Audition, ouverte à la presse, de Mme Annick Girardin, secrétaire d'État au Développement et à la Francophonie, sur l'épidemie d'Ebola et les orientations de la politique d'aide au développement.
La séance est ouverte à neuf heures cinquante.
Mes chers collègues, avant que nous entendions Mme Annick Girardin, je passe la parole à M. Axel Poniatowski.
Le groupe UMP regrette vivement l'incident récent auquel a donné lieu l'organisation des travaux de la mission d'information sur le Proche et Moyen Orient. Madame la présidente, vous avez empêché que se tienne l'audition de M. Reza Pahlavi que souhaitait programmer le président de la mission d'information, M. Jean-Luc Reitzer. Sur la forme, cette décision éminemment regrettable est véritablement inhabituelle et même inédite de votre part. Sur le fond, il me semble essentiel de ne pas confondre la diplomatie parlementaire et l'action du Gouvernement en matière de politique étrangère. Le groupe UMP recevra M. Reza Pahlavi, et tous les membres de cette commission seront conviés à assister à cette audition.
Cher collègue, je prends acte de vos remarques.
Il est d'usage que la liste des personnes entendues soit établie conjointement par le président et le rapporteur des missions d'information de notre commission. En l'espèce, la rapporteure, Mme Odile Saugues, ne souhaitait pas qu'ait lieu l'audition demandée par M. Jean-Luc Reitzer. La tenue d'une audition relève de leur responsabilité, mais afin de tenter une conciliation, je les ai reçus dans mon bureau et j'ai fait remarquer que cette proposition d'audition devait être appréciée en tenant compte du contexte actuel.
Tout cela n'empêche évidemment en rien les groupes politiques de recevoir qui ils veulent, et je ne vois pas à quel titre j'irais m'immiscer dans leur décision.
Nous ne sommes absolument pas inféodés au Gouvernement, et nous exerçons notre contrôle librement. Je crois que jamais un aussi grand nombre de ministres n'avait été auditionné, et nous entendons également de très nombreuses personnalités. Je veille à ce que les travaux de notre commission nous permettent de nous forger individuellement et collectivement un jugement indépendant.
Je suis depuis toujours viscéralement attaché à la liberté d'expression de nos collègues – même si cette expression peut ne pas plaire à une vice-présidente de notre assemblée au perchoir. Nous devons aussi pouvoir entendre tous ceux qui le souhaitent, surtout dans le cadre d'une mission d'information.
Cela dit, madame la présidente, vous avez raison : l'accord entre le président et le rapporteur est une règle légitime qui s'applique à l'organisation des travaux d'une telle mission.
Aussi comprendrez-vous que je sois partagé après les remarques de M. Axel Poniatowski. Je note néanmoins, pour conclure, qu'en 2007, lors des travaux de la commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye, le groupe UMP s'était opposé à l'audition de Mme Cécilia Sarkozy.
Sur un sujet aussi vaste que le Proche et le Moyen Orient, la mission d'information que je préside a choisi l'Iran comme « porte d'entrée ». Nous avons déjà entendu une bonne vingtaine de spécialistes, et j'avais estimé que l'audition de M. Reza Pahlavi pouvait être intéressante. Le journal Le Monde a d'ailleurs eu le même sentiment puisqu'il vient de publier une interview de l'intéressé dont les analyses sont particulièrement pertinentes.
La rapporteure de la mission d'information n'a pas souhaité que cette audition soit organisée. Nous avons tenté une conciliation en présence de Mme la présidente de la Commission mais, comme l'écrivait Sartre, « quand je délibère, les jeux sont faits ». Le choix avait été fait de favoriser la position de la rapporteure.
Je regrette que nous ne puissions pas entendre M. Reza Pahlavi dans le cadre de la mission d'information. Tous les membres de notre commission pourront cependant assister à l'audition du prince annoncée par M. Axel Poniatowski.
Personne ne songe dans cette commission à brider l'information des parlementaires. J'ai moi-même lu avec un grand intérêt l'interview donnée par M. Pahlavi au journal Le Monde. Croyez bien que pour ma part, je suis curieuse de tout !
Je vous propose maintenant d'en venir à l'audition de Mme Annick Girardin.
Madame la secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie, pour votre première audition devant la commission des affaires étrangères, nous sommes convenues que vous nous présenteriez les priorités de votre ministère sur quelques sujets essentiels.
Je pense à la réflexion et aux discussions engagées sur la définition des objectifs de développement durable (ODD) qui feront suite aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui arrivent à échéance l'an prochain.
Vous pourrez aussi nous faire part de votre appréciation sur les résultats du sommet sur le climat organisé par l'ONU, à New York, le 23 septembre dernier, auquel vous vous êtes rendu au côté du Président de la République, et nous dire quelle part vous prendrez à la préparation de la Conférence Paris Climat qui se tiendra en France en décembre 2015. Un groupe de travail a été constitué au sein de notre assemblée sur ce dernier sujet réunissant des membres des commissions des affaires étrangères, du développement durable, et des affaires européennes.
Le sommet de Dakar, qui se déroulera à la fin du mois de novembre, constitue une étape importante de l'évolution de la francophonie. Il marque en effet la fin du mandat de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) depuis 2003, et il permettra de désigner son successeur. Plusieurs candidats sont en lice, et vous pourrez sans doute nous dire comment les choses se présentent.
Nous souhaitons par ailleurs vous interroger sur l'épidémie d'Ebola qui ravage depuis plusieurs mois la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone, et risque de s'étendre dangereusement à l'Afrique de l'Ouest. Cette crise sanitaire majeure a tué plus de 3 500 personnes. Ses conséquences humanitaires, sociales, et économiques, sont d'ores et déjà extrêmes pour les trois pays concernés qui comptent, et il ne s'agit évidemment pas d'un hasard, parmi les plus fragiles et déshérités d'Afrique. La communauté internationale a désormais pris la mesure des risques de cette situation sans précédent. Le Conseil de sécurité a adopté, le 18 septembre dernier, la résolution 2177 qui qualifie l'épidémie de « menace pour la paix et la sécurité », ce qui ne s'était jamais vu s'agissant d'un problème sanitaire.
Nous recevions hier M. Mégo Terzian, président de l'association Médecins sans frontières (MSF), qui a présenté en détail la situation sur le terrain et l'action admirable que MSF mène depuis le début de l'épidémie dans des conditions particulièrement difficiles. Je compte poursuivre ces auditions conjointement avec la commission des affaires sociales. M. Terzian nous a fait part de son inquiétude en raison de la propagation de la maladie et de ses conséquences sur les autres pathologies. Le retard de la réaction internationale et de la prise de conscience n'est pas sans effet sur le terrain.
Madame la secrétaire d'État, la France est en première ligne en Guinée où vous vous êtes rendue il y a deux semaines. Elle a appelé l'Union européenne à agir. Pourriez-vous présenter les dispositifs et les moyens que la France, l'Union européenne et la communauté internationale mettent en oeuvre ? Quels sont les résultats d'ores et déjà obtenus dans la lutte contre la maladie ? Quelles sont aujourd'hui les perspectives, à court et moyen termes, notamment quant aux risques sanitaires, et économiques qui pèsent sur la région, mais aussi en termes d'instabilité éventuelle pour des pays encore fragiles – je pense bien sûr à la Côte d'Ivoire ?
Pour avoir siégé au sein de votre assemblée depuis 2007, je sais combien il est essentiel pour les parlementaires d'exercer un véritable contrôle sur l'action du gouvernement. Je souhaite donc vous présenter en toute transparence les grandes priorités de ma politique en matière de développement et de francophonie.
Sur le terrain du développement, l'application et le suivi de la loi d'orientation et de programmation du 7 juillet 2014 relative à la politique de développement et de solidarité internationale constituent évidemment ma tâche principale. Il s'agit de la première loi consacrée à ce sujet depuis 1958. Je tiens à rendre hommage à l'action de mon prédécesseur, M. Pascal Canfin, qui a défendu ce texte en tant que ministre délégué chargé du développement.
Dans le cadre dressé par cette loi que vous venez de voter, je souhaite mettre l'accent sur l'efficacité de notre politique d'aide au développement. Vous connaissez notre situation budgétaire ; nous pourrons difficilement dépenser plus à court terme, mais nous pouvons faire mieux. Pour cela, nous devons travailler ensemble et impliquer les collectivités territoriales, les ONG, les entreprises… Évidemment, il faut au premier chef travailler avec les pays du Sud avec lesquels nous entretenons désormais un véritable partenariat – la « Françafrique » est derrière nous, et les pratiques du passé sont révolues.
La mobilisation et l'accompagnement de tous les acteurs du développement constituent des priorités. Nous développerons des synergies entre acteurs bilatéraux et multilatéraux. Il faut insister pour que les grands bailleurs suivent nos priorités, comme cela a été le cas au Mali où l'Union européenne a accompagné la France. Je pense aussi à la proposition de l'Agence française de développement (AFD) concernant le Fonds Bêkou pour la République centrafricaine qui mobilise désormais l'Allemagne et les Pays-Bas.
Nous devons également être exigeants dans le choix de projets porteurs de changement et de messages. La responsabilité sociale et environnementale (RSE), l'innovation, et les engagements en matière de climat constituent autant de critères qu'il nous faut retenir.
Je veillerai scrupuleusement à l'application concrète de la loi. J'ai souhaité qu'un tableau de bord permette de faire le bilan de sa mise en oeuvre, car nous devons rendre des comptes sur notre action.
Mon secrétariat d'État est naturellement totalement mobilisé, et l'AFD, notre opérateur pivot, est également en ordre de bataille pour contribuer à rendre notre aide plus efficace. Son contrat d'objectifs et de moyens (COM) vient d'être adopté. Il sera signé très prochainement. Je vous remercie pour votre contribution à ce document. Ce COM s'inscrit naturellement dans le cadre posé par la loi. L'AFD effectue un travail considérable pour répondre aux enjeux de développement dans l'ensemble des zones où elle est engagée, en particulier dans les pays en crise et dans les pays les plus fragiles. Elle met en oeuvre notre politique de partenariats différenciés et s'investit pleinement dans la construction d'un développement durable conciliant solidarité et protection de la planète.
