, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. En préambule, je veux lancer un cri d'alarme : notre aide publique au développement est dans une situation extrêmement grave. Les crédits consacrés à cette politique ont baissé de 6 % en 2013 et de 6 % en 2014 ; ils baisseront de 2,8 % en 2015, à moins qu'un projet de loi de finances rectificative n'aggrave en cours d'année cette diminution et, à en croire la programmation triennale, ils connaîtront encore une baisse de 8 % d'ici à 2017. Au total, sur l'ensemble de la législature, les crédits consacrés à l'aide publique au développement auront donc baissé de 20 %. Ni de droite ni de gauche, cette politique constitue pourtant l'honneur et la dignité de la France.
Madame la secrétaire d'État, je vous sais sérieuse, efficace et pugnace, mais le compte n'y est pas. D'autant que les financements dits additionnels, telles la taxe sur les billets d'avion et la taxe sur les transactions financières, sont désormais utilisés en compensation de la diminution des crédits budgétaires.
Dans le cadre des auditions préparatoires à la rédaction de notre rapport, j'ai entendu, avec mon collègue Hervé Gaymard, l'angoisse et l'inquiétude de nos interlocuteurs au sujet de l'APD. Certes, le Parlement a adopté, en juillet dernier, une loi d'orientation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, et le Président de la République a annoncé le doublement du soutien financier aux organisations non gouvernementales, qui est en cours. Toutefois, une loi sans financement n'est pas grand-chose. Quant au doublement des subventions aux organisations non gouvernementales, les acteurs concernés souhaiteraient disposer d'une meilleure traçabilité de ses conséquences concrètes.
Par ailleurs, les 20 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans en faveur de l'Afrique annoncés par le Président de la République lors du sommet de l'Élysée de 2013, n'annonçaient en fait rien de neuf : il ne s'agissait que des prêts consentis par l'Agence française de développement (AFD). Sans esprit de polémique sur un sujet qui dépasse le clivage entre la majorité et l'opposition, je voudrais rappeler de nouveau qu'il en va de l'honneur et de la dignité de la France.
Quelques questions concrètes pour finir. Comment seront apportés les 70 millions d'euros consacrés à la lutte contre le virus Ebola ? Puisqu'il n'y a pas de crédits nouveaux, il ne pourra s'agir que de transferts : quels sont les secteurs qui seront déshabillés ? Pourrez-vous, madame la secrétaire d'État, vous opposer à tout gel de crédits par un projet de loi de finances rectificative pour 2015, en obtenant dès maintenant la sanctuarisation de votre budget ? Comment évolue l'aide à destination des pays les moins avancés, c'est-à-dire des pays les plus pauvres ? Quelles suites seront données au rapport Faber commandé par le ministre des affaires étrangères ? Enfin, compte tenu de l'opacité et de la complexité de l'architecture budgétaire de la mission, pouvez-vous nous dire, dans la ligne du rapport de la Cour des comptes sur ce sujet, quelles améliorations vous pourrez y apporter en 2015 ?
M. Hervé Gaymard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je prendrai, moi aussi, un ton grave. Avec cette baisse significative des crédits consacrés à l'aide publique au développement dans le projet de loi de finances pour 2015, nous donnons un très mauvais signal. Tel est le sentiment partagé dans notre commission, tous groupes politiques confondus.
La politique d'aide au développement dans le domaine de la santé vise tant à renforcer la santé publique qu'à lutter contre les maladies, par exemple par des campagnes de vaccination. La France a eu les honneurs de The Lancet pour ces dernières, ce qui est assez peu fréquent pour être souligné. Or ce sont précisément ces crédits de santé qui sont ajustés à la baisse, nonobstant les récentes annonces sur le virus Ebola. L'Alliance GAVI perd 22 millions d'euros de crédits sur les 100 millions d'euros promis en 2010. De même, l'initiative de Muskoka en faveur de la santé maternelle et infantile pâtit d'une baisse de 5 millions d'euros, tandis qu'est maintenu envers et contre tout le financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Tout notre effort se concentre ainsi sur un seul instrument, alors qu'il faudrait, à mon sens, soutenir aussi les systèmes de santé et promouvoir la vaccination. Les derniers développements de l'épidémie d'Ebola laissent l'impression d'une absence de cohésion sur ce sujet au sein de l'Union européenne. Quelle est votre vision des choses ?
Les financements innovants ont été lancés il y a dix ans par le Président Jacques Chirac et son homologue brésilien Lula da Silva, en s'appuyant sur l'initiative de Gordon Brown et du ministre des finances italien Domenico Siniscalco. La grande nouveauté venait du caractère additionnel de ces financements innovants. Or, comme l'a souligné Jean-François Mancel, ce sont aujourd'hui des financements de substitution qui ne suffisent même pas à compenser la baisse des crédits budgétaires. Dès lors, comment pouvons-nous continuer à prôner les financements innovants dans les enceintes internationales, en mettant en avant une additionnalité que nous n'appliquons pas ?
Enfin, parmi les prêts consentis par l'AFD, le nombre des prêts non concessionnels ne cesse de croître par rapport aux prêts concessionnels, qui incluent une dimension de don. Comment peut-on venir en aide aux pays les plus pauvres d'Afrique dans ces conditions ? Nous ne mettons pas en cause votre énergie, madame la secrétaire d'État, mais nous sommes tristes de constater que le budget que vous présentez ne correspond ni aux besoins ni à notre vocation.