Intervention de Annick Girardin

Réunion du 8 octobre 2014 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Annick Girardin, secrétaire d'état chargée du développement et de la francophonie :

Pour avoir siégé au sein de votre assemblée depuis 2007, je sais combien il est essentiel pour les parlementaires d'exercer un véritable contrôle sur l'action du gouvernement. Je souhaite donc vous présenter en toute transparence les grandes priorités de ma politique en matière de développement et de francophonie.

Sur le terrain du développement, l'application et le suivi de la loi d'orientation et de programmation du 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale constituent évidemment ma tâche principale. Il s'agit de la première loi consacrée à ce sujet depuis 1958. Je tiens à rendre hommage à l'action de mon prédécesseur, M. Pascal Canfin, qui a défendu ce texte en tant que ministre délégué chargé du développement.

Dans le cadre dressé par cette loi que vous venez de voter, je souhaite mettre l'accent sur l'efficacité de notre politique d'aide au développement. Vous connaissez notre situation budgétaire ; nous pourrons difficilement dépenser plus à court terme, mais nous pouvons faire mieux. Pour cela, nous devons travailler ensemble et impliquer les collectivités territoriales, les ONG, les entreprises… Évidemment, il faut au premier chef travailler avec les pays du Sud avec lesquels nous entretenons désormais un véritable partenariat – la « Françafrique » est derrière nous, et les pratiques du passé sont révolues.

La mobilisation et l'accompagnement de tous les acteurs du développement constituent des priorités. Nous développerons des synergies entre acteurs bilatéraux et multilatéraux. Il faut insister pour que les grands bailleurs suivent nos priorités, comme cela a été le cas au Mali où l'Union européenne a accompagné la France. Je pense aussi à la proposition de l'Agence française de développement (AFD) concernant le Fonds Bêkou pour la République centrafricaine qui mobilise désormais l'Allemagne et les Pays-Bas.

Nous devons également être exigeants dans le choix de projets porteurs de changement et de messages. La responsabilité sociale et environnementale (RSE), l'innovation, et les engagements en matière de climat constituent autant de critères qu'il nous faut retenir.

Je veillerai scrupuleusement à l'application concrète de la loi. J'ai souhaité qu'un tableau de bord permette de faire le bilan de sa mise en oeuvre, car nous devons rendre des comptes sur notre action.

Mon secrétariat d'État est naturellement totalement mobilisé, et l'AFD, notre opérateur pivot, est également en ordre de bataille pour contribuer à rendre notre aide plus efficace. Son contrat d'objectifs et de moyens (COM) vient d'être adopté. Il sera signé très prochainement. Je vous remercie pour votre contribution à ce document. Ce COM s'inscrit naturellement dans le cadre posé par la loi. L'AFD effectue un travail considérable pour répondre aux enjeux de développement dans l'ensemble des zones où elle est engagée, en particulier dans les pays en crise et dans les pays les plus fragiles. Elle met en oeuvre notre politique de partenariats différenciés et s'investit pleinement dans la construction d'un développement durable conciliant solidarité et protection de la planète.

Parallèlement, elle s'organise de plus en plus efficacement pour répondre à l'objectif que nous lui avons fixé de promotion des intérêts économiques français dans le cadre de sa mission de développement. M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international a récemment insisté sur ce point auprès des ambassadeurs réunis à Paris.

Le tableau de suivi de la loi du 7 juillet sera examiné régulièrement par le co-secrétariat du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).

L'expertise technique constitue l'une des priorités de cette loi avec la mise en place, à partir du mois de janvier prochain, de l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) regroupant six opérateurs publics d'expertise technique internationale. M. Laurent Fabius et moi attachons beaucoup d'importance à la création de cette agence à la date prévue. Il s'agit d'un véritable chantier de réforme de l'État, qui doit permettre de passer de l'artisanat pratiqué par de nombreux petits organismes à une action plus professionnelle, plus efficace, et plus économe en argent public. Pour que ce chantier soit mené à bien, j'apporterai le soutien nécessaire au délégué interministériel chargé de mettre en place cette nouvelle structure, M. Jean-Christophe Donnelier. Il s'agit aussi d'un objectif d'influence et d'un enjeu pour notre politique d'aide au développement : nous devons pouvoir proposer à nos partenaires des solutions d'expertise française en complément de nos financements.