Parallèlement, elle s'organise de plus en plus efficacement pour répondre à l'objectif que nous lui avons fixé de promotion des intérêts économiques français dans le cadre de sa mission de développement. M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international a récemment insisté sur ce point auprès des ambassadeurs réunis à Paris.
Le tableau de suivi de la loi du 7 juillet sera examiné régulièrement par le co-secrétariat du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).
L'expertise technique constitue l'une des priorités de cette loi avec la mise en place, à partir du mois de janvier prochain, de l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) regroupant six opérateurs publics d'expertise technique internationale. M. Laurent Fabius et moi attachons beaucoup d'importance à la création de cette agence à la date prévue. Il s'agit d'un véritable chantier de réforme de l'État, qui doit permettre de passer de l'artisanat pratiqué par de nombreux petits organismes à une action plus professionnelle, plus efficace, et plus économe en argent public. Pour que ce chantier soit mené à bien, j'apporterai le soutien nécessaire au délégué interministériel chargé de mettre en place cette nouvelle structure, M. Jean-Christophe Donnelier. Il s'agit aussi d'un objectif d'influence et d'un enjeu pour notre politique d'aide au développement : nous devons pouvoir proposer à nos partenaires des solutions d'expertise française en complément de nos financements.
Derrière les structures juridiques, il y a des femmes et des hommes sur le terrain qui sont ma réelle priorité. C'est en particulier le cas de la jeunesse qui représente notre avenir.
Je travaille donc à développer une approche cohérente et lisible de notre réponse aux défis de la jeunesse du Sud. La démographie explosive, notamment en Afrique, demande que nous nous mobilisions. Le nombre des jeunes constitue une véritable chance si l'on sait préparer l'avenir, mais il met aussi à l'épreuve les systèmes de santé, les systèmes éducatifs, les marchés du travail et, potentiellement, les systèmes politiques.
J'en viens maintenant à la francophonie. Actuellement, 60 % de la population des pays francophones a moins de trente ans, et certaines projections suggèrent que les locuteurs francophones pourraient être 700 millions en 2050, plus de 80 % se trouvant en Afrique. Pour que la francophonie se développe, il faut que les jeunes soient éduqués en français et qu'ils puissent aussi travailler dans notre langue.
Avec le renouvellement des instances dirigeantes de l'OIF, le sommet de Dakar doit être l'opportunité de définir une francophonie plurielle et diverse, tournée vers la jeunesse du Nord et du Sud. Peut-être faudra-t-il oser parler « des francophonies » !
J'aurai prochainement l'occasion de venir vous présenter le budget de l'aide publique au développement. Les économies proposées par le Gouvernement permettent de maintenir une capacité d'action que je veux ambitieuse. Le coeur de l'aide est préservé car l'aide alimentaire, l'aide humanitaire d'urgence, les dons-projets sont les instruments privilégiés de notre aide bilatérale. Nous ciblons mieux les missions et les pays. Nous agissons en Centrafrique et au Mali avec des moyens français, mais aussi en mobilisant nos partenaires. L'Afrique subsaharienne et la Méditerranée concentrent 85 % de notre effort financier. À l'inverse, l'AFD prête désormais aux très grands émergents sans faire jouer le coût-État.
Nous conservons des marges de manoeuvre : le Président de la République a pris en décembre dernier l'engagement de consacrer 20 milliards d'euros à l'Afrique pendant les cinq prochaines années. De même, le Président vient d'annoncer que la France contribuera pour un milliard de dollars au Fonds Vert de l'ONU. Enfin, nous poursuivons le doublement de l'aide via les ONG d'ici à 2018.
Les financements innovants, comme la taxe sur les transactions financières (TTF) ou la taxe sur les billets d'avions, nous aident à préserver nos moyens dans cette passe budgétaire difficile. Le relèvement de 15 à 25 % du produit de la TTF affecté au développement a été décidé.
J'ai lu dans la presse des critiques sur ce budget en baisse. Je tiens donc à dire clairement que l'aide publique au développement n'est pas sacrifiée. La France n'a pas à rougir de son effort de solidarité.
La Conférence Paris Climat 2015 qui se prépare dès aujourd'hui sera la priorité diplomatique de l'année prochaine. Le sommet organisé par le Secrétaire général des Nations Unies, à New York, le 23 septembre dernier a constitué un jalon essentiel pour mobiliser tous les acteurs et mettre en lumière des initiatives destinées à faire face au dérèglement climatique. On peut certes être déçu, comme je le suis, par le manque d'engagement de certains États, mais il faut aussi relever des avancées dans le discours des chefs d'État présents. De nombreuses entreprises, des collectivités territoriales, des acteurs de la finance, et des institutions internationales se sont également mobilisés. Ils ont pris des engagements comme ce fut par exemple le cas des maires de plus de deux mille villes. Il faut faire vivre la dynamique créée à New York jusqu'à la Conférence de Lima, puis celle de Paris.
Au final, ces différents efforts ont permis au Secrétariat général de communiquer un chiffre agrégé de réduction des gaz à effet de serre de 8 gigatonnes évitées par an jusqu'en 2050. La France a été très présente, notamment sur la question du financement avec l'annonce par le Président de la République de la contribution au Fonds vert, dans l'espoir d'attendre les 10 milliards avant le mois de novembre. Notre pays prend ses responsabilités en matière de climat, et le Parlement a son rôle à jouer dans cette dynamique.
