COMMISSION ÉLARGIE
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mercredi 22 octobre 2014
Présidence de M. Dominique Baert, vice-président de la Commission des finances, et de Mme Odile Saugues, vice-présidente de la Commission des affaires étrangères
La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.
projet de loi de finances pour 2015
Aide publique au développement
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, nous sommes heureux de vous accueillir en commission élargie pour vous entendre sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » dans le projet de loi de finances pour 2015.
Tant le projet de loi de finances pour 2015 que la programmation triennale des finances publiques font apparaître que l'aide publique au développement (APD) participe, comme les autres politiques, à la réduction des déficits publics. Le temps n'est pas encore venu de retrouver une trajectoire ascendante pour une APD qui s'établirait à 0,7 du produit intérieur brut. Même en prenant en compte les financements innovants, le financement global de l'aide publique au développement est en diminution.
Quels seront les secteurs géographiques et les priorités thématiques les plus touchés par cette baisse, mais aussi ceux qui seront préservés ? Plus que jamais, l'efficacité de l'aide est un thème d'actualité. L'an dernier, nous évoquions la situation au Mali et la manière dont la communauté internationale s'employait au redressement du pays. Depuis, la crise centrafricaine s'est déclarée, suivie du virus Ebola et de ses ravages en Afrique de l'Ouest. Au-delà des interventions d'urgence, comme celles qui ont lieu au Mali, comment l'aide publique au développement vient-elle en soutien aux populations ?
Le Président de la République a récemment annoncé une aide de 70 millions d'euros contre l'épidémie d'Ebola. Comment va-t-elle être employée ? Comment s'organise la réponse de la communauté internationale à cette crise ?
, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. En préambule, je veux lancer un cri d'alarme : notre aide publique au développement est dans une situation extrêmement grave. Les crédits consacrés à cette politique ont baissé de 6 % en 2013 et de 6 % en 2014 ; ils baisseront de 2,8 % en 2015, à moins qu'un projet de loi de finances rectificative n'aggrave en cours d'année cette diminution et, à en croire la programmation triennale, ils connaîtront encore une baisse de 8 % d'ici à 2017. Au total, sur l'ensemble de la législature, les crédits consacrés à l'aide publique au développement auront donc baissé de 20 %. Ni de droite ni de gauche, cette politique constitue pourtant l'honneur et la dignité de la France.
Madame la secrétaire d'État, je vous sais sérieuse, efficace et pugnace, mais le compte n'y est pas. D'autant que les financements dits additionnels, telles la taxe sur les billets d'avion et la taxe sur les transactions financières, sont désormais utilisés en compensation de la diminution des crédits budgétaires.
Dans le cadre des auditions préparatoires à la rédaction de notre rapport, j'ai entendu, avec mon collègue Hervé Gaymard, l'angoisse et l'inquiétude de nos interlocuteurs au sujet de l'APD. Certes, le Parlement a adopté, en juillet dernier, une loi d'orientation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, et le Président de la République a annoncé le doublement du soutien financier aux organisations non gouvernementales, qui est en cours. Toutefois, une loi sans financement n'est pas grand-chose. Quant au doublement des subventions aux organisations non gouvernementales, les acteurs concernés souhaiteraient disposer d'une meilleure traçabilité de ses conséquences concrètes.
Par ailleurs, les 20 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans en faveur de l'Afrique annoncés par le Président de la République lors du sommet de l'Élysée de 2013, n'annonçaient en fait rien de neuf : il ne s'agissait que des prêts consentis par l'Agence française de développement (AFD). Sans esprit de polémique sur un sujet qui dépasse le clivage entre la majorité et l'opposition, je voudrais rappeler de nouveau qu'il en va de l'honneur et de la dignité de la France.
Quelques questions concrètes pour finir. Comment seront apportés les 70 millions d'euros consacrés à la lutte contre le virus Ebola ? Puisqu'il n'y a pas de crédits nouveaux, il ne pourra s'agir que de transferts : quels sont les secteurs qui seront déshabillés ? Pourrez-vous, madame la secrétaire d'État, vous opposer à tout gel de crédits par un projet de loi de finances rectificative pour 2015, en obtenant dès maintenant la sanctuarisation de votre budget ? Comment évolue l'aide à destination des pays les moins avancés, c'est-à-dire des pays les plus pauvres ? Quelles suites seront données au rapport Faber commandé par le ministre des affaires étrangères ? Enfin, compte tenu de l'opacité et de la complexité de l'architecture budgétaire de la mission, pouvez-vous nous dire, dans la ligne du rapport de la Cour des comptes sur ce sujet, quelles améliorations vous pourrez y apporter en 2015 ?
M. Hervé Gaymard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je prendrai, moi aussi, un ton grave. Avec cette baisse significative des crédits consacrés à l'aide publique au développement dans le projet de loi de finances pour 2015, nous donnons un très mauvais signal. Tel est le sentiment partagé dans notre commission, tous groupes politiques confondus.
