C'était aussi d'une réforme pragmatique, d'une réforme de l'organisation territoriale tirant les leçons d'une expérience décentralisatrice vieille de près de trente ans, sans remettre en cause les principes fondamentaux des réformes qui l'avaient précédée, sans faire disparaître les acquis de cette décentralisation, à travers le fonctionnement des départements et des régions. Elle ouvrait la voie à une rationalisation à l'évidence indispensable. Or que proposez-vous en matière de rationalisation de l'action locale ? Rien !
C'est en réformant notre organisation territoriale que nous conforterons, nous en sommes convaincus, les libertés locales. En ne faisant rien, nous les affaiblirons, tant le sentiment d'empilement et de gâchis tend à se répandre chez nos concitoyens.
Cette réforme était aussi historique, tout simplement parce que c'était la première de l'histoire institutionnelle française à simplifier les niveaux d'administration sans créer de structures nouvelles. Elle devait donner davantage de lisibilité à la démocratie, à l'organisation locale, ainsi qu'une nouvelle impulsion aux initiatives locales en faisant progresser la solidarité territoriale. Elle devait améliorer la coordination entre les départements et les régions, sans bien entendu remettre en cause les spécificités de chacune de ces collectivités, toujours administrées par des assemblées délibérantes distinctes.
Quant aux conseillers territoriaux, ils n'auraient pas été des élus « hors sol ». C'est le contraire : ils auraient eu un canton, un territoire, on les aurait connus et reconnus. Ils auraient répondu à une véritable attente de nos concitoyens, notamment parce qu'ils auraient été élus au suffrage universel direct uninominal, ce qui leur aurait donné une force considérable que n'ont pas aujourd'hui, individuellement, les membres des assemblées régionales élues au scrutin de liste.
Dans l'idée de la réforme territoriale, le conseiller territorial est le trait d'union entre l'échelon local, qui gère au quotidien la vie de nos compatriotes, dans le cadre du département, et l'assemblée régionale, échelon de l'aménagement du territoire et du développement économique. Un interlocuteur plus puissant que ne l'est aujourd'hui, pris séparément, le conseiller général et le conseiller régional.
Nous avions également décidé de faire confiance à un élu local, le conseiller territorial, pour engager le chantier de la clarification et de la simplification qu'attendent avec impatience nos concitoyens. Le conseiller territorial, tel que nous l'avons souhaité, aurait dû être porteur d'une double vision, à la fois territoriale et régionale. Sa connaissance du mode de fonctionnement du département et de la région, de leurs compétences respectives et de leurs interventions techniques et financières lui aurait permis de favoriser la complémentarité des interventions respectives de deux collectivités trop souvent concurrentes et qui, du coup, se discréditent aux yeux de nos concitoyens.
D'un point de vue juridique, notre motion de rejet préalable est aussi l'occasion de rappeler que le Conseil constitutionnel a validé l'intégralité de la réforme territoriale, à commencer par le principe du conseiller territorial – j'aurais aimé vous l'entendre dire, madame la rapporteure !
La création du conseiller territorial avait fait l'objet de critiques, qui posaient notamment la question de sa constitutionnalité et de la difficulté potentielle de mener de front deux mandats en un. Or, par ses décisions successives, le Conseil a rejeté tous les arguments qui prétendaient remettre en cause l'existence même du conseiller territorial. Il a notamment reconnu que la création du conseiller territorial n'entraîne pas la tutelle d'une collectivité sur une autre. Le Conseil constitutionnel a également validé le seuil minimum de quinze conseillers territoriaux, pour sauvegarder la représentation de nos territoires ruraux ; et s'il a réformé le tableau des effectifs, il ne l'a fait qu'à la marge.
Enfin, le Conseil constitutionnel a été très clair sur la parité et il a reconnu que le conseiller territorial n'y porte pas atteinte.