La France prend toute sa part dans la riposte internationale contre Ebola. C'est notre devoir en termes de solidarité et de responsabilité. Notre réponse face à l'épidémie est à la fois financière, scientifique et opérationnelle.
Sur le plan financier, plus de 70 millions d'euros seront investis, qu'il s'agisse des 35 millions dépensés au titre de l'aide bilatérale, ou des montants versés au titre de notre quote-part de l'action des bailleurs multilatéraux comme l'Union européenne, la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement.
Au titre de l'aide bilatérale, une contribution de 5 millions d'euros sera apportée au financement du plan de riposte guinéen, correspondant à une réallocation sur le contrat de désendettement et de développement (C2D) signé en 2013. L'AFD finance avec l'Union européenne un projet de renforcement du système de santé primaire en Guinée forestière. L'aide bilatérale a également vocation être dirigée vers les pays frontaliers de l'épicentre de l'épidémie : le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali, le Bénin, le Niger, le Togo, et la Côte d'Ivoire.
La contribution de notre pays est aussi scientifique. Les Instituts Pasteur de Dakar et de Paris appuient les capacités de détection virale en Guinée. Ils effectuent un travail remarquable et méritent d'être félicités.
Notre réponse opérationnelle a permis de mettre en place une capacité d'évacuation sanitaire des personnels internationaux mobilisés sur le terrain et des ressortissants français grâce aux moyens des ministères de la défense et de la santé. Le 15 septembre dernier, une réunion à Bruxelles visait, à la demande de la France, à organiser une mutualisation et une coordination européennes. La France a ouvert un centre de traitement Ebola en Guinée qui sera géré avec la Croix Rouge française et qui fait intervenir de nombreux départements ministériels : santé, défense, intérieur, affaires étrangères. Un appui à la coordination de la riposte Ebola est prévu en Guinée qui se traduira par la mise à disposition du gouvernement guinéen d'un expert technique français, et par le renforcement des équipes de coordination des Nations Unies menées par le docteur David Nabarro. À ce sujet, la Guinée m'a signalé qu'il était regrettable que les Nations Unies aient nommé un coordonnateur non francophone alors que le virus sévit principalement dans des pays francophones.
À Paris, Mme Christine Fages, ambassadrice, a été nommée coordinatrice de la task force interministérielle Ebola. À la demande du coordonnateur des Nations Unies en charge de la lutte contre Ebola, la France concentre ses efforts sur la Guinée et continue de travailler sous l'égide de l'OMS et de l'ONU.
J'ai constaté à Conakry l'action déterminante des volontaires internationaux. Leur courage et leur engagement doivent être salués d'autant qu'ils peuvent être confrontés à des rejets sur place lorsque la population apprend qu'ils participent à la lutte contre Ebola – ils sont nombreux par exemple à avoir perdu leur logement. Je souhaite vivement que la panique et la peur ne se diffusent ni là-bas ni chez nous. Il est inquiétant et paradoxal de constater que des parents ont refusé d'envoyer leurs enfants à l'école en France alors que le lycée français de Conakry a ouvert ses portes en présence de tous ses élèves et de tous ses enseignants.
Pour conclure, je vous rappelle que j'ai lancé le site internet transparence-aide.gouv.fr afin d'assurer la transparence de notre action aux yeux des citoyens comme des parlementaires. Ce site traitait initialement du seul Mali – il permet aujourd'hui aux populations maliennes de communiquer avec nous –, il portera bientôt sur les seize pays vers lesquels notre action d'aide au développement est prioritairement dirigée.
Après avoir présidé à la destinée du Sénégal pendant près de vingt ans, puis à celle de l'OIF pendant douze ans, M. Abdou Diouf verra son mandat à la tête de cette organisation internationale prendre fin en décembre prochain. Son action a permis de promouvoir la place de la langue française dans le monde mais aussi les droits de l'homme, l'éducation et la culture.
Le prochain secrétaire général de l'OIF sera désigné lors du sommet de Dakar en novembre prochain lors d'une procédure sans vote qui fait primer le consensus. Cinq personnalités ont fait acte de candidature dont quatre Africains et une Canadienne, ancienne Gouverneure générale du Canada.
Quelle est la position de la France sur ce renouvellement ? Quelles sont ses attentes à l'égard de l'OIF dont elle est le premier bailleur de fonds ?
En France, les crédits de l'aide publique au développement sont en recul alors que d'autres pays, comme l'Angleterre, ont tenu leur engagement de consacrer à l'APD 0,7 % de leur revenu national brut (RNB).
Je suis particulièrement inquiète concernant l'aide en matière de santé. Une réorganisation de l'action publique est attendue et semble justifier des coupes dans ce secteur. Cet argument est-il recevable alors que sévit l'épidémie d'Ebola ? Pourquoi, par exemple, la France n'a-t-elle toujours pas versé sa contribution à GAVI Alliance, acteur essentiel en matière de vaccination ? Il semble que nous lui devons encore 22 millions d'euros.