La politique d'aide au développement dans le domaine de la santé vise tant à renforcer la santé publique qu'à lutter contre les maladies, par exemple par des campagnes de vaccination. La France a eu les honneurs de The Lancet pour ces dernières, ce qui est assez peu fréquent pour être souligné. Or ce sont précisément ces crédits de santé qui sont ajustés à la baisse, nonobstant les récentes annonces sur le virus Ebola. L'Alliance GAVI perd 22 millions d'euros de crédits sur les 100 millions d'euros promis en 2010. De même, l'initiative de Muskoka en faveur de la santé maternelle et infantile pâtit d'une baisse de 5 millions d'euros, tandis qu'est maintenu envers et contre tout le financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Tout notre effort se concentre ainsi sur un seul instrument, alors qu'il faudrait, à mon sens, soutenir aussi les systèmes de santé et promouvoir la vaccination. Les derniers développements de l'épidémie d'Ebola laissent l'impression d'une absence de cohésion sur ce sujet au sein de l'Union européenne. Quelle est votre vision des choses ?
Les financements innovants ont été lancés il y a dix ans par le Président Jacques Chirac et son homologue brésilien Lula da Silva, en s'appuyant sur l'initiative de Gordon Brown et du ministre des finances italien Domenico Siniscalco. La grande nouveauté venait du caractère additionnel de ces financements innovants. Or, comme l'a souligné Jean-François Mancel, ce sont aujourd'hui des financements de substitution qui ne suffisent même pas à compenser la baisse des crédits budgétaires. Dès lors, comment pouvons-nous continuer à prôner les financements innovants dans les enceintes internationales, en mettant en avant une additionnalité que nous n'appliquons pas ?
Enfin, parmi les prêts consentis par l'AFD, le nombre des prêts non concessionnels ne cesse de croître par rapport aux prêts concessionnels, qui incluent une dimension de don. Comment peut-on venir en aide aux pays les plus pauvres d'Afrique dans ces conditions ? Nous ne mettons pas en cause votre énergie, madame la secrétaire d'État, mais nous sommes tristes de constater que le budget que vous présentez ne correspond ni aux besoins ni à notre vocation.
Les questions posées sont inspirées par une foi louable dans l'aide publique au développement, mais le cadre budgétaire étroit de ce projet de loi est connu de tous. Des économies nous sont sans cesse demandées, mais parallèlement aussi des dépenses supplémentaires : je peine à comprendre la logique de pareil discours. Je m'efforcerai cependant de répondre précisément.
La mission « Aide publique au développement » inclut le programme 110 « Aide économique et financière au développement » et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». C'est pourquoi nous sommes deux membres du Gouvernement devant vous ce soir. L'aide publique au développement opère désormais dans un cadre nouveau, fixé par la loi inédite et importante du 7 juillet 2014. Elle en définit les grandes orientations et les principales priorités.
Comme ministre des finances, je me dois de rappeler d'abord combien le cadre budgétaire national est contraint. À ce titre, l'aide publique au développement participe aux efforts collectifs de redressement des comptes publics, enregistrant ainsi une baisse stricto sensu en 2015 par rapport à 2014. Toutefois, cette baisse est compensée partiellement par les financements innovants. Ainsi, de 3,2 milliards d'euros en 2014, les crédits consacrés à l'APD passeront à 3,15 milliards d'euros en 2015. L'aide publique au développement demeure une priorité forte de la France : elle diminue légèrement moins que la moyenne de nos dépenses d'intervention ; elle reste même stable par rapport à 2014, hors les annulations de dettes qui constituent des dépenses par nature non récurrentes et irrégulières.
Nous conservons les moyens d'une politique de développement ambitieuse, notamment dans les secteurs de la santé et du climat. Les recettes de la taxe sur les transactions financières seront désormais affectées à hauteur de 25 %, et non plus seulement 15 %, à l'aide publique au développement. Ce transfert sera plafonné à 140 millions d'euros en 2015. Une fois ajouté le produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, le montant total des recettes fiscales affectées à l'aide publique au développement s'élèvent à 350 millions d'euros en 2015, versés au Fonds de solidarité pour le développement. En termes de flux d'APD au sens du comité d'aide au développement de l'OCDE, les chiffres de la France devraient s'établir à 7,9 milliards d'euros, soit 0,37 % du revenu national brut en 2014, contre 0,40 % en 2013.
Je peux comprendre l'inquiétude suscitée par cette baisse, bien qu'elle ait été attendue et qu'elle s'explique partiellement par l'absence d'annulation de dette en 2014, telle que le Club de Paris en avait accordée à la Côte-d'Ivoire en 2012 ou à la Birmanie en 2013. La programmation triennale prévoit, en 2015, une augmentation de l'aide publique au développement qui s'établirait à 0,42 % du revenu national brut, grâce au décaissement en faveur du Fonds vert pour le climat et aux prêts concessionnels à l'Association internationale de développement (AID). L'APD se stabiliserait ensuite à 0,39 % du revenu national brut en 2016 et 2017. Comme l'a annoncé le Président de la République à la clôture des assises pour le développement, l'objectif de long terme reste la reprise d'une trajectoire ascendante dès que le pays aura durablement renoué avec la croissance.
Ce budget donne en tout cas à cette politique, et en particulier à l'Agence française de développement, des moyens d'action, dont l'effet est lui-même démultiplié grâce aux leviers internationaux et européens ainsi qu'à la mobilisation du secteur privé. Sur le plan géographique, l'effort se concentre sur l'Afrique subsaharienne. Sur le plan thématique, ce sont la santé et surtout le climat qui sont à l'honneur, dans la perspective de la conférence de Paris sur le climat de 2015, dite COP21.
L'Agence française de développement joue un rôle central ; vous en avez entendu la directrice générale, Mme Anne Paugam. Il a été décidé d'augmenter ses fonds propres de 840 millions d'euros sur trois ans, dont 280 millions d'euros en 2015. La remontée de dividendes vers l'État actionnaire sera, en outre, limitée à 20 % dès 2014, contre 70 % auparavant. Son activité, qui portait sur un volume de 7,8 milliards d'euros en 2013, atteindra ainsi 8,5 milliards d'euros en 2016. Il s'agit d'un effort financier tout à fait remarquable de la part de l'État.
La France veille à démultiplier l'effet de l'aide grâce à sa participation dans les instances internationales, où ses priorités géographiques, thématiques et sectorielles doivent être prises en compte. Au niveau européen, la France participera, comme deuxième plus gros contributeur, au Fonds européen de développement (FED), à hauteur de 740 millions d'euros, soit une hausse de 24 millions d'euros par rapport à 2014. Sur le plan multilatéral, nous avons maintenu en priorité les versements à l'AID, à la Banque mondiale et au Fonds africain de développement de la Banque africaine de développement. Les priorités françaises sont pleinement intégrées dans ces deux instances. Ainsi, la moitié des crédits de l'Association internationale de développement vont à l'Afrique subsaharienne, tandis que l'effort du Fonds africain de développement en faveur des pays les plus pauvres croît de 45 % entre 2014 et 2016, par rapport à la période précédente. L'impact de notre contribution se trouve ainsi démultiplié, quand les instances internationales embrassent des objectifs qui sont en ligne avec nos propres priorités.
La mobilisation du secteur privé constitue également l'une de nos priorités. L'Agence française de développement a ainsi développé une feuille de route relative à l'influence économique, qui met l'accent sur les bénéfices que peuvent attendre nos entreprises de leur développement dans les pays destinataires de l'aide. J'ai également récemment présidé la réunion constitutive de la Fondation franco-africaine pour la croissance, qui devrait jouer un rôle primordial dans la formation des élites africaines.
Je conclurai sur le climat, sujet essentiel qui nous tient tous à coeur, dans la perspective de la réunion à Paris de la conférence des Nations unies sur le changement climatique de 2015. En 2009, les participants à la conférence de Copenhague s'étaient fixé comme objectif que soient transférés chaque année du Nord vers le Sud 100 milliards de dollars, en flux publics et privés, au titre de l'action climatique. Ce financement est aujourd'hui au centre des discussions, et la France doit crédibiliser cet engagement. En ce domaine comme dans d'autres, son effet doit être maximisé, grâce à une coordination renforcée des bailleurs bilatéraux et multilatéraux. Il faudra également prendre en compte l'impact climatique dans les décisions de financement, en s'appuyant sur les méthodes pionnières développées par l'Agence française de développement, dont 50 % de l'activité est axée sur le climat.
Trop fragmentée, l'architecture financière sera rationalisée autour du Fonds vert pour le climat, qui en constituera désormais la clef de voûte. Grâce à l'annonce française, faite à la conférence du 23 septembre 2014, d'un apport d'un milliard de dollars, sa capitalisation progresse et devrait être parachevée à la conférence de Lima en décembre 2014. Ces efforts donnent un signe positif et permettent d'escompter une mobilisation ambitieuse dans la perspective de la conférence sur le climat de 2015.
La baisse assumée des crédits de l'aide publique au développement permet néanmoins de garder des marges de manoeuvre et une ambition pour nos priorités. Le budget permettra également de tenir les engagements du quinquennat. Le ministre a abordé la question des moyens et des leviers, je me concentrerai sur le contenu.
Le coeur de l'aide est préservé. Les seize pays pauvres prioritaires (PPP) bénéficieront de 333 millions d'euros en autorisations d'engagement. L'Agence française de développement continuera à consentir aux pays en voie de développement des prêts concessionnels, bénéficiant d'une bonification de 250 millions d'euros. L'aide alimentaire sera financée à hauteur de 37 millions d'euros, l'aide humanitaire d'urgence à hauteur de 11 millions d'euros et le soutien post-crise à hauteur de 22 millions d'euros.
L'engagement de doubler le soutien aux organisations non gouvernementales d'aide au développement sera tenu. Il se traduira par 8 millions d'euros additionnels. Cet engagement devant être étendu aux ONG humanitaires, le soutien à ces dernières augmente également d'un million d'euros.
La coopération décentralisée se stabilisera à 9 millions d'euros, car il est important de travailler avec ceux qui peuvent agir sur place : les collectivités territoriales, les organisations non gouvernementales, mais aussi les entreprises, qui sont nos partenaires de demain. C'est le gage de notre efficacité sur le terrain.
Contre le saupoudrage, nous faisons le choix de la concentration géographique, en ciblant mieux pays et missions. La loi de juillet 2014 a répertorié ces choix. Nous n'agissons pas seuls non plus, mais de concert avec nos partenaires français, européens et internationaux. La mobilisation autour du redressement du Mali en a montré un exemple. Aujourd'hui, le fonds Bêkou, initié par l'Agence française de développement et par la France, unit en faveur de la Centrafrique les efforts de la Commission européenne, agissant à travers le FED, et ceux de l'Allemagne, de la France et des Pays-Bas. Nous espérons que d'autres partenaires encore se joindront à nous. Trois projets seront bientôt complètement mis en oeuvre sur le terrain.
La solidarité continuera de s'exercer au service des seize pays les plus pauvres, auxquels iront la moitié de nos subventions. D'un point de vue géographique, l'Afrique subsaharienne et la Méditerranée concentreront 85 % de l'effort financier de l'État. Conformément à l'engagement du Président de la République, 20 milliards d'euros iront, en cinq ans, vers l'Afrique.
