation ou régionalisation, échelon de mission ou échelon de proximité – qui impliquent des logiques spatiales et temporelles résolument inverses, ce qui peut nuire à l'efficacité des institutions.
Le conseiller territorial : quelle logique, quel territoire, quelle lisibilité ? Voilà les questions fondamentales qui ont été posées par mes collègues, avec surtout le problème de la tutelle d'une collectivité sur l'autre.
Bref, ce conseiller territorial était un être hybride, né de la volonté de créer un couple par un mariage forcé, sans consentement mutuel – même pas un mariage de raison, seulement une fusion au petit pied. Il n'améliorait en rien le mille-feuille, mais créait une confusion indigeste pour beaucoup d'élus. Son abrogation n'est que sagesse, et c'est maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant dans le texte de la commission l'article unique de la proposition de loi.
Aussi indispensable que soit l'abrogation du conseiller territorial, elle ne résout néanmoins pas tout, notamment parce qu'elle réintroduit le scrutin en vigueur pour le conseiller général. Cet amendement vise à préserver le dispositif de prise en compte des résultats des élections locales dans le respect de la parité, notamment pour la répartition des aides publiques aux partis et groupements politiques.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n° 5 .
La fin de cet amendement, déposé au dernier moment, en séance, me semble mériter un débat.
La présente proposition de loi a été présentée comme la simple abrogation du conseiller territorial, avec un retour à l'état antérieur. On a bien vu au fil des enrichissements de ce texte que la question est loin d'être évidente, mais on s'est tenu jusqu'à présent à ce programme. Et voilà qu'un dernier amendement, déposé, je le répète, en séance – cela devient une mode ! – fait apparaître des dérapages. Il sort du simple retour en arrière.
La première question est de savoir sur quelle élection doit porter le tiers de la première tranche du financement qui était basée sur l'élection du conseiller territorial : cantonales ou régionales ? Effectivement, il y a un choix à faire. Pour des raisons parfaitement valables et que j'approuve, vous choisissez les cantonales, afin d'obliger à davantage de parité dans les investitures des partis. On est encore dans le champ du texte et j'admets volontiers que le retour en arrière nécessitait ce choix.
En revanche, je ne vois pas le rapport avec le dernier alinéa. De quoi s'agit-il ? D'augmenter la perte financière pour un parti politique qui n'aurait pas respecté la parité lors des élections cantonales, pour la part de financement de la vie politique assise sur le résultat de ces élections. En quoi ce changement est-il rendu nécessaire par l'abrogation du conseiller territorial ?
Tout au long du texte, on sent que vous avez été tentés de glisser subrepticement des réformes qui n'avaient aucun lien avec le conseiller territorial. Vous avez à peu près bien résisté, et au dernier moment, vous avez craqué, glissant ce cavalier sur le respect de la parité. Je tenais à appeler l'attention sur ce point. C'est le rôle de l'opposition que de veiller à ce genre de chose, même tard le soir dans un hémicycle quelque peu dépeuplé.
Défavorable. Je précise que cet amendement a été étudié ce matin, au titre de l'article 88, en commission des lois. Il se contente de rétablir le droit tel qu'il résultait de la réforme du 16 décembre 2010, dans ses dispositions prévues pour être applicables en 2020, puisqu'il y avait plusieurs séquences d'application.
L'amendement de Mme la rapporteure va dans le bon sens. Il cherche précisément dans le cadre d'un scrutin majoritaire à deux tours à introduire l'objectif de la parité, que niait le conseiller territorial.
Mais, j'ai eu l'occasion de le dire, le Gouvernement déposera un texte dans lequel la question de la parité sera résolue au travers du mode de scrutin lui-même. C'est pour cette raison que je vous demande, madame la rapporteure, de bien vouloir retirer votre amendement, ce qui réglerait en même temps le sort du sous-amendement de M. Tardy – je salue à ce propos les efforts louables de l'opposition pour participer à ce débat… (Sourires.)
Je tiens simplement à appuyer la position du ministre. C'est le bon sens même que de retirer cet amendement. Des textes appropriés ayant été annoncés, il serait quelque peu prématuré, au détour de cet amendement dont je comprends parfaitement la philosophie et l'objectif, de procéder à une réforme du financement de la vie politique. Compte tenu de l'engagement du Gouvernement de présenter pour les élections cantonales un texte qui garantisse la parité, il me semble que cette discussion pourrait être utilement reportée.
Si l'amendement n'est pas retiré, je m'abstiendrai parce que nous ne savons pas encore quel sera le mode de scrutin. S'il s'agit d'un scrutin majoritaire avec deux personnes, un homme et une femme, et que le financement des partis en dépend, cela sera forcément défavorable aux partis que je représente, qui sont de petits partis.
(L'amendement n° 4 deuxième rectification est retiré.)
(L'article unique est adopté.)
En bon Breton, je ne confonds pas l'obsession et l'entêtement avec la ténacité et la constance… (Sourires.)
Cet amendement a pour but de modifier le scrutin concernant le futur conseiller départemental. J'insiste sur le fait que si le scrutin oppose deux personnes, ce sera un recul pour la représentativité des différentes sensibilités, mais aussi pour la parité, l'homme étant souvent vu comme dominant. Nous craignons qu'un tel mode de scrutin avec deux personnes ne nuise à la visibilité des femmes. Certaines associations féministes sont d'ailleurs de cet avis.
Voilà pourquoi nous proposons un mode de scrutin proportionnel à deux tours, du type des régionales, et qui assure la représentativité des territoires.
La commission a repoussé ce matin cet amendement, considérant qu'il n'entrait pas dans le champ stricto sensu de la proposition de loi. Pour autant, nous aurons l'occasion de débattre de ce sujet à propos du texte annoncé par M. le ministre.
Défavorable, et le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, pour deux raisons.
D'abord, parce que je suis attentif aux demandes émanant par ailleurs de l'opposition, à savoir la concertation. En l'occurrence, monsieur Molac, vous précipitez un peu le mouvement.
Ensuite, parce qu'il nous faut un peu de temps pour bâtir un mode de scrutin.
Comme vous avez rappelé certaines caractéristiques très intéressantes des Bretons, je ne doute pas, monsieur le député, que vous allez les mettre en oeuvre. (Sourires.)
Avec de tels arguments, je ne peux que retirer mon amendement ! (Sourires.)
(L'amendement n° 3 est retiré.)
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mardi 20 novembre, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, lundi 19 novembre à dix-sept heures :
Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi organique modifié par le Sénat relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ;
Discussion selon la procédure d'examen simplifié en application de l'article 103 du Règlement des six projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux.
La séance est levée.
(La séance est levée, le vendredi 16 novembre 2012, à une heure.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron