Intervention de Annick Girardin

Réunion du 22 octobre 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Annick Girardin, Secrétaire d'état chargé du développement et de la francophonie :

Je suis ravie d'être présente dans cette commission au sein de laquelle j'ai éprouvé beaucoup de plaisir à travailler en tant que députée, et je vous remercie de l'invitation qui m'est faite de présenter les priorités de mon action en matière de développement et d'environnement.

Le moment est bien choisi, car c'est celui du renouvellement. Renouvellement institutionnel – le Parlement européen vient d'investir la nouvelle Commission européenne – mais surtout renouvellement des enjeux politiques du développement, avec l'adoption de l'agenda post-2015 et des nouveaux objectifs de développement durable, la ratification du onzième Fonds européen de développement (FED), ainsi que les discussions, à Lima, en vue de préparer un accord ambitieux sur le climat dans la perspective de la Conférence Paris Climat 2015.

Le Conseil européen des 23 et 24 octobre, demain et après-demain, doit nous permettre d'adopter les nouveaux objectifs « climat énergie » de l'Union européenne pour 2030. Le 28 octobre, le Conseil environnement décidera quelle sera la position de l'Union dans les négociations sur le climat, et le 12 décembre aura lieu le prochain Conseil des ministres européens sur le développement.

L'Europe est incontournable pour le développement et le développement durable. Elle a d'ailleurs choisi, pour la première fois, de faire du développement le thème de l'année 2015. Ce choix est pour moi le signe d'une ambition politique forte visant à encourager tous les partenaires européens afin que ces enjeux soient au coeur de nos préoccupations.

Les politiques en faveur du développement et de la préservation de l'environnement sont intrinsèquement liées, car les plus pauvres sont les premiers touchés par les conséquences du dérèglement climatique. Vous ne vous y êtes d'ailleurs pas trompés puisque c'est à une audition conjointe à vos deux commissions que vous m'avez invitée.

Avec l'agenda post-2015, il s'agit précisément de lier les objectifs de développement à des préoccupations de développement durable, autrement dit d'intégrer la dimension de la préservation et de la sauvegarde de notre environnement à toutes les politiques de développement. Nous avons défini dix-sept objectifs de développement durable, des objectifs ambitieux qui seront discutés tout au long de l'année 2015.

Cette convergence, établie à la conférence « Rio + 20 », nous devons la consolider, en particulier au niveau européen, pour réussir les deux grandes négociations de 2015 : celle des objectifs de développement durable, d'une part, la conférence Paris Climat 2015, d'autre part, deux grands rendez-vous sur lesquels mon secrétariat d'État ainsi que le ministère des affaires étrangères travaillent depuis déjà plusieurs mois.

La France a choisi d'anticiper ces évolutions. C'est tout l'objet de la loi d'orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale, adoptée le 7 juillet dernier. Nous avons par exemple décidé de rendre obligatoire la prise en compte de l'adaptation au changement climatique dans tous les projets d'infrastructures en Afrique à partir de 2015. Cette loi a également fixé des priorités géographiques pour l'attribution de son APD. Nous avons ainsi sélectionné seize pays pauvres prioritaires (PPP), en privilégiant la responsabilité et la transparence dans le choix des projets financés dans ces pays. Ces priorités sont reprises par le Fonds européen de développement.

La ratification rapide du onzième FED s'avère cruciale. Je vous invite vivement à vous pencher sur la question, car il existe aujourd'hui un risque que sa ratification soit retardée. Le FED, instrument encore mal connu, est pourtant l'un des piliers de notre aide au développement. L'Europe est le premier bailleur mondial de l'aide publique au développement, et le FED a versé plus de 30,5 milliards d'euros sur sept ans, entre 2014 et 2020. La France en est le second contributeur après l'Allemagne. Le FED représente ainsi une part majeure de notre intervention en dons, qui est le coeur de l'APD.

Le bilan du dixième FED montre que, tant du point de vue des priorités géographiques que du retour sur investissement pour les entreprises françaises, deuxièmes bénéficiaires des crédits FED, les priorités européennes rejoignent largement les nôtres.

Il apparaît donc essentiel de garantir un cadre juridique pérenne à des financements qui bénéficient prioritairement aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et pays et territoires d'outre-mer (PTOM), notamment parce que l'Europe dispose d'une vraie puissance de frappe financière. Grâce au FED, deuxième contributeur financier pour la zone pacifique après l'Australie, nous avons par exemple une vraie crédibilité et une vraie légitimité dans les petits États insulaires en développement. C'est essentiel pour réussir la négociation sur le climat. Je me suis rendue aux Samoa en août : grâce au FED, la France et l'Europe sont connues de ces petits États insulaires, qui ont besoin de notre soutien car, si les conséquences du changement climatique ne sont pas encore visibles chez nous, elles le sont chez eux.

L'Union européenne, c'est aussi un acteur majeur de l'urgence humanitaire et des situations de crise. Lors du Conseil des affaires étrangères de lundi soir, Laurent Fabius a formulé des propositions, et trois avancées ont été actées : l'évacuation sanitaire des volontaires internationaux en Guinée, en Sierra Leone et au Libéria, la création d'un coordinateur européen – la force de frappe de l'Europe est tout aussi importante que celle des États-Unis mais elle n'a pas été, jusqu'à présent, suffisamment coordonnée et donc lisible –, et la réalisation d'un inventaire du matériel, des moyens et des volontaires mis à disposition des trois pays concernés.