Les priorités thématiques sont également maintenues. Le nouveau Fonds vert pour le climat bénéficiera d'un milliard d'euros, comme cela été annoncé à New York, en concertation avec la ministre de l'écologie et avec le ministre des affaires étrangères. En déplacement à Washington avec Michel Sapin, nous avons rappelé que les besoins en matière de développement restent énormes. Ils nous contraignent à réfléchir autrement, à une autre échelle, dans une visée coopérative. Monsieur Mancel, vous proposez une sanctuarisation de l'aide publique au développement, mais elle ne permettrait pas, à elle seule, d'atteindre les objectifs de développement durable. Mieux vaut réfléchir à de nouveaux modèles.
Il n'y a pas à rougir de nos choix. Dans le domaine de la santé, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevra chaque année 360 millions d'euros jusqu'en 2016. Par ailleurs, les crédits d'intervention n'ayant pas à servir de variable d'ajustement budgétaire, ce sont les dépenses de personnel du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » qui sont abaissées de 2,1 % entre 2014 et 2015. Car les moyens d'action doivent être préservés.
Comme elle vous l'a expliqué, la directrice générale de l'Agence française de développement a rationalisé ses efforts et ses actions. Conformément à la loi de juillet 2014, l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) s'est constituée à partir de six agences préexistantes, en vue de mieux positionner notre assistance technique internationale, mais aussi nos entreprises. Sur le plan géographique, nous réduisons progressivement notre engagement en Afghanistan, tandis que, dans les grands pays émergents, les prêts de l'AFD ne sont plus consentis qu'à coût zéro pour l'État. Au cours de la programmation triennale, le soutien à la Banque asiatique sera également diminué de moitié. Les annulations de dettes diminuent elles aussi, mais il faut plutôt s'en réjouir, car cela témoigne d'une amélioration de la situation dans les pays concernés.
Ces efforts demandent de la méthode et de la détermination à agir en concertation et en coordination avec d'autres, en renforçant nos liens avec nos partenaires. Un tiers de l'aide publique au développement passe déjà par des financements multilatéraux. Mais nous baissons nos contributions à certaines organisations, telle la Banque asiatique, et nous nous retirons de l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).
Nous travaillons à améliorer l'effet levier. Le Fonds européen de développement a repris 30 % de nos priorités géographiques et 20 % de nos priorités thématiques, notamment sur le climat, dans son dixième programme ; elles seront renforcées dans le onzième. Le fonds Bêkou procède de la même démarche, tout comme les efforts de lutte contre Ebola, qui ne pourront être efficaces qu'à la condition d'être unis avec nos partenaires européens et coordonnés au niveau international.
Le financement du développement déborde le cadre de l'aide publique. Il sera à l'ordre du jour de la conférence des Nations unies prévue à Addis Abeba en juillet 2015, de laquelle devront émerger des solutions innovantes, tant il est vrai que le financement du développement durable en particulier s'annonce comme un vrai défi. Nous nous sommes engagés, notamment à Washington, en faveur d'un maintien de l'aide publique. Nous savons toutefois qu'elle ne constitue qu'un levier parmi d'autres.
Permettez-moi de répondre maintenant aux questions que vous avez posées.
La France a pris des mesures de lutte contre l'épidémie d'Ebola en deux temps. D'abord, vingt-quatre médecins ont été détachés, du matériel a été envoyé et un centre de traitement a été ouvert en Guinée forestière, tandis qu'un centre d'expertise à Conakry était mis en place en coopération avec l'Institut Pasteur, la France apportant également son soutien aux stratégies de santé des pays voisins de la Guinée. Ensuite, il y a quelques heures, l'ouverture de trois nouveaux centres a été annoncée, dont un pour les volontaires internationaux, certainement géré par l'armée. À Berlin, ce lundi, un accord de cofinancement a été trouvé avec l'Allemagne pour un deuxième centre, mais nous recherchons également la participation d'autres pays européens et de pays francophones.
L'aide européenne soutient également nos efforts en Guinée. À l'issue du dernier Conseil des ministres des affaires étrangères, l'Union européenne devrait organiser le système d'évacuation sanitaire pour les volontaires soignants internationaux, nommer un coordinateur pour mieux organiser les efforts de la Commission européenne et ceux des États membres et, enfin, améliorer la communication sur l'ensemble de ces opérations. Il nous est parfois reproché de faire moins que les États-Unis, alors que l'Union européenne, si tous ses efforts sont additionnés, fait davantage qu'eux en définitive.
Quant à la France, elle est non seulement très mobilisée en Guinée, mais aussi dans les pays voisins. Elle dépensera 70 millions d'euros, et sans doute davantage, peut-être 100 millions d'euros après les dernières annonces. Ce financement se décompose comme suit : à 50 %, il est constitué par la quote-part française aux efforts de l'Union européenne et de la Banque mondiale ; à 50 %, il provient du redéploiement de sommes liées aux contrats de désendettement et de développement (C2D) en Guinée, en Côte-d'Ivoire au Liberia. Je me suis moi-même rendue en Guinée pour signer un de ces contrats et témoigner la solidarité du gouvernement français à la population guinéenne. Je devrais y retourner prochainement.