Madame la secrétaire d'État, vous avez abordé avec un réel enthousiasme un grand nombre de dossiers. Les crédits budgétaires dont vous disposerez vous permettront-ils vraiment d'agir sur tous ces fronts ? Si l'on prend l'exemple de la francophonie, aurons-nous les moyens de rivaliser sur le terrain avec les Anglo-saxons qui savent se mobiliser ? N'oublions pas que le développement ou le recul de l'usage du français va de pair avec la destinée de nos intérêts économiques !
Merci de votre enthousiasme, madame la secrétaire d'État. Vous avez notamment évoqué la priorité accordée à la jeunesse et la loi relative au développement et à la solidarité internationale – mais, pour l'appliquer, il faudra des moyens ; vous avez en particulier souligné la préférence accordée, lorsque c'est possible, aux dons plutôt qu'aux prêts. J'apprécie votre idée de « francophonie plurielle », mais il ne faudrait pas pour autant négliger la langue française.
S'agissant d'Ebola, il est bon, bien sûr, d'avoir des politiques bilatérales, mais ne faudrait-il pas insister sur la coordination internationale, qui semble avoir tardé ? L'action concertée me paraît notamment indispensable en matière de recherche, tant d'un vaccin que d'une thérapie.
Les discours, c'est bien, les moyens, c'est mieux ! J'aimerais connaître votre position sur les crédits consacrés aux actions multilatérales, et notamment sur les crédits européens, sur lesquels nous n'exerçons aucun contrôle – ils vont parfois alimenter des sociétés et bureaux d'études américains… De nombreux rapports ont souligné la nécessité d'un rééquilibrage entre aide multilatérale et aide bilatérale : agissez-vous en ce sens ?
Nos petits camarades anglais et allemands, qui nous taillent des croupières, n'hésitent pas à utiliser les crédits d'aide au développement à des fins commerciales : cela pose le problème de l'AFD, qui se moque de nos remarques et refuse de lier les aides ! Il faudrait vraiment être moins romantique et plus réaliste. Un ferme recadrage de l'AFD est indispensable : quelle est votre position sur ce point ?
Vous dites vouloir augmenter les crédits destinés aux ONG : pourquoi pas, mais encore faut-il les contrôler ! Elles n'en font qu'à leur tête – quel que soit le Gouvernement en place d'ailleurs. Il faut donc veiller au grain.
Enfin, vous sous-estimez le problème majeur que constitue l'explosion démographique de l'Afrique. « Vive la jeunesse », dites-vous : on sait où ce slogan a mené l'Europe dans le passé ! L'explosion démographique sera source d'incroyables déséquilibres dans les années à venir, et la coopération française se garde bien d'insister sur la nécessité de la maîtriser. Je suis stupéfait de ce silence, que nous paierons très cher.
Je rappelle quelques chiffres : l'Égypte est passée de 22 millions d'habitants en 1970 à 85 millions aujourd'hui, et en aura 140 millions dans vingt-cinq ans ; le Nigeria avait 85 millions d'habitants il y a vingt ans, en a aujourd'hui 180 millions, en aura 340 millions dans vingt-cinq ans. Votre aide à la coopération ne servira plus à rien. Évitons le jeunisme et regardons les problèmes en face.
Je ne partage, bien sûr, pas la vision qui vient d'être exprimée.
Le montant de l'aide publique au développement ne cesse de diminuer : depuis 2012, d'après l'OCDE, elle a baissé de 9,8 % – c'est considérable. Je comprends la nécessité de faire des économies, mais ce chiffre est inquiétant pour notre capacité d'action. Comment allons-nous tenir l'engagement de consacrer 0,7 % de notre RNB à la solidarité internationale d'ici à la fin du quinquennat ?
Vous l'avez dit, nous consacrons des dizaines de millions d'euros à la lutte contre le virus Ebola en Guinée. Cet effort demeure toutefois modeste par rapport à celui consenti par les États-Unis. Le Gouvernement agit-il en Europe pour coordonner les efforts, et aller plus loin et plus vite ? La question de la découverte d'un vaccin, notamment, paraît déterminante.
Je m'inquiète moi aussi de la faiblesse de votre budget : nous ne prenons pas le chemin du respect de l'engagement des 0,7 % du RNB. La baisse des aides bilatérales est préoccupante. Quelles sont les perspectives offertes par la taxe sur les transactions financières (TTF) ?
Différents rapports, notamment ceux de MM. Emmanuel Faber et Jay Naidoo, ainsi que celui du Comité Français sur l'investissement à impact social présidé par M. Hugues Sibille, ont suggéré des changements dans nos façons d'articuler investissements privés et publics en matière d'aide au développement. Le rapport Attali avait également abordé la question du lien entre politique du développement, développement économique et francophonie. Travaillez-vous sur ces rapports, et à quel rythme ? Il serait dommage qu'ils s'ensablent.
Vous avez insisté à juste titre sur la recherche d'efficacité. Dans cet ordre d'idées, il me paraît notamment indispensable d'investir dans le domaine de la formation professionnelle, mais aussi de soutenir l'émergence de petites entreprises. Je voudrais souligner la force et l'importance du système coopératif, qui provoque un fort effet de levier.
Comment agissez-vous en matière d'audiovisuel extérieur, c'est-à-dire auprès de France Médias Monde et de TV5MONDE ?
Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « francophonie plurielle » ? Le français n'est pas toujours traité comme il devrait l'être à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe : que pouvez-vous faire pour que notre langue soit mieux respectée dans cette enceinte que vous connaissez bien ?
La France soutient-elle un candidat à la succession de M. Abdou Diouf à la tête de l'OIF ?
Un sondage estime à 82 % le nombre de Français qui estimaient probable l'arrivée d'Ebola en France. Quel est votre sentiment ?
Conforter la francophonie, madame la secrétaire d'État, c'est aussi, vous en conviendrez, favoriser l'accueil des étudiants et universitaires francophones dans notre pays. La situation vous paraît-elle satisfaisante ?
Je ne partage pas votre optimisme, madame la secrétaire d'État, et je rejoins plutôt mon collègue Philippe Baumel : nous nous éloignons de l'objectif des 0,7 %. La taxe sur les transactions financières compensera-t-elle la baisse des crédits ?
L'aide bilatérale est, une fois encore, une fois de trop, la variable d'ajustement. Ne nous voilons pas la face : l'action de la France est de moins en moins lisible, et la francophonie recule. Je me suis récemment rendu à Kinshasa, et je peux vous dire que le Katanga, par exemple, risque de devenir dans quelques décennies une vraie province anglophone.
S'agissant d'Ebola, vous avez parlé de l'Afrique de l'Ouest, mais pas de l'Afrique centrale ; or la République démocratique du Congo (RDC) est aujourd'hui touchée – les pays voisins sont d'ailleurs inquiets et ont établi des contrôles aux frontières très stricts. Dans ce contexte, la somme consacrée par la France à la lutte contre le virus est dérisoire. D'après des chercheurs américains, la France est le pays européen dont la probabilité d'être touchée est la plus grande. J'aimerais vous entendre plus longuement sur ces questions.
Pourriez-vous nous en dire plus de la position de la France à propos de la succession de M. Abdou Diouf à la tête de l'OIF ? Lorsque nous nous déplaçons, notamment en Afrique, il nous serait utile d'être mieux informés que nous ne le sommes.
Les transferts de fonds des immigrés vers leur pays d'origine représentent des montants très importants. Estimés à 85 milliards en 1990, ils s'élèvent à 400 milliards de dollars aujourd'hui et s'élèveront sans doute à 515 milliards en 2015, soit trois fois le montant de l'aide au développement. Certains pays en dépendent très largement : au Tadjikistan, en 2011, ils représentaient 47 % du PIB. Ces sommes sont importantes même pour des pays comme l'Inde – 70 milliards de dollars en 2012 – ou la Chine – 66 milliards.
Comment la France prend-elle ces transferts en considération ?
Mon sentiment est que, depuis des années, l'action de la France en matière de développement – action appliquée, consciencieuse, pleine de bons sentiments – est hors de toute proportion avec les problèmes qui se posent. C'est aujourd'hui une action cosmétique, sans véritable conséquence sur la réalité. Nous basculons dans un monde où l'aide au développement, comme d'ailleurs l'organisation de la francophonie, doivent être entièrement repensées. Qu'en pensez-vous ?
Les systèmes de santé des pays les plus durement touchés par Ebola sont dans un état catastrophique, en partie parce que nombre des personnels de santé de ces pays ont émigré. Quels moyens prévoyez-vous pour former des personnels de santé ? Comment les inciter, une fois formés, à rester dans leur pays ?
Présidence de Mme Valérie Fourneyron, secrétaire de la Commission
Je commencerai par répondre à vos questions sur l'OIF et le sommet de Dakar. M. Abdou Diouf a une telle personnalité que la France a essayé de plaider pour qu'il reste encore un peu – mais il faut aujourd'hui lui trouver un successeur. Nous souhaitons que le prochain secrétaire général – ou la prochaine secrétaire générale – représente la modernité et le dynamisme qui doivent être ceux de la francophonie. M. Diouf a joué un rôle politique très important et nous continuerons de promouvoir des valeurs de paix. Mais aujourd'hui, les jeunes trouvent trop souvent le français ringard ! Il ne faut pas tout miser sur l'économie, mais c'est un aspect important : il faut montrer aux jeunes, et aux pays qui décident de promouvoir l'enseignement du français, que la francophonie leur offre un avenir, des emplois.
Nous souhaitons que le successeur de M. Diouf soit également une personnalité connue et qui inspire le respect. Aujourd'hui, il y a quatre candidats du Sud et une candidate du Nord. La France a exprimé son souhait de voir les pays africains trouver un consensus entre eux sur un candidat. Nous aimerions surtout qu'un accord intervienne avant le sommet de Dakar, afin que celui-ci – qui doit traiter d'enjeux très importants – ne soit pas monopolisé par des questions de personnes. Quoi qu'il en soit, la décision, je le sais bien, sera sans doute prise au dernier moment…
La France ne soutient aucun candidat. Une campagne est en cours : c'est nouveau, et c'est très bien.
S'agissant des francophonies, de la francophonie plurielle, je veux surtout insister sur le fait que la France n'a pas le monopole de la langue française. La francophonie, ce sont aussi des valeurs universelles : la démocratie, les droits de l'homme…
Vous avez raison, il est très important de soutenir l'audiovisuel français. Je viens, vous le savez tous, de Saint-Pierre et Miquelon, et je sais à quel point il est difficile de maintenir la langue française en Amérique du Nord. C'est un effort, mais un effort que chacun doit consentir, et je suis souvent fâchée, je ne vous le cache pas, de voir des ministres, des scientifiques, des élus locaux, et même des ambassadeurs, qui ne s'expriment pas en français ! Il est vraiment dommage que certains pensent que communiquer en anglais donne une impression de modernité et de professionnalisme… Pour ma part, je ne m'exprime pas très bien en anglais, mais j'en fais une affaire de principe : je parle français. Les chefs d'États africains sont d'ailleurs ahuris de voir tous ces Français qui parlent anglais, et ils ne me le cachent pas.
Les scientifiques prétendent que publier en français aurait moins de valeur et d'intérêt que de publier en anglais, parce que ce serait moins lu. Je n'en crois rien. Lors d'un récent dîner au Mexique, j'étais à une table de sept personnes : on parlait anglais, puis, quand j'ai parlé français, tout le monde – même un convive chinois ! – s'est mis à parler français ! Cela prouve qu'il ne faut pas renoncer.
Parlons des questions financières. Nous sommes loin, je vous l'accorde, de l'objectif de 0,7 % du RNB. Mais il n'est pas oublié – il est même inscrit dans la loi. Nous n'avons pas fixé de date pour l'atteindre, mais nous devrons nous efforcer de le faire dès que nous retrouverons le chemin de la croissance.
L'aide publique au développement reste majoritairement bilatérale – à 62 %, selon l'OCDE. Mais il ne faut pas rejeter l'aide multilatérale, qui est vraiment utile : sur Ebola, sur les objectifs pour le développement durable (ODD), nous devons travailler de façon multilatérale – comme d'ailleurs avec les entreprises, les organismes financiers… En matière financière, il faut innover.
Nous veillons à ce que l'aide multilatérale soit aussi bien utilisée que possible. Depuis mon arrivée au Gouvernement, j'oblige les gens à m'expliquer le fonctionnement de tous ces mécanismes – c'est peut-être la force du jeunisme ! – et j'ai demandé la mise en place de nouveaux contrôles. À nous d'aller plus loin, de mieux contrôler et de mieux gérer ! Souvent – je pense au Fonds Bêkou, au Mali… – nous sommes en pointe sur ces sujets, ce qui nous permet d'influencer les choix qui sont faits.
Le redressement de notre économie doit tous nous mobiliser. Mais l'AFD a une mission de développement : elle doit contribuer à notre rayonnement économique et à la création d'écosystèmes favorables aux entreprises, mais sans sacrifier à sa mission de développement et de solidarité. Les deux combats doivent être menés de pair. Je rencontre très fréquemment Mme Paugam, directrice générale de l'AFD, dont je suis l'une des tutelles. Je ne ménage ni mes critiques, lorsque c'est nécessaire, ni mes félicitations, lorsqu'elles sont méritées. J'ai donné des consignes claires à l'AFD pour que la loi sur le développement soit appliquée le plus vite possible, et les contrôles sont réguliers.
J'accorde une grande importance à la responsabilité sociale des entreprises et au développement durable : c'est un sujet sur lequel l'AFD doit mieux travailler avec les collectivités territoriales mais aussi avec les entreprises, notamment les PME. J'y veillerai.
La France est un acteur majeur de l'aide publique au développement en matière de santé : nous avons engagé 750 millions d'euros en 2013, ce qui représente 8 % de notre aide. Nous faisons des choix, mais nous n'avons pas à rougir de nos efforts, bien au contraire : nous sommes les deuxièmes contributeurs, par exemple, au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Nous avons également été à l'initiative de la création d'UNITAID, dont 50 % des ressources proviennent de la France.
C'est tout à fait vrai. C'est pourquoi j'ai insisté pour que notre drapeau soit présent, à côté, par exemple, du titre AFD ! Mais c'est à nous tous qu'il revient de faire connaître ces efforts dès que cela est possible. Je ne manque jamais pour ma part de rappeler que 20 % des aides européennes au développement proviennent de la France.
J'ai rencontré deux fois les représentants de GAVI et nous avons signé des accords qui prévoient le versement de 1,7 milliard d'euros sur vingt ans. Certains versements sont peut-être en cours de traitement mais nous sommes à leurs côtés, même dans le contexte budgétaire actuel, et ils accordent beaucoup d'importance à notre soutien, qui en entraîne d'autres.
L'APD diminue au total de 1,51 % – grâce à l'augmentation de la part de la TTF consacrée au développement. Sans cela, nous serions à 2,79 %. Nous reparlerons prochainement plus en détail des financements.
Le projet de loi de finances pour 2015 maintient les crédits de l'audiovisuel, qui demeurent adossés à la redevance. L'audiovisuel est une vraie chance pour notre langue, comme les nouvelles technologies. Au Tchad, au Niger, au Mali… on entend aujourd'hui peu parler français. Il nous faut absolument investir davantage dans l'éducation des jeunes, et notamment des jeunes filles – ce dernier point me tient particulièrement à coeur.
