Intervention de Jean-Pierre Barbier

Séance en hémicycle du 21 octobre 2014 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Barbier :

C’est pourquoi, faute de réflexion sur l’organisation hospitalière, on peut douter de l’efficacité du virage ambulatoire que vous proposez et qui doit permettre de dégager 370 millions d’euros d’économies. Bien évidemment, c’est une piste intéressante, mais qui doit s’accompagner, si l’on veut qu’elle soit efficace, de fermeture de lits. Mais pas n’importe où, ni n’importe comment : une nouvelle fois, la constitution d’une carte hospitalière est plus qu’essentielle.

Essentielle aussi est la collaboration entre le public et le privé. Mais, là aussi, vous avez décidé d’abandonner la convergence tarifaire entre établissements de santé publics et privés, qui aurait permis d’améliorer l’efficience du système de soins en secteur public. Au lieu de cela, vous créez un statut ainsi qu’un modèle de financement spécifique pour les hôpitaux de proximité. Je crains qu’il ne s’agisse que d’une subvention pour des établissements à très faible activité qui ne rendent pas le service médical attendu. Et je ne vois pas où se situent les gains pour les patients, ni pour nos finances publiques.

Votre seule piste de réforme est d’instaurer des mesures contraignantes pour freiner les dépenses. Dans un système déjà sur-administré, vous ajoutez de nouvelles contraintes administratives. Vous pensez maîtriser les dépenses de santé en substituant le contrôle administratif étatique à la liberté de gestion des établissements. Il s’agit d’une véritable mise sous tutelle dont il est permis de douter qu’elle soit pertinente.

Ce projet de loi de financement confère ainsi de nouveaux pouvoirs aux agences régionales de santé : pour la prescription des médicaments hospitaliers inscrits sur la liste en sus, pour le financement des hôpitaux avec un système de bonus-malus et enfin pour les nouveaux contrats d’amélioration des pratiques en établissement de santé et de la pertinence des soins, qui entrent dans une logique de sanctions à l’égard des structures de santé. Il s’agit d’un changement majeur de notre modèle de gouvernance, qui nécessite un débat public et qui mériterait un nouveau débat en commission.

En conclusion, pour l’hôpital, il y aura plus de contraintes administratives et peu de changements quant au fonctionnement, au prétexte de répondre au dogme socialiste et de ne pas alourdir les tâches administratives des médecins – des questions que vous vous posez beaucoup moins lorsqu’il s’agit d’enclencher la première étape de la généralisation du tiers-payant.

Certes, l’accès aux soins des personnes les plus fragiles doit être favorisé. Mais la généralisation du tiers-payant est condamnable, pratiquement, financièrement et moralement. La généralisation du dispositif me paraît dé-responsabilisante, car tout ce qui est gratuit, ou qui apparaît comme gratuit, perd de sa valeur, ce qui entraîne une hausse de la consommation.

C’est ce qu’on a constaté avec la suppression de la franchise pour l’aide médicale d’État. Quand on a supprimé la franchise médicale imposée en 2011 aux étrangers sans papiers bénéficiaires de l’AME, les coûts du dispositif ont explosé. Vous refusez d’en revoir le fonctionnement, alors que les dépenses approcheront en 2016 le milliard d’euros.

Vous avez annoncé cet après-midi, ici même, sans débat en commission, la disparition des franchises médicales pour une catégorie d’assurés sociaux. Compte tenu de l’état de nos finances, c’est à n’y rien comprendre : c’est bien le révélateur de l’idéologie qui vous imprègne. Une idéologie qui vous fait alourdir nos dépenses publiques et augmenter les charges sur les entreprises et sur les classes moyennes.

J’en veux pour preuve la mise en oeuvre du compte pénibilité dans les entreprises, évoquée par Mme la ministre de la santé devant la commission des affaires sociales. Le compte pénibilité est une catastrophe économique annoncée, une machine à broyer les entreprises et l’emploi. L’utopie et l’idéologie ont à nouveau pris le pas sur la réalité économique et le pragmatisme social.

J’en veux pour preuve aussi la mise à contribution des 460 000 retraités dont le taux de CSG passera de 3 % à 6 %. Après le gel des retraites et la non revalorisation du 1er octobre, vous vous servez à nouveau des pensions de retraites comme d’une variable d’ajustement budgétaire. M. Christian Eckert affirmait pourtant sans rire en commission des affaires sociales que ce PLFSS ne contenait aucune mesure d’accroissement des prélèvements !

Ne vous étonnez donc pas que les Français ne vous fassent plus confiance ! D’autant plus qu’ils savent que des marges de manoeuvres existent pour améliorer les comptes de la Sécurité sociale. L’une d’entre elles est la lutte contre la fraude qui, selon la Cour des comptes, doit être une priorité absolue. Le montant de la fraude est en effet estimé entre 20 et 25 milliards, les redressements n’en représentant que 1 %.

Ne mélangeons donc pas nos priorités d’action ! Mais il est vrai que la politique socialiste, c’est le rabotage et le nivellement par le bas, car telle est votre conception de l’égalité. D’ailleurs, c’est dans cet esprit que vous transformez le capital décès en prestation forfaitaire. À partir de 2015, vous remplacez en effet la référence au salaire du défunt par un montant forfaitaire fixé par référence au SMIC. Le montant sera donc plus faible que dans le droit actuel lorsque le salarié gagnait plus que le SMIC. Belle leçon de socialisme !

Vous manquez d’imagination pour mettre notre modèle de Sécurité sociale sur les rails du XXIe siècle. En revanche, vous n’en manquez pas pour compenser les allégements de charges votés dans le cadre du pacte de responsabilité.

Avec mes collègues du groupe UMP, nous avons cherché la compensation promise des 6,3 milliards d’allégements de charges de cet été. Certes, vous dégagez la Sécurité sociale du paiement des 4,75 milliards d’aides au logement – qui devront être assumées par l’État, dont, c’est connu, le budget est très excédentaire – et vous transférez vers la Sécurité sociale l’intégralité du produit des prélèvements sociaux du capital à hauteur de 2,5 milliards.

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