La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, cette année encore, votre gouvernement récidive en demandant la suppression de l’envoi à domicile des documents papier présentant les candidats aux élections régionales et départementales.
Maîtrise des coûts, meilleur impact environnemental, nécessaire modernisation de nos administrations : soit ! Sur le papier – si j’ose dire… – vos intentions sont louables !
Mais, en réalité, votre soi-disant choc de simplification rime avec abandon d’une partie de la population. En effet, cette mesure est une véritable atteinte à la démocratie, notamment pour les personnes âgées, pour nos concitoyens les plus modestes ou ceux ayant des difficultés à se déplacer.
Comment ne pas voir qu’il existe encore, dans notre pays, une fracture numérique doublée d’une fracture générationnelle ? Plus de 20 % des Français n’ont toujours pas accès à Internet. Une large majorité d’entre eux n’ont souvent pas la possibilité de se rendre en mairie ou en préfecture, et devront dans ces conditions y aller deux fois, une fois pour se renseigner et une autre pour voter.
Alors, est-ce vraiment le moment, monsieur le Premier ministre ? Les régionales se dérouleront en plein hiver, les cantons seront redécoupés, des binômes de candidats feront leur apparition : même les plus initiés en perdront leur latin.
C’est pourquoi, pour assurer une égalité d’accès à l’information électorale, le numérique doit être utilisé en complément du papier, pas en substitution à ce dernier.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
N’allez pas trop vite, d’autant que, en commission des finances, une partie de votre majorité vient de voter notre amendement relatif à l’abandon de cette mesure. Ferez-vous preuve de la même sagesse, monsieur le Premier ministre ?
Certes, l’envoi des plis a un coût, mais c’est le prix de la démocratie. Je n’ose croire que sa suppression soit une stratégie en faveur de l’abstention.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Monsieur le député Olivier Dassault, votre question porte sur les conditions dans lesquelles seront acheminés les éléments de propagande électorale pour les prochaines élections, en raison, notamment, de la décision qui a été prise de dématérialiser cette propagande, par souci de modernisation et aussi – il faut le dire – d’économie.
En effet, la dématérialisation de la propagande électorale pour les élections départementales et régionales en 2015 représenterait une économie de 131 millions d’euros, dans un contexte où votre parti considère qu’il faudrait faire trois fois plus d’économies que ce que le Gouvernement réalise. Il faut donc bien trouver ces économies quelque part et les documenter.
Je voudrais toutefois apporter quelques précisions en réponse aux arguments que vous avez développés.
Premièrement, dans la plupart des pays de l’Union européenne, la dématérialisation de la propagande électorale a été réalisée depuis de nombreuses années sans que, pour autant, l’information et le taux de participation aux élections ne s’en trouvent affectés.
Deuxièmement, vous avez déposé un amendement de suppression en commission. À l’occasion du débat qui aura lieu à l’Assemblée nationale sur les questions budgétaires, le Gouvernement entendra l’ensemble des arguments et se positionnera sur le sujet. En tout état de cause, même si cet amendement devait être adopté, il serait possible de continuer à acheminer la propagande électorale par voie postale tout en mettant en oeuvre concomitamment une communication par internet, ce qui permettrait d’engager une expérimentation et de tester cette mesure, en vue de sa généralisation ultérieure.
La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, l’un des chantiers majeurs du quinquennat est la réforme territoriale, engagée ce printemps. Dès 1982, avec l’acte I de la décentralisation, la gauche a porté une ambition forte pour les territoires et la démocratie locale.
Comme l’affirmait avec justesse François Mitterrand : « la France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. »
Hier, au Sénat, vous avez rappelé les grands principes qui président à la réforme territoriale défendue par votre gouvernement, en apportant des précisions sur les points encore en débat. Les échanges avec les élus locaux, les grandes associations et les parlementaires ont enrichi la vision de notre majorité. Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé avec force vos convictions. Vous avez rappelé avec courage la nécessité d’une réforme sans cesse repoussée et que nous avons la ferme intention de voir aboutir au plus vite.
Vous vous êtes déclaré attaché à la carte à treize régions, adoptée en première lecture par notre assemblée. Vous avez souligné la nécessité de procéder à de nouveaux transferts de compétences, pour une action publique plus efficace et des responsabilités mieux identifiées par les Français.
Sur l’avenir des départements, vous avez indiqué la nécessité d’examiner la manière dont les nouvelles articulations avec les régions et les intercommunalités se mettront en place. Sur cette base, les évolutions pertinentes pourront être engagées à compter de 2020.
Enfin, vous avez rappelé la nécessité de prendre en compte les spécificités locales, notamment celles des territoires ruraux et des territoires de montagne. La France n’est pas uniforme ; elle est une mosaïque féconde et complexe de territoires que la réforme renforcera. Pouvez-vous nous rappeler quels sont les objectifs que le Gouvernement entend poursuivre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député Hugues Fourage, invité par le président Larcher, j’ai eu l’occasion de préciser hier devant les sénateurs, qui entamaient la lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, défendu par Bernard Cazeneuve, le sens et la cohérence de la réforme territoriale. Nous avons besoin de clarté, de lisibilité, de solidarité, d’efficacité et de proximité.
Il nous faut créer de grandes régions, fortes de compétences élargies, efficaces dans le domaine économique et dans celui de l’aménagement du territoire, pourvues des moyens et de la fiscalité nécessaires pour mettre en oeuvre ces compétences.
J’ai indiqué que j’écouterai, bien entendu, les sénateurs mais que la carte adoptée en juillet par les députés, à une large majorité, est porteuse d’un équilibre qu’il me paraît nécessaire de préserver.
J’ai rappelé le rôle important des métropoles, qui se mettront en place dès le 1er janvier, ainsi que celui de l’intercommunalité, qu’il faut encore renforcer, tout en l’adaptant à la réalité du pays. Devant le congrès des élus de la montagne, Mme Frédérique Massat en témoignera, j’ai souligné la nécessité d’adapter le seuil des 20 000 habitants, en tenant compte de la densité des territoires. Nous pouvons faire preuve de pragmatisme et aboutir à un accord intelligent. J’ai rappelé également le rôle du maire et du couple intercommunalité-communes.
J’ai ouvert le débat sur les départements, tenant compte des discussions qui animent les deux chambres et de mes rencontres avec différentes associations d’élus. Nous devons trouver une solution pragmatique qui préserve ce niveau de collectivité territoriale, et prépare en même temps un mouvement, une évolution.
Il nous faut trouver un accord. Je ne parle pas d’un consensus, mais d’un chemin entre l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions et du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, lequel sera présenté par Marylise Lebranchu et André Vallini à la fin de l’année au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, et dont votre collègue Olivier Dussopt sera le rapporteur.
Je pense que nous pouvons trouver un accord intelligent. Les parlementaires joueront tout leur rôle, aussi bien les membres de la majorité que ceux de l’opposition. Cette réforme poursuit des objectifs que nous partageons tous : clarté, lisibilité, efficacité des politiques publiques locales, baisse de la dépense publique, proximité et démocratie locale. Si nous nous retrouvons autour de ces sujets, alors nous pourrons avancer et être utiles. Je suis convaincu que cette réforme, qui commence avec la nouvelle carte des régions, sera utile au pays. Tout ce qui avait été demandé et jamais entrepris le sera enfin, notamment grâce à cette majorité, grâce à l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Réforme territoriale
La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, je viens de vous entendre et j’avoue qu’après cette intervention et celle que vous avez faite devant le Sénat, je ne vois toujours pas où nous allons ! C’est la confusion la plus totale !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Il y a là un problème de méthode ! Vous l’aviez d’ailleurs reconnu, quand vous aviez commencé à redécouper les cantons sans avoir encore précisé à quoi allaient servir les conseils généraux. Il est tout de même paradoxal et invraisemblable que nous travaillions à redécouper les régions, avant même de savoir quel rôle nous allons leur confier !
La même confusion règne sur la question des départements. Vous avez confirmé que les élections se tiendraient les 22 et 29 mars. Nous ne savons toujours pas quelles seront les compétences des départements. Nous ne savons même pas s’ils continueront d’exister !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Vous aviez annoncé leur suppression, puis une simplification. Il existe maintenant trois catégories de départements et nous allons mener campagne sans savoir dans quelle catégorie se situe notre département : celle des départements supprimés, celle des départements maintenus – puisque M. Baylet, paraît-il, a bien travaillé ! – et celles des départements fondus dans des dispositifs.
Mêmes mouvements.
Avouez avec moi que faire campagne sans savoir quelles compétences il faudra assumer une fois élu, c’est du jamais vu dans la Ve République !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Où est la simplification dans tout cela ? Où sont les économies ? Cela ne nous dispense pas d’un programme, accompagné d’une étude d’impact digne de ce nom ! Il est urgent de clarifier les blocs de compétences.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : pourrons-nous connaître, avant les élections, les compétences qui seront confiées à chaque échelon ? Sans cela, comment faire campagne ? Nous allons vous adresser un carton rouge !
Pour ajouter à la confusion, vous avez pris la décision de ne plus adresser de professions de foi et de bulletins de vote en version papier, alors que tous les cantons ont été redécoupés et que nous ne savons même pas dans quelle circonscription beaucoup de nos compatriotes se retrouveront ! C’est un scandale !
Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le président François Sauvadet, vous auriez dû regarder – peut-être l’avez-vous fait ? – mon intervention devant le Sénat
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
et le débat, intéressant, qui s’en est suivi, nous donnant l’occasion d’aborder, en quelques heures, un certain nombre de questions de fond.
Lorsque l’on fait le bilan de trente années de décentralisation, en dépit d’avancées incontestables, portées la plupart du temps par la gauche (Protestations sur les bancs du groupe UMP) – même si, je l’ai rappelé hier, les principes de la décentralisation ont été introduits dans la Constitution sous le mandat de Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin étant Premier ministre –, on se retrouve face à un mille-feuille illisible. Celui des collectivités locales, dont on parle beaucoup, mais aussi celui que vivent nos concitoyens, tant il est vrai que les fractures existent, entre territoires urbains et ruraux, et au sein même de ces territoires. Alors, quelle est la bonne réponse ?
Il y a consensus sur la nécessité d’avancer sur les grandes régions…
…et, contrairement à tous les pronostics, consensus sur une douzaine de régions hexagonales.
Leurs compétences, qui seront définies par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – je me suis exprimé à ce sujet devant les présidents de région –, conféreront à notre pays une force indispensable sur le plan économique, dans les domaines de la formation, de l’emploi, de l’aménagement du territoire et de la transition énergétique. Des propositions semblables ont été avancées par Édouard Balladur ou par Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, auteurs d’un rapport sénatorial, mais rien n’a jamais été fait. Pardon de vous le dire, ce sont cette majorité et ce gouvernement qui lancent cette réforme importante !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Chacun s’accorde à dire qu’il faut de grandes métropoles : la loi « métropoles », proposée par le gouvernement de mon prédécesseur, sera mise en oeuvre à partir du 1er janvier. L’intercommunalité, fruit d’une majorité de gauche également, doit voir ses responsabilités renforcées : nous devons gagner en lisibilité, en tenant compte des territoires.
Reste la question, qui n’est pas négligeable, des conseils généraux. Là encore, le débat au Parlement doit permettre d’avancer, en tenant compte de ce qui a été dit par les uns et les autres.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Une première lecture au Sénat aura lieu au mois de décembre, suivie d’une lecture à l’Assemblée nationale au début de l’année 2015. Cette navette nous permettra d’être au clair sur les compétences des collectivités. Les conseils généraux doivent garder des compétences en termes de cohésion, de solidarité territoriale et d’ingénierie vis-à-vis des communes.
Nous pouvons nous mettre d’accord sur ces principes clairs, lorsque le texte aura été examiné par les deux chambres. (« Bla-bla ! sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Plutôt que les invectives que j’entends, et qui ne m’émeuvent pas, ce qui compte, c’est que nous avancions tous ensemble, Parlement et Gouvernement, majorité et opposition, sur un texte attendu, par les élus certes, mais aussi par les habitants, qui souhaitent de l’efficacité, de la solidarité et de la proximité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est cela que nous devons retenir. Au-delà des cris que j’entends à droite, je suis convaincu que nous pouvons avancer, au service de l’intérêt général !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. François André, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, depuis juin 2012, la jeunesse est redevenue une priorité nationale. Pour cette raison, et bien que le Gouvernement ait pris la responsabilité de conduire le redressement de nos comptes publics, il a engagé une politique volontariste en faveur de nos jeunes. Nous devons tous nous en féliciter et souhaiter sa réussite. C’est pourquoi, dans l’esprit des grandes lois d’éducation votées en 2013, le Gouvernement a mis en place la réforme des rythmes scolaires.
Un très large accord existe quant aux bienfaits de la répartition sur neuf demi-journées des enseignements scolaires qui permet aux enfants de mieux intégrer les savoirs élémentaires.
L’égalité des chances étant à la base de la politique menée par le Gouvernement, il a été décidé que des activités périscolaires seraient organisées par les communes pour chaque enfant.
Conscient du coût nouveau que cela représentait, le Gouvernement a décidé de créer un fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires afin d’aider les communes à hauteur de 50 euros par élève scolarisé et jusqu’à 90 euros pour les communes confrontées à d’importantes difficultés.
Monsieur le Premier ministre l’a annoncé hier, le Gouvernement soutiendra la proposition des députés de la majorité de maintenir l’an prochain la majoration ainsi que l’attribution du montant forfaitaire pour les communes qui mettent en place un projet éducatif territorial.
Ce signal positif illustre une nouvelle fois la volonté d’accompagner les acteurs locaux, de renforcer et de garantir la qualité des activités périscolaires dans le cadre d’un projet global au service des enfants.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser les modalités d’attribution du fonds d’amorçage à la rentrée prochaine et, ainsi, réaffirmer l’engagement du Gouvernement en faveur d’une éducation diversifiée de qualité pour nos enfants ?
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, la réforme des rythmes scolaires est désormais généralisée et les quelques conflits isolés de la rentrée derrière nous. Je veux en remercier et en féliciter toutes les équipes éducatives et l’ensemble des maires qui, sur le terrain, en construisant progressivement le périscolaire, permettent d’offrir les meilleures conditions d’apprentissage et de construction personnelle aux enfants parce que, en effet, l’enjeu est bien là.
Lorsque nous avons engagé cette réforme des rythmes scolaires, nous avons décidé d’accompagner les communes grâce à un fonds d’amorçage des rythmes scolaires qui s’élève, pour cette année 2014-2015, à 400 millions d’euros. Cette aide permettra aux territoires de répondre à une véritable exigence de qualité.
Vous avez souhaité, contrairement à ce que nous avions prévu dans un premier temps, que cette aide puisse être maintenue pour l’année 2015-2016…
…à un même montant, bien que certaines communes ne jouent pas le jeu et qu’il ne soit pas particulièrement vertueux de verser de l’argent public, lorsqu’il est compté, à des communes qui se refusent à organiser les activités périscolaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je remercie le Premier ministre d’avoir accepté, au terme d’un dialogue constructif que nous avons noué avec les élus, les associations d’élus, les fédérations de parents d’élèves, que ce fonds d’amorçage puisse être maintenu durant l’année 2015-2016. En revanche, il sera conditionné, pour les communes, à la signature d’un plan éducatif territorial, gage de la qualité du périscolaire mis en oeuvre sur le terrain.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Cette démarche partenariale devrait garantir le fait que, partout sur le territoire, les communes qui souhaitent continuer à être aidées par l’État mettent en place un périscolaire pour les enfants qui leur permette de mener un projet éducatif de qualité avant, pendant et après l’école. C’était toute l’ambition de la réforme des rythmes scolaires. Nous la maintenons.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la priorité du Président de la République, notre priorité, c’est l’emploi. Depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons institué de nombreux dispositifs pour combattre le chômage, comme les emplois d’avenir ou les contrats de génération. Nous avons largement atteint l’objectif des 150 000 emplois d’avenir et de nouvelles mesures ont été adoptées pour intensifier l’effort en faveur des contrats de génération.
Aujourd’hui, nous réaffirmons ce choix. Pendant le débat en commission du budget 2015, les députés socialistes ont déposé et adopté un amendement pour créer 50 000 emplois aidés supplémentaires, soit 15 000 emplois d’avenir et 35 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi.
Chers collègues, pour tous les Français en difficulté, au chômage, avec ou sans formation, pour tous ceux qui se sont éloignés de l’emploi, pour leurs familles, 50 000 emplois en plus, cela signifie beaucoup. Nous devons nous battre et c’est pour cette raison que les députés socialistes ont voté cet amendement et qu’ils l’adopteront définitivement lundi prochain dans l’hémicycle.
Monsieur le ministre, nous refusons de nous résigner face au chômage. La lutte pour le travail et l’emploi est au coeur même du quinquennat de François Hollande. L’amendement du groupe socialiste pour plus d’emplois aidés est la preuve que nous continuerons toujours à lutter pour gagner ce combat.
Aussi, Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures que le Gouvernement compte prendre pour intensifier l’accompagnement des Français au chômage et leur permettre de retrouver un emploi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la députée, le Gouvernement ne se résigne pas plus que vous à voir autant de personnes sans travail dans notre pays. Ces hommes et ces femmes méritent que nous nous engagions sans faillir pour lutter contre le fléau du chômage qui, malheureusement, n’est pas nouveau, puisqu’il perdure depuis plus de trente ans. Ainsi, l’industrie n’a pas connu de création nette d’emploi depuis 2001 et que, depuis 2008, on détruit l’emploi dans le secteur de la construction.
Le Gouvernement se bat sur deux fronts. Il redonne tout d’abord des marges de compétitivité aux entreprises à travers le pacte de responsabilité et de solidarité. C’est ainsi que, dans le cadre du CICE, nous avons réuni l’ensemble des branches pour les inciter à obtenir des avancées par la négociation. Des accords ont été signés dans le secteur de la chimie, de la métallurgie, des banques. Il en sera de même demain, j’en suis certain, dans celui des assurances.
Bien évidemment, en matière de politique de l’emploi, nous faisons feu de tout bois. Nous avons ainsi développé, à compter du 1er octobre, les droits rechargeables, forme d’incitation à reprendre un emploi, et mis en oeuvre le « plan seniors », accompagnement renforcé de ceux qui sont au chômage depuis longtemps.
Par ailleurs, 150 000 emplois d’avenir, conformément à l’engagement du Président de la République, ont été prescrits et nous permettront aujourd’hui de maîtriser le chômage des plus jeunes.
C’est pourquoi je remercie le groupe SRC d’avoir déposé et voté en commission un amendement qui vise à créer 50 000 emplois supplémentaires. Je l’interprète comme un encouragement et un soutien à la politique du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de la défense, si le devoir d’un soldat est de mener à bien sa mission, la responsabilité qui incombe à tout gouvernement digne de ce nom est de lui octroyer les moyens qui lui sont nécessaires pour l’accomplir. Or, force est de constater que votre budget pour 2015 n’est pas à la hauteur de l’engagement que vous exigez de nos forces armées. Pire encore, les recettes exceptionnelles attendues pour le financer ne seront pas au rendez-vous. Impasse budgétaire et budget insincère : voilà la réalité de votre budget pour 2015 !
La situation financière est si grave que vous êtes sur le point de louer à une société de droit privé l’équipement nécessaire à nos armées. Aucun gouvernement de la République n’a jamais mis en oeuvre une telle mesure, compte tenu de ses multiples conséquences. Avouez donc, monsieur le ministre de la défense, que vous êtes en échec, tout comme le ministre du travail.
Nos armées, à qui vous demandez toujours plus, n’ont en effet jamais eu à subir une telle cure d’austérité, contrairement à d’autres budgets qui vous sont prioritaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je ne citerai que quelques exemples. La suppression du jour de carence pour la fonction publique coûtera 500 millions d’euros par an alors que, dans le même temps, nos militaires n’ont pas assez de crédits pour s’entraîner au niveau des normes OTAN.
Le Gouvernement a augmenté de près de 80 millions d’euros le budget de l’aide médicale d’État pour soigner gratuitement les étrangers en situation irrégulière,
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC
alors que nos soldats sont trop souvent logés dans des conditions inacceptables.
Enfin, dois-je vous rappeler que le Gouvernement a décidé de recruter 60 000 fonctionnaires supplémentaires pour le compte du ministère de l’éducation nationale,…
… 60 000 postes que la Cour des comptes elle-même juge inutiles, alors que dans le même temps vous exigez de nos armées la suppression de près de 34 000 postes !
Monsieur le ministre de la défense, l’art de l’autosatisfaction ne fait pas une bonne politique. Face aux dangers qui menacent notre nation, exigez enfin de ce gouvernement et de François Hollande que nos armées disposent d’un budget à la hauteur de l’engagement qui leur est demandé, avant qu’il ne soit trop tard.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Philippe Meunier, le budget de la défense pour 2015, s’il est validé par le Parlement, s’élèvera à 31,4 milliards d’euros.
Il sera donc au même niveau que ceux de 2014 et de 2013, ainsi que celui de 2012, que vous aviez voté.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Puisque vous vous êtes quelque peu exprimé sur le ton de l’invective, monsieur Meunier, permettez-moi de vous redonner des informations qu’il me semble vous avoir déjà fournies en commission, afin que l’Assemblée soit bien informée. Le budget pour 2015 prévoit davantage d’acquisitions capacitaires pour nos armées – près de 1 milliard de plus en moyenne par rapport à la loi de programmation militaire antérieure.
Il prévoit également le lancement du programme de cybersécurité, qui n’avait pas auparavant été mis en oeuvre. Il prévoit davantage de forces spéciales – chacun sait combien elles peuvent être utiles sur les théâtres d’aujourd’hui. Il accorde la priorité au renseignement et prévoit enfin l’acquisition des drones dont nous avions besoin, ainsi que le lancement du satellite de renseignement électromagnétique, qui avait été retardé.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.
Le budget de la défense pour 2015 prévoit également la progression des crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle – crédits qui avaient été jusqu’alors affectés à d’autres tâches, ce pour quoi le moral de nos forces manquait parfois d’assurance.
Il prévoit de commencer la rénovation du programme de ravitaillement en vol, que mes prédécesseurs avaient négligé. Enfin, il prévoit le lancement du programme Scorpion dans l’armée de terre.
Le budget de la défense pour 2015 est celui d’une armée qui se modernise et qui permet à la France d’assurer sa sécurité et ses responsabilités internationales !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous aviez annoncé la création de 1 000 postes dans les universités, madame Fioraso. Mais comment voulez-vous qu’elles recrutent lorsqu’elles peinent à chauffer les amphithéâtres, comme j’ai pu le constater à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, ou encore à Nantes, où il n’y a pas assez de laboratoires de travaux pratiques pour tous les étudiants ?
Parallèlement, l’Agence nationale pour la recherche investit dans des matériels performants comme des spectrophotomètres de masse et des télescopes, mais il n’y a plus assez de techniciens et d’ingénieurs pour les faire fonctionner.
Nous avons certes des lauréats de prix Nobel et de médailles Fields – qui sont le résultat des politiques volontaristes conduites dans le passé. Nous avons surtout des enseignants-chercheurs qui ont reçu des médailles de bronze, d’argent et d’or du CNRS, et qui perdent jusqu’à 80 % de leur temps à trouver des financements au lieu de le consacrer à enrichir nos connaissances.
L’argent est disponible ; il est attribué au crédit impôt recherche. La Cour des comptes a conclu qu’il s’agit d’une niche fiscale inefficace. Nous pourrions en faire un outil au service des PME, par exemple en le plafonnant pour limiter l’effet d’aubaine en faveur des multinationales. Les élus socialistes le réclamaient jusqu’en 2012 ; c’est ce que nous continuons d’exiger depuis.
Aujourd’hui, nous finançons la recherche privée quelle qu’elle soit, tandis que les priorités fixées par votre ministère restreignent la recherche publique à la recherche appliquée. C’est l’inverse qu’il faudrait faire !
Vous l’aurez compris, mon groupe et moi-même sommes excédés de voir comment l’enseignement supérieur et la recherche sont considérés dans notre pays – mais pas davantage que les 50 000 travailleurs précaires de ce secteur ou les 700 directeurs d’unité de recherche qui risquent de démissionner administrativement !
Nous nous acheminons rapidement vers un blocage complet. Qu’attendez-vous pour réagir ? Que plus aucun prix Nobel ne soit attribué à des Français ? Voilà la situation de l’enseignement supérieur et de la recherche dans notre pays aujourd’hui, et voilà les questions qui attendent aujourd’hui des réponses – et des actes – de votre part !
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, UDI et UMP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Isabelle Attard, je vous rappellerai tout d’abord que les effectifs de recherche comprennent les chercheurs, mais aussi ceux qui exercent dans leur environnement, qu’il s’agisse des ingénieurs, des techniciens ou des personnels administratifs, que vous aviez oubliés. Ce sont eux qui sont chargés d’aller chercher les crédits, et non les chercheurs. Or, ces effectifs ne cessent d’augmenter depuis cinq ans, et singulièrement depuis deux ans. De même, le budget de l’enseignement supérieur et celui de la recherche ont été sanctuarisés, dans une période où, pourtant, les dépenses publiques – surtout celles qui obèrent le plus l’avenir des jeunes générations – doivent être réduites. Vous le voyez, le Gouvernement a fait de ce domaine une priorité !
Avec 8,8 chercheurs pour 1 000 actifs, la France se situe devant l’Allemagne et devant le Royaume-Uni pour ce qui concerne le nombre de chercheurs. La situation n’est donc pas celle que vous décrivez.
Si aujourd’hui nous éprouvons en effet des difficultés dans certains domaines, c’est à cause de la précarité engendrée au cours du quinquennat précédent,
Murmures sur les bancs du groupe UMP
avec des appels d’offres frénétiques qui ont abouti à la multiplication des contrats à durée déterminée dans les laboratoires publics. Nous sommes désormais obligés de résorber cette précarité à moyens constants, et nous le faisons courageusement !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous avons également lancé mille embauches dans les universités. Ces embauches ont lieu, madame Attard : je tiens à votre disposition la liste de l’ensemble de ces emplois, qui sont fléchés vers l’insertion de jeunes, notamment ceux qui proviennent des milieux les plus défavorisés.
En clair, madame la députée, nous voulons investir dans la recherche et dans l’avenir des jeunes générations et préserver l’attractivité de la recherche, et nous avons pris toutes les mesures pour y parvenir !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, à New York comme à Ottawa, à Bruxelles comme à Toulouse, un ennemi nous fait la guerre. Cet ennemi, c’est l’islamisme radical armé, le djihadisme, qui veut affaiblir par la terreur la plus barbare nos sociétés démocratiques.
La France est menacée car nous incarnons la liberté, l’égalité entre les femmes et les hommes, la laïcité : tout ce que cet ennemi veut détruire.
