Intervention de André Claude Lacoste

Réunion du 16 octobre 2012 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

André Claude Lacoste :

– C'est un devoir et un honneur que de travailler avec le Parlement et l'Office parlementaire. Les membres du collège de l'Autorité sont tous présents à mes côtés, à l'exception de M. Philippe Jamet qui est en Finlande, dans le cadre d'un audit de l'autorité de sûreté finlandaise, illustrant le principe d'évaluation réciproque entre pairs. L'ASN sera d'ailleurs elle-même l'objet d'un audit, en 2014.

Ma présentation liminaire évoquera trois aspects de la sûreté nucléaire.

J'aborderai en premier lieu les suites de l'accident de Fukushima. Localement, les installations sont aujourd'hui dans un état considéré comme acceptable par nos collègues japonais. Mais la gestion du post-accidentel prendra des décennies. Cet accident provient d'un cumul d'agressions externes, ayant entrainé la perte des alimentations en électricité et en eau, à l'origine de la crise. Il a suscité la mise en oeuvre dans la plupart des pays nucléaires de stress tests, appelés en France évaluations complémentaires de sûreté, qui ont consisté à examiner la robustesse des dispositifs sous trois angles :

- confrontation des installations à des situations d'agression externe ;

- perte d'alimentation électrique ou en eau ;

- gestion des crises.

En France, les évaluations complémentaires de sûreté ont répondu à des demandes du Premier ministre, d'une part, et du Conseil européen, d'autre part. Après l'élaboration d'un cahier des charges, les rapports des exploitants ont été examinés par des groupes permanents d'experts, avant de faire l'objet d'une prise de position de l'ASN au début de l'année 2012. L'ensemble des étapes de ce processus a été rendu public.

A l'issue des évaluations, l'ASN a conclu que les installations françaises présentaient un degré de sûreté suffisant, mais qu'il y avait néanmoins matière à les renforcer face à des situations extrêmes. Un millier de prescriptions environ ont été formulées, pour l'ensemble des installations examinées. Deux aspects de ces prescriptions sont particulièrement remarquables :

- la nécessité de définir, au sein de chaque installation, un « noyau dur » devant résister à tout type d'agression ;

- l'exigence de création par l'exploitant EDF d'une force de réaction rapide.

Le rapport de l'ASN a fait l'objet d'une revue par les pairs, dans un cadre européen, ce qui a conduit à une prise de position conjointe des autorités de sûreté et de la Commission européenne, témoignant d'un accord entre les parties sur les suites à donner. Des difficultés sont toutefois apparues, puisque la Commission a ensuite demandé à ce que de nouvelles visites soient effectuées, dans les centrales de Cattenom, Fessenheim et Gravelines. Ces visites ont paru se terminer par un satisfecit. C'est pourquoi notre surprise a été grande lors de la publication début octobre d'une position de la Commission européenne, qui n'apporte aucune valeur ajoutée technique par rapport aux travaux précédemment effectués. La Commission a fait part d'une lecture partielle et biaisée des conclusions alors adoptées, sans prendre en compte les préconisations de l'ASN dans le sens d'un « noyau dur » et d'une force de réaction rapide. Ce comportement de la Commission n'est pas propice à l'instauration d'un climat de confiance.

La gestion de crise et le post-accidentel sont aussi des sujets de préoccupation. Si un accident survenait en Europe, il aurait des conséquences dans de nombreux pays. Nous avons engagé une réflexion sur ce point, depuis 2005, dans le cadre de groupe de travail impliquant plus de 300 personnes, mais je dois dire que cette préoccupation est peu partagée par les autres pays.

Le deuxième point que je souhaite aborder dans le cadre de cet exposé liminaire concerne la poursuite d'exploitation des centrales nucléaires. La loi prévoit que les installations peuvent fonctionner tant qu'elles sont sûres, moyennant des contrôles. L'ASN effectue plus de 1 000 inspections par an, examine de nombreux dossiers et procède à intervalle décennal à des réexamens périodiques de sûreté. Dans ce cadre, l'Autorité vérifie que l'installation est conforme à son référentiel de sûreté et réfléchit aussi, par ailleurs, à l'amélioration de cette sûreté, en fonction de l'évolution des exigences. Cette approche prônant un progrès continu de la sûreté est spécifiquement française. C'est à ces conditions que des réacteurs peuvent être prolongés, comme ce fut le cas récemment pour Tricastin 1, Fessenheim 1 et Bugey 2. Dans tous ces exemples, le gouvernement a pris acte des propositions d'amélioration de la sûreté formulées par l'ASN.

Si un réacteur n'est pas prolongé, un démantèlement dit « immédiat » est souhaitable, c'est-à-dire qu'il doit démarrer dès que possible après l'arrêt de l'installation, tant que les compétences et les provisions financières sont encore disponibles pour ce faire.

Enfin, je terminerai en abordant la question de la radioprotection médicale. L'ASN est l'une des rares autorités de sûreté dans le monde à être compétente dans ce domaine. L'accident de radiothérapie d'Epinal, qui a provoqué la mort de 12 personnes et entrainé des souffrances intolérables, a illustré le manque cruel de radiophysiciens dont souffre notre pays. Des progrès ont été effectués depuis lors mais beaucoup reste à faire. Il existe 180 centres de radiothérapie en France, qui sont inspectés chacun une fois par an. Certains ont vu leur fonctionnement suspendu.

Par ailleurs, l'augmentation de l'exposition des patients aux radiations est inquiétante. L'imagerie médicale est en augmentation constante. Un scanner corps entier expose à une dose de 20 millisiverts, soit le seuil maximum admis annuellement pour les travailleurs du nucléaire. L'exposition a augmenté de 50 % en sept ans.

Face à ce risque, l'ASN mène des actions de formation, d'information ; elle a participé à l'élaboration d'un guide des indications d'imagerie et préconise une augmentation du nombre d'IRM, pour tenter de limiter l'apparition d'un potentiel risque de santé publique. Un autre sujet de préoccupation est l'usage de l'imagerie par des praticiens autres que les radiologues, notamment les chirurgiens.

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