Le travail bénévole est une ressource fondamentale pour les associations employeuses, actuellement au nombre de 185 000, et surtout pour le plus de un million d'associations sans salariés qui ne vivent qu'avec des bénévoles. Les trois quarts du travail bénévole vont à ces dernières.
Le travail bénévole a, au fil du temps, expérimenté des métiers nouveaux. Historiquement, tout le travail social, infirmières et autres, a été expérimenté bénévolement. Aujourd'hui, on le constate pour le bénévolat sportif, qui devient professionnel, et pour les animateurs culturels, désormais recrutés dans le cadre des activités périscolaires, qui représentent beaucoup d'emplois, mal payés, très fractionnés, comme on peut le constater dans les offres d'emploi proposées par les missions locales. C'est vrai aussi de la médiation des conflits et de la prévention de la délinquance, qui deviennent des métiers alors qu'ils étaient exercés à titre bénévole seulement il y a encore vingt ans.
Le bénévolat contribue à la qualité de la vie. Les enquêtes montrent que les bénévoles se trouvent plus heureux et sont en meilleure santé que le reste de la population. Ce peut être dû à un effet de sélection, mais il y a aussi le fait que le bénévolat est épanouissant. Le bénéfice en revient bien sûr à ceux qui reçoivent les services des bénévoles, mais aussi à la société dans son ensemble, car il est important, à une époque de plus en plus individualiste et « marchandisée », que subsiste ce témoignage de gratuité et d'altruisme.
Le bénévolat organisé s'exerce au sein d'une institution, le plus souvent – dans plus de 80 % des cas – une association : sur les 16 millions de bénévoles comptés par l'enquête de la DARES de 2010, 14 millions travaillaient dans des associations. Les autres oeuvrent dans des conseils municipaux, des mutuelles et d'autres organisations. Le bénévolat informel, l'entraide entre ménages, ne relève pas de cette commission d'enquête.
Aux États-Unis, le site du Bureau of Labor Statistics présente toutes les statistiques du bénévolat de l'année précédente. En France, il y a eu une enquête de l'INSEE en 2002 et une de la DARES en 2010, cette dernière ayant une orientation plus « économique ». Nos données ne sont pas suffisantes. Nous avons besoin d'une périodicité plus importante pour connaître au moins les tendances du bénévolat.
Le bénévolat en France s'oriente essentiellement vers les activités sportives, récréatives et culturelles, pour la moitié de l'engagement et du temps de travail bénévoles. Le bénévolat auquel France Bénévolat est plus spécifiquement attaché, concernant la santé et le domaine social, représente seulement 10 % de l'engagement associatif mais le quart du temps de travail : c'est le bénévolat archétypique.
Depuis une dizaine d'années, les pouvoirs publics, qui subventionnent les associations, leur demandent de valoriser leur bénévolat au pied de leurs comptes emplois-ressources. Ce travail est conduit par nombre d'associations de manière un peu désordonnée, ce qui rend les comparaisons difficiles.
Selon une évaluation monétaire de l'ensemble du travail bénévole, celui-ci représente 1,5 milliard d'heures de travail, soit environ un million d'équivalents temps pleins, et de 1 à 2 % du PIB, selon qu'on valorise ce travail au SMIC ou bien au salaire de l'action sociale ou au tarif des salariés du même secteur associatif. C'est entre dix et quinze fois la générosité publique, pour laquelle il existe de nombreux avantages fiscaux, alors qu'il n'en existe aucun pour les dons de temps. Une plus grande prise en considération des frais engagés par les bénévoles serait sans doute bienvenue.
Depuis vingt ans que l'on s'intéresse statistiquement au bénévolat en France – les premières enquêtes, dans mon laboratoire, remontent à 1990 –, les effectifs de bénévoles ont doublé, passant de 8 à 16 millions. Il y a vingt ans, la perception du bénévolat n'était certes pas aussi claire qu'aujourd'hui, mais il y a indiscutablement une montée de l'engagement bénévole. Elle ne sera pas éternelle. Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Suisse, pays ayant une forte tradition de bénévolat, celui-ci stagne, voire régresse légèrement. Le secteur associatif a été plus tardif en France et il est normal que notre pays rattrape son retard.
Notre bénévolat est plus masculin que féminin, comme dans les autres pays européens mais à la différence des pays anglo-saxons, il croît de façon spectaculaire avec le niveau de diplôme et un peu moins avec le niveau de revenus, il est plus présent à la campagne que dans les grandes villes, il culmine dans les régions de tradition catholique, en raison du lien avec la pratique religieuse, et il est héréditaire : une personne ayant un parent bénévole a deux fois plus de chances de l'être elle-même – les héritiers des militants chrétiens d'après-guerre sont actuellement bénévoles dans des associations laïques. Ces caractéristiques sont partagées par l'ensemble des pays européens.
En revanche, les jeunes bénévoles sont sous-représentés en France. Les pouvoirs publics ont certainement là une action à mener, via l'école, comme dans les pays anglo-saxons. Il y a une vingtaine d'années, directrice de mon unité de formation et de recherche à Paris I, j'avais suggéré que l'on considère le bénévolat encadré des étudiants comme unité de valeur, ce qui m'avait valu une volée de bois vert de la part de mes collègues, qui craignaient que cela brade les diplômes, alors même que le sport de haut niveau ou la participation à un orchestre valait unité de valeur. Les choses ont progressé à l'université, mais il faut que la démarche commence beaucoup plus tôt.