Face à la menace, nous avons le devoir de rassembler la communauté nationale et nous avons aussi un devoir d’unité, de vérité et d’efficacité. C’est pourquoi le groupe UMP votera ce soir le projet de loi qui permettra de renforcer les armes de l’État de droit contre le djihadisme sur internet.
Mais nous vous appelons aussi, monsieur le Premier ministre, à renforcer l’effort national contre ce fléau qu’est la radicalisation islamiste dans les prisons. Il faut regarder la réalité en face : les 189 établissements pénitentiaires de notre pays accueillent environ 40 000 détenus qui peuvent être considérés comme de religion ou de culture musulmane, et parmi eux plusieurs centaines sont susceptibles de basculer dans la radicalisation, d’autant que 53 djihadistes, de retour de la zone irako-syrienne, sont actuellement détenus dans les maisons d’arrêt. Il faut anticiper l’incarcération des détenus venant de cette zone.
Monsieur le Premier ministre, nous vous avons fait des propositions sérieuses, réfléchies, raisonnables. Nous vous demandons de les examiner sérieusement et sans parti pris.
Monsieur le Premier ministre, il y a urgence, oui, il y a urgence, à mieux protéger la communauté nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs des groupes UDI et RRDP.
Monsieur le député Guillaume Larrivé, malgré les imprécisions que contient votre question, elle m’offre l’opportunité de présenter une nouvelle fois aux parlementaires l’action que conduit le Gouvernement contre la radicalisation violente dans les prisons.
Cette action se situe sur plusieurs plans. En juin 2012, nous avons renforcé le renseignement pénitentiaire. En juin 2013, dans le cadre du plan de sécurisation des prisons, doté de 33 millions d’euros, nous avons créé de nouveaux emplois, renouvelé la formation initiale et continue et réorganisé l’ensemble du dispositif territorial.
Nos équipes pénitentiaires participent à l’Unité de coordination de lutte anti-terroriste, l’UCLAT, ainsi qu’aux états-majors de sécurité et au réseau européen RAN, pour Radicalisation Awareness Network.
Le renseignement pénitentiaire suit un certain nombre de prévenus et de détenus pour cinq motifs, parmi lesquels la criminalité organisée, le terrorisme et le trafic de stupéfiants.
Huit cents personnes sont ainsi suivies, dont 200 pour terrorisme. Sur ces 200 personnes, 134 relèvent de la radicalisation violente, dont 22 ont des antécédents carcéraux, soit 17 %. Cela signifie que les prisons ne sont pas le seul lieu de radicalisation violente et que l’action du Gouvernement doit être étendue.
En avril 2014, avec le ministère des affaires étrangères, le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice, nous avons lancé un plan d’action commun qui comprend notamment l’ouverture d’une plateforme téléphonique et numérique permettant aux familles de signaler des situations de risque. Nous avons, conjointement avec le ministère de l’intérieur, rédigé une circulaire et défini un certain nombre d’actions.
C’est une responsabilité que nous prenons très au sérieux car elle concerne la sécurité des Français. Nous ne ménageons pas nos efforts. Nous sommes attentifs à vos suggestions mais nous évitons la facilité qui consiste à faire des amalgames.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il y a un an, deux journalistes de Radio-France Internationale, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, étaient sauvagement assassinés à Kidal, au Mali. En leur hommage, l’Organisation des Nations Unies a décrété que le 2 novembre serait la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes.
Répondant à une question que je vous posais il y a un an, monsieur le ministre des affaires étrangères, vous vous étiez engagé à ce que les auteurs de ce crime abominable soient « rattrapés et châtiés ». Finalement, une information judiciaire était ouverte en avril dernier. Les investigations des trois juges d’instruction du Pôle anti-terroriste de Paris semblent avancer. Le chef des ravisseurs aurait été identifié : il s’agirait d’un narcotrafiquant lié à Aqmi.
Monsieur le ministre, où en est l’enquête ? Quelles nouvelles informations pouvez-vous nous fournir sur les circonstances de l’enlèvement et de l’exécution de Ghislaine Dupont et Claude Verlon ?
Les responsables de ce double assassinat doivent être arrêtés et traduits en justice. Nous avons collectivement un devoir de vérité à l’égard des familles des deux victimes.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, dimanche prochain cela fera exactement un an que les deux journalistes ont été assassinés. Vous vous rappelez, comme moi, l’émotion que leur mort avait provoquée, à la fois du fait de leur personnalité, car ils étaient tous deux très appréciés, et du fait qu’ils étaient des journalistes.
Depuis lors, comme vous l’avez rappelé, la décision a été prise aux Nations Unies, à la demande de la France, de faire du 2 novembre la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes.
S’agissant de l’enquête, dès le mois de novembre dernier une instruction a été ouverte par le parquet de Paris. La justice française coopère activement avec les autorités maliennes et nous faisons en sorte que les magistrats et les enquêteurs français puissent se rendre sur place. Je suis en mesure de vous confirmer que l’enquête est entrée dans une phase décisive. Nous avons bon espoir que les juges puissent obtenir rapidement tous les éléments susceptibles de nous permettre d’arrêter les coupables.
En outre, les accords d’Alger, qui sont en cours de discussion entre Bamako et les groupes du nord, devraient faciliter l’avancée de l’enquête. Pour des raisons évidentes, je ne puis en dire davantage devant vous, mais je puis vous confirmer qu’il existe un espoir très ferme et que notre détermination est sans faille, aux côtés des familles et des journalistes de RFI.
Je le disais déjà l’année dernière, mais je le redis aujourd’hui avec plus de certitude : l’assassinat de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon ne restera pas impuni.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Vous ne pouvez pas l’ignorer, monsieur le Premier ministre, la France ne va pas bien. Le chômage explose et tous les comptes sont au rouge. Surtout, les Français n’ont plus confiance. Pendant ce temps-là, nous consacrons notre énergie à des réformes dont le bien-fondé reste à démontrer et qui ne déboucheront certainement pas sur des économies.
Il en est ainsi de la réforme ou plutôt des réformes territoriales. Qu’est-il advenu du grand projet de big-bang promis par le candidat François Hollande ? Vous avez supprimé le conseiller territorial au seul motif qu’il avait été élaboré par vos prédécesseurs.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Il s’agissait pourtant d’une vraie simplification du mille-feuille administratif dont résultaient des économies. Les propositions que vous avez retenues ont abouti à la division des Français, à leur incompréhension totale de la finalité des nouveaux charcutages électoraux et à la ferme conviction qu’ils y perdront en termes de proximité et de représentation, dans les territoires ruraux en particulier.
Peut-être voterons-nous au printemps prochain pour des conseillers départementaux dont nul ne sait les missions ni s’ils existeront encore dans quelques années voire quelques mois. Enfin, cerise sur le gâteau, alors que le nouveau découpage présenté hier au Sénat devait être l’occasion de mettre en perspective la réforme territoriale, vous avez maintenu le redécoupage pur et simple des régions, …
…avant même de savoir ce qu’elles feront et, surtout, avec quels moyens, compte tenu des coupes franches que vous avez déjà opérées au détriment de nos collectivités ! Pire, vous avez mis le feu à l’Alsace, à Midi-Pyrénées, au Languedoc-Roussillon, au Pas-de-Calais !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Partout, les populations s’émeuvent de ne pas avoir été consultées ! Le choix du référendum aurait sans doute été bien plus opportun. Quand énoncerez-vous un message clair, ce qui tout à l’heure encore n’a pas été le cas, sur l’avenir des départements, les compétences régionales et les économies que vous affirmez être à même de réaliser ? Plus précisément, ne pensez-vous pas qu’il serait plus utile de consacrer votre énergie et celle de nos assemblées au redressement économique du pays et à la lutte contre le chômage ? Si vous en doutez, je vous fais une confidence : les Français en sont persuadés !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Un premier texte a été voté à l’issue d’un débat très intéressant mené ici-même tenant compte des situations extrêmement difficiles qui prévalent dans nos métropoles. Comme nous voulions absolument qu’elles participent au redressement de la France, le gouvernement Ayrault a adapté le texte pour Marseille, Paris, Lyon et d’autres grandes villes de France. Une étude extrêmement intéressante de l’OCDE portant sur Marseille, où elle a réuni l’an dernier maires et ministres de plus de vingt pays, a montré que la métropolisation entraîne le développement de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et permet donc de lutter contre tout ce qui entrave l’action économique de notre pays.
Nous sommes fiers du texte mais nous ne sommes pas au bout du chemin. Hier, M. le Premier ministre a répondu favorablement au président Larcher qui l’invitait à mener un grand débat sur la suite à donner au texte en matière de renforcement des compétences des régions et de développement économique. C’est tout naturellement que nous en sommes venus, comme ici d’ailleurs au cours de longues soirées, à la question des départements. Pour en dire quoi ?
Rires sur les bancs du groupe UMP.
Une chose très simple. MM. Fillon, Copé et bien d’autres encore ont soulevé ici et ailleurs la question des départements de France. La réponse formulée hier soir par M. le Premier ministre est double. Nous sommes sûrs des progrès de l’intercommunalité et de la suppression des syndicats locaux en vue de gagner des marges de manoeuvre.
Il reste à discuter ensemble de la solidarité envers les individus et entre les territoires. Tel est le débat qui nous attend.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, il y a deux mois, une étude réalisée par un institut indépendant pour le compte du ministère allemand des finances a montré que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières à partir des propositions de la Commission européenne rapporterait entre 18 et 29 milliards d’euros à la seule Allemagne, soit bien davantage que les estimations de la Commission. La semaine dernière, une étude similaire a été réalisée au sujet de la France par un cabinet. Il en ressort que la mise en oeuvre de la taxe sur les transactions financières rapporterait à notre pays entre 10 et 24 milliards d’euros par an, soit davantage que le montant des coupes budgétaires que vous imposerez en 2015, monsieur le Premier ministre !
Les États ont tout intérêt à accélérer la mise en place d’une telle taxe dans les conditions définies à Bruxelles par onze d’entre eux au mois de février dernier. Pourtant, le sujet n’a pas même été évoqué lors du dernier conseil européen des ministres de l’économie. La France traîne les pieds et le Gouvernement se garde bien de commander la moindre étude indépendante ! Les établissements bancaires, en particulier la BNP et la Société générale qui sont en pointe sur les marchés dérivés spéculatifs, feraient-ils la loi dans notre pays ?
Ferez-vous droit, monsieur le Premier ministre, à l’amendement que nous déposerons dans le cadre du budget 2015 proposant la réalisation d’une étude indépendante similaire à celle qu’a commandée l’Allemagne ? Êtes-vous prêt à accélérer la mise en place d’une taxe s’attaquant à la finance désignée comme ennemie en 2012 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Je vous prie, monsieur le député, de bien vouloir excuser l’absence de Michel Sapin qui est justement à Berlin en vue de jeter les bases concrètes avec les représentants de quarante-six pays d’une coopération et d’un échange d’informations mettant fin au secret bancaire, ce qui mérite d’être rappelé. Laissez-moi vous dire, monsieur le député, tout l’attachement du gouvernement français à la mise en place rapide d’une taxe européenne sur les transactions financières.
Comme vous l’avez rappelé, onze États de l’Union européenne sont parvenus à un accord au début du mois de mai introduisant une taxe sur les transactions financières d’ici 2016 au moyen d’une coopération renforcée. La première étape portera sur les actions et sur un certain nombre de produits financiers dérivés qui à terme seront tous concernés. Une directive sera élaborée avant la fin de l’année 2014 afin de préciser le contour et les modalités de la taxe envisagée.
L’accord résulte d’une mobilisation sans faille de la France, pays qui a le plus poussé les feux de la mise en place d’une TTF à l’échelon européen et qui, face au refus de certains de nos partenaires comme le Royaume-Uni d’adopter une taxe pour toute l’Union européenne, a ménagé la possibilité d’une coopération renforcée entre un groupe de pays volontaires. Ce que nous voulons, c’est une taxe large frappant les actions et l’ensemble des produits dérivés, car nous n’oublions pas que l’instabilité à laquelle ils contribuent nous a coûté cher en termes de croissance et d’emploi. Dès lors, qu’y a-t-il de plus normal que chercher à décourager des comportements de spéculation à court terme ? Une taxe large, d’autres n’en voulaient pas ou pas encore, mais nous avons refusé un compromis portant sur les seuls produits dérivés d’actions qui aurait été néfaste à la France. En tout état de cause, la volonté de notre pays à ce sujet est clairement sans faille !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le Président, mes chers collègues, il y a deux ans maintenant, François Hollande annonçait un choc de simplification afin de réduire les lourdeurs administratives qui pèsent sur la compétitivité dans notre pays. Malheureusement, le choc tout comme la simplification se font encore attendre !
Deux ans après ces annonces, les particuliers, les collectivités, les entreprises croulent toujours sous les charges et les normes. Dans les faits, rien n’a bougé, rien n’a été simplifié !
Pire encore, cela fait deux ans et demi que vous complexifiez encore et toujours la vie des Français, à chaque nouveau projet de loi, à chaque nouvelle réforme. Les exemples sont nombreux, depuis le compte pénibilité, véritable usine à gaz inapplicable dans nos PME,…
…jusqu’aux dispositions fumeuses de la soi-disant loi d’avenir pour l’agriculture…
Alors, à la veille de nouvelles déclarations de François Hollande concernant la simplification, notamment celle du bulletin de salaire, à quoi doivent s’attendre les Français ? À rien !
Monsieur le Premier ministre, les Français n’en peuvent plus de vos effets d’annonce, de vos paroles en l’air, de vos promesses politiciennes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Plus personne ne croit en votre capacité à mettre en oeuvre cette simplification. Il est temps de passer enfin aux actes !
Les forces vives de notre pays ne demandent qu’une chose : pouvoir se développer et travailler sereinement. « Foutez-nous la paix, laissez-nous travailler ! » C’est le slogan, le cri
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
que vous lancent depuis des mois les agriculteurs du sud-ouest. Cela résume je crois très bien ce que ressentent tous les chefs d’entreprise de France.
Monsieur le Premier ministre, nos entrepreneurs, nos exploitants et l’ensemble des acteurs économiques de notre pays attendent la mise en place de réelles mesures de simplification. Alors quand déciderez-vous d’agir ?
Quand allez-vous enfin, pardonnez-moi l’expression, « foutre la paix » à tous ceux qui, aujourd’hui, ne demandent qu’à travailler ?
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
C’est plus qu’urgent : notre pays est en train de s’asphyxier économiquement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Attention aux mots qui sont employés, monsieur le député !
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, vous évoquez la politique du choc de compétitivité et du choc de simplification, cette politique systématique mise en oeuvre depuis deux ans – deux ans seulement, oserais-je dire : quand les Allemands ont commencé en 2004, les Anglais en 2006, c’est depuis 2012 que nous essayons de rattraper un retard considérable.
Cette politique a commencé par s’attaquer au stock de normes existantes. Il y en aura pour des années, mais d’ores et déjà, son impact sur les charges administratives payées par les différents acteurs de notre économie, qu’il s’agisse des entreprises, des collectivités ou des administrations, dépasse les 2 milliards d’euros en dix-huit mois. Dans quelques heures, nous aurons une estimation pour les trois années qui viennent, et vous verrez que c’est une politique d’une puissance considérable.
Vous évoquez aussi la nécessité de ne pas s’attaquer au seul stock, mais aussi au flux de normes existantes, et de mieux maîtriser le processus législatif, le contenu des projets de lois et les amendements parlementaires, sur tous ces bancs, afin de s’assurer qu’en réduisant les stocks de normes, nous n’ajoutions pas de difficultés supplémentaires. Vous avez raison ; nous ne manquerons pas de faire des propositions à cet égard dans quelques semaines.
Mais nous avons, je crois, un désaccord fondamental. Sans reprendre l’image que vous avez utilisée, vous concevez finalement cette politique de simplification que vous appelez de vos voeux comme une politique de déréglementation, et vous faites partie de ceux qui considèrent que moins il y a de règles, moins il y a de normes, et mieux les choses vont !
« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Nous, nous avons une vision radicalement différente : nous croyons au droit, à un droit lisible, à un droit clair, à un droit efficace, car nous savons que « c’est la liberté qui opprime et le droit qui affranchit. »
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Euro 1984, Coupe du monde de football 1998, Coupe du monde de rugby 2007 : les grandes compétitions sportives accueillies par la France ont été couronnées de succès et ont laissé un souvenir impérissable à des générations de Français.
L’Euro de football qui se déroulera du 10 juin au 10 juillet 2016 sur notre sol ne fera pas exception, c’est évident. Nous devons, monsieur le ministre, être à la hauteur d’un événement qui rassemblera 24 nations européennes pour une compétition exaltante. C’est vrai en matière sportive, et nos voeux de réussite accompagnent bien sûr l’équipe conduite par Didier Deschamps, mais cela doit aussi l’être dans les autres dimensions de la vie de nos concitoyens.
Chers collègues, jeudi 23 octobre, le 6ème comité de pilotage de l’Euro 2016 s’est réuni à Bordeaux. Des décisions importantes ont été prises pour parfaire l’organisation de l’Euro. Les retombées attendues pour nos territoires sont significatives. L’Euro 2016, c’est la rénovation de dix stades accueillant la compétition ; ce sont 2 milliards d’euros investis dans le secteur du BTP ; ce sont des créations d’emplois pour le bâtiment, le tourisme, les transports, l’hôtellerie, la restauration. L’Euro 2016, c’est une vitrine pour valoriser la France et ses atouts.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a également décidé de profiter de cet événement pour favoriser l’aménagement du territoire et développer la solidarité. 20 millions d’euros y seront consacrés ; c’est tout le sens de la mobilisation de moyens exceptionnels en matière de service civique et de création de nouveaux équipements.
Monsieur le ministre, quelles conséquences tirez-vous de ces belles perspectives ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Guy Delcourt, l’Euro est la troisième compétition sportive la plus suivie, après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football. La France l’organise pour la troisième fois : il y a eu 1960, 1984, et il y aura 2016. Cette quinzième édition devrait nous amener deux millions et demi de spectateurs, plusieurs millions de touristes et de supporters et plus de 2 milliards de téléspectateurs en audience cumulée.
Cet événement est exceptionnel, et doit être l’occasion de faire rayonner la France, mais aussi de la rassembler. Je l’ai évoqué la semaine dernière, avec notre collègue Thierry Braillard, autour du Premier ministre et de Michel Platini, lors du comité de pilotage qui s’est tenu sous l’autorité de M. Alain Juppé, à Bordeaux.
C’est sur ce second point que vous m’interpellez, et vous avez raison de le faire. L’Euro 2016 doit être le grand rendez-vous de tout un pays, notamment autour des deux priorités de ce quinquennat, l’emploi et la jeunesse. Un rendez-vous pour l’emploi tout d’abord, avec la construction ou la rénovation de dix stades des villes hôtes, représentant un investissement de 2 milliards d’euros générant 20 000 emplois dans les secteurs du bâtiment et des services.
Vous le savez, le stade Bollaert est aujourd’hui en construction.
À cela s’ajoutent naturellement des opportunités pour structurer la filière du sport.
Enfin, avec Myriam El Khomri, je veux que les quartiers de la politique de la ville bénéficient pleinement de l’effervescence suscitée par la compétition ; nous aurons des actions en direction de nos jeunes en la matière, sans oublier les outremers.
En résumé, nous ferons de l’Euro 2016 un grand rendez-vous populaire, ambitieux, un rendez-vous où les Français seront fiers. La destination France devient aujourd’hui une norme d’excellence en matière sportive !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Alors que notre pays a besoin d’emplois et de projets économiques porteurs, nous n’avons pas le droit de passer à côté du formidable atout que représente le potentiel maritime français. En effet, l’une des cartes maîtresses de la France dans le domaine économique, nous l’avons affirmé suffisamment souvent dans cette assemblée, c’est sa puissance maritime. Notre deuxième rang mondial nous ouvre des perspectives de développement considérables, mais nous impose également des obligations et des responsabilités en tant qu’État souverain et État côtier.
Le Comité interministériel de la mer, qui s’est réuni en décembre 2013, ne s’y est pas trompé, puisqu’il a notamment prévu des mesures concrètes pour consolider les moyens de l’action de l’État en mer.
Si une telle dynamique aux niveaux national et international ne peut qu’être approuvée, je m’interroge toutefois sur sa déclinaison dans les territoires ultramarins, notamment dans notre archipel nord-américain de Saint-Pierre-et-Miquelon, où des travaux récents des services de l’État ont mis en lumière un manque criant, pour ne pas dire l’absence cruelle de moyens pour assurer, d’une part, le respect des missions essentielles de sécurité des personnes et des navires et, d’autre part, l’accompagnement économique nécessaire au développement des activités liées à la mer et au trafic portuaire que l’on peut espérer à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il est donc urgent d’investir afin de doter les administrations participant à la fonction garde-côte de moyens nautiques hauturiers adaptés, de moyens de communication radar et VHF – very high frequency ou très haute fréquence – modernes et performants et d’équipements de lutte contre la pollution. Ce sont les conditions minimales pour que l’État puisse remplir ses devoirs régaliens et essentiels de sécurité maritime.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, la question qui se pose est celle de la capacité de l’État à se doter de moyens à la hauteur de ses ambitions maritimes, et ce, sur tout le territoire national, en particulier dans une collectivité isolée mais à grand potentiel telle que Saint-Pierre-et-Miquelon.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et UDI.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député Stéphane Claireaux, je fais le même constat que vous : la France est un pays maritime qui doit mieux prendre conscience de ses atouts dans ce domaine.
C’est ce qui a amené mon ami Alain Vidalies, qui est retenu aujourd’hui en audition au Sénat et dont je vous prie donc d’excuser l’absence, à proposer un mois après son arrivée au Gouvernement une communication en conseil des ministres sur la politique maritime, une politique au service notamment de l’emploi et de l’environnement.
Ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le député, la mer génère 300 000 emplois directs dans notre pays et plus de 1 million d’emplois indirects, 65 milliards d’euros de chiffre d’affaires sans compter les activités littorales.
La France dispose de points forts et compte plusieurs leaders mondiaux dans le domaine de l’économie maritime. Vous avez d’ailleurs raison de souligner la place des outre-mer dans cet enjeu structurant.
Je vous rejoins dans l’idée qu’il n’y a pas d’action efficace en ce domaine sans une action résolue de l’État. Je ne mentionnerai qu’un seul exemple : la France, à l’appui des données scientifiques du programme Extraplac, a déposé une demande d’extension de son plateau continental et, Mme Girardin le sait bien, cela concerne au premier chef Saint-Pierre-et-Miquelon.
Exclamations les bancs des groupes UMP et UDI.
Il faut que nous nous donnions les moyens d’une action efficace de l’État en mer pour sécuriser ces espaces. C’est aujourd’hui la principale mission du secrétariat général à la mer.
S’agissant de la question des moyens, les administrations concernées pourront apporter des réponses dans le cadre du débat budgétaire.
Les missions régaliennes sont en tout état de cause fondamentales, ce qui rend nécessaire une coordination de l’action de la mer sous l’égide du Premier ministre. Croyez, monsieur le député, à l’engagement résolu du Gouvernement à vos côtés.
Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre des sports.
Cet été, les sportifs français ont remporté de nombreux titres – vingt-trois médailles aux championnats d’Europe d’athlétisme, dix médailles aux championnats d’Europe de natation –, l’équipe de France de football a réalisé une très belle Coupe du monde et nos cyclistes se sont distingués sur le Tour de France. Durant la même période, la France a su accueillir la coupe du monde féminine de rugby et les jeux équestres mondiaux.
La France a renforcé ces vingt dernières années son excellence dans l’organisation d’événements sportifs. Ce savoir-faire a un impact positif très important en termes de retombées économiques et de tourisme dans notre pays.
Cependant, derrière la vitrine médiatique, le sport reste un secteur d’activité insuffisamment reconnu et exploité. Malgré ses 17 millions de licenciés, ses 3,5 millions de bénévoles et ses 170 000 salariés, malgré une dépense sportive évaluée à 35 milliards d’euros, le sport n’est pas suffisamment utilisé comme vecteur de développement et de croissance économique.
Notre collègue Valérie Fourneyron avait annoncé lorsqu’elle était ministre des sports la venue en discussion d’une loi-cadre qui devait traiter de plusieurs sujets relatifs au sport et qui aurait sans doute été l’occasion d’aborder également l’impact économique du sport.
Par ailleurs, alors que le budget du sport est en baisse et que ces restrictions touchent en particulier le sport de haut niveau, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle est la politique de notre pays en matière d’accueil de grandes compétitions internationales et, de manière plus générale, nous indiquer votre position sur le fait de considérer le sport comme un secteur économique à part entière ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le député Guénhaël Huet, je suis d’accord avec vous : la richesse nationale sportive s’établit à 35 milliards d’euros.
Elle représente près de 2 % du produit intérieur brut, 400 000 emplois. Ce secteur connaît une croissance en France comme au niveau international et constitue un gisement d’emplois et de richesse que nous devons pleinement exploiter.
Ainsi que je le mentionnais tout à l’heure, une réflexion est engagée pour structurer une filière de l’économie du sport. Si nous comptons des entreprises de grande qualité, il faut savoir qu’elles ne coopèrent pas suffisamment ensemble.
L’euro 2016 sera d’ailleurs de ce point de vue une vitrine formidable. Nous devons montrer toute l’étendue du savoir-faire français afin de cibler les pays organisateurs des grandes compétitions sportives.
Monsieur le député, le 11 décembre prochain auront lieu les rencontres internationales des grands événements sportifs organisées conjointement par les ministres des sports et des affaires étrangères.
Cette réunion a vocation à mettre en relation les entreprises françaises avec les décideurs de ces pays ; c’est ce qu’on appelle la diplomatie sportive.
Aujourd’hui, nous voulons créer une filière de l’économie du sport en lien avec le ministère chargé de l’économie. Nous voulons mettre en place un observatoire de l’économie du sport ayant vocation à alimenter les travaux de la filière sport en données fiables et développer une stratégie. Dans le cadre de la démarche sport à l’export, nous souhaitons coordonner les initiatives de plusieurs ministères pour pouvoir accompagner votre demande, monsieur le député. Thierry Braillard sera d’ailleurs présent…
« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI
Un seul être vous manque, manifestement ! M. Braillard, donc, sera présent la semaine prochaine à Doha accompagné de représentants d’entreprises sportives pour appuyer la démarche que je viens de vous présenter.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 (no 2234).
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la défense (no 2260, annexes 11 et 12 ; no 2263, tome IV ; no 2265, tome II, III, IV, V, VI et VII ).
La parole est à M. le ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l’examen du projet de loi de finances pour 2015 intervient dans un contexte très particulier pour notre défense, celui d’une amplification de nos engagements extérieurs et d’une aggravation inédite du niveau des menaces qui pèsent sur notre pays.
Nos armées, avec un professionnalisme et un dévouement que je veux saluer, interviennent en ce moment même sur plusieurs théâtres difficiles, dans des missions essentielles pour notre sécurité.
