Intervention de Jean-Noël Carpentier

Séance en hémicycle du 29 octobre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Carpentier :

Madame la ministre, chers collègues, au nom du groupe RRDP, je tiens à exprimer ma satisfaction quant à la décision du Gouvernement de « sanctuariser » les crédits dédiés à la culture dans son ensemble. De fait, le soutien à la culture a déjà assez fait les frais de ce qu’on appelle le « sérieux budgétaire ». Cet engagement financier de l’État doit perdurer dans le temps. La culture est indispensable à une société démocratique.

Pour ce qui concerne les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », nous apprécions positivement la légère hausse qui permettra de tenir les engagements de l’État en faveur du secteur du livre, du soutien à la presse, de l’AFP et de l’audiovisuel public.

Sur ce sujet, nous maintenons notre vigilance quant à la complète indépendance de France Télévisions. Aussi souhaitons-nous que des propositions gouvernementales soient formulées à moyen terme afin de sécuriser son budget.

Permettez-moi cependant, madame la ministre, de concentrer mon propos sur les aides à la presse écrite, à propos desquelles j’ai été rapporteur pour avis pour la commission des affaires culturelles, et d’évoquer les mutations qu’impose Internet à nos politiques publiques en matière de soutien aux médias.

Comme vous le savez, les rapports qui se succèdent sur les aides à la presse portent des jugements sévères sur leur efficacité, leur reprochant d’être parfois contre-productives lorsqu’elles ont pour effet de retarder les adaptations du secteur, notamment vers le numérique.

Les éditeurs de la presse eux-mêmes constatent que le soutien massif à la distribution de la presse papier porte sur des canaux de distribution qui se concurrencent au lieu de se compléter. Nous attendons donc impatiemment les conclusions de l’enquête de l’inspection générale des affaires culturelles, l’IGAC, et de l’inspection générale des finances, l’IGF, sur le schéma de diffusion de la presse papier.

J’estime pour ma part que l’État devrait davantage conditionner ses aides à la mise en place de synergies dans ce domaine, tout en accompagnant socialement un secteur qui emploie des milliers de personnes, notamment dans l’imprimerie et la diffusion.

En ce qui concerne, plus généralement, l’évolution à plus long terme des aides à la presse, j’observe que leur niveau élevé n’a pas enrayé une baisse inéluctable et continuelle de la diffusion papier, qui atteint près de 25 % en dix ans. De l’aveu même du syndicat des éditeurs de la presse quotidienne, les aides ont été trop dirigées vers le papier au détriment du numérique. Bien que des progrès aient été réalisés récemment en matière de soutien à la presse en ligne, les aides à la presse restent, cette année encore, très massivement dirigées vers le papier, alors que nos concitoyens s’informent majoritairement par d’autres canaux, notamment par Internet.

Ce soutien contribue aussi parfois à nourrir les interrogations sur l’indépendance politique de la presse, d’ailleurs amplifiées par l’évolution récente du profil des propriétaires de presse, qui accrédite l’idée qu’aujourd’hui, on n’achète pas forcément un titre de presse pour sa rentabilité, mais plutôt pour l’influence politique qu’il procure.

Ainsi, madame la ministre, je m’interroge : à soutenir aussi massivement le modèle papier, ne risque-t-on pas de créer des distorsions qui se révéleront à terme défavorables au secteur de la presse ? La question se pose d’autant plus que la justification historique des aides à la presse, à savoir le soutien au pluralisme, ne se présente plus tout à fait dans les mêmes termes aujourd’hui, du fait de la puissance de la diffusion par Internet. Il faut toutefois, bien sûr, porter une attention toute particulière aux titres de presse à faibles recettes publicitaires, qui perçoivent légitimement à ce titre des aides spécifiques.

Cela dit, il est clair que le numérique fait tomber les barrières à l’entrée et l’on peut se réjouir qu’il existe de plus en plus de titres en ligne à caractère d’information politique et générale, qui adoptent parfois un ton nouveau, et peut-être plus libre, sur certains sujets d’actualité. Une réflexion sur la notion de pluralisme s’impose donc dans un univers qui est passé de la rareté à l’hyperabondance de l’information.

Enfin, plus largement, avec l’avènement du numérique et d’Internet dans les médias, il est désormais indispensable de fixer de nouvelles règles relatives à une plus juste répartition de la valeur entre les différents acteurs présents sur le Net ; je sais que ce sujet vous intéresse.

Si certains proposent une taxe sur les appareils connectés, je pense quant à moi que nous avons d’abord besoin de régulation et d’une plus grande fermeté envers les géants du Net, les « Gafa » – Google, Apple, Facebook et Amazon – qui veulent faire la loi sur la Toile. En effet, Google, Apple et autres Facebook sont certes utiles, mais ils utilisent des contenus qu’ils n’ont pas créés eux-mêmes pour en tirer d’énormes bénéfices – qui, d’ailleurs, échappent bien trop souvent aux administrations fiscales nationales. Il est indispensable que ce sujet donne lieu à une réflexion au niveau gouvernemental, mais aussi au niveau européen.

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