Le rapport Faber a été remis il y a quelques mois, et nous partageons bon nombre de ses conclusions. Il préconise que l'aide publique au développement soit mieux ciblée et qu'elle soit portée par des acteurs économiques, ce qui est déjà le cas. L'Agence française de développement vient déjà en aide, via sa filiale PROPARCO, aux entreprises, et le fera de manière accrue en direction des petites entreprises, en particulier en Afrique. Le rapport plaide également pour une alliance avec la société civile : elle s'était dessinée aux assises du développement qui ont précédé la loi de juillet 2014 et a été prolongée dans le Conseil national du développement et de la solidarité internationale. Le rôle des femmes doit également être mieux pris en compte et renforcé ; il sera à l'ordre du jour du sommet de la francophonie à Dakar dans un mois. Nous aborderons aussi le problème de la formation professionnelle et de la jeunesse, mettant par ailleurs en avant l'agriculture familiale, telle que nous l'avons défendue à New York et à Washington. Enfin, le thème de la ville équitable et durable est également abordé dans le rapport Faber. Certaines villes sont déjà très engagées dans cette démarche. D'autres actions s'inspireront de ce rapport. Nous avons aussi recueilli et analysé les réactions des collectivités territoriales et des organisations non gouvernementales après sa lecture.
Dans le domaine de la santé, la France, préférant au saupoudrage un instrument unique, a fait le choix de concentrer ses efforts sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont elle est le deuxième contributeur grâce à ses versements de 360 millions d'euros par an jusqu'en 2016. Cela ne nous a malheureusement pas permis de prolonger l'ensemble du financement à l'Alliance GAVI, active dans le secteur de la vaccination, mais son existence n'en est du moins pas remise en cause.
L'innovation se met également au service de l'aide publique au développement. Il sera bientôt possible de faire des dons par SMS, tandis qu'une loterie solidaire devrait être lancée. Je ne souhaite pas que ces financements innovants comblent de nouvelles pertes de crédits budgétaires, même si nous avons le devoir de participer aux économies. J'espère plutôt qu'ils donneront des marges supplémentaires au budget de l'APD. D'une manière générale, nous recherchons pour elle des ressources stables et pérennes, car les besoins ne cessent de grandir en Afrique, du fait d'une démographie explosive, qui doit être aussi une chance pour ce continent et pour son partenaire français.
La loi du 7 juillet 2014 relative au développement et à la solidarité internationale reprenait l'engagement international pris par la France d'établir l'aide publique au développement à 0,7 % de son revenu national brut, et d'affecter 0,2 % de ce même revenu aux pays les moins avancés, en particulier aux seize pays les plus pauvres. Or les crédits de la mission sont en diminution, de 2,9 milliards d'euros en 2014 à 2,8 milliards d'euros pour 2015 ; cette trajectoire inquiétante se confirme jusqu'en 2017 dans la loi de programmation triennale.
Nous comprenons l'effort de rétablissement des comptes publics, mais il nous semble nécessaire de reprendre la trajectoire ascendante vers les 0,7 %, objet de longs débats au cours de la discussion de la loi de juillet 2014. Pour ce faire, d'autres sources de financement doivent être trouvées. À l'origine, la taxe sur les transactions financières devait contribuer à hauteur de 10 % de ses recettes à l'aide publique au développement ; en 2014, cette part est passée à 15 %, et en 2015, elle sera relevée à 25 %, avec toutefois un montant plafonné. Sur les 700 millions d'euros que la taxe devrait rapporter en 2015, l'APD devait initialement se voir affecter 130 millions d'euros, ce qui mettait le taux de contribution à 18,5 %. Mais un amendement à la première partie du projet de loi de finances, adopté ce lundi, a relevé le plafond à 140 millions d'euros. Cela reste néanmoins insuffisant.
Fixé à 0,2 %, le taux de la taxe sur les transactions financières reste trop faible. En outre, elle ne porte pas sur les transactions intra-journalières. Sans doute faut-il avancer sur ces sujets, en concertation avec nos partenaires européens. Préconisée par le rapport Faber, la mobilisation du secteur privé mérite également d'être approfondie.
Nous voterons donc ces crédits, mais avec des réserves et des attentes quant à leur évolution en 2016 et 2017, années pour lesquelles des solutions nouvelles restent à trouver.
Si la nécessité s'impose, dans une optique de court terme, de réduire notre aide publique au développement, il apparaît pourtant indispensable de la maintenir dans une vision de moyen et long terme. L'évolution de la situation en Irak, au Mali, en Syrie et au Maghreb requiert autant notre vigilance que notre solidarité, en vue non seulement d'obtenir un environnement plus sûr, mais aussi de maintenir l'image de notre pays à l'étranger. Comme l'a dit le rapporteur spécial, il en va de l'honneur de la France.
Madame la secrétaire d'État, malgré votre bonne volonté évidente, vos ambitions ne peuvent être menées à bien avec ce budget. Le Président de la République a fait des promesses, mais où sont les effets concrets ? Les crédits du programme 110 diminuent de 4,59 % et ceux du programme 209 de plus de 1 %. Au total, les crédits sont en baisse de 82 millions d'euros, alors que le gouvernement Fillon avait non seulement maintenu, mais même augmenté l'aide publique au développement, qui était passée de 0,31 % à 0,46 % de notre revenu national brut entre 2001 et 2011. Vous n'avez plus de marges de manoeuvre pour agir aujourd'hui. Si, monsieur le ministre, vous n'avez pas de quoi abonder quelque peu le budget de votre collègue, le groupe UMP ne pourra pas voter ces crédits.