Cette nuit même, mesdames, messieurs les députés, dans le cadre d’un opération planifiée de lutte contre les mouvements djihadistes dans le nord du Mali, un violent accrochage a opposé, dans le massif de Tigharghar, la force Barkhane à un important groupe armé terroriste de type Aqmi. A l’heure où je vous parle, les combats, qui se sont déroulés dans la vallée de l’Ametetai, viennent à peine de s’achever. Je tiens à saluer devant vous, au début de notre débat, le courage et la détermination de nos soldats, au service de la sécurité de notre pays et de la région.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur les bancs du groupe UMP.
Ce budget de la mission défense pour 2015 traduit la deuxième annuité de la loi de programmation militaire. Il vise à assurer un équilibre délicat entre l’entreprise de modernisation de nos moyens et la réalisation des efforts demandés au ministère du fait de la situation de nos finances publiques.
Je souhaiterais d’abord vous faire partager la conviction que ce budget est solide dans ses fondements. En 2015, les ressources de la mission «Défense» s’élèveront à 31,4 milliards d’euros, dont 2,3 milliards d’euros de ressources exceptionnelles. Ce montant de REX pour 2015 est très exactement celui que percevra le ministère en 2014, ce qui démontre bien qu’il n’est en rien irréaliste ou inaccessible.
Il est vrai qu’en 2015, ces 2,3 milliards d’euros sont principalement composés de recettes liées à la cession de la bande de fréquences dite « des 700 MHz ». Le Premier ministre en a lancé la procédure, dont nous connaissons la complexité. Aussi, pour se prémunir contre tout glissement de calendrier, le Président de la République a demandé au Gouvernement de mettre en oeuvre en parallèle, dès 2015, des solutions innovantes d’acquisition de matériels militaires utilisant les cessions de participations de l’État dans des entreprises publiques et garantissant que les ressources attendues seront disponibles à temps. C’est le cas notamment de la société de projet dont j’ai exposé les principes le 23 octobre à votre commission des finances, élargie à celles de la défense et des affaires étrangères.
Avec mon collègue Emmanuel Macron, nous mettons en oeuvre la volonté du Président de la République de respecter ainsi la trajectoire financière de la LPM.
S’agissant du financement des opérations extérieures, sujet qui préoccupe à juste titre le Parlement, le dispositif prévu par la LPM et décliné dans le PLF 2015 apparaît plus que jamais justifié. Il conjugue une dotation initiale d’un montant de 450 millions d’euros et une clause de sauvegarde pour les dépenses non pré-budgétées. Nous devons tout à la fois rationaliser nos déploiements et nos dépenses à travers la réorganisation, en cours, de nos forces stationnées à l’étranger, et assumer pleinement nos responsabilités internationales.
Solide, ce budget est également équilibré, puisqu’il assure la compatibilité entre le maintien d’un effort de défense important et une contribution structurelle au redressement des comptes publics. Le ministère de la défense conduira ainsi en 2015 des baisses d’effectifs à hauteur de 7 500 postes, strictement conformes à la programmation militaire. Il prévoit la mise en place d’un dispositif d’accompagnement à la hauteur des enjeux pour les personnels et les territoires concernés.
Ce budget est également ambitieux, puisqu’il concrétise la transition vers un nouveau modèle d’armée, adapté aux formes de crises et de menaces auxquelles sont confrontées nos forces. Nous poursuivrons donc la mise en oeuvre des choix volontaristes de la LPM, en faveur de l’équipement des forces, de la recherche et technologie, de l’activité opérationnelle, des forces spéciales, de la cyberdéfense ou encore du renseignement.
Dans ce cadre, j’ai approuvé formellement, lors du comité ministériel d’investissement qui s’est tenu avant-hier, le lancement des programmes MRTT et Scorpion. Les négociations sont achevées. Les marchés sont aujourd’hui signés et seront très prochainement notifiés aux industriels concernés.
Pour ne prendre que l’exemple du programme Scorpion, ces équipements permettront de répondre aux besoins prioritaires des forces de contact et de combat de l’armée de terre, avec des moyens au meilleur niveau et interconnectés.
Dans un contexte difficile, le budget pour 2015 tient donc le cap fixé par le Président de la République. Il nous permet de concilier autonomie stratégique et souveraineté budgétaire sur le long terme. Appelées sur de nombreux fronts, nos armées ont besoin de la nation et de ses représentants pour relever les défis qui pèsent sur notre sécurité. Je vous propose de confirmer cet engagement commun.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.
La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, avec 31,4 milliards d’euros de recettes maintenues en 2015, ce budget de la mission défense respecte pleinement les engagements inscrits dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la loi de programmation militaire, adoptée en décembre dernier, qui fixe notre stratégie et notre outil de défense jusqu’en 2019.
En effet cette deuxième annuité de la loi de programmation militaire reste guidée par les deux impératifs que sont le maintien de l’effort consacré par la Nation à sa défense face à des risques et menaces persistants et la prise en compte de l’objectif gouvernemental de redressement des finances publiques.
Tout d’abord, ce budget maintient l’effort consacré par la Nation à sa défense, à commencer par l’équipement de nos forces : les crédits qui y sont consacrés progressent de 3 millions d’euros en 2015.
Cet effort permettra à chacun des grands secteurs de l’industrie de défense de pérenniser ses compétences : d’une part, par la livraison de matériels, – 11 Rafale et 4 hélicoptères Tigre pour renforcer des capacités d’engagement et de combat ou les missiles sol air pour préserver des capacités de protection sauvage –, d’autre part, par des commandes de matériels pour rallier le modèle d’armée défini dans la loi de programmation militaire, notamment avec le lancement de la réalisation du système de communication par satellite COMSAT NG et du système de renseignement par satellite CERES.
Par ailleurs, l’entretien des matériels bénéficiera, dans ce budget 2015, d’un effort significatif avec une dotation en augmentation de 4,5 %. En effet, conformément à l’engagement pris par la loi de programmation militaire, le choix a été fait d’enrayer la baisse des indicateurs d’activité opérationnelle, constatée en 2012, pour retrouver progressivement les niveaux d’activité comparables à ceux de l’OTAN ou de nos alliés habituels en opération.
De même, un effort continu s’agissant de la recherche et du développement sera réalisé, avec plus de 3,6 milliards d’euros de crédits.
Ainsi, l’ensemble des secteurs de notre base industrielle et technologique de défense, qui suppose une maîtrise des technologies clé capables de répondre sur le long terme aux besoins de nos forces armées, sera préservé et pérenne. Il sera complété par le maintien des crédits au secteur des études amont, indispensables au maintien de nos compétences industrielles et à la maîtrise des technologies clé du futur.
Enfin, la cyberdéfense et le renseignement bénéficieront de la poursuite de l’effort engagé en matière d’effectifs, d’acquisition d’équipements spécialisés et de développement des capacités de renseignement.
Ces efforts viennent en contrepoint des disparitions d’effectifs. En effet, fidèle à la trajectoire financière de la loi de programmation militaire, ce budget respecte l’objectif gouvernemental de redressement des finances publiques. Pour y parvenir, cette seconde annuité poursuit d’importantes économies structurelles.
Outre des renégociations industrielles portant sur nombre de grands contrats d’armement, cet effort se traduit notamment par une déflation d’effectifs, avec 7 500 emplois supprimés en 2015 et des mesures de restructurations.
En effet, la poursuite de la transformation du ministère, la modernisation de ses modes de fonctionnement et l’adaptation du format des armées au nouveau contrat opérationnel nécessitent cet effort. Pour que au mieux ces suppressions de postes se passent au mieux, il est prévu l’an prochain un dispositif d’accompagnement, à hauteur de 205 millions d’euros.
Ce dispositif comportera tout d’abord un volet social, le plan d’accompagnement des restructurations. Ce dernier met l’accent sur les mesures d’incitation au départ et à la mobilité pour les personnels militaires et civils avec, par exemple, une promotion fonctionnelle pour les premiers et une mobilité interne au ministère et vers les autres fonctions publiques pour les seconds.
Il comportera également un dispositif d’assistance aux collectivités locales les plus sévèrement affectées par les fermetures d’unité – et il y en a beaucoup –, avec la mise en place d’un accompagnement économique et territorial intégré aux contrats plan État-région tels les contrats de redynamisation des sites de défense.
Rappelons enfin que, malgré cette baisse des effectifs, la défense demeurera tout de même l’un des premiers recruteurs de l’État, avec 16 000 recrutements de militaires et civils, tournés, en particulier, vers de nombreux jeunes peu ou pas qualifiés. La défense continuera ainsi de jouer un rôle d’intégrateur social, chacun pouvant avoir accès à une formation et à un métier offrant des perspectives professionnelles valorisantes.
Ainsi, dans ce budget 2015, la défense, concentrée sur ses priorités, préserve les dépenses d’avenir en conciliant un niveau d’ambition porté au mieux en cette période et la contribution à l’effort de redressement des comptes publics.
Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera le budget mission défense de ce projet de loi de finances 2015.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, il est prévu en 2015 de supprimer 7 500 postes, essentiellement administratifs et de soutien, soi-disant pour préserver les forces opérationnelles.
La disparition d’unités et d’établissements aura des conséquences néfastes pour nos territoires. Ainsi, la ville de Châlons-en-Champagne perdra 960 emplois directs.
Les personnels civils sont encore et toujours la variable d’ajustement. La France dispose aujourd’hui d’autant de régiments d’infanterie que la Suisse !
Les activités du Val-de-Grâce seront transférées et l’hôpital sera transformé en pôle de recherche. À quand des militaires soignés dans des cliniques privées ?
Avec la dissolution d’un régiment d’artillerie, la France ne gardera plus que sept régiments de ce type. Cinq bâtiments de la marine seront désarmés et une base navale sera fermée, alors que la France est le deuxième espace maritime mondial. Que restera-t-il de notre armée au bout du processus ? Une concentration d’états-majors et de services centraux à Bouygues-Balard, qui décideront, sous l’égide de l’OTAN, des opérations extérieures.
Ce n’est pas notre conception d’une armée de défense nationale.
S’agissant des opérations extérieures, la France est de plus en plus en première ligne, en lieu et place de l’ONU.
En décembre 2013, le Gouvernement indiquait que l’engagement de nos forces en République centrafricaine durerait six mois. Près d’un an plus tard, on ne sait toujours pas quand nos troupes partiront, malgré le déploiement de la force de l’ONU !
Prenons aussi l’exemple de la tentaculaire opération Barkhane, où la France se fait encore le gendarme de l’Afrique.
Le surcoût des opérations extérieures dépassera le milliard d’euros. Quels autres budgets de l’État seront ponctionnés pour faire face à l’explosion des dépenses d’intervention à l’étranger ?
Le recrutement de forces spéciales marque aussi cette tendance à l’armée de projection et à l’armée des opérations clandestines. Les efforts en matière d’équipement sont conséquents. Ils posent la question du déséquilibre de plus en plus décrié entre l’armement conventionnel et nucléaire.
On le sait, le nucléaire n’est pas approprié pour les nouveaux conflits. Les livraisons de matériels montrent notre capacité technologique, qui doit se traduire par une protection accrue de nos soldats. C’est le cas des véhicules blindés de combat d’infanterie. Comme de nombreux militaires, nous considérons que l’armée pâtit de certaines technologies de prestige.
L’année 2015, verra l’arrivée du système de renseignement par satellite, d’un deuxième système de drone MALE Reaper, et aussi celle d’un système de drones tactiques et le lancement du système de communication par satellite. Seul Galileo permettra d’assurer l’indépendance de l’Europe par rapport aux Etats-Unis.
Nous nous inquiétons également de la création de sociétés de projet pour l’acquisition des matériels. À partir de cessions de participations, seraient créées des sociétés avec des investisseurs privés, qui rachèteraient aux armées des équipements, y compris en cours de construction, et qui les loueraient ensuite au ministère.
Quel sera le taux de rentabilité des opérations, et au bénéfice de qui ? Quel contrôle parlementaire sera possible sur cette forme de partenariat public-privé ? Quelles cessions de participations d’entreprises publiques sont concernées pour 2015 ?
En matière nucléaire, le gaspillage d’argent continue aussi. Sur les 16,7 milliards d’euros consacrés aux équipements, 3,55 milliards seront engloutis dans les armes nucléaires, soit 21 % des crédits d’équipement.
Les efforts pour la composante océanique sont maintenus, avec la poursuite de l’adaptation d’un sous-marin au missile M51, le développement de ce missile et la conception du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération. En parallèle, nous désarmons cinq navires de surface !
La composante aéroportée verra se poursuivre les travaux de rénovation du missile ASMP-A et l’étude de son successeur. Les systèmes de transmissions nucléaires seront modernisés et le Laser mégajoule sera mis en service.
En clair, le Gouvernement prépare également le renouvellement des armes nucléaires en service.
Je rappelle que l’article 6 du Traité de non-prolifération, impose de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée ». Où sont les initiatives de la France dans ce domaine ? Pourquoi croyez-vous, monsieur le ministre, que des puissances développent leurs arsenaux nucléaires dans le monde, sinon parce que nous continuons à moderniser les nôtres ?
L’abandon de la composante aérienne, je le redis, serait une première étape sur la voie d’un monde sans arme nucléaire.
On a connu le désarmement dans les années 1930. Voyez comme ça a servi !
En conclusion, nous affirmons notre soutien aux militaires et agents du ministère qui subissent le plus grand plan social jamais connu et des coupes budgétaires majeures qui les mettent sous forte tension.
Il est anormal d’avaliser les bases de défense, gouffre financier d’après la Cour des comptes, la réintégration dans le commandement de l’OTAN et la professionnalisation de l’armée, qui, comme l’affirme M. Arif, a tué le creuset républicain.
Les députés Front de gauche voteront contre ce budget.
La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le deuxième budget défense qui s’inscrit dans la nouvelle loi de programmation militaire.
Cette loi, que nous avons adoptée en décembre dernier, fixe les priorités opérationnelles pour les années 2014 à 2019 et traduit les orientations de la nouvelle stratégie militaire dessinée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.
Conformément aux analyses de ce dernier, le contexte mondial est marqué par un niveau de tensions géopolitiques élevé en Méditerranée, au Moyen-Orient et en Ukraine ainsi que par la menace issue des groupes armés terroristes dans la bande sahélo-saharienne.
Nous pouvons donc considérer comme d’autant plus nécessaire l’objectif d’efficience et de réforme porté par la loi de programmation militaire pour maintenir nos capacités de défense à un très haut niveau de compétence et d’efficacité militaire.
En 2014, près de 20 000 militaires sont déployés hors de la métropole sur quatre continents et sur tous les océans.
Les crédits programmés sur les annuités 2015 à 2017 du budget triennal permettent de garantir la trajectoire de ressources de la loi de programmation militaire 2014-2019, soit une enveloppe de 94,3 milliards d’euros de crédits prévue sur la période 2015-2017.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une mission « Défense » au niveau des lois de finances initiales 2013 et 2014, soit 31,4 milliards d’euros, dont 2,3 milliards de ressources exceptionnelles.
Par ailleurs, conformément à l’article 6 de la loi de programmation militaire, 2015 donnera lieu à une première actualisation de la programmation militaire afin de vérifier l’adéquation entre les objectifs fixés et les réalisations : ce sera donc une année charnière pour le budget de la défense.
Je souhaiterais évoquer ici les quatre programmes budgétaires dans lesquels sont répartis les crédits de la défense.
Tout d’abord, le programme 144 intitulé « Environnement et prospective de la politique de défense ». Ce programme, dédié à l’analyse du contexte stratégique et à l’anticipation de son évolution, représente 1 350 millions d’euros. Il porte les crédits de deux actions érigées en priorité par le Livre blanc et la loi de programmation militaire, à savoir le renseignement et les études amont des grands programmes d’équipement.
Le renseignement voit son rôle central réaffirmé, au-delà des seules nécessités militaires ou strictement sécuritaires, avec plus de 2 milliards d’euros. De la même manière, la prospective de défense voit maintenu son niveau de crédits avec par exemple 742 millions d’euros de crédits destinés aux études amont.
Enfin, la fonction relations internationales du ministère de la défense, qui fait l’objet d’une réorganisation est dotée, comme en 2014, de 354 millions d’euros.
J’en viens au programme 178 intitulé « Préparation et emploi des forces », avec 8 783 millions d’euros les crédits nécessaires à l’activité des forces et à l’entretien des matériels des armées. Les crédits d’entretien programmé des matériels progressent ainsi de près de 4,5 % en 2015.
Le programme 212, dit « Soutien de la politique de défense » est lui aussi très normalement doté. Ainsi, la dotation budgétaire 2015 de la politique immobilière s’élève à 1 051 millions d’euros. Elle est complétée par des ressources issues des cessions immobilières à hauteur de 230 millions d’euros. Cela permettra la création ou l’adaptation de l’infrastructure d’accueil des nouveaux matériels, les nécessaires rénovations ou remises aux normes ainsi que le maintien en condition du patrimoine immobilier, en particulier le lieu de vie dont vous avez fait votre priorité, monsieur le ministre.
Les crédits destinés à la mise en oeuvre des politiques de ressources humaines conduites par le ministère englobent la politique de reconversion des personnels militaires et l’action sociale du ministère. Ils s’élèvent en 2014 à 129 millions d’euros.
Enfin, la politique d’accompagnement des restructurations se traduit par un accompagnement social, économique et territorial, parallèlement à l’instauration du nouveau plan de stationnement. Au total, 193 millions d’euros sont consacrés à cette politique.
Les restructurations sont toujours douloureuses et difficiles. Elles doivent se faire dans le cadre de la priorité à nos capacités opérationnelles et en ayant toujours présent à l’esprit ce que nous rappelait le général Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, lors de sa dernière audition la semaine dernière : « en OPEX, ce sont les fantassins qui tiennent le terrain ».
Enfin, le programme 146 intitulé « Équipement des forces » est structuré à partir des systèmes de force répondant à des besoins opérationnels dans une logique totalement interarmées. Il est abondé de 15 185 millions d’euros.
Dans un contexte difficile, les programmes et opérations d’armement devraient permettre d’acquérir ou de maintenir les capacités de l’ensemble du spectre opérationnel, ce dont peu d’armées dans le monde peuvent se prévaloir.
À travers ce tableau rapidement brossé, nous pouvons, monsieur le ministre, considérer que le niveau de ressources affecté à votre budget révèle la volonté de maintenir un effort de défense significatif, malgré un contexte économique difficile.
Nous considérons également que la transition vers un nouveau modèle d’armée efficace et adapté au nouveau contexte international ressort des choix effectués. C’est le budget de la parole tenue, monsieur le ministre : la vôtre, celle du Gouvernement et celle du Président de la République.
Nous considérons enfin que vous préparez l’avenir par la priorité donnée à l’équipement des forces, alliant à la fois recherche et technologie, impératif industriel et autonomie stratégique.
Pour l’ensemble de ces raisons, monsieur le ministre, les députés membres du groupe SRC voteront ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il y a moins d’un an, nous débattions dans l’hémicycle de la loi de programmation militaire 2014-2019. Porte-parole du groupe UMP, je vous mettais en garde contre les risques graves qu’encourait notre outil de défense, compte tenu des efforts supplémentaires que vous demandiez à nos armées et du risque très fort que lui faisait courir l’instabilité des recettes exceptionnelles anticipées.
Force est de constater que nos craintes étaient fondées. Monsieur le ministre, nous vous voyons sans cesse partir à la recherche de vos millions confisqués, voire perdus. Vous nous annoncez 250 millions de recettes exceptionnelles qui restent encore à mobiliser, des financements interministériels sur les Opex qui devraient arriver, des ventes de fréquences prévues mais non réalisées…
Conscient de ces manquements, vous essayez de pallier ces insuffisances en nous proposant de mettre en place des solutions de financement dites « innovantes », au travers de sociétés de projet au sujet desquelles vous reconnaissez vous-même qu’il existe encore de nombreuses questions techniques, industrielles, juridiques et financières à régler.
Avec ce budget 2015, vous en êtes ainsi réduit à étudier la possibilité de louer à une société de droit privé le matériel nécessaire à nos armées pour mener à bien leur mission.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Quelle sera la prochaine étape ?
Je tiens d’ailleurs à vous préciser que cela ne sert à rien d’essayer de vous protéger derrière je ne sais quelle réflexion menée dans le passé à ce sujet pour essayer de vendre cette affaire. Si réflexion il y a eu, cette mesure n’a jamais été mise en oeuvre par un Gouvernement de la République…
… compte tenu de ses effets délétères sur nos finances publiques. L’honnêteté impose de le préciser.
Un des commissaires, en commission élargie, a parlé de « budget insincère » : nous n’en sommes, en effet, plus très loin.
Tout cela a bien entendu des conséquences. Avec ce ce budget que vous défendez, le niveau d’entraînement de nos troupes est inférieur aux normes de l’OTAN. À tel point qu’à titre d’exemple, nous avons appris au cours de nos auditions que l’Aviation légère de l’Armée de terre a instauré trois niveaux d’entraînement pour ses pilotes, le premier étant seulement réservé à quelques-uns, compte tenu des contraintes budgétaires que vous leur imposez.
Vous êtes également satisfait de n’avoir obtenu que 450 millions d’euros pour financer nos Opex, rappelant sans cesse à qui veut l’entendre qu’il vaut mieux faire financer le surplus de ces dépenses, qui se monte à plus de 650 millions d’euros pour 2014, par le budget général.
Mais vous oubliez de préciser, monsieur le ministre, que le budget de la défense paye 20 % de cette somme sur son propre budget.
Cette somme qui sera prélevée sur le budget de la défense amputera encore un peu plus la capacités de nos armées.
Vous omettez également de préciser que la transformation d’Opex en bases prépositionnées reportera sur ce budget ces dépenses initialement payées à 80 % par le budget général.
Et que dire du report de charges qui pèse sur l’ensemble du tissu industriel concerné et qui ne se résorbe pas ?
Les réductions budgétaires qui frappent nos forces armées sont donc trop importantes et trop d’incertitudes pèsent sur les recettes. Sans remettre en question votre volonté, monsieur le ministre, de tenir les engagements insuffisants pris par le Gouvernement à l’égard de nos armées, force est de constater que tout cela ne fait pas le compte.
C’est d’autant plus dommageable et grave que nos armées sont engagées sur différents théâtres d’opérations, avec l’honneur, le courage et l’efficacité qui les caractérisent.
Vous répétez, contre les évidences mêmes, que votre budget répond aux attentes de la situation et qu’il n’y pas de meilleur choix possible. Or, cela est faux. Les Français l’ont d’ailleurs bien compris.
Comment, en effet, pouvez-vous continuer à faire croire que nos armées sont respectées au plan budgétaire, quand vous leur imposez, à elles seules, une telle cure d’austérité ?
Vous cacher d’ailleurs derrière la précédente LPM est inutile, monsieur le ministre, car non seulement vous avez décidé de poursuivre sa mise en oeuvre, mais vous allez plus loin encore.
La vérité oblige en effet à rappeler que vous avez décidé, avec François Hollande, de supprimer 20 000 postes supplémentaires dans le cadre de votre loi de programmation militaire pour les années 2014-2019, loi mise en oeuvre par ce budget, et que dans le même temps, votre Gouvernement recrute 60 000 fonctionnaires supplémentaires pour le ministère de l’éducation nationale.
Je sais que ça vous gêne, mes chers collègues, mais c’est la réalité et elle s’impose à vous.
Monsieur le ministre, compte tenu des dangers de plus en plus élevés qui menacent notre nation et de nos engagements dans le temps, nos armées méritent un autre budget.
Votre Gouvernement refuse de remettre en question ce recrutement inutile de 60 000 fonctionnaires supplémentaires à l’éducation nationale.
Les militaires ont aussi beaucoup d’enfants ! Ce qui est très bien, d’ailleurs.
Le reconsidérer pourrait pourtant empêcher la suppression de postes supplémentaires dans nos armées. Cette politique relève donc bien de votre seule responsabilité et de vos propres choix, et vous avez bien compris qu’ils ne sont pas les nôtres.
Vous comprendrez pourquoi le groupe UMP ne peut pas voter ce budget que vous proposez à la nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Voilà bientôt vingt-deux mois que la France est engagée au Mali et dix mois qu’elle l’est en Centrafrique. Depuis le 18 septembre dernier, la France a décidé de participer à la lutte contre Daesh en Irak.
Les députés du groupe UDI ont soutenu ces opérations dès leur lancement, dans un esprit de responsabilité, et nous saluons l’action exemplaire menée par nos militaires, dans des conditions souvent très difficiles.
Nous tenons à leur rendre ici hommage, en n’oubliant pas le sacrifice de douze d’entre eux, tombés au Mali et en République centrafricaine.
Nous avons toujours placé les questions de défense et de sécurité au coeur de nos préoccupations, non seulement parce que nous savons que la mission des militaires n’est comparable à nulle autre, mais également parce nous mesurons pleinement la portée et les conséquences des décisions que nous avons à prendre, en notre qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies, avec les droits et les devoirs que cela implique.
C’est pourquoi nous avons souhaité incarner une opposition constructive, tout en recherchant un consensus national sur notre politique de défense, que l’immense majorité des Français reconnaît comme un des fondements de notre puissance, mais aussi de notre pacte républicain.
Toutefois, depuis le début du quinquennat, notre inquiétude est grande : la France sera-t-elle encore capable, demain, de mener de telles actions avec succès, afin de défendre la liberté, les populations et de mener la lutte contre le terrorisme ?
Force est de constater que la loi de programmation militaire, qui engage pourtant la défense française pour les années 2014 à 2019, mais également bien au-delà, n’embrasse pas les questions les plus vitales et les plus essentielles auxquelles notre armée est confrontée.
Il en va de même du budget pour 2015, qui en est la traduction.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous êtes tel un funambule, sur le fil de la loi de programmation militaire, un funambule qui tente de ne pas tomber.
Pour l’instant, je ne tombe pas !
Mais un funambule à qui on aurait retiré sa barre, puisque que les effectifs diminuent de manière spectaculaire. Ainsi, 34 000 postes seront supprimés d’ici 2019, dont 7 500 dès l’année 2015. L’effort est considérable et représente 60 % du total de la déflation des personnels de l’État.
Un funambule à qui on aurait bandé les yeux,
Sourires
puisque les crédits budgétaires pour la défense diminueront en 2015, en contradiction avec l’article 3 de la loi de programmation militaire.
En effet, bien que le niveau total du budget ne soit pas modifié, les crédits de paiement sont abaissés de 500 millions et les recettes exceptionnelles sont revues à la hausse d’autant. Il est donc à craindre que cette modification, qui peut paraître mineure, affecte réellement le budget de la défense.
Un funambule à qui on aurait entravé les pieds,
Rires
puisque ces recettes exceptionnelles sont, selon la Cour des comptes, « incertaines dans leur montant et dans leur calendrier de réalisation ».
