La baisse assumée des crédits de l'aide publique au développement permet néanmoins de garder des marges de manoeuvre et une ambition pour nos priorités. Le budget permettra également de tenir les engagements du quinquennat. Le ministre a abordé la question des moyens et des leviers, je me concentrerai sur le contenu.
Le coeur de l'aide est préservé. Les seize pays pauvres prioritaires (PPP) bénéficieront de 333 millions d'euros en autorisations d'engagement. L'Agence française de développement continuera à consentir aux pays en voie de développement des prêts concessionnels, bénéficiant d'une bonification de 250 millions d'euros. L'aide alimentaire sera financée à hauteur de 37 millions d'euros, l'aide humanitaire d'urgence à hauteur de 11 millions d'euros et le soutien post-crise à hauteur de 22 millions d'euros.
L'engagement de doubler le soutien aux organisations non gouvernementales d'aide au développement sera tenu. Il se traduira par 8 millions d'euros additionnels. Cet engagement devant être étendu aux ONG humanitaires, le soutien à ces dernières augmente également d'un million d'euros.
La coopération décentralisée se stabilisera à 9 millions d'euros, car il est important de travailler avec ceux qui peuvent agir sur place : les collectivités territoriales, les organisations non gouvernementales, mais aussi les entreprises, qui sont nos partenaires de demain. C'est le gage de notre efficacité sur le terrain.
Contre le saupoudrage, nous faisons le choix de la concentration géographique, en ciblant mieux pays et missions. La loi de juillet 2014 a répertorié ces choix. Nous n'agissons pas seuls non plus, mais de concert avec nos partenaires français, européens et internationaux. La mobilisation autour du redressement du Mali en a montré un exemple. Aujourd'hui, le fonds Bêkou, initié par l'Agence française de développement et par la France, unit en faveur de la Centrafrique les efforts de la Commission européenne, agissant à travers le FED, et ceux de l'Allemagne, de la France et des Pays-Bas. Nous espérons que d'autres partenaires encore se joindront à nous. Trois projets seront bientôt complètement mis en oeuvre sur le terrain.
La solidarité continuera de s'exercer au service des seize pays les plus pauvres, auxquels iront la moitié de nos subventions. D'un point de vue géographique, l'Afrique subsaharienne et la Méditerranée concentreront 85 % de l'effort financier de l'État. Conformément à l'engagement du Président de la République, 20 milliards d'euros iront, en cinq ans, vers l'Afrique.
Les priorités thématiques sont également maintenues. Le nouveau Fonds vert pour le climat bénéficiera d'un milliard d'euros, comme cela été annoncé à New York, en concertation avec la ministre de l'écologie et avec le ministre des affaires étrangères. En déplacement à Washington avec Michel Sapin, nous avons rappelé que les besoins en matière de développement restent énormes. Ils nous contraignent à réfléchir autrement, à une autre échelle, dans une visée coopérative. Monsieur Mancel, vous proposez une sanctuarisation de l'aide publique au développement, mais elle ne permettrait pas, à elle seule, d'atteindre les objectifs de développement durable. Mieux vaut réfléchir à de nouveaux modèles.
Il n'y a pas à rougir de nos choix. Dans le domaine de la santé, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevra chaque année 360 millions d'euros jusqu'en 2016. Par ailleurs, les crédits d'intervention n'ayant pas à servir de variable d'ajustement budgétaire, ce sont les dépenses de personnel du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » qui sont abaissées de 2,1 % entre 2014 et 2015. Car les moyens d'action doivent être préservés.
Comme elle vous l'a expliqué, la directrice générale de l'Agence française de développement a rationalisé ses efforts et ses actions. Conformément à la loi de juillet 2014, l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) s'est constituée à partir de six agences préexistantes, en vue de mieux positionner notre assistance technique internationale, mais aussi nos entreprises. Sur le plan géographique, nous réduisons progressivement notre engagement en Afghanistan, tandis que, dans les grands pays émergents, les prêts de l'AFD ne sont plus consentis qu'à coût zéro pour l'État. Au cours de la programmation triennale, le soutien à la Banque asiatique sera également diminué de moitié. Les annulations de dettes diminuent elles aussi, mais il faut plutôt s'en réjouir, car cela témoigne d'une amélioration de la situation dans les pays concernés.
Ces efforts demandent de la méthode et de la détermination à agir en concertation et en coordination avec d'autres, en renforçant nos liens avec nos partenaires. Un tiers de l'aide publique au développement passe déjà par des financements multilatéraux. Mais nous baissons nos contributions à certaines organisations, telle la Banque asiatique, et nous nous retirons de l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).
Nous travaillons à améliorer l'effet levier. Le Fonds européen de développement a repris 30 % de nos priorités géographiques et 20 % de nos priorités thématiques, notamment sur le climat, dans son dixième programme ; elles seront renforcées dans le onzième. Le fonds Bêkou procède de la même démarche, tout comme les efforts de lutte contre Ebola, qui ne pourront être efficaces qu'à la condition d'être unis avec nos partenaires européens et coordonnés au niveau international.