Le groupe GDR est inquiet de l'évolution du budget, une nouvelle fois en baisse. Sur le quinquennat, la mission aura connu une amputation de ses crédits de 20 %. Dans ces conditions, nous n'atteindrons pas, comme la Norvège, la Suède, le Danemark et le Royaume-Uni, les 0,7 % de revenu national brut consacrés à l'aide publique au développement. Un quart seulement de notre aide est allouée aux seize PPP, alors qu'un tiers sert à financer des prêts, dans des pays émergents tels que la Chine, la Colombie ou la Turquie, où ils sont, à mon sens, détournés de leur vocation première.
En dix ans, l'AFD a versé 1,4 milliard d'euros de dividendes à l'État ; est-il normal de réaliser des bénéfices sous couvert d'aide au développement ?
Alors que le produit de la taxe sur les transactions financières sera affecté à 25 % à l'aide publique au développement, dans la limite de 130 millions d'euros, ce sont non moins de 45 millions d'euros de crédits budgétaires qui sont supprimés dans le même temps. Cette substitution relève d'un certain cynisme, la réduction de la dette s'opérant sur le dos des pays en voie de développement. Dans ces conditions, je suis au regret de vous indiquer que le groupe GDR ne votera pas ces crédits.
Le groupe socialiste les votera, mais avec plus de raison que de conviction, car nous aurions souhaité mieux. Les crédits proposés pour 2015 ne sont pas à la hauteur de la loi de programmation adoptée en juillet. Les défis du développement sont, en effet, toujours aussi exigeants, et l'urgence humanitaire se rappelle régulièrement à nous, comme l'épidémie d'Ebola aujourd'hui.
Dans les circonstances budgétaires actuelles, les financements innovants laissent tout de même un petit espace disponible pour accroître nos marges de manoeuvre. L'amélioration du rendement de la taxe sur les transactions financières permettrait d'accroître sensiblement l'enveloppe consacrée par la France à l'aide publique au développement, soit en relevant le plafond de la taxe affectée à l'APD, soit en augmentant la part de la taxe affectée, soit encore en élargissant le champ de cette taxe, dans l'attente d'une décision similaire au niveau européen. Cette taxe doit bénéficier aux pays les plus pauvres et aux pays en développement, à l'exclusion des pays émergents. Notre groupe proposera un amendement en ce sens. Madame la secrétaire d'État, quel est votre sentiment sur un recours accru à la taxation des transactions financières pour venir en aide aux pays les plus pauvres ?
Comme membre de la commission des finances, je reconnais que la situation économique et les difficultés à renouer avec la croissance hypothèquent la mise en oeuvre de la promesse du Président de la République, formulée en janvier 2013, de porter à 0,7 % du revenu national brut notre aide publique au développement. À mon sens, il convient cependant de réaffirmer cet objectif, partagé par l'Union européenne, même si la conjoncture n'est pas propice et que notre croissance reste modérée. L'Afrique continue d'avoir besoin de notre aide.
Je salue l'effort du Gouvernement de porter de 15 % à 25 % la part des deux taxes affectées à l'APD. Toutefois, notre coopération ne se lit pas seulement à l'aune des crédits de cette mission ; plusieurs ministères sont mobilisés et contribuent à l'effort en faveur du Mali hier, de la Centrafrique et d'ailleurs aujourd'hui. De ce point de vue, le budget qui nous est présenté est donc restrictif.
Par ailleurs, il faut aussi attendre des améliorations de la situation au Mali et en Centrafrique. À cet égard, le seul grief que je formulerais des orientations retenues concerne la politique de santé. Il est normal de contribuer au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, mais la vaccination reste un acte primordial. J'ai entendu que notre contribution à l'Alliance GAVI serait réduite, et je m'en inquiète pour le bien de l'Afrique. Le pays où la vaccination a été inventée ne peut éliminer de sa politique de santé la dispensation de ses bienfaits aux populations qui en ont besoin.
Je ne veux pas dresser avant 2017 le bilan du quinquennat ou de l'aide publique au développement. Le budget est contraint, ce qui appelle des arbitrages délicats, opérés dans un esprit de responsabilité. La loi-cadre de juillet 2014 a fixé des priorités, permettant de baliser et d'éclairer le chemin de cette mission budgétaire. Au groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), nous sommes fiers de l'avoir adoptée, même si des rééquilibrages mériteraient d'être opérés entre prêts et dons.
En matière de santé, le projet de loi de finances pour 2015 fait la part belle à la lutte contre le sida, qui reçoit plus de 300 millions d'euros, alors que l'épidémie d'Ebola menace. Vu la trésorerie de certaines associations, peut-être pourrait-on réorienter certains crédits de la première pathologie vers la deuxième.
Nous avons, par ailleurs, déposé un amendement qui prévoit d'abonder de 35 millions d'euros le programme 209, en les transférant du programme 110. Il vise à réorienter la politique de prêts et de dons de l'Agence française de développement dans le sens suggéré par le Comité d'aide au développement de l'OCDE.
Comme présidente du groupe d'études sur le genre et les droits des femmes à l'international, je m'inquiète du respect de ceux-ci. Vingt ans après la conférence du Caire de 1994, et alors que devaient être atteints en 2015 les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), les objectifs 4 et 5 visant la réduction de la mortalité infantile et l'amélioration de la santé maternelle sont ceux qui donnent le moins de résultats sur le plan international. Non moins de 222 millions de femmes ne bénéficient pas de la planification familiale ; 800 femmes meurent chaque jour en donnant la vie ; les décès par grossesse et accouchement sont la première cause de mortalité chez les jeunes filles. En cette année de renégociation, la France devrait montrer l'exemple et redonner une impulsion à l'aide mondiale au développement en renforçant sa contribution à l'UNFPA (United Nations Population Fund). Cela constituerait un geste fort.