Les interrogations entourant les ventes immobilières, les cessions gratuites, la cession de bande de fréquences et les exportations de Rafale pèsent sur le budget de la défense pour 2015.
À cela viennent s’additionner quelques interrogations de la part de certains clients étrangers qui, bien qu’ayant choisi l’excellence de l’industrie de défense française, se demandent maintenant si la signature de l’État est un frein ou une garantie commerciale.
Un funambule, enfin, à qui on demanderait de faire un saut périlleux avec la constitution d’une société de projet dont les contours demeurent flous et qui ne pourra pas remplacer la certitude d’une dotation budgétaire.
Monsieur le ministre, nous regrettons que le Gouvernement ne fasse pas de la défense, malgré votre forte implication personnelle une priorité budgétaire et se contente le plus souvent de manipuler les chiffres, sans prendre de décisions claires et ambitieuses.
Aucun choix réel et marquant n’a été fait sur des sujets-clés tels que la dissuasion, l’OTAN, l’Europe de la défense ou encore les entreprises privées de sécurité et de défense, alors qu’une ambitieuse loi avait pourtant, au printemps dernier, légitimement ouvert le débat.
De plus, l’importance stratégique de l’océan Indien n’est pas suffisamment prise en compte. La France est forte du deuxième domaine maritime mondial, qui est à préserver.
Le groupe UDI croit fermement en la nécessité d’une Europe de la défense, que nous appelons de nos voeux, car la mise en commun à l’échelle européenne des moyens humains et matériels, au niveau de la formation comme de la conduite des opérations, conduirait de manière certaine à la formation d’un ensemble véritablement puissant, pouvant prendre toute sa place sur la scène internationale.
Une telle avancée serait également, sans nul doute, un moyen pour la France de mettre en oeuvre des économies réfléchies et pertinentes, en concertation avec nos partenaires.
Il est aujourd’hui plus que temps de poser les pierres fondatrices d’une industrie européenne de défense, d’une politique de mutualisation des équipements et des troupes, mais aussi et surtout d’un rapprochement sans précédent de nos centres de décision et de nos priorités géostratégiques, avec un budget propre.
Les députés du groupe UDI sont conscients du poids écrasant des contraintes budgétaires et de la nécessité de redressement des comptes publics.
Toutefois, la défense, qui n’est pas considérée comme prioritaire par le Gouvernement, a déjà contribué de manière très significative à cet effort. Les angoisses sont aujourd’hui grandes, tant dans les armées que dans l’industrie de la défense, et nous déplorons que ce budget n’y réponde pas pour l’année 2015.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI ne votera pas le projet de budget pour 2015.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Sourires.
La mission budgétaire dont nous sommes saisis s’inscrit clairement dans la continuité de celle de l’an dernier et confirme les orientations fixées dans la loi de programmation militaire : nous pouvons vous en donner acte, monsieur le ministre, même s’il y a débat sur la baisse du budget, selon qu’on intègre ou non les recettes exceptionnelles.
On observe en effet le maintien des crédits à hauteur de 31,4 milliards d’euros, dont 2,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles qui devront impérativement être versés avant le 31 décembre 2015.
Cette mission budgétaire entretient l’idée que la France demeure une puissance globale, capable de remplir toutes les gammes de missions et en toutes circonstances. Cette continuité, monsieur le ministre, vous la revendiquez et, vous le savez, en quelque sorte nous la regrettons.
Vous la revendiquez et nous pourrions la saluer, car elle répond à une logique. Mais nous ne partageons pas les choix que ce budget traduit.
Nous les regrettons, parce que nous pensons que ces ambitions seront surtout virtuelles, car, de fait, nous n’en avons plus aujourd’hui les moyens. Nous pensons qu’il faut opérer des choix plus affirmés et plus en cohérence avec ce qu’affiche notre diplomatie.
Parmi ces choix, il en est un que nous appelons de nos voeux depuis très longtemps et qui se fait de plus en plus urgent : c’est celui du redimensionnement de notre dissuasion nucléaire, prélude selon nous à un désarmement nucléaire mondial et multilatéral. Sans revenir sur le débat philosophique, qui d’ailleurs pourrait permettre d’évacuer des questions plus concrètes, même si ce point nous oppose, nous voudrions nous en tenir à une analyse précise des coûts.
Cette année encore, notre dissuasion nucléaire coûtera plus de 3,5 milliards, ce qui représente 12 % de l’ensemble du budget de la défense mais un tiers des crédits d’équipement, soit, une augmentation de 11 points par rapport à l’année dernière – comme cela est indiqué à la page 340 du document budgétaire que vous nous avez communiqué, monsieur le ministre.
Dans les années qui viennent, la part des crédits affectés aux forces stratégiques augmentera mécaniquement sous l’effet de la rénovation de la composante océanique, des missiles et de nos systèmes de transmissions.
À terme, la menace est réelle que nos investissements dans le nucléaire militaire n’entraînent – en quelque sorte, par effet d’éviction – la dégradation de nos forces conventionnelles.
Cette analyse n’est pas l’apanage des écologistes ; elle est de plus en plus soutenue, dans les milieux civils et militaires, par des personnalités de droite comme de gauche.
Elle n’a qu’un objectif : préserver l’armée française d’un risque de rupture capacitaire qui guette dans certains domaines pourtant vitaux si nous voulons êtres cohérents avec nos choix diplomatiques.
La présidente de la commission de la défense a pris cette année l’initiative de rouvrir le débat sur ce sujet et je tiens ici à l’en remercier.
Nous devons désormais nous interroger sur nos investissements à long terme.
Je souhaite maintenant aborder un deuxième point : la dotation OPEX.
En commission, vous nous avez expliqué qu’il était dans l’intérêt du ministère et du budget de la défense que la dotation OPEX soit faible puisque, conformément à l’article 3 bis de la loi de programmation militaire, tout dépassement de ce budget est compensé par un financement interministériel.
Selon nous, c’est là un affichage et un pari un peu risqué compte tenu de l’état général des finances de l’État.
Enfin, troisième élément – sur lequel nous souhaiterions des évolutions : les ressources humaines.
Depuis maintenant sept ans, le ministère de la défense a engagé une forte réduction de ses effectifs et une réorganisation de ses ressources humaines qui doit permettre de rééquilibrer la pyramide hiérarchique, de fluidifier la chaîne de commandement et, il faut bien le dire, de maîtriser et de réduire la masse salariale – ce qui est d’ailleurs un peu le cas cette année à la différence des années précédentes malgré des réductions d’effectifs, résultat un peu absurde.
Nous savons combien cette manoeuvre est difficile à mettre en place et nous saluons la contribution extrêmement importante du ministère de la défense – la plus importante de tous, d’ailleurs – à l’objectif de réduction des déficits publics.
Cette année encore, la réduction des effectifs de la défense devrait représenter 7 500 emplois, soit, plus du double de l’ensemble des postes supprimés dans tout le reste de la fonction publique.
Nous pensons que nous devrions cibler davantage les catégories de personnels les plus élevées dans la hiérarchie – qui sont également les plus coûteuses – et dont les effectifs n’ont pas été réduits proportionnellement aux autres.
Cela serait bienvenu alors que le contexte est difficile pour les soldats en raison du scandale lié au logiciel de paie Louvois. Je salue néanmoins votre action en la matière, monsieur le ministre, même si le problème tarde a être réglé.
Pour le reste, votre budget comporte quelques bonnes nouvelles que je tiens à mentionner rapidement.
Je pense à plusieurs programmes d’équipement dans le domaine du transport, du ravitaillement en vol ou, encore, du combat en milieu hostile.
Je pense également à l’élévation de notre niveau d’exigence en matière d’entraînement et de maintien en condition opérationnelle.
Certes, ces mesures contribueront à préserver l’outil de défense mais nous conservons des divergences profondes sur les orientations à donner à ce budget.
C’est pourquoi les écologistes, comme les deux dernières années, voteront contre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, la situation internationale va à vau-l’eau.
Sur quel article se fonde votre rappel au Règlement ?
Nos forces sont engagées sur de nombreux théâtres d’opérations et je tiens à saluer un professionnalisme qui, parfois, mène certains soldats au sacrifice suprême.
Vous tenez à évoquer la procédure suivie lors de notre débat, sans doute, plutôt que le fond des choses…
Il n’en reste pas moins que notre hémicycle, monsieur le président, est vide ! Il est vide !
Comment se fait-il, alors que la situation devient tragique, que nos collègues ne soient pas ici tous présents ?
Sourires
Ce n’est pas tout à fait acceptable.
Nos chers collègues absents se désintéressent-ils de la défense ? Je ne le crois pas, non.
En revanche, il est clair que la méthode retenue pour nos débats – commission élargie et pas de discussion en séance publique – n’est pas à la hauteur des enjeux.
Je tiens à émettre une vive protestation.
La défense est un thème régalien par excellence : il y va de l’avenir de tous et de la garantie de notre indépendance.
En conséquence, au-delà de la baisse des crédits que chacun, ici, regrette, notre façon de débattre s’est dégradée et ce n’est pas acceptable. Je tenais à le rappeler à tous !
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Je vous remercie.
Il sera fait mention de votre remarque lors de la Conférence des Présidents qui, en effet, a décidé de l’organisation de nos travaux telle qu’elle se déroule présentement.
Nous en arrivons aux questions.
La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe RRDP.
Je veux en témoigner : M. le ministre a véritablement les pieds sur terre et non sur un fil tendu entre deux nuages idéologiques !
Sourires
Ma question porte sur les recettes dites exceptionnelles.
Je le rappelle : le budget de la défense pour 2015 s’élève à 31,4 milliards, 2,3 milliards provenant de recettes dites exceptionnelles, soit, de crédits hors budget.
En 2015, telles qu’annoncées dans le PLF, elles seront principalement composées du produit de la mise aux enchères de la bande de fréquence dite des « 700 MHz ».
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si un calendrier de mise en vente est déjà établi ?
Si cette vente ne pouvait toutefois se réaliser en 2015, dans quelle mesure le projet que vous avez avancé de création de sociétés de projets conduisant des opérations de locations de matériels militaires au bénéfice du ministère de la défense pourrait-il être mis en place ?
Monsieur le député, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à ces questions en commission élargie très longuement, pendant près de quatre heures, mais je vais y revenir en séance publique.
Je rappelle tout d’abord – comme je l’ai fait en répondant à M. Meunier – que le budget de la défense s’élèvera à 31,4 milliards en 2015, conformément à la LPM, et qu’il était identique pour 2014, 2013 et 2012.
Les enveloppes budgétaires ne diminuent donc pas, la participation de la défense à l’effort de redressement des finances publiques correspondant à l’inflation.
Vous vous interrogez, et je le comprends, sur les ressources exceptionnelles dont je rappelle, à nouveau, que le niveau en 2015 sera identique à celui de 2014.
Simplement, l’article 3 et le paragraphe 1 de l’annexe 5 de la LPM précisent à travers plusieurs rubriques la façon dont elles doivent être mobilisées : ressources immobilières, programme d’investissements d’avenir, vente des fréquences – vous avez évoqué celle de 700 MHz – et, enfin, cessions d’actifs.
L’inscription de la vente de la fréquence « 700 MHz » est affectée « défense » mais je considère qu’il est souhaitable de prendre des précautions et d’imaginer un dispositif permettant de mobiliser les cessions d’actifs.
A ce propos, je réponds un peu plus longuement à M. Meunier, sans polémique aucune.
Le problème est de savoir comment il est possible de mobiliser des cessions d’actifs dès lors que, selon la LOLF, leur produit ne peut être affecté qu’à des investissements en capital.
Il convient donc d’insérer ces financements d’État dans un autre dispositif. Je réfléchis à cette question, même si certains souhaitent que je puisse y répondre avant même de l’avoir posée !
Nous avons mandaté des conseils juridiques afin de nous accompagner, avec mon collègue de Bercy, et de parvenir à une solution technique et juridique convenable qu’il conviendra d’appliquer si, d’aventure, la vente de la fréquence n’était pas possible mi-2015 – puisque nous devons avoir ces financements pour continuer à mobiliser nos programmes d’investissement.
Voilà la réponse que je pouvais vous apporter en précisant également qu’en 2014 – il en a été question lors d’une intervention – j’ai obtenu l’ensemble des crédits prévus et c’est pourquoi, je le répète, j’ai signé voilà deux jours le marché du Scorpion et de l’acquisition des MRTT : je dispose en effet des moyens financiers de le faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux questions du groupe SRC.
La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury.
Monsieur le ministre, la LPM redéfinit les missions de nos armées et dessine un modèle marqué par une redéfinition de leur format.
Pour 2015, le plafond des effectifs budgétaires du ministère de la défense sera de 266 000 emplois, soit, une suppression de 7 500 postes.
Cette trajectoire financière imposée par la nécessité du redressement des finances publiques…
… représente un effort pour le ministère de la défense et, à ce titre, des aides concrètes devront être proposées aux personnels du ministère.
Bien entendu, le plan d’accompagnement des restructurations déjà mis en place se poursuivra afin de guider dans les meilleures conditions possible le personnel impacté par les mesures.
Conformément aux orientations dessinées par le Livre blanc, un rééquilibrage entre les personnels civils et militaires a été engagé pour les postes administratifs et de soutien.
Un plan catégoriel est également indispensable pour ces personnels civils et militaires afin de permettre la réussite des nouvelles réorganisations.
Ce sont 32,1 millions qui seront consacrés en 2015 aux mesures de transposition statutaire du personnel militaire et 10 millions qui seront affectés aux mesures catégorielles pour le personnel civil.
Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler ces mesures de rééquilibrage ainsi que les mesures catégorielles qui seront prises pour le personnel du ministère de la défense ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous l’avez rappelé : une panoplie de mesures est destinée à accompagner les personnels civils et militaires suite aux réorganisations.
Je n’en ferai pas la présentation complète car l’ensemble est assez conséquent mais je souhaite tout de même en rappeler quelques-unes qui montrent particulièrement combien le ministère de la défense se soucie de la réinsertion des personnels civils et militaires amenés à partir ou à être mutés dans le cadre des restructurations.
S’agissant des personnels civils, trois propositions de postes sont formulées pour chaque agent au sein du ministère de la défense ou dans l’une des trois fonctions publiques.
En outre, le maintien de la rémunération est garanti pendant sept ans par un complément indemnitaire d’accompagnement.
Il existe également un dispositif d’aide à la mobilité géographique avec une indemnité dont le montant varie selon la situation de famille et la distance de la nouvelle affectation, lequel se situe entre 8 300 et 32 000 euros.
Les personnels civils bénéficient d’une indemnité de départ volontaire située entre 49 000 à 91 000 euros selon l’ancienneté, qui n’est pas imposable et qu’il est possible de cumuler avec une allocation-chômage.
Enfin, il existe un dispositif d’accompagnement de la famille avec des aides au logement comprenant le remboursement de la différence d’un nouveau loyer plus cher pendant six mois ainsi que des aides pour l’acquisition d’un nouveau logement qui peuvent aller jusqu’à 8 000 euros non remboursables et un accompagnement de la famille par une aide à la mobilité pour les conjoints.
Une partie de ces dispositifs – ceux que j’ai énoncés au début – est spécifique aux personnels civils, l’autre partie concernant également les personnels militaires, pour lesquels deux autres mesures sont mises en oeuvre.
C’est d’abord le pécule, tout d’abord, qui correspond à 36 mois de rémunération et qui s’étend de 83 000 à 200 000 euros par départ volontaire en fonction de l’ancienneté des intéressés.
Ensuite, nous avons mis en place un dispositif de pensions afférentes aux grades supérieurs pour les personnels militaires amenés à quitter nos armées.
J’ai reconduit un tel ensemble et je l’ai même amélioré sur un certain nombre de points, en particulier en ce qui concerne les distances de mobilité, afin de le rendre plus performant et plus efficace.
Je souhaite qu’aucun personnel civil ou militaire concerné par les restructurations ne soit laissé au bord de la route. Nous avons mis en place un ensemble très complet de mesures permettant que ces restructurations, toujours difficiles, et que les mobilités, toujours délicates, soient gérées le mieux possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre, le groupe SRC souhaite vous interroger sur les exportations de défense.
En 2013, les exportations de la France en la matière se sont élevées à 6,87 milliards. Vous nous avez d’ailleurs rappelé que cela représente une augmentation de 43 % par rapport à 2012.
En outre, la France mène sa reconquête industrielle et il est bon de rappeler combien les exportations d’armements y contribuent.
Je souhaite vous interroger sur trois points plus particulièrement.
Premièrement, pouvez-vous nous rappeler, monsieur le ministre, votre stratégie en matière d’exportation d’armement, la méthode qui est la vôtre et vos perspectives éventuelles en la matière ?
Deuxièmement, vous êtes soucieux, nous le savons, de donner la capacité aux PME de mieux exporter, mais aussi d’améliorer les relations entre les grands groupes et les PME. Celles-ci ont connu plusieurs succès au cours des derniers mois : aujourd’hui même, vous avez parrainé la vente à l’État du Congo de deux navires, et c’est une PME française qui a gagné cette bataille internationale. Pouvez-vous réaffirmer votre soutien, non seulement à nos grands groupes, mais aussi à nos PME, en matière d’exportation ?
Troisièmement, dans quelle mesure notre implication militaire en Afrique et ailleurs dans le monde peut-elle nous aider à conquérir des marchés à l’international, en particulier dans le domaine de l’armement, grâce notamment à une relation de partenariat et de confiance avec certains États ? D’après ce que vous avez pu constater lors de vos déplacements, estimez-vous que de telles relations de confiance peuvent contribuer à dynamiser nos exportations ?
Je tiens, pour finir, à saluer l’action de nos militaires, qui soutiennent, discrètement, mais ô combien efficacement, nos entreprises à l’exportation, avec un ministère de la défense en première ligne.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il me sera difficile de vous répondre dans les deux minutes qui me sont imparties, monsieur le député, même si M. le président a bien voulu m’accorder un peu plus de temps…
J’essaie d’être un funambule éclairé, monsieur le député !
Sourires sur les bancs du groupe UMP.
Puisqu’il m’est impossible de faire une réponse exhaustive à votre question, permettez-moi, monsieur Rouillard, de tracer simplement quelques grandes lignes.
En ce moment même se déroule le salon Euronaval, que j’ai inauguré hier et qui est devenu le premier salon mondial dans son domaine : 96 délégations étrangères y sont attendues, ce qui montre la force de nos capacités industrielles dans ce secteur, comme dans d’autres, du reste, puisque les salons du Bourget et d’Eurosatory ont eux aussi un rayonnement très fort au niveau international. Ces manifestations sont d’abord des vitrines, mais elles donnent également l’occasion de conclure des accords.
Vous avez rappelé, monsieur le député, que les exportations d’armement avaient augmenté de 43 % entre 2012 et 2013. Je peux vous indiquer que nous sommes d’ores et déjà, à ce moment de l’année, au niveau de 2013 et que nous pourrons probablement dépasser le niveau atteint l’an dernier, si certains contrats en cours de négociation sont signés d’ici la fin de l’année.
Vous avez noté très justement que la qualité de nos interventions militaires et notre capacité à intervenir suscitent à la fois le respect et l’intérêt. Lors de notre intervention au Mali, nous avons déployé simultanément sur un même territoire des Rafale, des Tigre et nos forces spéciales. Les très bons résultats que nous avons obtenus sont reconnus et respectés et ils ont entraîné des commandes au cours de l’année, car nos capacités ont fait leur preuve. Si nous avons vendu des Tigre et des hélicoptères NH90, c’est parce que la performance et l’expérience étaient au rendez-vous. Ces succès commerciaux sont dus à la qualité de nos matériels et de notre production industrielle, mais aussi à la qualité des interventions que nous avons menées.
Notre action en faveur de l’exportation ne concerne pas seulement les grands groupes. Le pacte Défense-PME que j’ai signé il y a maintenant dix-huit mois comporte tout un pan relatif à l’exportation et à la nécessité d’accompagner les PME du secteur dans cette voie – et ce dispositif donne des résultats. Vous avez évoqué la vente, conclue ce matin, de deux patrouilleurs au ministère de la défense du Gabon.
J’ajoute que nous avons vendu en même temps douze blindés Aravis, fabriqués par le grand groupe Nexter Systems. Cette vente a donc impliqué à la fois un grand groupe et une PME. Cette méthode porte ses fruits.
Je conclurai en vous disant que, dans l’action en faveur de l’exportation, il faut que chacun soit à sa place. Le rôle du ministre de la défense est de faire en sorte qu’il existe, avec les pays concernés, un vrai partenariat stratégique, c’est-à-dire une relation de confiance sur la durée. Le rôle des industriels, c’est de négocier, pour avoir les meilleurs prix et les meilleures compétences. Vous le voyez : nous agissons, chacun dans notre rôle, pour l’intérêt de nos industries et la sécurité de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en arrivons aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Olivier Audibert Troin.
Monsieur le ministre, le bilan de l’exécution budgétaire pour l’année 2013 a montré que les crédits de fonctionnement courant, ceux qui sont strictement nécessaires pour assurer aux unités des conditions de vie et de travail descentes, étaient à la limite de la rupture.
L’an passé déjà, en octobre 2013, face à cette situation hypertendue, vous aviez décidé de mettre en oeuvre un plan d’urgence de 30 millions d’euros au bénéfice des bases de défense, afin de satisfaire les besoins les plus élémentaires. Un état des lieux complet sur l’ensemble du territoire a d’ailleurs permis, par la suite, de recenser sept cents points noirs, dont la moitié concerne les formations de l’armée de terre.
Chaque année, lors de leur audition devant notre commission, les chefs d’État-major des armées insistent sur la dégradation des bases et des casernes. Le niveau des crédits de fonctionnement des bases de défense est nettement inférieur à leurs besoins. Cela se traduit, dans la gestion quotidienne, par de fortes tensions budgétaires en fin d’exercice annuel. À titre d’exemple, et vous le savez, il manquera à une base de défense que je connais bien près de 1,8 million d’euros pour boucler son budget à la fin de cette année.
Les crédits de paiement pour 2015 sont fixés à 734,48 millions, ce qui correspond à une hausse de 2 %. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les bases de défense auront à nouveau à souffrir, en fin d’exercice, de l’insuffisance des crédits. Les besoins minimum, d’après un audit de l’État-major des armées, ont été fixés à 770 millions d’euros. Vous escomptez 14,23 millions d’euros de recettes extrabudgétaires, mais on connaît le caractère très virtuel des recettes exceptionnelles.
Par ailleurs, les crédits d’entretien et de maintenance ont baissé au cours des quatre dernières années, pour atteindre aujourd’hui le seuil d’1 euro par mètre carré. Face à cette situation, vous avez annoncé, monsieur le ministre, la programmation de 310 opérations, pour un montant de 67 millions d’euros en 2015. Nous accueillons favorablement cette décision, cela va de soi, mais nous la jugeons insuffisante pour améliorer durablement les conditions de vie et de travail dans les bases de défense. Leurs crédits de fonctionnement se situent, et vous le savez, au seuil de l’acceptabilité sociale.
Vous qui êtes attaché aux conditions de travail de nos militaires, comment envisagez-vous, dans le cadre budgétaire contraint qui est le vôtre, de renforcer les budgets de fonctionnement de nos bases de défense ?
Monsieur le député, vous avez raison de poser cette question, car il y avait bien, et j’espère qu’il se résorbe, un problème au niveau des bases de défense. Il était selon moi lié à trois éléments : la mise en oeuvre beaucoup trop rapide du dispositif, la complexité des procédures et l’absence de cohérence, toute au long de la chaîne de décision, pour toutes les dépenses liées aux bases de défense.
Je l’ai moi-même constaté, car vous savez que je vais très souvent dans les unités, sur l’ensemble du territoire. Cela m’a d’abord amené, l’année dernière, à engager un plan d’urgence, puis à réorganiser le dispositif des bases de défense et à créer un comité des soutiens, que je préside désormais. Je ne m’occupe pas uniquement des interventions, des renforcements capacitaires ou des choix d’investissement, mais aussi des soutiens, auxquels je veux donner toute la force nécessaire.
J’ai décidé d’augmenter les affectations de plusieurs bases de défense qui avaient été sous-dotées ou sous-basées au départ. Vous avez donné des chiffres et j’aimerais à mon tour vous donner ceux dont je dispose. En projet de loi de finances initiale pour 2012, le budget destiné aux bases de défense était de 650 millions d’euros, ce qui était insuffisant. Aujourd’hui, il a atteint 750 millions d’euros. Il est vrai que la demande formulée par les armées était un peu plus élevée, mais la progression est tout de même significative, et j’y ai veillé, car je suis très attentif à cette question.
J’espère que le comité des soutiens que nous avons créé me permettra de clarifier encore davantage l’ensemble de ces nouvelles procédures. Je n’ai pas voulu remettre en cause le dispositif des bases de défense, parce que j’estimais que leur création était justifiée. Ce qui a péché, c’est la mise en oeuvre trop rapide du dispositif, qui a entraîné des bouleversements, des incompréhensions, voire des stupidités. J’espère pouvoir y remédier.
Je n’ai pas eu d’échos particuliers s’agissant de la base de Draguignan – j’en ai eu au sujet d’autres bases – mais j’examinerai la situation avec beaucoup d’intérêt et d’attention, puisque j’ai mis en place les moyens pour remédier aux problèmes qui pourraient se poser.
Monsieur le président, permettez-moi de faire une remarque de méthode, qui va bien au-delà de la seule méthode.
J’ai le sentiment, depuis que nous avons commencé ce débat un peu après seize heures, qu’il s’agit d’un débat de commission…
…au cours duquel on nous octroie aimablement le droit de poser une question.
Mes chers collègues, nous sommes ici représentants de la nation. Et personne n’a à me dire, monsieur le président, si j’ai le droit de poser une, deux ou dix questions, ni comment et sur quoi je dois intervenir.
Nous nous conformons simplement au règlement, et ce n’est pas nous qui l’avons rédigé !
Je souhaite, monsieur le président, que vous saisissiez le président de l’Assemblée nationale de la manière dont se déroule l’ensemble de cette discussion budgétaire : nous n’avons que de faux débats, où l’essentiel est escamoté. Cela n’est pas digne de la République française !
J’en viens à trois points sur lesquels je souhaitais intervenir. Je ne ferai que les évoquer, car je sais, monsieur le président, que vous taperez bientôt avec votre petite règle pour me faire savoir que mon temps de parole est écoulé et que je dois me taire.
Premièrement, monsieur le ministre, vous nous dites que le budget est solide, mais vous nous avez remarquablement démontré l’inverse. Car enfin ! Si vous cherchez à créer cette société de projets, c’est bien parce que vous craignez de ne pouvoir compter sur les recettes exceptionnelles, lesquelles s’élèvent tout de même, vous l’avez rappelé, à 2,3 milliards d’euros ! Si ces recettes exceptionnelles viennent à manquer, vous aurez recours à cette société de projets pour financer à crédit les acquisitions de matériel, que vous ne pourrez pas financer sans cela. Ce n’est donc pas un budget solide que vous nous présentez, mais un budget fragile.