Le financement du développement déborde le cadre de l'aide publique. Il sera à l'ordre du jour de la conférence des Nations unies prévue à Addis Abeba en juillet 2015, de laquelle devront émerger des solutions innovantes, tant il est vrai que le financement du développement durable en particulier s'annonce comme un vrai défi. Nous nous sommes engagés, notamment à Washington, en faveur d'un maintien de l'aide publique. Nous savons toutefois qu'elle ne constitue qu'un levier parmi d'autres.
Permettez-moi de répondre maintenant aux questions que vous avez posées.
La France a pris des mesures de lutte contre l'épidémie d'Ebola en deux temps. D'abord, vingt-quatre médecins ont été détachés, du matériel a été envoyé et un centre de traitement a été ouvert en Guinée forestière, tandis qu'un centre d'expertise à Conakry était mis en place en coopération avec l'Institut Pasteur, la France apportant également son soutien aux stratégies de santé des pays voisins de la Guinée. Ensuite, il y a quelques heures, l'ouverture de trois nouveaux centres a été annoncée, dont un pour les volontaires internationaux, certainement géré par l'armée. À Berlin, ce lundi, un accord de cofinancement a été trouvé avec l'Allemagne pour un deuxième centre, mais nous recherchons également la participation d'autres pays européens et de pays francophones.
L'aide européenne soutient également nos efforts en Guinée. À l'issue du dernier Conseil des ministres des affaires étrangères, l'Union européenne devrait organiser le système d'évacuation sanitaire pour les volontaires soignants internationaux, nommer un coordinateur pour mieux organiser les efforts de la Commission européenne et ceux des États membres et, enfin, améliorer la communication sur l'ensemble de ces opérations. Il nous est parfois reproché de faire moins que les États-Unis, alors que l'Union européenne, si tous ses efforts sont additionnés, fait davantage qu'eux en définitive.
Quant à la France, elle est non seulement très mobilisée en Guinée, mais aussi dans les pays voisins. Elle dépensera 70 millions d'euros, et sans doute davantage, peut-être 100 millions d'euros après les dernières annonces. Ce financement se décompose comme suit : à 50 %, il est constitué par la quote-part française aux efforts de l'Union européenne et de la Banque mondiale ; à 50 %, il provient du redéploiement de sommes liées aux contrats de désendettement et de développement (C2D) en Guinée, en Côte-d'Ivoire au Liberia. Je me suis moi-même rendue en Guinée pour signer un de ces contrats et témoigner la solidarité du gouvernement français à la population guinéenne. Je devrais y retourner prochainement.
Le rapport Faber a été remis il y a quelques mois, et nous partageons bon nombre de ses conclusions. Il préconise que l'aide publique au développement soit mieux ciblée et qu'elle soit portée par des acteurs économiques, ce qui est déjà le cas. L'Agence française de développement vient déjà en aide, via sa filiale PROPARCO, aux entreprises, et le fera de manière accrue en direction des petites entreprises, en particulier en Afrique. Le rapport plaide également pour une alliance avec la société civile : elle s'était dessinée aux assises du développement qui ont précédé la loi de juillet 2014 et a été prolongée dans le Conseil national du développement et de la solidarité internationale. Le rôle des femmes doit également être mieux pris en compte et renforcé ; il sera à l'ordre du jour du sommet de la francophonie à Dakar dans un mois. Nous aborderons aussi le problème de la formation professionnelle et de la jeunesse, mettant par ailleurs en avant l'agriculture familiale, telle que nous l'avons défendue à New York et à Washington. Enfin, le thème de la ville équitable et durable est également abordé dans le rapport Faber. Certaines villes sont déjà très engagées dans cette démarche. D'autres actions s'inspireront de ce rapport. Nous avons aussi recueilli et analysé les réactions des collectivités territoriales et des organisations non gouvernementales après sa lecture.
Dans le domaine de la santé, la France, préférant au saupoudrage un instrument unique, a fait le choix de concentrer ses efforts sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont elle est le deuxième contributeur grâce à ses versements de 360 millions d'euros par an jusqu'en 2016. Cela ne nous a malheureusement pas permis de prolonger l'ensemble du financement à l'Alliance GAVI, active dans le secteur de la vaccination, mais son existence n'en est du moins pas remise en cause.
L'innovation se met également au service de l'aide publique au développement. Il sera bientôt possible de faire des dons par SMS, tandis qu'une loterie solidaire devrait être lancée. Je ne souhaite pas que ces financements innovants comblent de nouvelles pertes de crédits budgétaires, même si nous avons le devoir de participer aux économies. J'espère plutôt qu'ils donneront des marges supplémentaires au budget de l'APD. D'une manière générale, nous recherchons pour elle des ressources stables et pérennes, car les besoins ne cessent de grandir en Afrique, du fait d'une démographie explosive, qui doit être aussi une chance pour ce continent et pour son partenaire français.