Derrière les structures juridiques, il y a des femmes et des hommes sur le terrain qui sont ma réelle priorité. C'est en particulier le cas de la jeunesse qui représente notre avenir.

Je travaille donc à développer une approche cohérente et lisible de notre réponse aux défis de la jeunesse du Sud. La démographie explosive, notamment en Afrique, demande que nous nous mobilisions. Le nombre des jeunes constitue une véritable chance si l'on sait préparer l'avenir, mais il met aussi à l'épreuve les systèmes de santé, les systèmes éducatifs, les marchés du travail et, potentiellement, les systèmes politiques.

J'en viens maintenant à la francophonie. Actuellement, 60 % de la population des pays francophones a moins de trente ans, et certaines projections suggèrent que les locuteurs francophones pourraient être 700 millions en 2050, plus de 80 % se trouvant en Afrique. Pour que la francophonie se développe, il faut que les jeunes soient éduqués en français et qu'ils puissent aussi travailler dans notre langue.

Avec le renouvellement des instances dirigeantes de l'OIF, le sommet de Dakar doit être l'opportunité de définir une francophonie plurielle et diverse, tournée vers la jeunesse du Nord et du Sud. Peut-être faudra-t-il oser parler « des francophonies » !

J'aurai prochainement l'occasion de venir vous présenter le budget de l'aide publique au développement. Les économies proposées par le Gouvernement permettent de maintenir une capacité d'action que je veux ambitieuse. Le coeur de l'aide est préservé car l'aide alimentaire, l'aide humanitaire d'urgence, les dons-projets sont les instruments privilégiés de notre aide bilatérale. Nous ciblons mieux les missions et les pays. Nous agissons en Centrafrique et au Mali avec des moyens français, mais aussi en mobilisant nos partenaires. L'Afrique subsaharienne et la Méditerranée concentrent 85 % de notre effort financier. À l'inverse, l'AFD prête désormais aux très grands émergents sans faire jouer le coût-État.

Nous conservons des marges de manoeuvre : le Président de la République a pris en décembre dernier l'engagement de consacrer 20 milliards d'euros à l'Afrique pendant les cinq prochaines années. De même, le Président vient d'annoncer que la France contribuera pour un milliard de dollars au Fonds Vert de l'ONU. Enfin, nous poursuivons le doublement de l'aide via les ONG d'ici à 2018.

Les financements innovants, comme la taxe sur les transactions financières (TTF) ou la taxe sur les billets d'avions, nous aident à préserver nos moyens dans cette passe budgétaire difficile. Le relèvement de 15 à 25 % du produit de la TTF affecté au développement a été décidé.

J'ai lu dans la presse des critiques sur ce budget en baisse. Je tiens donc à dire clairement que l'aide publique au développement n'est pas sacrifiée. La France n'a pas à rougir de son effort de solidarité.

La Conférence Paris Climat 2015 qui se prépare dès aujourd'hui sera la priorité diplomatique de l'année prochaine. Le sommet organisé par le Secrétaire général des Nations Unies, à New York, le 23 septembre dernier a constitué un jalon essentiel pour mobiliser tous les acteurs et mettre en lumière des initiatives destinées à faire face au dérèglement climatique. On peut certes être déçu, comme je le suis, par le manque d'engagement de certains États, mais il faut aussi relever des avancées dans le discours des chefs d'État présents. De nombreuses entreprises, des collectivités territoriales, des acteurs de la finance, et des institutions internationales se sont également mobilisés. Ils ont pris des engagements comme ce fut par exemple le cas des maires de plus de deux mille villes. Il faut faire vivre la dynamique créée à New York jusqu'à la Conférence de Lima, puis celle de Paris.

Au final, ces différents efforts ont permis au Secrétariat général de communiquer un chiffre agrégé de réduction des gaz à effet de serre de 8 gigatonnes évitées par an jusqu'en 2050. La France a été très présente, notamment sur la question du financement avec l'annonce par le Président de la République de la contribution au Fonds vert, dans l'espoir d'attendre les 10 milliards avant le mois de novembre. Notre pays prend ses responsabilités en matière de climat, et le Parlement a son rôle à jouer dans cette dynamique.

La France prend toute sa part dans la riposte internationale contre Ebola. C'est notre devoir en termes de solidarité et de responsabilité. Notre réponse face à l'épidémie est à la fois financière, scientifique et opérationnelle.

Sur le plan financier, plus de 70 millions d'euros seront investis, qu'il s'agisse des 35 millions dépensés au titre de l'aide bilatérale, ou des montants versés au titre de notre quote-part de l'action des bailleurs multilatéraux comme l'Union européenne, la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement.

Au titre de l'aide bilatérale, une contribution de 5 millions d'euros sera apportée au financement du plan de riposte guinéen, correspondant à une réallocation sur le contrat de désendettement et de développement (C2D) signé en 2013. L'AFD finance avec l'Union européenne un projet de renforcement du système de santé primaire en Guinée forestière. L'aide bilatérale a également vocation être dirigée vers les pays frontaliers de l'épicentre de l'épidémie : le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali, le Bénin, le Niger, le Togo, et la Côte d'Ivoire.

La contribution de notre pays est aussi scientifique. Les Instituts Pasteur de Dakar et de Paris appuient les capacités de détection virale en Guinée. Ils effectuent un travail remarquable et méritent d'être félicités.

Notre réponse opérationnelle a permis de mettre en place une capacité d'évacuation sanitaire des personnels internationaux mobilisés sur le terrain et des ressortissants français grâce aux moyens des ministères de la défense et de la santé. Le 15 septembre dernier, une réunion à Bruxelles visait, à la demande de la France, à organiser une mutualisation et une coordination européennes. La France a ouvert un centre de traitement Ebola en Guinée qui sera géré avec la Croix Rouge française et qui fait intervenir de nombreux départements ministériels : santé, défense, intérieur, affaires étrangères. Un appui à la coordination de la riposte Ebola est prévu en Guinée qui se traduira par la mise à disposition du gouvernement guinéen d'un expert technique français, et par le renforcement des équipes de coordination des Nations Unies menées par le docteur David Nabarro. À ce sujet, la Guinée m'a signalé qu'il était regrettable que les Nations Unies aient nommé un coordonnateur non francophone alors que le virus sévit principalement dans des pays francophones.

À Paris, Mme Christine Fages, ambassadrice, a été nommée coordinatrice de la task force interministérielle Ebola. À la demande du coordonnateur des Nations Unies en charge de la lutte contre Ebola, la France concentre ses efforts sur la Guinée et continue de travailler sous l'égide de l'OMS et de l'ONU.

J'ai constaté à Conakry l'action déterminante des volontaires internationaux. Leur courage et leur engagement doivent être salués d'autant qu'ils peuvent être confrontés à des rejets sur place lorsque la population apprend qu'ils participent à la lutte contre Ebola – ils sont nombreux par exemple à avoir perdu leur logement. Je souhaite vivement que la panique et la peur ne se diffusent ni là-bas ni chez nous. Il est inquiétant et paradoxal de constater que des parents ont refusé d'envoyer leurs enfants à l'école en France alors que le lycée français de Conakry a ouvert ses portes en présence de tous ses élèves et de tous ses enseignants.

Pour conclure, je vous rappelle que j'ai lancé le site internet transparence-aide.gouv.fr afin d'assurer la transparence de notre action aux yeux des citoyens comme des parlementaires. Ce site traitait initialement du seul Mali – il permet aujourd'hui aux populations maliennes de communiquer avec nous –, il portera bientôt sur les seize pays vers lesquels notre action d'aide au développement est prioritairement dirigée.

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