J’en viens, et c’est mon deuxième point, à la question des effectifs. En l’espace de dix ans, d’ici à 2020, nos armées auront vu leurs effectifs réduits de 70 000 à 80 000 personnes. Pour que nos concitoyens, s’ils nous font le plaisir de nous écouter, aient un élément de référence, le total des effectifs de la défense s’élève aujourd’hui à 278 000 postes. Vous mesurez donc bien, à l’heure où les dangers s’accumulent, ce que représente la perte de près de 80 000 postes !
Je dis que ce n’est pas raisonnable, je dis que ce n’est pas responsable, et je demande un moratoire, monsieur le ministre, pour arrêter cette déflation des effectifs.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Les deux minutes sont écoulées depuis longtemps !
Je prends à témoin la représentation nationale et nos concitoyens : trois minutes, pour 31 milliards !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Trois minutes pour 31 milliards ! C’est choquant, et je suis certain qu’au fond vous êtes d’accord avec moi.
Je conclus pour vous être agréable, monsieur le président. Monsieur le ministre, vous évoquez le redressement des comptes publics pour justifier la baisse ou les limites des crédits de la défense. Je pourrais l’entendre s’il y avait des baisses d’effectif dans les trois fonctions publiques, mais ce n’est pas le cas.
Et je pourrais comprendre la réduction des crédits si des efforts étaient faits pour redresser les comptes de la nation, mais il n’y en a pas davantage.
Merci mon cher collègue. Pour apporter quelques éléments de réponse sur les aspects de procédure, l’organisation de nos travaux dans cet hémicycle à l’occasion de l’examen du budget de la défense n’a rien de singulier. Les débats se déroulent de la même façon pour les autres missions budgétaires.
C’est justement le problème !
Il faut bien comprendre que nos travaux dans l’hémicycle sont précédés de travaux en commission élargie. Les rapporteurs spéciaux ou les rapporteurs pour avis peuvent parfaitement s’y exprimer. Comme d’autres, j’ai été le témoin de commissions élargies extrêmement intéressantes et stimulantes qui ont permis aux ministres de s’exprimer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
En tout état de cause, vos remarques seront transmises, par l’intermédiaire de votre groupe si le président du groupe le juge nécessaire, à la conférence des présidents.
C’est à la presse qu’il faut les transmettre, il ne s’adressait qu’à elle !
Il est vrai que ce type de procédure évolue d’année en année. J’ai aussi le souvenir de débats dans l’hémicycle au cours desquels les orateurs se succédaient à la tribune face à un très petit nombre d’auditeurs. Nous avons aussi voulu en terminer avec ce type de pratique.
Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 alinéa 1. Je voulais simplement rappeler à mon collègue que le nouveau règlement de l’Assemblée nationale a été mis en place sous la férule de M. Copé. Par conséquent, s’il n’est pas content de l’organisation de nos débats, qu’il s’en prenne aux fauteurs de troubles – en quelque sorte – c’est-à-dire à M. Copé et au groupe UMP !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Le nouveau règlement a été mis en place sous l’égide du président Accoyer. Il a été contesté en son temps, mais maintenant il fait l’unanimité, semble-t-il.
Nous en revenons au fond du débat. La parole est à M. le ministre pour répondre à la question de M. Grouard.
Monsieur Grouard, je voudrais d’abord dire à chacune et chacun que j’ai déjà passé six heures, avant d’entrer en séance, à répondre à vos questions.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
De ce fait, je ne me sens pas uniquement funambule, mais un peu répétitif puisque j’ai dit plusieurs fois la même chose. Les mêmes députés n’étaient d’ailleurs pas présents durant ces six heures, à l’exception de la présidente de la commission, naturellement. Il y a eu une certaine rotation des effectifs, si bien que certains d’entre vous n’ont pas entendu les réponses que j’ai pu donner à tel ou tel moment.
Si je dis cela, c’est parce que je crois avoir répondu à toutes les questions avec beaucoup de précision. Je ne vais donc pas répondre à M. Grouard sur les questions de fond concernant la solidité du budget. J’ai encore eu tout à l’heure l’occasion de les répéter à M. Meunier. Je répète que le Président de la République a décidé de sanctuariser les crédits de la loi de programmation militaire, et j’ai eu à ma disposition en 2014, comme en 2013, les crédits qui étaient inscrits. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas en 2015.
C’est ce qui me permet de faire des choix d’équipement conformes à la loi de programmation militaire, et c’est la raison pour laquelle j’ai pu annoncer, par exemple, que j’engageais le programme Scorpion. Je rappelle qu’il était attendu depuis de nombreuses années. C’est aussi pour cela que je peux engager le programme de ravitailleurs en vol, qui sont essentiels pour nos capacités d’intervention comme pour notre dissuasion.
Permettez-moi de faire une remarque de fond, sans polémique, à M. Grouard. Les déflations d’effectifs sont toujours douloureuses et difficiles. Je ne reviendrai pas sur la méthode que j’ai utilisée, qui permet de réduire au maximum les fermetures de garnisons. Il y aura deux fermetures de garnison en 2015, ce sont deux cas difficiles, mais il y en avait beaucoup plus auparavant.
Sur le fond, je ne suis pas sûr qu’il faille apprécier la qualité d’une armée uniquement à son nombre. La qualité d’une armée, c’est le lien entre le nombre, l’efficacité et les capacités. C’est tout en même temps. Un régiment en 2015 fait beaucoup plus que le même régiment il y a vingt ans de cela.
Ma responsabilité est donc d’assurer en même temps la cohérence et l’efficacité, et c’est ce à quoi je m’emploie. En fin de loi de programmation, la France aura la première armée d’Europe, y compris en termes d’effectifs. Je ne parle pas en termes de qualité, puisque dès à présent, nous avons la seule armée capable d’entrer en premier et de tenir sur la durée une situation. La Grande-Bretagne en est en partie capable, mais aujourd’hui elle n’entre pas en premier.
J’estime donc que la loi de programmation militaire permet la cohérence de nos actions, et donc d’assurer le maintien de notre capacité de dissuasion, la protection du territoire, et la capacité d’intervention extérieure.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, une simple lecture des chiffres du budget de la défense pourrait être de nature à apaiser mon inquiétude et celle de mes collègues quant au maintien des capacités opérationnelles de notre défense nationale.
En effet, le budget 2015 consacré à la défense nationale est maintenu au niveau de l’année précédente, et demeure conforme à la loi de programmation militaire. Monsieur le ministre, vous me demanderez que demander de plus !
Tel est justement le sens de mon intervention, car une lecture plus attentive dudit budget ne semble pas confirmer le maintien d’une défense nationale opérationnelle dans l’environnement international que nous connaissons. En effet, monsieur le ministre, vous savez que les besoins matériels et humains de nos armées sont grands et les opérations extérieures dans lesquelles est engagée la France sont toutes aussi importantes.
Dès lors, comment pouvez-vous affirmer qu’à budget constant, la mission « Défense » va concrétiser en 2015 la transition d’un nouveau modèle d’armée plus efficace car mieux adapté aux formes nouvelles de crise ?
Ce nouveau modèle, en quoi consiste-t-il ? Moins de militaires, des régiments supprimés – comme ce fut dernièrement le cas dans mon département de la Marne, à Châlons-en-Champagne, avec des conséquences dramatiques au niveau local –, des reports de programmes d’armement, et ainsi de suite. Ce nouveau modèle, nous n’en voulons pas. La France doit préserver sa capacité militaire. Nos forces armées et nos moyens militaires sont d’autant plus importants que les interventions militaires extérieures se multiplient, gages de la sécurité de nos compatriotes et de la place de la France dans le concert des nations mondiales.
Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous prendre l’engagement, devant la représentation nationale, que le budget de la mission « Défense » pour 2015 permettra de maintenir, en premier lieu le renouvellement du matériel militaire de nos armées et le respect des programmes d’armement engagés ; en deuxième lieu un niveau d’effectifs militaires et civils nécessaire au bon fonctionnement de nos armées ; et en troisième lieu la participation de la France à des opérations extérieures aux côtés de nos alliés pour garantir nos intérêts et notre sécurité ? En l’état actuel, je ne pense pas que ce soit le cas.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, je regrette que vous n’ayez pas pu participer aux débats antérieurs, parce que j’ai déjà répondu assez largement à vos préoccupations. Puisque vous insistez, je tiens à vous dire que lorsque je suis arrivé dans ces fonctions, j’ai constaté que nous n’avions pas de drones d’observation, et que cette lacune était grave pour notre pays. J’y ai remédié.
Et cela marche, vous pouvez demander aux militaires qui sont aujourd’hui au Niger et qui les utilisent à quel point ces équipements sont performants.
Lorsque je suis arrivé dans ces fonctions, j’ai constaté que, sur un sujet extrêmement pointu, celui de la cybersécurité, nous n’avions pas engagé au niveau nécessaire la réflexion et l’action. J’y ai remédié.
Lorsque je suis arrivé, j’ai constaté que les avions de ravitaillement en vol qui servent pour les interventions et pour la dissuasion étaient très âgés. Quand je dis très âgés, cela veut dire qu’ils ont plus de quarante-cinq ans, ce qui est très vieux pour un avion. J’y ai remédié, je viens de l’annoncer.
Je veux donc vous répondre que le modèle d’armée auquel vous vous référez est un modèle ancien qu’il faut absolument renouveler et moderniser, c’est ce que je fais. Tous les équipements prévus dans la loi de programmation militaire seront au rendez-vous. Je vous défie, dans la loi de programmation militaire telle qu’elle a été votée, et sur les engagements que j’ai pris en 2013, 2014 et pour 2015, de montrer où je n’ai pas été au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, les contraintes budgétaires étant ce qu’elles sont, l’effort de défense a été calculé au plus juste dans le cadre de la loi de programmation militaire. Le Président de la République s’est engagé à plusieurs reprises à ne pas toucher aux crédits alloués à la défense.
Je veux dire, comme vous l’avez fait à de nombreuses reprises, à quel point il est nécessaire que les armées puissent compter sur la totalité des 31,4 milliards promis pour 2015. Une lisibilité financière est donc indispensable pour maîtriser les risques et mettre en oeuvre une gestion efficiente.
Le chef d’état-major des armées l’a dit lui-même : le costume est taillé au plus juste. Alors que des hommes et des femmes risquent leur vie pour notre pays, en notre nom à tous, nous avons un contrat moral avec eux. Comment pourraient-ils comprendre, à l’instar de nos concitoyens, que la loi de programmation militaire soit amputée de quelconque manière dans le contexte actuel ?
Alors que je m’apprête à accompagner le Président de la République au Canada pour une visite d’État chez notre allié engagé militairement à nos côtés et qui vient d’être durement frappé par le terrorisme, j’aimerais vous interroger sur deux points essentiels.
Pouvez-vous nous indiquer comment, dans ce contexte financier très contraint, nous pourrons faire face à nos engagements dans le cadre des OPEX sans amputer encore les crédits d’équipement de la défense ?
Ensuite, comment comptez-vous assurer et rassurer – et ma question s’adresse autant au ministre du budget qu’au ministre de la défense –, après l’annonce hier de 3,6 milliards d’économies supplémentaires, sur le fait que les investissements de modernisation de nos armées prévus par la loi de programmation militaire seront bien au rendez-vous ?
En un mot, permettez-moi de vous dire que je ne regrette pas de vous avoir proposé, par un amendement à la loi de programmation militaire que vous avez accepté, un débat hors de la discussion du budget. Les interventions de mes collègues Grouard ou Myard montrent combien il sera important d’avoir un vrai débat, qui pourrait avoir lieu en avril, au cours duquel les rapporteurs pourront s’exprimer, ce qui n’est pas le cas dans cette procédure accélérée.
D’ici là, monsieur le ministre, accepterez-vous que les rapporteurs – je pense notamment à MM. Cornut-Gentille, Launay et Bridey – puissent, à vos côtés, réfléchir à l’articulation de la société de projet que vous nous proposez et des programmes d’investissement d’avenir, qui pourraient être dotés du statut de compte d’affectation spéciale pour recevoir des cessions d’actifs.
Ainsi, le Parlement pourrait être un allié efficace, à vos côtés, face à un ministère des finances dont on voit chaque jour qu’il met en risque la vision que nous avons les uns et les autres de notre défense.
Je répondrai brièvement à M. Lefebvre, qui rappelle l’engagement que j’ai pris – en soutenant l’amendement qu’il avait déposé – pour qu’un débat ait lieu en 2015. J’y suis d’autant plus favorable que la révision de la loi de programmation militaire est prévue à la fin de l’année 2015.
Pour compléter mon propos, je précise que les 3,6 milliards auxquels il a fait référence n’affectent absolument pas le budget de la défense. De plus, je suis tout à fait vigilant pour défendre le point de vue que les chefs d’état-major des différentes armées, ainsi que le chef d’état-major des armées, ont repris devant vous : rien que la loi de programmation, certes, mais toute la loi de programmation. Je suis d’une très grande vigilance et d’une très grande ténacité sur le sujet. Je pense que vous avez pu vous en rendre compte.
Enfin, je voudrais préciser devant vous mes propos concernant l’investissement, c’est-à-dire l’acquisition d’armements, de capacités. La moyenne budgétaire affectée à l’acquisition d’armements dans la loi programmation militaire précédente était de 16 milliards d’euros.
Dans la loi de programmation militaire que j’ai l’honneur de porter, cette même moyenne sera de 17 milliards d’euros. Déjà, cette année, le montant des investissements s’élève à 16,7 milliards d’euros, soit une progression de 300 ou 400 millions d’euros par rapport à l’année dernière et de 600 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Nos efforts permettent donc l’acquisition des équipements dont nous avons besoin.
Vous avez parlé de contrat moral, monsieur Lefebvre : c’est aussi comme cela que je conçois ma mission.
Tous les rapporteurs seront-ils associés à la réflexion sur l’articulation entre la société de projet et le programme d’investissements d’avenir, comme je l’ai suggéré ?
Même si j’étais funambule, je n’aurais pas autorité pour organiser le travail au sein d’une commission parlementaire.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, au titre des députés non inscrits.
Monsieur le ministre, depuis votre arrivée au pouvoir, le Gouvernement a imposé à nos armées une restriction budgétaire drastique,…
…alors que la France réalise un effort considérable pour assurer la sécurité mondiale face à la menace islamiste.
Afghanistan, Irak, Mali, Centrafrique : autant de terrains de bataille où l’utopie d’une armée européenne s’est envolée, face à l’incapacité des nations européennes à s’entendre et à s’associer à l’effort français.
En ces périodes troubles, l’utilité d’une défense forte et indépendante est chaque jour démontrée. La France doit pouvoir conduire ses opérations selon sa propre politique étrangère, qui devrait être guidée par le principe de non-ingérence et une approche équilibrée d’un monde multipolaire.
Cela doit nous inciter à consolider notre industrie militaire nationale. Or vous faites exactement l’inverse en apportant votre soutien au projet de fusion entre le spécialiste français d’armement terrestre Nexter et son homologue allemand KMW. Ce mariage forcé, que les Allemands cherchent à éviter, se fera au détriment de notre souveraineté militaire et de notre industrie. En effet, vous voulez associer deux entreprises dont les gammes de produits sont concurrentes, alors que l’entreprise allemande est avantagée car elle a déjà pénétré plus largement le marché. Ni la France ni l’Europe n’auront les moyens d’acheter ce type de matériel : les débouchés de ces produits seront donc insuffisants pour un tel programme. De plus, nous n’avons pas la même vision politique d’exportation que l’Allemagne.
Les conséquences d’un tel flou sont d’ores et déjà prévisibles. Basée aux Pays-Bas, la nouvelle entité échappera progressivement au contrôle de l’État français, à l’instar de ce qui est arrivé à EADS. Qui décidera des restructurations, inévitables compte tenu de la concurrence des gammes de produits ? Qui décidera si le nouveau véhicule blindé de l’infanterie prévu dans le programme Scorpion, seul programme de Nexter attendu pour 2016, plutôt que le Puma ou le Boxer, s’exportera ? Et dans quels pays ? Qui décidera des nouveaux investissements en recherche et développement ? L’armée de terre française ou l’armée allemande ? Qui décidera des futures alliances ?
Nous risquons, une fois de plus, d’être les grands perdants d’une fusion contre-nature. Bien qu’elle soit notre partenaire, n’oublions pas que l’Allemagne demeure un concurrent économique. Merci, monsieur le ministre, de nous éclairer sur cette problématique industrielle et technologique.
Madame la députée, j’ai annoncé tout à l’heure que j’avais signé le marché pour l’acquisition de matériel dans le cadre du programme Scorpion. Je pense que vous l’avez entendu.
Le contrat a été attribué en partie à l’entreprise Nexter, mais d’autres partenaires interviendront, puisque le dispositif comporte aussi un volet relatif aux communications, qui sera très performant et qui sera pris en charge par une entreprise française.
Vous posez la question des discussions en cours entre KMW et Nexter. Il est vrai que des discussions ont lieu et que nous sommes plutôt favorables au rapprochement de ces deux groupes : ils ont en effet, chacun dans leur domaine, des complémentarités patentes. Dans le cadre des discussions en cours, chacun préservera sa singularité. Si c’est ce qui vous inquiète – ce dont je ne suis pas sûr –, soyez tranquille : le programme Scorpion sera assuré par Nexter.
Par ailleurs, lorsque nous concluons des alliances avec des partenaires industriels, le gouvernement actuel s’attache, comme les gouvernements antérieurs, à préserver notre autonomie stratégique. MBDA est un missilier très performant : même s’il est franco-britannique, nous préservons totalement notre autonomie stratégique, en particulier dans le domaine nucléaire.
De telles alliances permettent de renforcer nos capacités à l’exportation. L’industrie de défense française est d’une grande qualité. Je vous rappelle d’ailleurs que les industries de défense françaises exportent trois fois plus de matériel qu’elles n’en importent : nous n’avons donc rien à craindre de ce type d’alliance, au contraire ! C’est pourquoi je souhaite que le rapprochement entre Nexter et BMW puisse aboutir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Mon intervention ne concerne pas spécialement la mission « Défense », d’autant que, pendant la commission élargie qui a duré de longues heures, M. le ministre a répondu parfaitement aux différentes questions qui lui ont été posées.
Tel n’est pas le cas dans un grand nombre d’autres commissions élargies. Les interventions des rapporteurs se limitent à cinq minutes. Les autres députés, qu’ils soient porte-parole d’un groupe ou non, qu’ils soient membres des commissions concernées ou non, ne disposent que de deux minutes pour poser une question. Le ministre répond ensuite à l’ensemble des questions, ce qui n’est pas normal : il devrait répondre à chaque question, afin qu’un vrai débat puisse s’engager en commission élargie. Cela changerait tout ! Nous pourrions alors comprendre que la séance publique se limite aux interventions des porte-parole des groupes, d’une durée de cinq minutes, suivies de quelques questions et de la discussion des amendements éventuels.
En réalité, dans le système actuel, les commissions élargies ne fonctionnent pas. Pour avoir participé à plusieurs de ces réunions, j’ai pu constater qu’un certain nombre de députés de sensibilités différentes, siégeant sur tous les bancs de notre assemblée, ont réagi très fortement par rapport à cette situation.
Mon cher collègue, les commissions élargies fonctionnent très bien. Libre au président de la commission de demander au ministre de répondre immédiatement à une question qui lui est posée. Cette pratique est régulière : comme d’autres, j’en ai été le témoin. Toutefois, je prends note de votre intervention, de même que le président de votre groupe, que j’aperçois dans notre hémicycle et que je salue.
J’appelle les crédits de la mission « Défense », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisi d’un amendement no 189 .
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.
Je serai bref car j’ai déjà défendu cet amendement en commission élargie. Il s’agit de la traduction concrète des propos que j’ai tenus tout à l’heure : nous proposons une autre répartition des crédits au sein de la mission, en réduisant les dépenses consacrées à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire afin d’augmenter la dotation annuelle dédiée aux opérations extérieures.
Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, le Gouvernement fait un pari en affichant un volume de dépenses consacrées aux opérations extérieures relativement contenu. Or on sait que ce montant a été dépassé lors des exercices précédents, l’enveloppe ayant été abondée par des crédits prélevés sur l’ensemble du budget de l’État, et non spécifiquement sur le budget de la défense. Cette façon de faire permet, certes, de préserver les crédits de la défense, mais seulement dans la mesure où le reste du budget de l’État le permet, ce dont nous pouvons douter au vu de l’état des finances publiques. Par ailleurs, comme l’a dit le ministre, la France s’est engagée, souvent la première, dans un certain nombre d’opérations, ce que je salue. Mais si d’autres pays nous soutiennent parfois, ils se gardent bien de le faire financièrement, ou alors de façon très modeste.
Ainsi, le présent amendement vise à appeler l’attention de notre assemblée sur ce sujet. Mes chers collègues, je vous invite à l’adopter.
La parole est à M. Jean lLaunay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour donner l’avis de la commission.
Nous connaissons bien la position du groupe écologiste sur ce sujet, souvent exprimée par François de Rugy, comme lors de la commission élargie du 23 septembre. La commission des finances a examiné et repoussé cet amendement, en se référant à la loi de programmation militaire et en particulier à la doctrine française, qui prévoit le maintien de la double composante sous-marine et aéroportée de la dissuasion nucléaire, dans le cadre de ce que l’on appelle communément le « principe de la stricte suffisance ».
Souvent, le ministre rappelle la LPM, toute la LPM. Il vient de le faire à l’instant, et je le répète une nouvelle fois : la loi de programmation militaire actuelle suppose le maintien de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire. Tout cela avait été parfaitement défini lors de l’élaboration du dernier livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. J’appelle donc mes collègues à rejeter cet amendement.
Je veux répondre à M. de Rugy sur le fond. Nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises, mais j’aimerais vous donner les raisons pour lesquelles je suis, pour ma part, très attaché aux deux composantes de la dissuasion nucléaire.
La dissuasion est aujourd’hui la garante de notre autonomie stratégique et de notre souveraineté. Peut-être contestez-vous globalement ce principe, monsieur de Rugy. Mais si nous approuvons ce principe, pourquoi maintenir les deux composantes de la dissuasion ? Pas pour le plaisir, mais parce que la double composante présente quatre avantages, et j’en ajouterai même un cinquième.
Premièrement, la double composante nous offre une garantie face à l’éventuelle percée technologique imprévue dont pourrait bénéficier un adversaire potentiel, que ce soit dans la défense aérienne, dans la défense antimissile ou dans la détection sous-marine. La double composante présente l’avantage de la redondance.
Deuxièmement, en termes tactiques, la composante aéroportée offre au chef de l’État un large panel d’options stratégiques, et donc un spectre plus large d’actions possibles. Elle évite le « tout ou rien » et permet de lancer un avertissement nucléaire sans dévoiler la composante océanique de la dissuasion.
Troisièmement, la composante aéroportée correspond à une capacité visible, qui offre à l’autorité politique un espace pour une manoeuvre politico-diplomatique pouvant être très utile en cas de crise majeure.
Quatrièmement, la complémentarité des deux composantes génère une contrainte supplémentaire pour les défenses adverses, qui sont obligées de prendre en compte deux modes de pénétration différents, et donc d’être elles-mêmes redondantes dans leur capacité de défense.
Voilà quatre raisons militaires, techniques, stratégiques, qui justifient la nécessité d’une deuxième composante. J’en ajoute une cinquième, monsieur de Rugy : cela ne coûte pas cher.
La composante aéroportée ne représente que 5 % du budget de l’ensemble de la dissuasion : pour ce prix-là, elle apporte l’ensemble des avantages que je viens d’évoquer. La sécurité de la France mérite bien les deux composantes.
Je voudrais faire un commentaire sur le règlement de notre assemblée. Je suis discipliné et j’ai bien compris qu’on ne pouvait pas intervenir librement pendant le débat. Plein d’espoir, j’espérais toutefois pouvoir m’inscrire sur l’article 32, avant que M. de Rugy ne soutienne son amendement. Mais cela non plus, ce n’était pas possible.
Mon cher collègue, vous avez suffisamment d’expérience pour savoir que vous pouvez parler du fond des choses dans le cadre de la discussion d’un amendement. Allez-y !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Mon intervention n’est pas tout à fait en rapport avec le sujet de l’amendement.
Merci, monsieur le président. Au sujet de cette grande nouveauté qu’est la société de projet, je trouve dommage que nous n’ayons pas pu aller au fond des choses en séance publique. Si la société de projet est un moyen de faire mieux, c’est-à-dire d’engager des investissements complémentaires pour rattraper un retard, alors nous pouvons discuter de cette proposition, qui pourrait être intéressante. En revanche, s’il s’agit d’un moyen de substitution pour réaliser des investissements qui ne seraient pas possibles parce que nous n’aurions pas les moyens financiers de les réaliser, alors le problème est très différent. Sur un tel sujet, à mon humble avis, nous aurions pu passer un peu plus de temps.
Comme je l’ai déjà expliqué, les députés du Front de gauche réfutent l’arme nucléaire. Cette dernière n’est pas la garantie ultime de notre sécurité ; bien au contraire, elle met nos soldats en danger. Comme nos collègues du groupe écologiste, nous dénonçons l’usage, en opération, du véhicule de l’avant blindé, vieux de quarante ans et vulnérable au moindre fusil-mitrailleur ennemi. La disproportion entre l’équipement nucléaire et l’équipement conventionnel est manifeste.
Le nucléaire défigure notre armée – c’est mon avis, monsieur le ministre. La conception du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération est une aberration quand la France, qui détient le deuxième espace maritime mondial, désarme au même moment cinq navires de surface.
Il faut faire de nouveaux choix, d’autres choix, pour notre pays, pour son rayonnement et pour la sécurité de nos soldats. La France doit se conformer au traité de non-prolifération, qui impose l’arrêt de la modernisation de nos arsenaux nucléaires et de la course au nucléaire.
Les amendements déposés par le groupe écologiste entendent diviser par deux la dotation allouée aux études en amont du nucléaire et supprimer la majeure partie des dépenses consacrées à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire. Les députés du Front de gauche les soutiendront.
Le groupe UMP votera contre l’amendement de M. de Rugy. Sur ce sujet, nous sommes en accord avec M. le ministre : la double composante est absolument nécessaire pour la cohérence et le maintien de notre dissuasion nucléaire, d’autant, comme l’a rappelé M. le ministre, qu’elle ne coûte pas cher par rapport aux fonds engagés pour maintenir sa capacité opérationnelle.
Mais nous avions bien compris, monsieur de Rugy, que là n’était pas la finalité de votre amendement. C’est la raison pour laquelle nous nous y opposons, car vous proposez ni plus ni moins le démantèlement de la dissuasion nucléaire.
La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Cet amendement fait la démonstration de la constance de notre collègue de Rugy, dans ses arguments.
Il propose en effet de supprimer la majeure partie des dépenses consacrées à la composante aéroportée alors même que nos forces aériennes stratégiques fêtent leur cinquantième anniversaire. Mme la présidente de la commission a lancé un cycle d’auditions sur la dissuasion nucléaire au cours du printemps dernier. Cela fut l’occasion pour nous d’entendre de nombreux intervenants, mais il semble que je n’aie pas tiré les mêmes conclusions que vous, mon cher collègue. Il existe un large consensus, aussi bien au sein de notre commission que de la commission des finances, et bien sûr dans l’hémicycle, pour le maintien des deux composantes de nos forces nucléaires.
De ces différentes auditions, je retiens particulièrement les propos du chef d’état-major de l’armée de l’air. En effet, le général Mercier nous a rappelé que la dissuasion, au lieu d’avoir un effet d’éviction sur les capacités conventionnelles, les alimente et les tire vers le haut grâce au niveau d’exigence qu’elle impose à ses hommes. Les forces aériennes stratégiques contribuent en outre aux missions conventionnelles : ravitaillement en vol, planification des missions, niveau d’entraînement de très haute intensité ou réactivité. Tous ces atouts de la composante aéroportée méritent d’être conservés. C’est la raison pour laquelle, au nom de la commission, j’émets un avis défavorable à l’amendement de M. de Rugy.
Je remercie tout d’abord M. le ministre d’avoir répondu et avancé des arguments. En effet, derrière le consensus sur ce sujet, se cache peut-être une forme de tabou. Et d’ailleurs, au cours des auditions, un ancien chef d’état-major des armées est allé jusqu’à parler de « fouler le sol sacré » si jamais l’on débattait de la dissuasion nucléaire, ce qui m’a étonné de la part d’un homme que je pensais devoir être rationnel, de par ses études, très poussées, et les fonctions très importantes qu’il a exercées. Il l’a du reste reconnu dans la suite des discussions.
Plus sérieusement, chers collègues, je pense qu’il est utile que nous ayons, au moins pendant quelques minutes, ce débat à l’occasion de notre amendement. Il faudrait bien sûr le poursuivre dans les années qui viennent. Ce n’est pas que nous proposions le démantèlement ; certes, nous sommes favorables à un désarmement à terme, monsieur Meunier, mais ici nous soulevons un point concret et, dans les propos du ministre, j’ai noté des choses intéressantes, qui montrent que l’argumentation peut être retournée.
Ainsi, parler de contraintes pour les défenses adverses laisserait à penser que l’armement nucléaire aéroporté a vocation à être utilisé. On passerait alors de la dissuasion à un autre stade. Or cela ne me semblait pas faire partie de la doctrine française. Quant à l’argument du faible coût, c’est pour souligner à quel point c’est cher dans d’autres domaines, et je crois que nous sommes d’accord sur les chiffres par rapport aux 3,5 milliards consacrés à la dissuasion nucléaire.
Quant aux propos tenus par le chef d’état-major de l’armée de l’air, et que vient de rapporter M. Bridey, nous avons dit en commission qu’ils n’étaient étayés par aucun élément concret…
…selon lesquels la dissuasion nucléaire tirerait vers le haut le reste des armements. Il y a là au contraire un effet d’éviction que personne ne peut nier.
Vous êtes un certain nombre à vouloir vous exprimer sur le sujet. La parole est à M. Gilbert Le Bris.
Si on lit entre les lignes des deux amendements de M. de Rugy, on observe que d’un côté, il veut supprimer la composante aérienne et, de l’autre, il veut amoindrir la composante océanique. Autrement dit, il veut amorcer l’extinction de la dissuasion nucléaire française. Ce n’est pas acceptable pour plusieurs raisons.
D’abord parce que la France, les États-Unis et la Russie sont les trois seuls pays au monde à avoir une dissuasion crédible, permanente et régulièrement modernisée. Les Britanniques sont à la remorque des États-Unis en matière de dissuasion.
Or, pour être crédible, la dissuasion doit être régulièrement améliorée. Si l’on en était resté au missile M4 et au Redoutable, bruyant, notre dissuasion ne serait sans doute plus crédible actuellement. Il faut constamment évoluer en fonction de la modernisation, mais aussi du maintien des compétences : si on cessait de moderniser pendant vingt ou trente ans, nous perdrions complètement nos compétences dans ce domaine et nous aboutirions de fait à l’extinction de la dissuasion.
Nous ne pouvons donc accepter les amendements de M. de Rugy.
Ils s’appuient sur l’idée qu’un monde non nucléarisé est un monde plus sûr. Mon cher collègue, l’atome rend sage. Si vous ne disposez plus de la force de dissuasion, la France sera en position d’infériorité. C’est extrêmement dangereux parce que la dissuasion nucléaire permet de rétablir un certain équilibre entre des États qui ont une capacité conventionnelle extrême et nous, qui ne l’aurions pas à la même hauteur.
Le nucléaire rétablit une certaine égalité entre la France et la Chine par exemple. En défendant l’idée d’un monde dénucléarisé, vous affaiblissez en fait l’ensemble des pays tels que la France qui sont des puissances, certes, mais qui ne sont pas à la hauteur de la Chine, voire de l’Inde.
Le débat autour de l’amendement de notre collègue de Rugy est intéressant. Il aurait été bienvenu d’avoir ces échanges en commission, mais également dans l’hémicycle. À l’UDI, aucune question n’est taboue. Le fait de poser la question est tout à fait légitime.
Cela étant, l’UDI s’interroge sur le maintien de la deuxième composante au-delà de 2029. Celle-ci a été récemment modernisée et est opérationnelle jusqu’en 2029. Aussi, supprimer aujourd’hui ses crédits entraînerait une économie minime par rapport à un inconvénient en matière géostratégique beaucoup plus important. Ce serait une erreur.
En revanche, nous devrons organiser un débat pour préparer l’après 2029. Si la conjoncture se retournait et si nous retrouvions meilleure fortune, ce qui nous permettait d’assumer l’ensemble des choix, maintenir les deux composantes serait l’idéal. Nous savons les uns et les autres – et la loi de programmation militaire en est l’illustration – que nous n’avons fait aucun choix de fond et que nous connaissons de plus en plus de ruptures capacitaires à différents niveaux.
Je suis étonné par quelques réflexions. Rappelons d’abord que la France compte 300 têtes nucléaires. C’est un chiffre public, officiel. Cela est juste suffisant pour avoir la panoplie opérationnelle au bon moment.
Je veux revenir sur un point de sémantique. Beaucoup de nos collègues emploient l’expression « double composante » alors que la dissuasion est unique. C’est un ensemble cohérent dont il faut maintenir l’ensemble des capacités.
Dernier point, mon cher collègue. Pourquoi nos chers amis américains, dont vous êtes toujours prompts à suivre les volontés hégémoniques dans n’importe quelle aventure militaire en dépit de votre pacifisme affiché, sont-ils intéressés par l’ASMPA qui, en l’état, est ininterceptable ? Comment se fait-il, alors que nous sommes les seuls à détenir cette arme, que vous vouliez supprimer cet avantage technologique de notre pays alors que huit cents PME travaillent pour la dissuasion ?
Comme le disait mon collègue Jacques Myard, c’est criminel pour les générations à venir.
Dans votre exposé sommaire, monsieur de Rugy, vous évoquez des centaines de millions d’euros d’économies chaque année. C’est totalement faux. En proposant de retirer plus de 230 millions d’euros à la composante aéroportée, c’est l’armée de l’air que vous mettez en danger. Aujourd’hui, les forces aériennes stratégiques ne sont pas une force que l’on garde dans un coin bien tranquillement en attendant le grand soir. Ce sont des équipages et des avions qui participent tous les jours aux opérations que nous menons actuellement.
Si nous vous suivions, nous mettrions directement en danger l’armée de l’air de notre pays !
L’amendement no 189 n’est pas adopté.
Puis-je considérer, le débat ayant eu lieu, que vous avez défendu votre second amendement, monsieur de Rugy ?
Vous savez, monsieur le président, que j’ai le plus grand respect pour la présidence, la vôtre en particulier.
Sourires sur tous les bancs.
Nous avons déposé deux amendements et nous souhaitons les défendre. J’ai écouté avec le plus grand intérêt les interventions des uns et des autres, et j’ai noté que vous avez distribué généreusement la parole, allant même un peu au-delà de ce qui est prévu par le règlement.
Sourires.
Je suis très heureux d’avoir contribué à ouvrir le débat avec un de nos amendements.
Ceux qui nous traitent de criminels…
Mon cher collègue Vitel, vous avez bien lu mon exposé sommaire. Nous proposons en effet 230 millions d’économies, et M. le ministre a dit que ce n’était pas cher : vous ne pouvez pas dire alors que nous mettons en péril toute l’armée de l’air.
Le budget de l’armée de l’air, ce n’est pas 230 millions d’euros ! Il faut que ceux qui nous écoutent ne soient pas induits en erreur par vos propos, faux et qui mélangent tout.
Pas du tout. On ne pense pas la même chose. Vous ne pouvez pas dire que c’est faux.
Ces 230 millions, ce n’est pas le budget de l’armée de l’air, mais le budget de la composante aéroportée.
Notre second amendement vise à réduire les crédits alloués aux études amont du domaine nucléaire, dont le coût est extrêmement important, et qui n’ont pas de retombées pour les forces classiques conventionnelles. Nous proposons d’abonder les crédits d’équipement pour le combat en milieu hostile. C’est là aussi un exemple concret de réaffectation de crédits. On fait des économies d’un côté, et on a des moyens supplémentaires de l’autre.
Je profite de l’occasion – et je ne reprendrai pas la parole ensuite, monsieur le président – pour demander à M. le ministre, même si cela n’a rien à voir avec l’amendement, mais plutôt avec l’actualité, de nous éclairer sur la question des BPC livrés à la Russie eu égard aux déclarations de responsables russes à ce sujet. Je vous remercie par avance.
La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Avis défavorable pour les raisons évoquées par M. Le Bris. Condamner les études amont, c’est condamner l’avenir, et supprimer la composante.
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Avis défavorable de la commission de la défense. Cet amendement va encore plus loin que le précédent puisque vous vous attaquez,monsieur de Rugy, aux crédits amont. Or vous n’êtes pas sans savoir que le président Mitterrand a, en 1991, décidé de suspendre les essais nucléaires, qui ont été arrêtés en 1996. Le dernier essai nucléaire a eu lieu le 27 janvier 1996. Depuis, pour que l’on soit crédible en termes de sûreté et de fiabilité des armes, il faut travailler sur de la simulation ; c’est notamment le programme Laser mégajoule qui permet de retrouver des conditions extrêmes d’un essai nucléaire.
Si jamais nous décidions de vous suivre en diminuant la moitié des crédits amont sur la prospective et l’environnement de la défense aussi bien en crédits d’engagement qu’en crédits de paiement, nous ne ferions plus les travaux que nous sommes en train de réaliser à Bordeaux, travaux qui nous situent au meilleur niveau de crédibilité et de fiabilité des armes.
La dissuasion ne se coupe pas en deux. Si vous êtes crédible, votre dissuasion est entière – c’est celle qui figure dans la loi de programmation militaire et dans le Livre blanc. Si vous voulez une dissuasion au rabais, elle ne sera pas crédible et personne ne vous croira.
Sur ce volet technologique, d’une importance majeure, il faut donc, comme l’a demandé le ministre en commission spéciale, maintenir les crédits amont, faute de quoi notre défense n’aura plus de crédibilité. En outre, cette défense étant duale, c’est l’industrie française qui y perdra.
L’amendement no 190 n’est pas adopté.
Les crédits de la mission « Défense » sont adoptés.
La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux médias, au livre et aux industries culturelles (no 2260, annexe 32 ; 2261, tomes V, VI et VII ; 2263, tome VIII).
La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, après deux années de baisse en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. Ce ministère a pris sa part de l’effort et figure parmi les quatre ministères qui ont le plus contribué.
En 2015, le budget du ministère de la culture connaîtra une légère augmentation, de 0,33 % – et même de 0,42 % pour la seule mission « Médias ». Comme je l’ai déjà dit en commission élargie, c’est un choix politique fort, alors même que la nation consent un important effort pour redresser ses comptes.
Malgré la crise – à cause de la crise, devrais-je dire –, la culture fait figure de priorité d’action pour le Gouvernement. Je veux y insister d’emblée, car un budget manifeste d’abord et avant tout une ambition politique.
La culture n’est pas la variable d’ajustement : elle est une des solutions dynamiques, puissantes, du rayonnement de la France et de son rebond économique. Elle contribue autant à la valeur ajoutée de notre pays que l’agriculture et l’agroalimentaire réunis – plus que la chimie ou l’automobile – avec plus de 3 % de la valeur ajoutée. Elle est un facteur de développement pour les territoires : regardons par exemple Marseille, Metz, Nantes et, bien sûr, Paris.
Sans oublier Rennes, bien évidemment.
Nous allons poursuivre les efforts de rigueur et d’économies, mais je souhaite surtout que nous allions de nouveau de l’avant. Ces efforts doivent nous permettre de mieux aider nos industries culturelles à tirer parti de la révolution numérique qui est à l’oeuvre.
Regardons encore le secteur de la librairie et les efforts de modernisation et de réponse aux enjeux que ce Gouvernement propose depuis deux ans et demi. Regardons notre industrie musicale qui, après des années noires, commence à montrer des signes de reprise. Regardons la presse, de la conception des journaux jusqu’aux kiosques, pour laquelle nous avons réorienté les aides en faveur de la mutation numérique et engageons, avec l’aide du Parlement, des chantiers structurels. L’État a décidé de ne pas abandonner son industrie culturelle, mais de miser sur elle.
Mon objectif est que nous conservions le deuxième cinéma au monde, avec un secteur éditorial de premier rang et une presse de très grande qualité – que la France reste, en quelque sorte, en « première division » culturelle.
Pour cela, ce serait une grave erreur que de faire l’économie du budget de la culture. Certains pays l’ont fait à leur détriment : leur cinéma n’existe plus, leur spectacle vivant va mal, leur tourisme commence à pâtir de la dégradation de leurs monuments. L’Allemagne, pays fédéral, fait justement le contraire et aide de plus en plus le développement de ses industries culturelles et créatives. Nous savons bien que les soustractions comptables et leurs effets sur les politiques publiques mettent ensuite beaucoup de temps à être reconstruites.
Cela ne nous dispense pas de faire des choix, d’opérer des redéploiements pour mettre en oeuvre les priorités qu’implique une politique culturelle ambitieuse, à la hauteur des enjeux auxquels notre pays doit aujourd’hui faire face dans ce domaine. Ces priorités, quelles sont-elles ?
D’abord, repenser l’accès à la culture en partant des pratiques culturelles des Français, et particulièrement des jeunes. C’est pourquoi les moyens en faveur de la musique, de la lecture, de l’audiovisuel sont importants.
Ensuite, renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. Nous avons en effet en France de véritables champions nationaux, si l’on songe par exemple à l’AFP ou à notre modèle cinématographique.
Enfin, encourager le renouveau créatif – celui de nos artistes, de nos auteurs, de toutes nos industries culturelles.
Ces grandes orientations se retrouvent pleinement matérialisées dans ce budget 2015.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la ministre, chers collègues, au nom du groupe RRDP, je tiens à exprimer ma satisfaction quant à la décision du Gouvernement de « sanctuariser » les crédits dédiés à la culture dans son ensemble. De fait, le soutien à la culture a déjà assez fait les frais de ce qu’on appelle le « sérieux budgétaire ». Cet engagement financier de l’État doit perdurer dans le temps. La culture est indispensable à une société démocratique.
Pour ce qui concerne les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », nous apprécions positivement la légère hausse qui permettra de tenir les engagements de l’État en faveur du secteur du livre, du soutien à la presse, de l’AFP et de l’audiovisuel public.
Sur ce sujet, nous maintenons notre vigilance quant à la complète indépendance de France Télévisions. Aussi souhaitons-nous que des propositions gouvernementales soient formulées à moyen terme afin de sécuriser son budget.
Permettez-moi cependant, madame la ministre, de concentrer mon propos sur les aides à la presse écrite, à propos desquelles j’ai été rapporteur pour avis pour la commission des affaires culturelles, et d’évoquer les mutations qu’impose Internet à nos politiques publiques en matière de soutien aux médias.
Comme vous le savez, les rapports qui se succèdent sur les aides à la presse portent des jugements sévères sur leur efficacité, leur reprochant d’être parfois contre-productives lorsqu’elles ont pour effet de retarder les adaptations du secteur, notamment vers le numérique.
Les éditeurs de la presse eux-mêmes constatent que le soutien massif à la distribution de la presse papier porte sur des canaux de distribution qui se concurrencent au lieu de se compléter. Nous attendons donc impatiemment les conclusions de l’enquête de l’inspection générale des affaires culturelles, l’IGAC, et de l’inspection générale des finances, l’IGF, sur le schéma de diffusion de la presse papier.
J’estime pour ma part que l’État devrait davantage conditionner ses aides à la mise en place de synergies dans ce domaine, tout en accompagnant socialement un secteur qui emploie des milliers de personnes, notamment dans l’imprimerie et la diffusion.
En ce qui concerne, plus généralement, l’évolution à plus long terme des aides à la presse, j’observe que leur niveau élevé n’a pas enrayé une baisse inéluctable et continuelle de la diffusion papier, qui atteint près de 25 % en dix ans. De l’aveu même du syndicat des éditeurs de la presse quotidienne, les aides ont été trop dirigées vers le papier au détriment du numérique. Bien que des progrès aient été réalisés récemment en matière de soutien à la presse en ligne, les aides à la presse restent, cette année encore, très massivement dirigées vers le papier, alors que nos concitoyens s’informent majoritairement par d’autres canaux, notamment par Internet.
Ce soutien contribue aussi parfois à nourrir les interrogations sur l’indépendance politique de la presse, d’ailleurs amplifiées par l’évolution récente du profil des propriétaires de presse, qui accrédite l’idée qu’aujourd’hui, on n’achète pas forcément un titre de presse pour sa rentabilité, mais plutôt pour l’influence politique qu’il procure.
Ainsi, madame la ministre, je m’interroge : à soutenir aussi massivement le modèle papier, ne risque-t-on pas de créer des distorsions qui se révéleront à terme défavorables au secteur de la presse ? La question se pose d’autant plus que la justification historique des aides à la presse, à savoir le soutien au pluralisme, ne se présente plus tout à fait dans les mêmes termes aujourd’hui, du fait de la puissance de la diffusion par Internet. Il faut toutefois, bien sûr, porter une attention toute particulière aux titres de presse à faibles recettes publicitaires, qui perçoivent légitimement à ce titre des aides spécifiques.
Cela dit, il est clair que le numérique fait tomber les barrières à l’entrée et l’on peut se réjouir qu’il existe de plus en plus de titres en ligne à caractère d’information politique et générale, qui adoptent parfois un ton nouveau, et peut-être plus libre, sur certains sujets d’actualité. Une réflexion sur la notion de pluralisme s’impose donc dans un univers qui est passé de la rareté à l’hyperabondance de l’information.
Enfin, plus largement, avec l’avènement du numérique et d’Internet dans les médias, il est désormais indispensable de fixer de nouvelles règles relatives à une plus juste répartition de la valeur entre les différents acteurs présents sur le Net ; je sais que ce sujet vous intéresse.
Si certains proposent une taxe sur les appareils connectés, je pense quant à moi que nous avons d’abord besoin de régulation et d’une plus grande fermeté envers les géants du Net, les « Gafa » – Google, Apple, Facebook et Amazon – qui veulent faire la loi sur la Toile. En effet, Google, Apple et autres Facebook sont certes utiles, mais ils utilisent des contenus qu’ils n’ont pas créés eux-mêmes pour en tirer d’énormes bénéfices – qui, d’ailleurs, échappent bien trop souvent aux administrations fiscales nationales. Il est indispensable que ce sujet donne lieu à une réflexion au niveau gouvernemental, mais aussi au niveau européen.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, si le montant de cette mission est stable – et je m’en félicite –, il soulève cependant des questions. Ainsi, la diminution des crédits pour la presse et pour l’audiovisuel public porte en germe un affaiblissement des moyens pour une information libre et pluraliste ainsi que le risque d’une mise en oeuvre partielle des cahiers des charges de France Télévisions et de Radio France.
Cela est le résultat d’une démarche budgétaire qui s’écarte de la réponse aux besoins – nous parlons là de démocratie et de culture –, afin de rester dans les clous de l’austérité, sur le mode du « traité Sarkozy-Merkel ».
Nous allons devoir nous prononcer sur le budget de l’Agence France Presse, l’AFP, sans connaître le contenu du prochain contrat d’objectifs et de moyens 2014-2018, alors que la situation financière de l’Agence est difficile, avec 44 millions de déficit. Les crédits attribués pour 2015 pourraient nous rassurer sur l’avenir puisqu’ils progressent de 2 millions d’euros, mais plusieurs syndicats de l’Agence expriment leurs préoccupations quant à la création, dès janvier 2015, d’une filiale « technique » dont les contours et les objectifs restent d’une grande opacité. Les personnels craignent que l’unité de l’Agence, reconnue comme un de ses atouts, soit remise en cause. Ces préoccupations s’expriment également à l’égard du contenu de la proposition de loi modifiant plusieurs points du statut de l’AFP.
Vous avez, madame la ministre, évoqué cette loi lors du dîner de la presse à la Fête de l’Humanité. J’espère que le débat à venir sur ce projet permettra d’éclaircir le champ des missions d’intérêt général, les conditions d’une dissolution possible de l’Agence ou encore la place des représentants du personnel dans la gouvernance.
En ce qui concerne la presse, nous déplorons particulièrement la baisse de 9 % des crédits pour les aides à la presse. La grave crise que subit ce secteur appelle une forte implication de l’État : la liberté d’expression et d’information dans notre pays l’exige. Comment ne pas déplorer, en effet, la disparition pure et simple de titres comme France Soir, La Tribune ou les menaces pesant sur Nice-Matin et d’autres quotidiens ?
Nous ne pouvons considérer comme inéluctable la disparition de la presse écrite du fait de la montée en puissance du numérique. Comment penser l’une sans l’autre ? Le numérique ne peut être ni un palliatif, ni une réponse miracle.
Comme notre collègue Michel Françaix, j’ai eu l’occasion de faire des propositions pour que l’aide à la presse soit plus efficace, par le recentrage des aides, la fin de la concurrence entre les deux messageries et le développement de l’aide aux diffuseurs. Va-t-on enfin légiférer sur ces propositions avec la loi annoncée ?
Pour France Télévisions ou Radio France, le débat sur les exigences comptables, prenant le personnel comme variable d’ajustement, prend désormais le pas sur l’exigence de qualité. Certes, le budget proposé pour l’audiovisuel se situe au même niveau que l’an dernier, mais uniquement grâce à l’augmentation de la redevance. Permettez-moi de contester cette compensation de la baisse des crédits d’État par une nouvelle ponction dans le budget des familles !
Nous ne pouvons qu’être inquiets sur l’avenir de France Télévisions avec la fin de la compensation d’État en 2017. Ne glissons-nous pas vers une réduction du nombre de ses chaînes, à l’instar de la disparition récente d’AITV ? Nous lisons dans le contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 qu’une inflexion des effectifs légèrement plus forte que prévu sera nécessaire. La question est donc posée : après les trois cent quarante emplois équivalents temps plein non remplacés en 2014-2015, une nouvelle réduction de six cent cinquante emplois ne risque-t-elle pas de fragiliser la capacité même de l’entreprise à remplir ses missions de service public ? Au moment de l’arrivée sur les écrans de grands groupes privés de communication, ne faut-il pas défendre au contraire un audiovisuel partie prenante de notre exception culturelle avec un rôle moteur pour l’audiovisuel public ?
Pour conclure, je voudrais une nouvelle fois vous demander, madame la ministre, quand la loi examinée par notre commission sur la protection des sources des journalistes sera inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Les journalistes l’attendent et nous, élus du suffrage universel, devons leur garantir le libre exercice de leur métier. Madame la ministre, pour les députés du Front de Gauche, les crédits de la mission ainsi proposés ne sont pas en capacité de répondre pleinement aux besoins d’une presse indépendante et d’un audiovisuel public de qualité ; aussi, nous ne pourrons les adopter.
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me féliciter au nom du groupe SRC de la sanctuarisation des budgets de votre ministère pour les trois années à venir – une décision d’autant plus importante qu’en cette période de réduction de la dette de l’État, faire le choix de la culture n’est pas une évidence partagée par tous.
La loi du 15 novembre 2013 a renforcé l’indépendance des organismes de l’audiovisuel public. En cohérence avec cette réforme, notre majorité a donc souhaité, dans ce budget pour 2015, stabiliser les ressources de l’audiovisuel public et renforcer l’indépendance de ses financements dans un souci constant d’optimisation de la dépense publique.
Les efforts permettront notamment un accompagnement de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, le soutien d’Arte et de France Médias Monde, ainsi que la tenue des engagements financiers de la France auprès de TV5 Monde. Permettez-moi également de souligner le fait que les budgets du Centre national du cinéma et de l’image animée – le CNC – ont été épargnés de toute ponction supplémentaire cette année, ce qui, en plus d’être une bonne nouvelle, est l’expression d’une promesse tenue. Nous pouvons nous réjouir de ce budget car soutenir l’audiovisuel, c’est soutenir une économie florissante ! Rappelons que les industries culturelles représentent 4 % du PIB et 1,2 million d’emplois, soit 5 % de l’emploi intérieur total français : en cette période de fort chômage, cela n’est pas neutre !
Pourtant, en matière de culture, d’éducation artistique, de diffusion de l’art et de professionnalisation de la création, tout n’est pas qu’une question de moyens, tant s’en faut. Il est de notre devoir de le rappeler : non, les oeuvres de création ne sont pas des produits commerciaux comme les autres, livrés aux seules lois du marché et de la concurrence.
La notion d’exception culturelle à la française ne s’est toutefois pas construite en opposition à un modèle qui aurait eu une définition plus commerciale, mais sur la base d’un certain nombre de convictions. L’une d’elles est l’importance de la culture dans l’idée même d’appartenance à la nation. Oui, notre rapport à la culture est fondateur de notre relation à la République, aujourd’hui comme hier. Et notre vision de l’espace culturel n’est pas liée à la demande, mais bien à l’offre.
Lorsque les révolutionnaires de 1789 décidèrent de créer des musées, ils n’ont pas eu la naïveté de croire que le peuple allait se ruer pour découvrir les toiles de peintres dont ils ignoraient parfois jusqu’à l’existence, mais ils lui ont donné la possibilité de le faire, avec la volonté d’offrir à chacun une nouvelle perspective, de nouveaux horizons.
L’idée n’est donc pas d’offrir à l’individu ce que nous pensons qu’il attend, mais de lui offrir le choix de nouvelles découvertes en dehors des sentiers qu’il a déjà empruntés. C’est le fondement même de notre exception culturelle et du développement de l’éducation artistique qui en est le pendant. Toute réflexion qui viendrait remettre en cause cette volonté fondatrice constituerait un contresens historique.
Et c’est bien là le défi posé par la révolution numérique et par les géants économiques qui en portent le modèle, de Netflix à Amazon en passant par Google et Apple. Eux, clairement, ne se préoccupent pas de l’émancipation, de l’ouverture d’esprit, de la curiosité ou du vagabondage intellectuel du citoyen : leur préoccupation est bien la capture du consommateur.
Notre cinématographie et la plus grande partie de la cinématographie mondiale indépendante auraient cessé d’exister sans une volonté de protéger notre modèle, de le doter d’une spécificité et d’objectifs propres, différents de ceux du secteur commercial.
La libéralisation de la télévision hertzienne et la création de chaînes à péage sont venues renforcer ce système en imposant, en contrepartie de la gratuité des franchises concédées, l’obligation de respecter des règles précises en matière de financement, de diffusion et de diversité du cinéma français et européen. La chronologie des médias est venue renforcer le système de la même façon à l’arrivée de la vidéo et du DVD.
Mais le modèle reste fragile, battu en brèche par les nouvelles technologies, les possibilités d’accès illimitées à l’image, le piratage et les grandes plates-formes internationales de vidéo à la demande. Ce bouleversement n’est pas neutre, ni économiquement, ni d’un point de vue sémantique. Il correspond à un moment où de nombreuses questions se posent sur la stratégie des entreprises publiques audiovisuelles, qu’il s’agisse de France Télévisions ou de Radio France.
Sommes-nous condamnés, par exemple, à constater la lente érosion des audiences de Radio France et le vieillissement de ses auditeurs ? N’y a-t-il pas d’autre modèle pour France Télévisions que celui des groupes privés ? Ne doit-on pas tenir compte du bouleversement de l’environnement, dont nous venons de parler, dans leur développement ?
Les mêmes questions pèsent sur le secteur privé de l’audiovisuel. Netflix, s’il parvenait par son offre à déstabiliser le groupe Canal Plus, premier financeur du cinéma français, provoquerait là encore un séisme tel que l’ensemble du champ culturel s’en trouverait menacé.
Ce changement d’environnement pose naturellement certaines questions quant à l’évolution de notre modèle : quels moyens pour améliorer le système de contribution à la production audiovisuelle ? Les chaînes françaises sont-elles toujours en mesure de remplir leurs obligations de diffusion ? Peuvent-elles encore participer au financement des oeuvres alors même que la part d’audience du cinéma, à force de ne plus être un événement exceptionnel, cède du terrain aux séries ou aux événements sportifs ? Peuvent-elles enfin assumer leurs obligations face à des opérateurs installés dans des pays à fiscalité avantageuse ?
Mais quelle que soit la façon dont on pose le problème, une chose est certaine : toute déstabilisation d’un des acteurs de cette chaîne a des conséquences sur l’ensemble. Remettre à plat le financement de ce secteur ne peut se faire en tournant le dos à nos objectifs initiaux.
Nous devrons construire ensemble des règles communes satisfaisantes pour armer le secteur culturel face à ces changements, en nous appuyant sur les rapports qui existent, que ce soit celui de Pierre Lescure ou celui de Jean-Patrick Gille sur l’intermittence, mais aussi en provoquant de nouveaux débats entre ces acteurs nombreux et aux intérêts divergents.
À nous d’écrire l’acte deux de l’exception culturelle française et ainsi de poser les bases d’une exception culturelle européenne.
Pour conclure, madame la ministre, la sanctuarisation de votre budget pour trois années nous laisse l’opportunité de le faire. J’espère que nous saurons porter ensemble ce flambeau pour que la force de la culture française continue à éclairer notre chemin. Et convenez avec moi, madame la ministre, qu’en ces temps sombres et de fortes inquiétudes, nous avons plus que jamais besoin de cette lumière.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame le ministre, chers collègues ; vous venez, madame le ministre, de vous asseoir dans le fauteuil de Malraux. Nous aurions pu nous en réjouir, vous sachant plus pragmatique que votre prédécesseur ou, tout du moins, moins dogmatique. Mais malgré vos auditions devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation et en commission élargie, le compte n’y est pas !
Après deux années consécutives de baisse du budget de la culture – moins 2 % en 2013 et moins 2 % en 2014 –, le Premier ministre avait annoncé, le 6 juillet dernier, en pleine fronde des intermittents du spectacle et pour calmer les esprits, la sanctuarisation du budget de la culture pour les trois ans à venir. Or, la mission « Médias, livre et industries culturelles » voit sa dotation diminuer en valeur absolue : son enveloppe de 0,7 milliard d’euros diminue de 12,35 %. Certes, cette baisse de 100 millions est inhérente à la suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure », mais il faut aussi ajouter l’extinction progressive des dotations du budget général affectées au financement de l’audiovisuel public d’ici 2017.
Le compte n’y est donc pas, en dépit de l’optimisme de notre président de commission, Patrick Bloche, qui affirmait en début d’audition que l’audiovisuel serait financé en 2015 – certes, mais après ? Vous comprendrez aisément, madame le ministre, que cela ne peut nous suffire et que nous avons besoin d’en savoir davantage sur les modalités de financement de l’audiovisuel public.
Nous avons bien compris la volonté du Gouvernement d’engager la disparition des crédits budgétaires à l’horizon 2017. Mais si la contribution à l’audiovisuel public est amenée à devenir le seul financement public de l’audiovisuel public, ses recettes doivent être stabilisées. La redevance va augmenter en métropole de 3 euros ; elle passe donc à 136 euros et aura augmenté de 9 euros en trois ans. Mais quid de l’élargissement de son assiette annoncée par François Hollande, évoquant une « redevance plus large et plus juste » ? De plus, comment ne pas dénoncer la récupération par l’État des ressources fiscales créées par la précédente majorité pour compenser le coût de la suppression de la publicité après 20 heures ?
Nous regrettons donc que le produit de la « taxe telco » ne soit pas affecté à l’audiovisuel public et qu’il aille se fondre en 2015 dans le déficit public, obligeant les Français à mettre une nouvelle fois la main à la poche. Et qu’en sera-t-il d’ailleurs de ce projet d’extension de la contribution à l’audiovisuel public à tous les possesseurs de smartphones et d’ordinateurs ?
Cette mesure obligera-t-elle, dès l’année prochaine, ceux qui possèdent un ordinateur ou un smartphone à payer cette taxe ? Ne risque-t-elle pas d’être injuste,…
…puisqu’elle frappera des personnes qui utilisent leurs ordinateurs ou leurs smartphones pour des raisons professionnelles ou pour leurs études, et pas uniquement pour regarder la télévision ? De plus, ce nouvel impôt pénalisera de nombreux Français, et notamment les plus jeunes qui jusqu’à présent n’étaient pas assujettis à cette taxe.
Madame le ministre, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’état de la réflexion du Gouvernement sur cette mesure à laquelle, avez-vous dit, « le Parlement sera étroitement associé » ? Comment et quand ? Sera-t-elle opérationnelle pour le budget 2016 ?
S’agissant des crédits de la presse, pourriez-vous également nous donner des garanties sur le dégel des aides à la presse de la loi de finances 2014 ? Le Président de la République s’était engagé en octobre 2012 au maintien à niveau de l’aide au portage pendant trois ans. Les études en cours de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des affaires culturelles ne remettent pas en cause le portage, bien au contraire, qui reste le meilleur vecteur de distribution de la presse. La transition numérique de la presse est en cours mais elle ne signifie pas l’arrêt de mort du papier. La presse quotidienne régionale, dite PQR, a tout intérêt à mutualiser ses tournées, le portage étant une activité économique. La PQR porte la presse quotidienne nationale chaque fois que c’est possible, la seule limite restant celle des horaires d’impression. Elle porte les magazines d’information politique et générale et portera les autres magazines dès que les questions juridiques seront résolues.
Dans un contexte de récession du marché publicitaire, on peut donc s’inquiéter des déclarations de M. Beffara qui souhaite engager une réflexion sur le retour partiel de la publicité sur France Télévisions après 20 heures, estimant que l’impact sur le marché publicitaire sera limité puisque de tels écrans attireraient de nouveaux annonceurs. Votre réponse, à savoir ne pas réintroduire en soirée la publicité sans une étude d’impact préalable solide, ainsi que votre appel à une réflexion d’ensemble sur les missions et les ressources, en l’occurrence la contribution à l’audiovisuel public ou la publicité, inquiètent au plus haut point les éditeurs.
Dans le contexte actuel de récession des investissements publicitaires, d’éclatement du marché entre de nombreux supports, de vases communicants entre tous ces supports, l’impact sur la presse quotidienne sera immédiat et désastreux !
Toutes les études confirment d’ailleurs que le marché publicitaire n’atteindra plus son niveau antérieur à 2007. Mais le compte n’y est pas non plus, madame le ministre, concernant l’Hadopi car, contrairement à votre promesse de dialogue budgétaire le 14 octobre dernier, vous avez été inflexible sur les 6 millions de son budget. L’an dernier déjà, son budget avait été amputé, passant de 8 à 6 millions d’euros. Or, cette diminution devait être transitoire dans l’attente d’une solution. Certes, il n’est plus question d’un transfert de l’Hadopi vers le Conseil supérieur de l’audiovisuel – le CSA –, comme le préconisait le rapport Lescure. Toutefois, le budget d’étranglement concédé pour 2015 illustre la stratégie de contournement du Gouvernement, qui continue de porter des coups bas à la haute autorité sans assumer de position claire.
« Malaise autour de l’avenir de l’Hadopi », titrait judicieusement Le Monde, avant que la Haute autorité ne présente son quatrième rapport d’activité. Elle rappelle dans celui-ci que, depuis sa création, la réponse graduée a donné lieu à l’envoi de 3 millions de mails, 200 000 lettres d’avertissement qui se sont traduites par 119 transmissions au procureur pour aboutir finalement à 19 condamnations. Ces chiffres traduisent l’efficacité de cette méthode pédagogique.
L’Hadopi se prépare à un nouvel exercice déficitaire, comme le résume Mireille Imbert Quaretta en ces termes : « Le risque, c’est de mourir guéri ». D’ailleurs, M. Beffara lui-même indique dans son rapport : « L’asphyxie financière progressive de l’Hadopi afin de recentrer son action sur la réponse graduée n’est pas une solution tenable et porte préjudice à l’ensemble des missions. »
Devant ces difficultés, madame le ministre, vous avez estimé que cette autorité administrative pourrait encore en 2015 « utiliser son fonds de roulement pour assurer le financement des missions qui lui sont confiées par la loi ». Or elle n’a pas assez de disponibilités en fonds de roulement.
Aussi, dans un souci de transparence et par respect pour les personnels concernés, pouvez-vous nous indiquer quel sort vous entendez réserver à cette institution pour qu’elle puisse assumer pleinement et sereinement ses missions précisées par la loi ?
Madame le ministre, vous avez été considérée comme « ministre de la culture 2.0 ». J’aurais aimé me réjouir de l’effort consenti en faveur des librairies et de l’effort à venir en faveur des bibliothèques. Néanmoins, faute de réponses aux interrogations de ses membres et de stratégie claire, le groupe UMP ne votera pas les crédits de la mission « Médias, livre, industries culturelles ».
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame le ministre, mes chers collègues, la presse, le livre et les industries culturelles, qui sont les bénéficiaires des crédits de la mission que l’Assemblée nationale examine aujourd’hui, ont en commun d’être confrontés à un environnement de plus en plus concurrentiel, marqué par des bouleversements technologiques. Cette mission doit par conséquent permettre l’adaptation de la presse, du livre et des industries culturelles à des mutations sociétales aussi profondes que le passage au numérique, les changements des modes de consommation ou la dureté de la concurrence internationale.
La presse, dont la liberté, l’indépendance et le pluralisme sont intrinsèquement liés à la démocratie et à la vitalité du débat citoyen, est également un produit économique confronté à une crise profonde. Pénalisées par la faiblesse du réseau de distribution, des coûts d’impression et de diffusion élevés, par l’absence de stabilité et de visibilité financières, les entreprises de presse sont aujourd’hui en effet fragilisées par la concurrence du numérique et l’émergence de nouveaux formats plus compétitifs. Le programme 180 « Presse » doit par conséquent constituer le socle budgétaire solide sur lequel s’appuie l’évolution des dispositifs de soutien en faveur de la presse.
À cet égard, nous nous inquiétons que les aides à la presse soient passées, en crédits de paiement, de 284,5 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014 à 260,1 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances, ce qui représente une diminution de 9 %.
En outre, nous constatons que le soutien de l’État à la presse continue de cibler massivement la diffusion papier avec 211,2 millions d’euros d’aides directes, alors même qu’il est urgent de mettre l’accent sur l’innovation pour que le secteur prenne avec succès le virage du numérique qui, du reste, est aussi souvent porté par les groupes de presse.
Nous nous réjouissons de voir que la baisse du taux de TVA applicable aux services de la presse en ligne, le ciblage accru du fonds stratégique sur les services de presse en ligne d’information politique et générale et le recentrage du soutien du fonds stratégique pour le développement de la presse sur les projets innovants et mutualisés constituent des avancées significatives en ce sens.
Enfin, ainsi que nous le faisions valoir lors de l’exercice budgétaire précédent, nous estimons que les aides à la presse doivent davantage bénéficier à la presse quotidienne régionale, qui constitue le principal vecteur d’information du pays. Nous ne pouvons que formuler de nouveau cette proposition alors que la répartition de l’aide au portage devient un enjeu éminemment conflictuel entre les éditeurs de presse quotidienne nationale et régionale.
Concernant le programme 334, qui soutient le développement de la création littéraire et promeut la diffusion du livre et des pratiques de lecture, les crédits de paiement augmenteront de 3 %, essentiellement au bénéfice du livre et de la lecture, ce qui représente un effort considérable dans un contexte de tension budgétaire.
Le développement de la vente en ligne rendait indispensable un soutien solide aux libraires. Aussi, nous saluons le plan de soutien aux réseaux de librairies, qui jouent un rôle inestimable en matière de démocratisation de la culture, en particulier dans les territoires ruraux. Le Centre national du livre consacre ainsi 2 millions d’euros supplémentaires au soutien à la librairie et vient abonder le fonds de soutien à la transmission du fonds de commerce à hauteur de 4 millions d’euros. Quatorze librairies ont ainsi été sauvées de la faillite.
J’en viens pour finir aux industries culturelles, qui représentent 3 % de notre produit intérieur brut, ce qui en fait un secteur d’excellence, vital pour la croissance, l’innovation et l’emploi ainsi que pour l’attractivité et le dynamisme de nos territoires et de la France.
Je veux tout d’abord dénoncer, au nom de mon groupe, le recul inacceptable des crédits dévolus à la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet. Alors que le transfert de ses activités au Conseil supérieur de l’audiovisuel ne semble manifestement plus à l’ordre du jour du Gouvernement, cette baisse des crédits de 2 % s’apparente incontestablement à une tentative d’asphyxie budgétaire,…
…puisque vous mettez cette autorité dans l’incapacité d’assumer ses missions. Nous attendons que le Gouvernement prenne aujourd’hui l’engagement solennel d’augmenter ses crédits de 1,5 million d’euros.
En conclusion, sous réserve que le Gouvernement prenne cet engagement, notre groupe donnera un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Média, livre et industries culturelles ».
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, l’annonce de la sanctuarisation du budget de la culture était nécessaire après deux années consécutives de baisse. Pour autant, au regard des objectifs ambitieux de cette mission, la question des moyens alloués reste cruciale.
Les secteurs des médias, du livre et des industries culturelles sont très fragilisés car ils traversent une période de perturbations liée à la nécessaire adaptation aux nouvelles technologies et aux attentes du public. Il est donc nécessaire de mener une réflexion globale sur leur mode de fonctionnement, afin de les accompagner au mieux dans cette modernisation, sans amoindrir, bien entendu, leur mission d’intérêt général, que l’État doit avoir à coeur de soutenir.
Les enjeux numériques, nous commençons à bien les connaître. Ils ont été soulevés dans de nombreux rapports avec, à chaque fois, des propositions de solutions dont le législateur doit désormais se saisir pleinement afin d’en débattre.
Avec l’arrivée du numérique, les frontières s’étiolent entre presse papier, télévision et radio, et l’offre multimédia ne cesse de se développer. C’est pourquoi l’idée d’envisager un système d’enrichissement mutuel des contenus éditoriaux des partenaires de l’audiovisuel public prend tout son sens. Les potentialités semblent en effet importantes. Développer des offres numériques communes aux différents médias relevant du service public de l’audiovisuel peut permettre de nouveaux usages bénéfiques pour l’ensemble des supports traditionnels, à condition, bien entendu, que cela soit source d’enrichissement culturel, et non pas d’homogénéisation de l’offre.
En outre, le numérique offre de nouvelles possibilités qu’il serait vraiment dommage de ne pas soutenir ou exploiter, notamment au regard de l’interaction permise avec les citoyens. Je pense par exemple au Web participatif. Aujourd’hui, certains réseaux sociaux, certains blogs concourent directement à la diffusion de l’information, ce qui devrait nous conduire à remettre en cause les principes qui régissent notre système de soutien.
Compte tenu de ces éléments, nous devons nous interroger sur la pertinence d’un système où l’aide est distribuée en fonction des supports. Il faut ainsi aller plus loin dans la réforme des aides et du soutien public. Une réforme structurelle, prenant en compte les médias dans leur globalité, est nécessaire, car quel que soit le support, les médias concourent au bon fonctionnement de notre démocratie. C’est la pluralité de l’offre en matière d’information qui est une nécessité démocratique, tout comme sa qualité ; peu importe que la diffusion se fasse sur papier, radio, télévision ou Internet.
C’était d’ailleurs le sens de notre soutien à l’harmonisation des taux de TVA entre presse papier et presse électronique, qui répondait à un souci d’égal traitement entre papier et numérique. Comme je l’ai dit en commission élargie, il serait aujourd’hui intéressant d’avoir un retour sur les effets de cette harmonisation, en particulier sur l’essor de la presse numérique, domaine dans lequel la France accuse un retard important. Agir via la TVA apparaît d’ailleurs d’autant plus intéressant que les subventions font toujours l’objet de suspicion de conflits d’intérêts et interrogent la notion d’indépendance des médias.
Pour en revenir à la réforme structurelle des aides que nous appelons de nos voeux, celle-ci doit donc prendre en compte, pour la presse, un meilleur accompagnement vers le numérique, mais aussi une rationalisation des aides à la distribution pour que celles-ci se complètent au lieu de se concurrencer, ou encore un recentrage des aides directes à la presse conditionnées à des obligations de qualité, d’indépendance, de déontologie et de transparence.
Aujourd’hui, sans nier les difficultés spécifiques que traverse la presse papier, le ratio entre presse papier et presse numérique pose vraiment question au vu de l’essor du numérique, qui bénéficie de moins de 10 % des aides budgétaires.
Concernant la radio, la question de l’investissement en faveur de la radio numérique terrestre se pose très clairement. Il est plus que nécessaire de clarifier la position des pouvoirs publics à ce propos.
J’en profite pour rappeler notre attachement au maintien de la gratuité d’accès à tous les podcasts. Il ne saurait être question de faire payer aux auditeurs ce qu’ils ont par ailleurs déjà contribué à financer. Et cette gratuité de l’offre diffusée contribue aussi à la spécificité du service public. Pour les mêmes raisons, maintenir la gratuité de la plate-forme RF8 est important.
Enfin, je tiens à évoquer la question de la régulation.
Comme vous le savez, le respect du principe de la neutralité du Net est pour nous un impératif. Or, la situation actuelle n’est pas clairement satisfaisante. Les risques inhérents à des initiatives privées comme le Fonds pour l’innovation numérique de la presse, le FINP de Google et de l’Association de la presse d’information politique et générale, illustrent l’urgence de clarification.
Quant à l’Hadopi, une révision de ses missions s’impose. La suppression de la riposte graduée se fait d’autant plus attendre qu’elle n’a aucun effet pédagogique sur les internautes. Elle a en outre contribué au départ de sites de pair à pair vertueux au bénéfice de réseaux mafieux.
Ces questions concernent aussi directement l’industrie du livre, avec notamment l’essor du livre numérique et les problèmes posés par les plates-formes de vente en ligne.
Madame la ministre, nous voterons ce budget qui tente de préserver autant que possible le soutien à la lecture pour tous et témoigne de votre engagement à moderniser la presse, mais nous espérons que les différents points évoqués trouveront rapidement un écho favorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux questions.
Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Nous commençons par les questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à rappeler que les crédits alloués au ministère de la culture ont été sanctuarisés pour les trois prochaines années, ce qui, au vu du contexte économique, doit être souligné. En particulier, la mission « Médias, livre et industries culturelles » voit ses crédits augmenter de 0,4 % cette année.
Dans le temps qui m’est imparti, je consacrerai mon propos à l’audiovisuel public. Aujourd’hui encore, notre majorité doit assumer la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, qui a supprimé la publicité après vingt heures sur les chaînes de France Télévisions. Cette décision a profondément fragilisé le groupe.
Le financement de cette réforme reposait sur l’indexation de la redevance audiovisuelle sur l’inflation, d’une part, et, d’autre part, sur la mise en place de deux taxes destinées à compenser la prise en charge par l’État de la suppression de la publicité après vingt heures. Depuis leur création, ces deux taxes ont rapporté chaque année 270 millions d’euros au budget et, pour être précis, 269 millions d’euros en 2012. Qu’en est-il en 2014 et quelles sont les prévisions pour 2015 ? Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, si ces données nous seront communiquées ? Quelle est l’affectation de ces recettes, qui devraient normalement financer l’audiovisuel public ?
La dotation budgétaire pour France Télévisions sera de 169 millions d’euros pour 2015, soit probablement 100 millions de moins que le produit desdites taxes.
J’en viens à ma deuxième question. Le Gouvernement, ou plutôt le Président de la République vient de confier une mission à Marc Schwartz sur l’avenir de France Télévisions.
Le Gouvernement avait quant à lui, par l’entremise du ministère de la culture, souhaité la réalisation d’une mission sur l’avenir de France 3.
Ces missions témoignent de l’utilité qu’il y aurait eu à insérer dans la loi la notion de lettre de mission, comme je le souhaitais. De telles missions seront-elles mises en place avant chaque nomination effectuée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ? Il est en effet souhaitable que la puissance publique ne se dessaisisse pas de ses prérogatives.
Pour conclure, je reprendrai une question qui a été posée tout à l’heure par Marie-George Buffet : pouvez-vous nous donner des informations concernant la date d’examen d’un texte législatif concernant l’Agence France Presse, concernant la presse ? Faut-il qu’il y ait le feu dans ce secteur pour qu’une date précise nous soit donnée ? Un travail utile est à notre disposition, celui de Michel Françaix. Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions sur ce point.
Je vous remercie enfin de nous présenter un tel budget.
Monsieur le député Marcel Rogemont, je voudrais au sujet de votre première question faire une remarque préalable : le produit des taxes portant sur la publicité des chaînes privées et sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à Internet n’a jamais été affecté à France Télévisions, il est venu abonder le budget de l’État. C’est bien pour cette raison que la télévision publique dépendait du budget général, ce qui, c’est du moins notre avis, a pu fragiliser son indépendance.
Notre majorité, au contraire, a fait de la restauration de cette indépendance une de ses priorités : ce fut tout d’abord le changement du mode de nomination, puis la réduction progressive de la dotation budgétaire de l’État, ce sera demain le choix clair d’une modernisation de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public ; j’y reviendrai dans quelques instants.
Je souhaite vous apporter des précisions chiffrées et rappeler que la suppression de la publicité après 20 heures sur France Télévisions a considérablement réduit les ressources propres du secteur : 450 millions d’euros de moins en 2009 ! Qui plus est, la crise économique n’épargne pas le marché publicitaire de la télévision, dont la situation s’est significativement dégradée, avec un recul de 4,5 % en 2012 et de 3,5 % en 2013.
Les recettes de la taxe sur les opérateurs de télécommunications électroniques, créée pour compenser la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions, se sont élevées à 250 millions d’euros en 2013 ; au 30 juin 2014, le dernier chiffre dont nous disposons, 117 millions d’euros avaient été recouvrés. Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, le produit de la taxe est affecté au budget général de l’État.
À la suite de la loi de finances rectificative du 8 août 2014, les ressources publiques de France Télévisions issues du budget général de l’État s’élèvent à 103,6 millions d’euros, soit un niveau 2,5 fois inférieur au montant de la taxe collectée en 2013. Par ailleurs, le montant de la contribution à l’audiovisuel public, malgré son indexation sur l’inflation, reste nettement inférieur à celui de la taxe collectée dans d’autres pays européens où l’audiovisuel public est important : 133 euros en métropole en 2014 contre 216 euros en Allemagne et 179 euros au Royaume-Uni en 2013.
Enfin, monsieur le député, le Président de la République souhaite que l’État actionnaire puisse exprimer sa vision stratégique de l’avenir de France Télévisions dans la perspective de la désignation, en toute indépendance et dans le respect des prérogatives du CSA, d’un nouveau président courant 2015. Il s’agit de déterminer des objectifs stratégiques et les missions de France Télévisions à horizon 2020, dans un contexte profondément transformé par le numérique – la multiplication des chaînes et des écrans entraîne un bouleversement des usages et des attentes du public. À partir de ce nouvel environnement, beaucoup plus composite, il nous faut définir le rôle et la place du service public sur la télévision linéaire et en numérique. C’est ce que font régulièrement les autres grands opérateurs du service public à l’étranger, notamment la BBC.
Un dernier mot sur la proposition de loi relative à la presse, très importante pour la régulation du secteur et l’AFP. Ce texte, soutenu par le Gouvernement, devrait être débattu en décembre. Ce calendrier nous paraît impératif, au regard de nos engagements vis-à-vis de Bruxelles concernant l’AFP.
Madame la ministre, je souhaite rebondir sur la question posée par M. Rogemont, relative à la mission confiée à Marc Schwartz sur l’avenir de France Télévisions. C’est à tomber par terre ! Comment est-il possible que le Gouvernement demande un rapport sur les missions de service public, alors même qu’il existe, au sein du ministère de la culture et de la communication, un département entièrement dédié à ces questions ? C’est un camouflet terrible pour les équipes du ministère et je trouve très choquant que le Gouvernement ait nommé une personne ad hoc.