J'en viens maintenant aux questions qui concernent le virus Ebola. Il est tout à fait clair que les moyens consacrés à la lutte contre cette maladie sont aujourd'hui insuffisants ; la France se bat pour essayer de les faire croître, au niveau européen comme au niveau international. Les États-Unis – eux-mêmes touchés par le virus – ont annoncé des aides importantes. Il est aussi tout à fait évident qu'il faut traiter l'épicentre de l'épidémie, c'est-à-dire la Guinée : il faut être présent sur le terrain, et nous le sommes principalement en Guinée, où nous mettons en place un centre de traitement. D'autres pays peuvent agir de même ! Ce centre, qui sera géré par la Croix Rouge, comptera d'abord cinquante lits – ce nombre pourra évoluer. Nous avons été sollicités car nos liens avec ce pays sont anciens ; nous étions, l'Institut Pasteur était déjà sur place.
Nous faisons tout pour que la coordination européenne avance beaucoup plus vite. Différentes annonces ont été faites récemment à Bruxelles : nous attendons qu'elles soient chiffrées pour avoir une meilleure visibilité sur les actions possibles et surtout leur calendrier.
Mais il est très important qu'il n'y ait pas de panique. Les événements l'ont montré : lutter contre Ebola, c'est aussi lutter contre les rumeurs les plus folles. Il faut insister sur l'information, sur les premiers gestes sanitaires – ce qui est bien sûr d'autant plus difficile dans des pays dont les systèmes de santé sont chancelants : on connaît le nombre de morts d'Ebola, mais combien de femmes sont mortes parce qu'elles n'ont pas pu avoir une césarienne ? Et n'oublions pas la crise alimentaire, la crise économique, qui sévissent aussi ! C'est pourquoi la France se bat pour que les liens économiques avec ces pays ne soient pas rompus et que les frontières ne soient pas totalement fermées.
Les chiffres issus de modèles mathématiques utilisés par des chercheurs américains, d'après lesquels la France aurait de grandes chances d'être touchée, sont très théoriques, puisqu'ils ne prennent pas en considération les actions des États ; et l'Europe dispose de systèmes de santé suffisamment robustes pour faire face aux cas qui pourraient apparaître.
La mobilisation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a été trop lente, c'est vrai. C'est, je crois, le cri d'alarme lancé par MSF qui a été efficace.
Plusieurs questions ont porté sur les contrôles nécessaires de l'utilisation des crédits. Les ONG sont nos partenaires, et nous voulons travailler avec elles dans la confiance et la transparence : je leur fais confiance, comme d'ailleurs je fais confiance aux entreprises. Mais pendant longtemps, c'est vrai, la France n'a pas bien évalué l'efficacité de ses actions. Nous nous donnons aujourd'hui les moyens d'être plus performants. Nous l'avons notamment fait pour les aides apportées récemment au Mali, où l'ensemble des bailleurs ne poursuivront leur soutien que si les contrôles demandés sont vraiment mis en place ; une mission du FMI s'est rendue sur place. À New York, la France a rencontré les représentants de la République centrafricaine et exigé que des élections se tiennent, même si elles doivent se tenir moins vite que prévu. Nous appliquons des règles de transparence et de bonne gestion, avec tous nos partenaires, car rendre des comptes à nos concitoyens sur l'utilisation des deniers publics est la moindre des choses.
Vous nous posez aussi la question des rapports. Oui, nous travaillons à en extraire les propositions les plus intéressantes. J'espère vous en reparler très prochainement.
Je voudrais insister sur un point : travailler différemment avec nos partenaires du Sud, cela ne se décrète pas. Il ne suffit pas de dire « les comportements à la papa, c'est fini » pour que le changement survienne ! Il doit être accompagné. C'est un processus lent, trop lent à mes yeux, mais indispensable : il faut renforcer ces démocraties pour qu'elles deviennent de vrais partenaires.
Les transferts de fonds des migrants vers le pays d'origine constituent pour moi un vrai sujet. Il nous faudrait d'abord disposer de plus d'informations sur ces flux financiers, qui constituent un moyen important de développement, comme d'ailleurs la valorisation des ressources des pays du Sud ou la lutte contre les paradis fiscaux. C'est une question qui doit être abordée au niveau du G20.
Merci, madame la secrétaire d'État. Je veux insister sur l'importance de France Médias Monde et de TV5MONDE. Il faut vraiment les encourager et leur donner les moyens qui leur sont nécessaires. Mme Saragosse, présidente de France Médias Monde, a fait par exemple un choix conforme à l'éthique en refusant de diffuser des vidéos montrant des meurtres d'humanitaires – d'autres télévisions n'ont pas eu cette vertu.
Vous avez raison, c'est louable. La question de l'éthique est importante. Celle de la diffusion en France même de France Médias Monde et de TV5MONDE l'est d'ailleurs aussi : il faut que les Français puissent regarder ces chaînes qui présentent l'actualité de façon neutre et surtout sans haine.
Je n'ai garde d'oublier la question de la démographie africaine. Des pays comme le Niger, le Tchad… sont parfaitement conscients du défi qui leur est lancé. Ils jettent aujourd'hui les bases d'une maîtrise démographique. Nous les y aidons, j'en ai d'ailleurs parlé à l'ONU très récemment. La jeunesse est une chance si on investit pour lui construire un avenir !
La séance est levée à onze heures trente.