La loi de juillet 2014 a élevé au rang de priorité de la politique française de développement l'égalité entre les femmes et les hommes. Cet objectif doit être décliné dans les actions dirigées vers le monde arabe, la mise en oeuvre de l'initiative de Muskoka et les actions spécifiques du service de la coopération culturelle. Pour en conduire correctement le suivi, il serait important que nous puissions disposer d'indicateurs sexués.
Quels sont les efforts concrets qui suivent la loi de juillet 2014 ? Même si ses objectifs sont louables, elle ne contient que quelques articles normatifs, et n'a pour le reste qu'une portée déclarative. Alors qu'elle assignait un objectif de transparence renforcée à la politique française de développement, qu'en sera-t-il en 2015 ?
Dans le programme « Aide économique et financière du développement », l'aide au secteur privé via le FASEP (Fonds d'études et d'aide au secteur privé) m'apparaît gage d'efficacité. Toutefois, je m'interroge sur la répartition des secteurs aidés : en 2012, les engagements ont concerné l'énergie, à hauteur de 37 %, l'aide au secteur privé, à hauteur de 32 %, l'environnement, à hauteur de 12 %, et le transport, à hauteur de 11 %. Pouvez-vous nous confirmer qu'en 2014, le principal secteur concerné sera celui des transports, du fait des études et de l'assistance technique prévues pour le projet de la Ligne à grande vitesse (LGV) au Maroc ? Que recouvre l'aide au « secteur privé », qui n'est pas un secteur économique en soi ?
Je me réjouis que les crédits dédiés à la coopération décentralisée soient stabilisés. Dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, avec des engagements bilatéraux en croissance, les prêts bancaires se développent au détriment des dons. Ce sont les agences de l'eau et les organisations non gouvernementales qui, se substituant à un financement budgétaire défaillant, compensent cette faiblesse.
En outre, le sous-indicateur 4.1.2 « Collectivités locales : effet de levier des financements de la Direction générale de la mondialisation » se révèle très dépendant de l'engagement des porteurs de projet et de leur capacité à répondre aux thématiques prioritaires subventionnées. Or, dans certains pays, le souci de concentrer l'aide conduit à exclure de son champ des secteurs importants. Il me semble qu'il faudrait faire preuve de davantage de souplesse sur ce point, en continuant à y inclure des secteurs essentiels des collectivités en zone rurale, tels que l'eau, l'éducation et la santé.
Madame la secrétaire d'État, comme vous, je m'efforcerai de m'astreindre à un devoir de vérité. Ayant présidé une mission d'information sur l'aide au développement, j'ai publié deux rapports sur ce sujet, l'un sur le bilatéralisme, l'autre sur l'Afrique. La vérité, c'est que nous n'atteindrons ni les 0,7 % du revenu national brut consacré à l'aide au développement ni les OMD. La vérité, c'est que nos chiffres ne tiennent pas compte des frais d'écolage, de l'aide aux réfugiés, voire de certains projets menés outre-mer. Nous n'avons pas la même façon de calculer que les autres.
La vérité, c'est aussi que l'Agence française de développement, contrairement au Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), n'aide pas les pays les plus pauvres, car les dons, qui vont aux plus faibles, diminuent. La loi-cadre de juillet 2014 a donné lieu sur ces sujets à des débats longs et musclés sur lesquels je ne veux pas revenir. Comme je m'en suis rendu compte récemment lors d'un déplacement à Bamako, l'AFD tend à se substituer au pouvoir politique, hors de tout contrôle. Sa directrice générale n'a d'ailleurs jugé bon de répondre à notre convocation que lorsqu'il s'est agi de voter sur sa nomination.
Voulez-vous aller plus loin dans la voie des économies ? Le Fonds mondial de lutte contre le sida, qui fut un temps une priorité, est aujourd'hui suralimenté. Une part des crédits consacrés à ce fonds pourraient, sans difficulté, servir à la lutte contre le virus Ebola.
Une remarque pour finir : il très décevant d'avoir à faire, quand on est dans la majorité, les mêmes critiques que lorsqu'on était dans l'opposition.
Comme ancien membre suppléant du conseil d'administration puis du conseil de surveillance de l'Agence française de développement, je me suis toujours interrogé sur sa stratégie, et ce quelle que soit la couleur politique du Gouvernement. Les représentants des différents ministères y défendent souvent des positions différentes, voire contradictoires. En principe, il revient à la directrice générale d'imprimer une orientation claire. Mais, comme le souligne le projet de rapport spécial, les objectifs de la politique de développement peinent à être définis clairement, faute de transparence et d'esprit de responsabilité. L'Agence n'en demeure pas moins un instrument remarquable au service du développement, mais une moindre frustration s'exprimerait dans nos réunions annuelles si des objectifs bien ciblés étaient enfin définis.
Je serais, bien sûr, plus heureuse si plus de moyens étaient attribués à la politique de développement. Mais chaque ministère doit participer au redressement d'une situation budgétaire et financière catastrophique.
Malgré des choix difficiles, il reste encore des moyens et des possibilités d'action, même s'il importe aujourd'hui de rechercher d'autres ressources et de mieux valoriser celles de nos partenaires. L'époque de la Françafrique est révolue et nous travaillons désormais main dans la main avec nos partenaires, en veillant à des retours sur investissement suffisants pour la population, grâce à la lutte contre la fraude et contre l'évasion fiscale.
Nous recherchons également l'effet levier maximal en participant à des cofinancements. L'objectif de 0,7 % du revenu national brut affecté à l'aide publique au développement demeure d'actualité, même s'il faudra attendre le retour de la croissance pour qu'il soit respecté. Je ne veux donc pas baisser les bras.
Je suis particulièrement attachée à l'évaluation et à l'efficacité de notre action. Je concède que des indicateurs sexués restent à renseigner, pour en permettre une appréciation plus fine. La loi de 2014 vient seulement d'être mise en oeuvre ; ces indicateurs seront fournis sous forme de tableau l'année prochaine. Quant à la transparence, elle est déjà totale, dans la mesure où sont détaillées sur un site internet toutes les aides que la France apporte notamment à six des seize pays les plus pauvres ainsi que l'avancement des projets. Les Français, tout comme les Maliens ou les Guinéens, ont le droit de savoir à quoi est utilisé l'argent public.
Monsieur Bacquet, les subventions vont bien aux pays les plus vulnérables. La moitié des dons va aux pays les plus pauvres, de même que 66 % des subventions de l'Agence française de développement.
Les pays les plus pauvres ne peuvent bénéficier que de dons, car ils sont trop faibles pour rembourser des prêts. Or l'AFD n'est plus qu'une banque qui prête et ne donne plus. Ce qu'elle garde, elle le renvoie au budget de l'État. C'est toute la discussion de la loi de juillet 2014, que vous auriez intérêt à relire.
Je vous assure que nous tenons pourtant nos objectifs – mais je relirai les comptes rendus des débats. Conformément aux préconisations du CICID, nous pratiquons la transparence maximale, y compris sur les fonds de l'Agence française de développement, dont la totalité des aides apportées sera mise en ligne.
Notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme permet de maintenir 6,6 millions de patients sous traitement, dans 140 pays, et de toucher les populations les plus vulnérables, notamment dans l'aire francophone. Nous tenons ainsi l'engagement du Président de la République de lui verser 360 millions d'euros par an.
La France s'est battue pour que le genre constitue l'un des dix-sept objectifs de développement durable. Ces derniers ont été définis dans un sens correspondant largement à notre conception. Aussi, la France considère-t-elle qu'il ne serait pas opportun de rouvrir le débat au risque de remettre en cause cet équilibre, de nombreux pays voulant revenir sur l'ODD genre.
Je me rends souvent sur le terrain, où je constate l'ampleur des besoins. À Madagascar, au Mali et aux Comores, je me rends compte que nous ne pouvons tout faire seuls et que nous devons trouver des partenaires pour avancer dans la lutte contre la pauvreté. Je constate aussi que nous devons lutter en même temps contre le dérèglement climatique, car si aucun accord n'est trouvé en 2015 sur la baisse d'émissions de gaz à effet de serre, un siècle d'efforts de développement pourrait bien être ruiné.
Je suis obligé de revenir à la froideur des chiffres, qui constitue malheureusement mon lot.
Il ne faut pas opposer dons et prêts : complémentaires les uns des autres, ils sont mis en oeuvre en fonction des situations des pays et des projets, dans un objectif d'optimisation des ressources, qui deviennent rares. Dans un même pays, fût-il pauvre, des projets de caractère énergétique indispensables au développement peuvent être économiquement viables et n'ont pas besoin d'être financés par des dons, alors que d'autres projets ne peuvent être financés que de cette manière. Les prêts maximisent le volume de l'aide apportée. Les crédits qui sont alloués à leur financement conservent d'ailleurs à la France sa place éminente au sein de l'Agence internationale de développement.
Quant au Fonds vert pour le climat, la contribution française se partagera entre dons et prêts, car des financements privés peuvent être également mobilisés, notamment dans le secteur énergétique. L'Allemagne, le Japon et l'Union européenne ont aussi recours à ces modes de financement.
Une question portait sur l'aide au secteur privé, qui concernait une action spécifique en Tunisie et en Palestine. Elle sert principalement à soutenir les petites et moyennes entreprises qui acquièrent du matériel français. Pour la Palestine, cette aide est versée seulement sous la forme de dons, compte tenu de la situation sur place.
En conclusion, chacun s'interroge sur le sens de ces économies. Les uns veulent toujours plus d'économies, mais sans jamais les préciser ; les autres veulent toujours plus de dépenses. Ayant l'expérience de la coopération décentralisée, je voudrais cependant souligner qu'il ne faut pas s'arrêter à la seule masse des crédits. Il est possible de dépenser moins en étant aussi efficace, voire davantage. C'est là une démarche tout à fait adaptée à la situation actuelle. En l'espèce, le Fonds vert pour le climat est un bon exemple : la concentration des financements, associée à la simplification, évite tout saupoudrage et crée surtout un effet de levier.
Je comprends que les réductions de crédits créent parfois des frustrations au regard de nos ambitions en matière de générosité et de notre conception de ce que doit être la France. Néanmoins, dans un contexte budgétaire contraint, l'efficacité de la dépense publique doit être pour nous la priorité, y compris dans ce domaine.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, merci. Je rappelle que la discussion et le vote des crédits en séance publique auront lieu le mardi 28 octobre prochain.
La réunion de la commission élargie s'achève à vingt-deux heures trente.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale