Intervention de Dominique Thierry

Réunion du 16 octobre 2014 à 9h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

Dominique Thierry, président de France Bénévolat :

L'engagement du bénévole associatif a trois finalités. La première, c'est qu'il s'agit d'une ressource indispensable pour le développement associatif. Brigitte Duault a rappelé que 85 % du personnel associatif est bénévole : depuis trente ans, avec 15 % de monétaire, le monde associatif a un retour sur investissement de 600 %. Au passage, si ces 15 % ne sont pas maintenus, le monde associatif mourra. Le fait que la moitié des associations nous disent avoir besoin de davantage de bénévoles est pour nous très positif car cela témoigne d'une véritable dynamique associative. La seconde finalité, c'est que l'engagement bénévole est un formidable facteur d'inclusion sociale. L'un de nos slogans évoque « le droit au bénévolat pour tous » ; ce droit n'est pas respecté aujourd'hui. Enfin, le bénévolat est un facteur essentiel d'éducation, en particulier d'éducation des jeunes et d'éducation à la citoyenneté. Il est important que les associations n'oublient pas ces trois facteurs, qu'elles n'en restent pas au premier, à l'instrumentalisation du bénévolat.

Le premier impact du bénévolat concerne les autres, par le biais de la solidarité : les bénévoles s'occupent d'enfants, de personnes âgées… Mais l'impact est aussi pour le bénévole lui-même, car le bénévolat est un facteur d'inclusion, de développement de compétences et de création de lien social. Le demandeur d'emploi bénévole se dit qu'il existe parce que qu'il fait quelque chose, le retraité bénévole se dit qu'il est utile : c'est de la reconstruction identitaire. Il s'agit aussi de reconnaissance des compétences, avec le passeport bénévole, diffusé à 150 000 exemplaires et à présent reconnu dans les démarches de validation des acquis de l'expérience. Ces deux impacts ne doivent pas être opposés l'un à l'autre. Enfin, le bénévolat a un impact sur les territoires. L'un des axes de notre démarche est de faire en sorte que les associations travaillent davantage ensemble sur des projets transversaux de proximité au sein d'un territoire.

S'il ne souffre pas d'une crise au sens quantitatif, le bénévolat connaît néanmoins de profondes évolutions sociologiques. On s'engage beaucoup plus aujourd'hui qu'il y a soixante-dix ans mais pas de la même façon. Il est nécessaire que les associations s'adaptent.

Nous pouvons en revanche parler d'une crise du renouvellement des dirigeants associatifs. Nous avons conduit une étude sur le sujet en 2008, mais il ne s'est pas passé grand-chose depuis lors. Cette crise a trois causes principales : deux causes externes et une cause interne.

La première externalité négative tient à l'évolution même de la sociologie des bénévoles. Nous avons aujourd'hui affaire à un bénévolat d'action plus qu'à un bénévolat de projet. Les gens veulent bien s'engager sur de l'action, avec une perception tangible d'utilité, d'impact, de retour immédiat, mais le passage au bénévolat de projet, qui nécessite plus de recul et de responsabilité, est un exercice difficile. Cela rejoint notre notion de pédagogie de l'engagement.

La deuxième cause externe tient à la complexité croissante des responsabilités associatives. J'ai passé une bonne partie de ma vie en entreprise : il est presque plus compliqué aujourd'hui d'être président d'association que patron de PME. Il faut savoir trouver des financements, créer du réseau, travailler en équipe… Cela effraie les gens. Plus de la moitié des responsables associatifs sont des retraités, qui ont plus de temps, et, compte tenu de ce que représentent les responsabilités associatives, je suis véritablement admiratif de l'autre moitié. Il conviendrait de rendre moins complexe l'exercice de ces responsabilités.

La troisième raison, propre aux associations, c'est que leur gouvernance n'est souvent pas assez collégiale. Des dirigeants d'associations viennent nous demander de leur trouver des successeurs, comme s'il existait un vivier externe. Nous les appelons à reformuler leur projet associatif et à repenser leur gouvernance dans une logique plus collégiale, à déléguer davantage de responsabilités de façon que le président soit un primus inter pares, qui ne s'occupe pas personnellement de tout. Il faut quitter ce modèle de l'homme providentiel qui serait à chercher au dehors, un modèle repris de l'entreprise, alors que ce n'est pas du tout le modèle du management allemand, par exemple. Le renouvellement de la direction de l'association doit s'appuyer sur ses ressources internes.

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