Les questions posées sont inspirées par une foi louable dans l'aide publique au développement, mais le cadre budgétaire étroit de ce projet de loi est connu de tous. Des économies nous sont sans cesse demandées, mais parallèlement aussi des dépenses supplémentaires : je peine à comprendre la logique de pareil discours. Je m'efforcerai cependant de répondre précisément.
La mission « Aide publique au développement » inclut le programme 110 « Aide économique et financière au développement » et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». C'est pourquoi nous sommes deux membres du Gouvernement devant vous ce soir. L'aide publique au développement opère désormais dans un cadre nouveau, fixé par la loi inédite et importante du 7 juillet 2014. Elle en définit les grandes orientations et les principales priorités.
Comme ministre des finances, je me dois de rappeler d'abord combien le cadre budgétaire national est contraint. À ce titre, l'aide publique au développement participe aux efforts collectifs de redressement des comptes publics, enregistrant ainsi une baisse stricto sensu en 2015 par rapport à 2014. Toutefois, cette baisse est compensée partiellement par les financements innovants. Ainsi, de 3,2 milliards d'euros en 2014, les crédits consacrés à l'APD passeront à 3,15 milliards d'euros en 2015. L'aide publique au développement demeure une priorité forte de la France : elle diminue légèrement moins que la moyenne de nos dépenses d'intervention ; elle reste même stable par rapport à 2014, hors les annulations de dettes qui constituent des dépenses par nature non récurrentes et irrégulières.
Nous conservons les moyens d'une politique de développement ambitieuse, notamment dans les secteurs de la santé et du climat. Les recettes de la taxe sur les transactions financières seront désormais affectées à hauteur de 25 %, et non plus seulement 15 %, à l'aide publique au développement. Ce transfert sera plafonné à 140 millions d'euros en 2015. Une fois ajouté le produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, le montant total des recettes fiscales affectées à l'aide publique au développement s'élèvent à 350 millions d'euros en 2015, versés au Fonds de solidarité pour le développement. En termes de flux d'APD au sens du comité d'aide au développement de l'OCDE, les chiffres de la France devraient s'établir à 7,9 milliards d'euros, soit 0,37 % du revenu national brut en 2014, contre 0,40 % en 2013.
Je peux comprendre l'inquiétude suscitée par cette baisse, bien qu'elle ait été attendue et qu'elle s'explique partiellement par l'absence d'annulation de dette en 2014, telle que le Club de Paris en avait accordée à la Côte-d'Ivoire en 2012 ou à la Birmanie en 2013. La programmation triennale prévoit, en 2015, une augmentation de l'aide publique au développement qui s'établirait à 0,42 % du revenu national brut, grâce au décaissement en faveur du Fonds vert pour le climat et aux prêts concessionnels à l'Association internationale de développement (AID). L'APD se stabiliserait ensuite à 0,39 % du revenu national brut en 2016 et 2017. Comme l'a annoncé le Président de la République à la clôture des assises pour le développement, l'objectif de long terme reste la reprise d'une trajectoire ascendante dès que le pays aura durablement renoué avec la croissance.
Ce budget donne en tout cas à cette politique, et en particulier à l'Agence française de développement, des moyens d'action, dont l'effet est lui-même démultiplié grâce aux leviers internationaux et européens ainsi qu'à la mobilisation du secteur privé. Sur le plan géographique, l'effort se concentre sur l'Afrique subsaharienne. Sur le plan thématique, ce sont la santé et surtout le climat qui sont à l'honneur, dans la perspective de la conférence de Paris sur le climat de 2015, dite COP21.
L'Agence française de développement joue un rôle central ; vous en avez entendu la directrice générale, Mme Anne Paugam. Il a été décidé d'augmenter ses fonds propres de 840 millions d'euros sur trois ans, dont 280 millions d'euros en 2015. La remontée de dividendes vers l'État actionnaire sera, en outre, limitée à 20 % dès 2014, contre 70 % auparavant. Son activité, qui portait sur un volume de 7,8 milliards d'euros en 2013, atteindra ainsi 8,5 milliards d'euros en 2016. Il s'agit d'un effort financier tout à fait remarquable de la part de l'État.
La France veille à démultiplier l'effet de l'aide grâce à sa participation dans les instances internationales, où ses priorités géographiques, thématiques et sectorielles doivent être prises en compte. Au niveau européen, la France participera, comme deuxième plus gros contributeur, au Fonds européen de développement (FED), à hauteur de 740 millions d'euros, soit une hausse de 24 millions d'euros par rapport à 2014. Sur le plan multilatéral, nous avons maintenu en priorité les versements à l'AID, à la Banque mondiale et au Fonds africain de développement de la Banque africaine de développement. Les priorités françaises sont pleinement intégrées dans ces deux instances. Ainsi, la moitié des crédits de l'Association internationale de développement vont à l'Afrique subsaharienne, tandis que l'effort du Fonds africain de développement en faveur des pays les plus pauvres croît de 45 % entre 2014 et 2016, par rapport à la période précédente. L'impact de notre contribution se trouve ainsi démultiplié, quand les instances internationales embrassent des objectifs qui sont en ligne avec nos propres priorités.
La mobilisation du secteur privé constitue également l'une de nos priorités. L'Agence française de développement a ainsi développé une feuille de route relative à l'influence économique, qui met l'accent sur les bénéfices que peuvent attendre nos entreprises de leur développement dans les pays destinataires de l'aide. J'ai également récemment présidé la réunion constitutive de la Fondation franco-africaine pour la croissance, qui devrait jouer un rôle primordial dans la formation des élites africaines.
Je conclurai sur le climat, sujet essentiel qui nous tient tous à coeur, dans la perspective de la réunion à Paris de la conférence des Nations unies sur le changement climatique de 2015. En 2009, les participants à la conférence de Copenhague s'étaient fixé comme objectif que soient transférés chaque année du Nord vers le Sud 100 milliards de dollars, en flux publics et privés, au titre de l'action climatique. Ce financement est aujourd'hui au centre des discussions, et la France doit crédibiliser cet engagement. En ce domaine comme dans d'autres, son effet doit être maximisé, grâce à une coordination renforcée des bailleurs bilatéraux et multilatéraux. Il faudra également prendre en compte l'impact climatique dans les décisions de financement, en s'appuyant sur les méthodes pionnières développées par l'Agence française de développement, dont 50 % de l'activité est axée sur le climat.
Trop fragmentée, l'architecture financière sera rationalisée autour du Fonds vert pour le climat, qui en constituera désormais la clef de voûte. Grâce à l'annonce française, faite à la conférence du 23 septembre 2014, d'un apport d'un milliard de dollars, sa capitalisation progresse et devrait être parachevée à la conférence de Lima en décembre 2014. Ces efforts donnent un signe positif et permettent d'escompter une mobilisation ambitieuse dans la perspective de la conférence sur le climat de 2015.