J'évoquerai deux autres exemples de leviers efficaces entre le niveau national et le niveau européen. Le premier est la programmation conjointe qui permet aux bailleurs d'articuler leurs actions dans les pays prioritaires ; je pense au Mali, où la conférence des bailleurs a réuni un grand nombre de partenaires, et plus largement au Sahel. Le second est la création du Fonds Bêkou, à l'initiative de la France, qui a permis de coordonner notre aide en République centrafricaine. Ces exemples montrent qu'il est important que l'Union européenne sache se mobiliser.

C'est d'autant plus important que nous avons bientôt des rendez-vous majeurs. La question du financement des ODD sera au coeur de la conférence d'Addis-Abeba, en juillet 2015. Comment renforcer l'APD ? Comment mieux mobiliser le secteur privé, qui a des droits et des devoirs dans la lutte contre la pauvreté ?

Une autre échéance importante nous attend : la conférence Paris Climat 2015. C'est la conférence qui doit nous permettre de parvenir à un accord universel face au dérèglement climatique. Cet accord doit nous remettre enfin sur la trajectoire des deux degrés maximum de réchauffement. C'est un accord, également, qui reflètera le monde d'aujourd'hui, où la Chine et les États-Unis représentent près de la moitié des émissions mondiales, et où chacun doit avoir un engagement à la hauteur de ses responsabilités et de ses moyens.

L'idéal serait que cet accord soit une véritable « Alliance de Paris pour le climat », composée de quatre blocs. Le premier bloc, c'est un nouveau cadre juridique pour l'action internationale face au dérèglement climatique : un accord établissant les règles d'action, de transparence, de coopération, de financement, dans lesquelles toutes les parties pourront se retrouver, dans leur diversité.

Le second bloc, ce sont les engagements de réduction d'émission, qui devront être sur la table dès mars 2015. Il s'agit notamment de défendre un objectif européen exigeant de réduction des émissions de 40 % en 2030 par rapport à 1990.

Le troisième bloc, c'est la question des financements, avec notamment le Fonds vert, que nous espérons voir atteindre les 10 milliards d'euros. Le Président François Hollande a annoncé à New York que la France y participerait à hauteur d'un milliard de dollars.

Enfin, le quatrième bloc, ce sont les solutions. L'agenda des solutions devra définir des mesures concrètes en matière d'énergie, d'adaptation, de transports, d'agriculture.

Nous n'avons pas droit à l'échec. L'échec de Copenhague est sans doute dû au fait que certains ont voulu penser l'avenir pour d'autres. L'accord de Paris doit être un accord écrit par tous et pour tous. Nous devons montrer aux générations à venir que nous avons pris nos responsabilités.

Madame la Présidente, contre le virus Ebola, la France mobilise 70 millions d'euros, répartis entre notre participation à l'OMS, l'envoi de vingt-quatre experts médicaux, et l'ouverture de centres, un centre de traitement en Guinée forestière et un centre d'expertise, en lien avec l'Institut Pasteur, à Conakry. De nouvelles annonces ont été faites la semaine dernière : deux nouveaux centres seront ouverts en Guinée. Nous nous impliquons également dans le renforcement des systèmes de santé des pays concernés, car si ces derniers ont été plus touchés que d'autres, c'est parce que leurs systèmes de santé sont très fragiles, en raison des crises que ces pays ont traversées.

L'aide de l'Europe et des États membres s'élève à 480 millions d'euros, dont 180 millions de la Commission déclinés de la façon suivante : 98 millions d'aide budgétaire pour le Libéria et la Sierra Leone, 40 millions d'aide d'urgence à la Guinée, 30 millions pour les systèmes de santé, et 7 millions pour l'achat de laboratoires mobiles et la formation des personnels de santé. Les aides budgétaires envisagées pour la Guinée dans le cadre du onzième FED s'élèvent à environ 15 millions d'euros. En attendant la ratification de celui-ci, des avances seront faites sur le reliquat du dixième FED.

Le bilan du Conseil des affaires étrangères du 20 octobre, ce sont les mesures que j'ai évoquées plus haut. En outre, la France travaille avec l'Allemagne à la création, le plus rapidement possible, d'un centre franco-allemand, et nous sollicitons nos autres partenaires européens et internationaux pour parvenir à la création en Guinée des dix centres nécessaires pour faire face à cette épidémie.

Vous avez également posé la question de l'après-Cotonou. L'accord de Cotonou, base légale du partenariat entre l'Union européenne et les soixante-dix-neuf pays ACP, doit être révisé en 2020. Il s'agit de préserver une relation privilégiée avec ces pays tout en adaptant le partenariat historique au nouveau contexte international. La définition des objectifs post-2015 influencera ce cadre, et de même l'après-Cotonou pourrait coïncider avec la budgétisation du FED. Vu la nature des enjeux, dans une zone comprenant notamment les seize PPP que j'ai évoqués, la France doit rapidement définir sa position, et nous y travaillons.

En ce qui concerne la TTF, nous tentons d'obtenir son application au niveau européen, mais tous les pays ne nous suivent pas. La France a mis en place ce système en 2012 : 10 % du produit de notre taxe, puis 15 %, et aujourd'hui, dans le PLF 2015, 25 % est consacré au développement. Cela représente 175 millions d'euros en 2015. La France est à la pointe des négociations pour l'extension au plan européen, dans de bonnes conditions, de la TTF.

S'agissant, enfin, des ODD, il ne faut surtout pas rouvrir le débat. Certains pays n'attendent que ça, notamment pour revenir sur la question du genre, et nous risquons de reculer. La France peut se féliciter d'avoir réussi à faire prendre en considération le climat. Des progrès ont également été obtenus dans le domaine de la santé, avec la couverture universelle. Les ODD tels qu'ils sont définis actuellement sont un bon consensus.

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