Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 29 octobre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

La mission budgétaire dont nous sommes saisis s’inscrit clairement dans la continuité de celle de l’an dernier et confirme les orientations fixées dans la loi de programmation militaire : nous pouvons vous en donner acte, monsieur le ministre, même s’il y a débat sur la baisse du budget, selon qu’on intègre ou non les recettes exceptionnelles.

On observe en effet le maintien des crédits à hauteur de 31,4 milliards d’euros, dont 2,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles qui devront impérativement être versés avant le 31 décembre 2015.

Cette mission budgétaire entretient l’idée que la France demeure une puissance globale, capable de remplir toutes les gammes de missions et en toutes circonstances. Cette continuité, monsieur le ministre, vous la revendiquez et, vous le savez, en quelque sorte nous la regrettons.

Vous la revendiquez et nous pourrions la saluer, car elle répond à une logique. Mais nous ne partageons pas les choix que ce budget traduit.

Nous les regrettons, parce que nous pensons que ces ambitions seront surtout virtuelles, car, de fait, nous n’en avons plus aujourd’hui les moyens. Nous pensons qu’il faut opérer des choix plus affirmés et plus en cohérence avec ce qu’affiche notre diplomatie.

Parmi ces choix, il en est un que nous appelons de nos voeux depuis très longtemps et qui se fait de plus en plus urgent : c’est celui du redimensionnement de notre dissuasion nucléaire, prélude selon nous à un désarmement nucléaire mondial et multilatéral. Sans revenir sur le débat philosophique, qui d’ailleurs pourrait permettre d’évacuer des questions plus concrètes, même si ce point nous oppose, nous voudrions nous en tenir à une analyse précise des coûts.

Cette année encore, notre dissuasion nucléaire coûtera plus de 3,5 milliards, ce qui représente 12 % de l’ensemble du budget de la défense mais un tiers des crédits d’équipement, soit, une augmentation de 11 points par rapport à l’année dernière – comme cela est indiqué à la page 340 du document budgétaire que vous nous avez communiqué, monsieur le ministre.

Dans les années qui viennent, la part des crédits affectés aux forces stratégiques augmentera mécaniquement sous l’effet de la rénovation de la composante océanique, des missiles et de nos systèmes de transmissions.

À terme, la menace est réelle que nos investissements dans le nucléaire militaire n’entraînent – en quelque sorte, par effet d’éviction – la dégradation de nos forces conventionnelles.

Cette analyse n’est pas l’apanage des écologistes ; elle est de plus en plus soutenue, dans les milieux civils et militaires, par des personnalités de droite comme de gauche.

Elle n’a qu’un objectif : préserver l’armée française d’un risque de rupture capacitaire qui guette dans certains domaines pourtant vitaux si nous voulons êtres cohérents avec nos choix diplomatiques.

La présidente de la commission de la défense a pris cette année l’initiative de rouvrir le débat sur ce sujet et je tiens ici à l’en remercier.

Nous devons désormais nous interroger sur nos investissements à long terme.

Je souhaite maintenant aborder un deuxième point : la dotation OPEX.

En commission, vous nous avez expliqué qu’il était dans l’intérêt du ministère et du budget de la défense que la dotation OPEX soit faible puisque, conformément à l’article 3 bis de la loi de programmation militaire, tout dépassement de ce budget est compensé par un financement interministériel.

Selon nous, c’est là un affichage et un pari un peu risqué compte tenu de l’état général des finances de l’État.

Enfin, troisième élément – sur lequel nous souhaiterions des évolutions : les ressources humaines.

Depuis maintenant sept ans, le ministère de la défense a engagé une forte réduction de ses effectifs et une réorganisation de ses ressources humaines qui doit permettre de rééquilibrer la pyramide hiérarchique, de fluidifier la chaîne de commandement et, il faut bien le dire, de maîtriser et de réduire la masse salariale – ce qui est d’ailleurs un peu le cas cette année à la différence des années précédentes malgré des réductions d’effectifs, résultat un peu absurde.

Nous savons combien cette manoeuvre est difficile à mettre en place et nous saluons la contribution extrêmement importante du ministère de la défense – la plus importante de tous, d’ailleurs – à l’objectif de réduction des déficits publics.

Cette année encore, la réduction des effectifs de la défense devrait représenter 7 500 emplois, soit, plus du double de l’ensemble des postes supprimés dans tout le reste de la fonction publique.

Nous pensons que nous devrions cibler davantage les catégories de personnels les plus élevées dans la hiérarchie – qui sont également les plus coûteuses – et dont les effectifs n’ont pas été réduits proportionnellement aux autres.

Cela serait bienvenu alors que le contexte est difficile pour les soldats en raison du scandale lié au logiciel de paie Louvois. Je salue néanmoins votre action en la matière, monsieur le ministre, même si le problème tarde a être réglé.

Pour le reste, votre budget comporte quelques bonnes nouvelles que je tiens à mentionner rapidement.

Je pense à plusieurs programmes d’équipement dans le domaine du transport, du ravitaillement en vol ou, encore, du combat en milieu hostile.

Je pense également à l’élévation de notre niveau d’exigence en matière d’entraînement et de maintien en condition opérationnelle.

Certes, ces mesures contribueront à préserver l’outil de défense mais nous conservons des divergences profondes sur les orientations à donner à ce budget.

C’est pourquoi les écologistes, comme les deux dernières années, voteront contre.

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