Concernant la baisse de la dotation de subvention vers l’audiovisuel public, c’est un scandale ! Madame la ministre, vous vous moquez des Français ! Lorsque le Président de la République et le Premier ministre déclarent que les impôts n’augmenteront pas, ils les augmentent à de nombreuses reprises dans le budget 2015, à commencer par la redevance, qui subit une hausse de 3 euros. Vous justifiez celle-ci en déclarant que les problèmes de financement de l’audiovisuel public sont dus à la réforme de 2009. C’est un scandale ! C’est vous, et votre gouvernement, qui prenez la décision de baisser de 100 millions la dotation de l’État vers l’audiovisuel public, alors même que la taxe telco et la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes privées ont été créées précisément pour financer l’audiovisuel public.
Il s’agit donc d’une décision unilatérale du Gouvernement, dont les conséquences sont assumées par les Français, qui voient la redevance et les impôts augmenter. C’est scandaleux ! Il est insupportable que vous trompiez ainsi nos concitoyens.
De plus, vous fragilisez l’audiovisuel public, car cette taxe, validée par Bruxelles, risque d’être remise en cause dans l’avenir : son objet en effet n’est plus atteint, puisque son produit reste dans le budget général de l’État.
Enfin, l’argument selon lequel on pérennise les financements de l’audiovisuel sans dotation budgétaire, mais avec des taxes ou des taxes affectées n’est pas valable. Qu’a fait votre prédécesseure avec le CNC ? Elle a ponctionné le budget du CNC, pourtant alimenté par des financements qui ne sont pas des financements budgétaires ! Où est la sécurité des financements du CNC, alors même que vous nous dites que c’est sécuriser les financements de l’audiovisuel public que de les détacher des dotations budgétaires ? Tout cela constitue un tour de passe scandaleux, qu’avec mes collègues de l’UMP, je dénonce fermement !
Monsieur le député, la mission qui consiste à fixer les grandes lignes de ce que doivent être les missions et le périmètre du service public de l’audiovisuel n’a pas été confiée à une personnalité qualifiée : il s’agit bien d’une mission interne au ministère de la culture et de la communication, en lien avec le ministère de l’économie.
En revanche, nous avons l’habitude de nous appuyer sur l’expertise de hauts fonctionnaires, qui peuvent apporter leur expérience – en l’espèce, M. Schwartz connaît bien l’audiovisuel public –, mais aussi leur vision – dans ce cas, celle d’un magistrat de la Cour des comptes. Mais cette mission demeure pilotée par mon cabinet et par la direction générale des médias et des industries culturelles, la DGMIC, chargée du suivi des missions de France Télévisions. Le groupe de travail est chargé de faire des propositions et d’examiner un certain nombre d’enjeux, que j’ai évoqués lors de la discussion liminaire et rappelés en réponse à la question de M. Rogemont.
Quant à la taxe à laquelle vous avez fait allusion, elle n’a jamais été affectée à France Télévisions.
Elle ne l’est pas davantage aujourd’hui. Nous avons une conception de l’indépendance de l’audiovisuel public qui consiste, d’une part, à ne pas confier la nomination des présidents des entreprises de l’audiovisuel public au Président de la République mais à une autorité indépendante, le CSA, et, d’autre part, à traduire l’indépendance de l’audiovisuel public dans son mode de financement. C’est exactement ce que nous avons fait.
Ma question, complémentaire de celle de Franck Riester, porte plus précisément sur l’avenir de la contribution à l’audiovisuel public. Comme l’a souligné mon collègue, vous nous demandez de voter une hausse de la redevance supérieure à ce qui était prévu. J’ai donc été surpris que, dans le même temps, le Président de la République annonce son souhait d’étendre la redevance aux équipements autres que la télévision – smartphones, tablettes, ordinateurs –, comme l’a indiqué Virginie Duby-Muller.
Au-delà du calendrier de l’annonce, j’avoue, pour avoir été échaudé par le passé, nourrir des craintes sur la méthode. Cette extension est un serpent de mer qu’il faudra bien traiter un jour. En 2013, la ministre de la culture avait lancé cette piste avant de se rétracter. On sait qu’une telle extension n’irait pas sans poser de problèmes. J’en vois au moins trois : quant à sa philosophie – quid des usagers qui ne regardent pas la télévision sur leurs appareils ? – ; quant à son application – les Français utilisent souvent plusieurs écrans – ; quant à sa cible enfin – une telle extension toucherait surtout les jeunes.
Toutes les pistes doivent être étudiées, avec leurs avantages et leurs inconvénients, y compris celle du statu quo. Puisque le Gouvernement semble décidé à mettre le sujet sur la table, d’après ce que j’ai compris, autant le faire à l’avance, de façon réfléchie, et non au dernier moment, dans le prochain projet de loi de finances.
Lors de votre audition, vous avez déclaré qu’il n’y aurait pas d’élargissement dans ce budget. Qu’en sera-t-il du prochain budget ? Quand est prévu cet éventuel élargissement ? Comment comptez-vous mener cette réflexion ? Est-elle entamée ? Comptez-vous y associer le Parlement, pour éviter les déconvenues et les découvertes tardives, dont nous avons malheureusement l’habitude ? Au-delà des effets d’annonce, comment comptez-vous procéder, étant donné la complexité du sujet ?
Monsieur le député, le Président de la République a souhaité voir engagée une réflexion sur la modernisation de la contribution à l’audiovisuel public, à l’heure où de plus en plus de nos concitoyens regardent les chaînes via leur box ADSL et où la réception hertzienne n’est plus le mode majoritaire de l’accès à la télévision.
Par ailleurs, un certain nombre de supports tablettes permettent d’accéder à des contenus linéaires ou délinéarisés de production audiovisuelle. Il n’est donc pas illégitime de prendre en compte ces nouveaux usages et supports dans la réflexion que nous menons sur le financement de l’audiovisuel public.
Il est évident que cette réflexion ne se fera pas sans le Parlement. Mes services ont commencé à y travailler et je peux vous assurer, monsieur le député, que vous y serez étroitement associés. Comme vous l’avez souhaité, nous ne prendrons aucune décision sans en mesurer auparavant l’impact, les avantages et les inconvénients, et nous choisirons celle qui est à la fois la plus justifiée sur le plan économique et qui correspond le mieux aux usages des consommateurs.
J’appelle les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », inscrits à l’état B.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 180 .
Cet amendement d’appel vise à abonder le budget de l’Hadopi, dont le montant actuel – 6 millions d’euros – ne lui suffit pas pour assumer l’intégralité de ses missions. Madame la ministre, vous aviez pourtant semblé ouverte à « un dialogue budgétaire », lors de votre audition par notre commission le 14 octobre. Le but de cet amendement n’est pas de minorer les crédits de la presse, bien au contraire, mais, en vertu de la LOLF, pour ouvrir le débat, nous sommes contraints de gager toute augmentation des crédits au sein de la même mission.
Par ailleurs, vous devriez davantage exploiter l’expertise de l’Hadopi. La haute autorité est la mieux à même pour mettre en oeuvre les outils de lutte contre la contrefaçon commerciale, proposés dans un rapport récent. Ses travaux en matière d’offre légale explorent des solutions innovantes, dont d’autres pourraient s’emparer. J’en veux pour exemple l’expérimentation en matière de métadonnées, reprise par le CNC. Enfin, ses travaux de recherche et d’observation, notamment sur l’économie du partage, sont nécessaires : les pouvoirs publics ont besoin de travaux indépendants, objectifs et rigoureux.
Madame la ministre, nous souhaiterions que vous fassiez connaître à la représentation nationale votre position sur l’avenir de l’Hadopi. Les personnels de cette autorité indépendante, inquiets, sont attentifs à vos propos.
La parole est à M. Jean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
La commission des finances n’a pas été saisie. C’est donc à titre personnel que je donnerai un avis. Vous l’avez dit, madame la députée, la situation n’est pas différente de celle de l’année précédente puisque la loi de finances pour 2014 prévoyait déjà 6 millions d’euros pour l’Hadopi. Les fonds propres de l’Hadopi atteindront, à la fin de l’année 2014, 3,1 millions d’euros, ce qui devrait permettre à la haute autorité de trouver en 2015 les moyens de son fonctionnement, dans les missions qui sont les siennes actuellement.
Par ailleurs, ces fonds propres étant en nette diminution, je souhaite, ainsi que je l’ai écrit dans mon rapport, que l’année 2015 soit l’occasion de rediscuter de la part accordée à chacune des missions de l’Hadopi, dans les exercices à venir. J’affirme que les moyens de l’Hadopi sont nécessaires pour qu’elle exerce ses missions en 2015 mais une réflexion doit s’engager pour redéfinir les missions, dans leur importance les unes par rapport aux autres.
Enfin, votre amendement, vous l’avez dit en le présentant comme un amendement d’appel, pose un problème, madame la députée, puisqu’il prévoit une diminution des crédits en faveur de la presse d’1,5 million d’euros. Vous conviendrez comme moi que le secteur est suffisamment fragilisé pour ne pas réduire les dotations qui lui sont destinées ! Je vous propose de retirer votre amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Je souscris entièrement aux propos du rapporteur. Je me suis entretenue avec la présidente de l’Hadopi de la situation budgétaire de l’agence. En effet, vous l’avez rappelé, madame la députée, les missions de l’Hadopi sont prévues par la loi et ce que prévoit la loi a vocation à être mis en oeuvre.
Il a été alloué dans le budget 2015 une subvention de 6 millions d’euros à l’Hadopi. Cette subvention est identique à celle accordée en 2014, aussi est-il faux de parler de réduction. Par ailleurs, le budget 2014 avait certes nécessité un prélèvement de 2 millions d’euros dans les réserves de la Haute autorité, mais ce fonds de roulement ne sera pas asséché à la fin de l’année 2014. Par conséquent, le budget 2015 de l’Hadopi pourra être construit avec un nouveau prélèvement et un pilotage budgétaire fin de la part de la haute autorité.
Nous avons engagé ces dernières semaines un travail constructif avec les équipes et la direction de l’Hadopi comme nous en avions convenu avec sa présidente. Pour vous donner un exemple, la haute autorité estime qu’elle doit avoir des normes prudentielles élevées car la subvention n’est versée qu’en milieu d’année. Quand la ressource se raréfie, le ministère doit mieux gérer, et j’ai indiqué aux équipes de direction de l’Hadopi que j’anticiperais le versement de cette subvention car il s’agit là d’une mesure d’accompagnement légitime.
Quant à votre proposition de gage sur la presse, elle n’est pas acceptable. Le Gouvernement a souhaité s’appuyer sur un cadre budgétaire globalement maintenu pour poursuivre son engagement en faveur du pluralisme de la presse, accompagner les mutations profondes du secteur mais aussi conforter l’Agence France Presse dans son rôle d’agence de niveau mondial. Dans ces conditions, je vous propose de retirer cet amendement sinon j’y serai défavorable.
Vous mentez aux Français, madame la ministre. Vous affirmez que la réponse graduée était celle qu’il fallait apporter au piratage, vous rapportez que, selon le Premier ministre, le téléchargement illégal a sans doute été sous-estimé, vous soutenez, en commission, vouloir conforter le budget de l’Hadopi, mais qu’en est-il, in fine, en séance ? Vous en restez à un budget de 6 millions, contesté par l’Hadopi qui a accepté l’année dernière de voir son budget diminuer provisoirement pour un an et de ponctionner sa réserve financière pour pouvoir ensuite fonctionner correctement. Aujourd’hui, elle vous démontre clairement qu’avec un budget de 6 millions, elle ne pourra pas bien travailler. Entre votre discours et la réalité, il y a une grande différence, et à nouveau vous trompez les Français. Car vous ne pouvez pas assurer les Français de votre détermination à soutenir l’Hadopi dans sa lutte contre le téléchargement illégal et en même temps ne pas prêter attention aux appels de cette autorité administrative indépendante qui vous prévient qu’elle n’aura pas les moyens en 2015 d’assumer les missions que la loi lui a fixées.
Je vais retirer mon amendement. Nous avons bien noté que le budget de l’Hadopi a été gelé depuis l’année dernière mais nous regrettons votre méthode. À force d’asphyxier cette haute autorité, nous en venons à nous demander si vous ne voudriez pas tout simplement la supprimer alors que les chiffres parus dans son quatrième rapport témoignent de son efficacité. Vos méthodes sont absolument scandaleuses, madame la ministre.
L’amendement no 180 est retiré.
Les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont adoptés.
Contrairement à l’année précédente et à ce qui a été prévu pour d’autres opérateurs dont nous avons beaucoup parlé dans ce projet de loi de finances, aucun prélèvement n’est prévu sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC. Ce fonds, qui s’élevait à 399 millions d’euros en 2009, a été porté à 751 millions fin 2013. Même s’il est très difficile d’obtenir les chiffres, certains évoquent un véritable trésor de guerre.
Au risque de froisser certains, madame la ministre, je m’interroge. Les recettes de la taxe affectée au CNC, la taxe sur les services de télévision ou TST, sont annoncées à 200 millions pour 2014, en baisse par rapport aux années précédentes. C’est très étonnant car la loi de finances de l’an dernier a notamment étendu la TST aux services de télévision de rattrapage. Les recettes auraient donc dû augmenter, à moins qu’elles ne soient sciemment sous-évaluées, ce que je n’ose imaginer. J’en profite pour vous demander votre analyse sur ce point, madame la ministre.
Quoi qu’il en soit, en cette période de restrictions, s’il est indispensable et louable de soutenir le cinéma, pour quelle raison un tel flot d’argent devrait-il abonder le CNC, alors même que le Gouvernement a fait de la réduction du nombre de taxes affectées l’un de ses objectifs ?
Ce projet de loi de finances offre l’occasion de poser la question et lever le tabou. Cet amendement vise tout simplement à mettre fin à l’affectation et d’affecter les revenus de la TST directement au budget de l’État. Libre ensuite au ministre de la culture de verser un montant raisonnable et proportionné au CNC par le biais d’une subvention comme c’est le cas pour de nombreux autres opérateurs. Cette disposition permettrait d’éviter les suspicions de toutes sortes et les mannes financières.
Il est temps de lever le tabou et de revenir à une situation plus raisonnable pour les finances publiques sans qu’elle soit défavorable au soutien au cinéma, une situation plus logique en somme.
Les éléments qui m’ont été communiqués attestent d’une baisse, sur les cinq dernières années, du rendement de la TST : 630 millions en 2011 pour 500 millions environ en 2014. Dans ces conditions, il me semblerait hasardeux de remplacer une taxe dont le rendement baisse par une dotation de l’État car il faudrait en fixer le montant, ce qui se traduirait, à terme, par une perte nette pour le budget de l’État.
Quant au prétendu trésor de guerre du CNC, rappelons qu’au cours des dernières années, il a été ponctionné à hauteur de 300 millions d’euros, sur les deux dernières années au moins.
À titre personnel, je suis donc défavorable à votre amendement.
Monsieur le député, vous proposez de revenir sur l’affectation au CNC de la taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision, la TST, dont le produit serait affecté au budget général, et d’en transférer le recouvrement à la direction générale des finances publiques. Les ressources du CNC seraient alors constituées par une subvention de l’État. Le Gouvernement y est défavorable.
Tout d’abord, le principe du financement du cinéma par ressources affectées est ancien, puisque c’est la loi du 23 septembre 1948 qui créé une taxe de sortie de film, ancêtre de la taxe spéciale additionnelle – TSA – pour alimenter le fonds spécial d’aide temporaire à l’industrie cinématographique. Il a ensuite été repris et adapté à toutes les autres formes de diffusion de l’image, la taxe sur la télévision étendue à la distribution de services, quel que soit le support, ou encore la taxe vidéo.
Deuxième point : l’affectation des taxes au CNC a été confirmée depuis lors à plusieurs reprises, en particulier avec le transfert de la responsabilité du recouvrement et du contrôle fiscal de la TST à compter du 1er janvier 2010 à l’établissement public.
Enfin, le Gouvernement est naturellement soucieux de la participation du CNC à l’effort général d’économie et le niveau de dépenses du CNC prendra en compte cette année les conséquences de la baisse de 60 millions d’euros de ses recettes fiscales. Par conséquent, nous vous demandons de retirer cet amendement, sinon nous y serons défavorables.
L’amendement no 186 n’est pas adopté.
Madame la ministre, votre réponse à la question de ma collègue Virginie Duby-Muller sur le budget de l’Hadopi ne me satisfait pas. Il y a maintenant cinq ans, je m’étais opposé aux lois Hadopi, convaincu de l’inefficacité de la riposte graduée. Je ne le regrette pas, car force est de constater que le piratage n’a pas été endigué par ces lois, contrairement à ce que l’on affirmait à l’époque. Il n’empêche que le Parlement a voté ces lois, il a créé l’Hadopi, lui a assigné plusieurs missions et pas seulement celle de sanctionner ; il suffit, pour les spécialistes, de lire l’article 5.
En tant que législateur, et parce que nous traitons d’une autorité publique indépendante, je vois d’un très mauvais oeil cette subvention, trop faible pour permettre à l’Hadopi de continuer à un rythme acceptable. Cette réduction conduira en effet l’Hadopi à se recentrer quasi exclusivement sur la riposte graduée, alors que ses travaux en matière de promotion et de recherche de l’offre légale me paraissent bien plus utiles. Leur abandon pour des raisons budgétaires serait de surcroît contraire à la loi et ouvrirait une brèche inquiétante. Est-ce parce que l’Hadopi est une création du précédent Gouvernement ?
Puisque vous ne souhaitez pas augmenter la subvention, comme vous l’ont proposé mes collègues, je vous suggère une autre solution, sans aucun coût pour l’État : utiliser la rémunération pour copie privée dont nous rediscuterons sans doute, qui vise la reproduction licite d’oeuvres et qui est destinée aux ayants droit. Les ayants droit ont soutenu la création de l’Hadopi et je ne doute pas qu’ils soient attachés aux missions que j’ai évoquées. Pourquoi donc ne pas les faire contribuer, indirectement et légèrement, pour combler ce manque en affectant 1 % du montant global de la RCP à l’Hadopi ? Ce ne serait pas grand-chose, rapporté au montant collecté, 172 millions en 2012, paraît-il.
L’affectation serait donc de 1,72 million d’euros, ce qui permettrait de régler le problème, tout en respectant la logique de la rémunération pour copie privée. Tel est l’objet de cet amendement.
Monsieur le député, je vois une petite contradiction dans votre souci louable de sécuriser les ressources de l’Hadopi tout en adossant une partie de ces ressources sur une taxe dont la fluctuation est possible alors que les missions de l’Hadopi resteront constantes au cours des années. Par ailleurs, votre proposition me semble comporter un risque juridique : la rémunération sur copie privée doit exclusivement bénéficier aux ayants droit, alors que l’ensemble des missions de l’Hadopi ne peut pas entrer dans cette définition. Avis défavorable.
Monsieur le député, vous proposez d’affecter 1 % des sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée au budget de l’Hadopi. Le Gouvernement y est défavorable.
Revenons tout d’abord au débat relatif au budget de l’Hadopi : la dotation budgétaire de l’Hadopi a été discutée avec la haute autorité. La décision de fixer sa dotation à hauteur de 6 millions d’euros n’a été prise qu’après la présentation par les deux parties de leurs arguments. Vous ne pouvez pas affirmer que cette discussion budgétaire n’a pas eu lieu. Elle a eu lieu avec les services, la direction générale des médias et des industries culturelles, la direction du budget.
Je voudrais vous lire l’extrait d’un entretien accordé par le secrétaire général de l’Hadopi en février 2014. À la question relative au montant de la subvention 2014 de l’Hadopi, Eric Walter répondait : « Elle baisse pour deux raisons qui n’ont rien à voir avec les élucubrations de certains observateurs. La première est qu’au lancement d’une institution, il faut faire des investissements à payer cash. Depuis 2012-2013, nous n’avons plus besoin d’investir et nous n’avons donc plus besoin de cet argent. La deuxième raison est que nous avons placé les soixante agents de l’Hadopi sur le frein des dépenses. Nous sommes allés au maximum ou presque de l’économie budgétaire publique pour une raison évidente : les finances publiques ne sont pas bonnes. Ces deux facteurs font que nous avons besoin de moins d’argent et nous demandons donc moins de subventions. Nous avons obtenu cette année 5,6 millions d’euros pour un budget total d’environ 9 millions. »
Par conséquent, nous considérons que les crédits accordés cette année à l’Hadopi lui permettront de fonctionner en recourant notamment à des prélèvements sur son fonds de roulement dont le niveau demeure suffisamment élevé pour ne pas remettre en cause la viabilité de l’institution.
Par ailleurs, le système de la rémunération pour copie privée contribue à compenser le préjudice subi par les titulaires de droits d’auteur et de droits voisins en raison de la faculté accordée au consommateur de réaliser des copies d’oeuvres et d’objets protégés.
L’article L. 331-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit en conséquence que les sommes collectées doivent être reversées aux titulaires de droits par le biais des sociétés de perception et de répartition des droits qui les représentent.
Votre amendement, monsieur Tardy, conduirait à priver les ayants droit d’une partie des rémunérations qui leur reviennent de droit conformément au code de la propriété intellectuelle. Par conséquent, nous vous demandons de retirer votre amendement, faute de quoi nous y rendons un avis défavorable.
Nous pourrions débattre pendant des heures des chiffres qui concernent le budget de l’Hadopi ou d’autres organismes, madame la ministre, mais c’est sur le principe que j’interviens. Je rappelle que l’Hadopi est née de la volonté des ayants droit, lesquels n’y consacrent pas un euro puisque son coût est intégralement à la charge de l’État, et donc des Français. D’autre part, un quart du produit de la redevance pour copie privée sert à financer des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes. Il ne me semble donc pas illogique qu’elle serve également à financer des actions d’aide à la promotion de l’offre légale. Tel était le sens de mon amendement, dont vous avez compris le message. Tout est désormais question de rapport avec les ayants droit – mais c’est un autre débat.
L’amendement no 187 n’est pas adopté.
Ces deux amendements concernent le crédit d’impôt en faveur des créateurs de jeux vidéo prévu à l’article 220 terdecies du code général des impôts.
Comme vous le savez, nous avons l’an dernier réformé ce crédit d’impôt créé en 2008, afin de le rendre plus attractif et plus performant. Il permet à une société de production de jeux vidéo de déduire de son imposition une partie de ses dépenses de production à hauteur de 20 % des dépenses éligibles et avec un plafond de 3 millions d’euros par exercice et par entreprise.
Sans insister à l’excès car chacun ici le sait, je rappelle que ce crédit d’impôt est parvenu avec succès à freiner le mouvement de délocalisation des emplois dans les unités de production françaises des entreprises, et même à en relocaliser une partie en réduisant sensiblement l’écart de compétitivité qui s’était creusé avec les pays anglo-saxons, Singapour ou encore le Luxembourg.
Plusieurs aménagements ont été adoptés en loi de finances rectificative pour 2013 afin d’élargir les dépenses éligibles, d’ouvrir le bénéfice du crédit d’impôt à certaines catégories de jeux, d’allonger les délais entre l’agrément provisoire et l’agrément définitif, et d’abaisser le seuil d’éligibilité de 150 000 à 100 000 euros pour les créations.
Ces modifications sont soumises à une procédure d’autorisation de la Commission européenne, puisqu’ils sont constitutifs d’une aide d’État. Une notification lui a été adressée à cet effet l’été dernier. Dans l’attente de l’issue de cette procédure d’autorisation, il est nécessaire de repousser l’entrée en vigueur des mesures en question, initialement prévue au 1er janvier 2015, à une date tenant compte de l’autorisation qui nous sera délivrée par la Commission : c’est l’objet de ces deux amendements.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je comprends la raison qui conduit le Gouvernement à déposer ces deux amendements, et que Mme la ministre vient d’expliquer. Nous sommes en quelque sorte contraints de les adopter.
Je vous ferai simplement part d’un regret que nous pouvons tous ici partager. J’ai comme d’autres participé au débat qui, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013, nous a permis d’aménager le crédit d’impôt jeux vidéo afin de le rendre plus attractif et, surtout, pour qu’il profite à un plus grand nombre d’entreprises, grâce à son extension à certains jeux et à la modification de son seuil d’éligibilité et de son plafond. Ce crédit d’impôt est une mesure très incitative qui contribue au dynamisme de cette industrie dont nous sommes si fiers, à laquelle M. Rudy Salles, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, a consacré son rapport sur le projet de loi de finances pour 2015.
Au nom de la commission, je veux bien entendu exprimer notre compréhension : nous voterons en faveur de ces amendements par nécessité, puisque le dispositif étant constitutif d’une aide d’État, il nous faut attendre l’autorisation de la Commission européenne. Je veux toutefois regretter ce retard. Vous avez indiqué, madame la ministre, que la Commission avait été notifiée « l’été dernier » : peut-être pourra-t-on à l’avenir comprimer davantage dans le temps la préparation des dossiers de notification à la Commission, compte tenu de la date de promulgation de la loi de finances rectificative pour 2013, si je puis ainsi m’exprimer.
J’irai dans le sens des propos de M. le président de la commission. Ces deux amendements tendent à repousser la mise en application de mesures d’aménagement du crédit d’impôt jeux vidéo en attendant le feu vert de la Commission européenne. Ils visent deux articles de la loi de finances rectificative pour 2013, créés grâce à deux amendements de M. Patrice Martin-Lalande que j’avais cosignés avec plusieurs autres collègues du groupe UMP, et contenant des mesures d’amélioration du crédit d’impôt très positives et attendues par les acteurs de la filière.
J’ai beau ne pas être un spécialiste des notifications à la Commission, je m’interroge tout de même : j’ai lu, en effet, que cette notification n’avait été faite qu’en août 2014, alors que la loi de finances rectificative a été promulguée à la fin 2013. Il ne faut donc pas s’étonner de ce retard que l’on nous demande aujourd’hui de rectifier tant bien que mal, si les notifications sont transmises huit mois après la promulgation de la loi, comme l’a souligné M. le président de la commission.
J’espère cependant que l’autorisation nous parviendra rapidement et je me réjouis du fait que – sauf erreur de ma part – ce nouveau crédit d’impôt pourra s’appliquer à l’exercice 2014.
Il va de soi que nous soutiendrons ces amendements du Gouvernement, même si nous regrettons d’avoir à voter de cette manière. Chacun a bien conscience de l’importance que revêt ce dispositif : non seulement il élargit l’assiette du crédit d’impôt et en diminue le seuil financier d’éligibilité mais, surtout, il tient compte de la mutation de la recherche et des activités que mènent les entreprises de jeux vidéo en direction des smartphones – c’est-à-dire des produits pour lesquels les dépenses sont moindres, mais qui relèvent du même secteur d’activité et qui se caractérisent par le même niveau d’excellence.
Les députés socialistes vont donc dans le sens du président de la commission et demandent au Gouvernement d’adopter une attitude particulièrement proactive afin que ce dossier aboutisse au plus vite. Nous comptons sur vous, madame la ministre !
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Avances à l’audiovisuel public », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Avances à l’audiovisuel public » sont adoptés.
Nous avons terminé l’examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et des crédits relatifs aux comptes spéciaux « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État » et « Avances à l’audiovisuel public ».
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly