Intervention de Annick Girardin

Réunion du 22 octobre 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Annick Girardin, Secrétaire d'état chargé du développement et de la francophonie :

La France a été, avec la Commission européenne, l'Allemagne et les Pays-Bas, à l'initiative de la constitution du fonds Bêkou. Dans ce cadre, trois premiers projets viennent d'être approuvés par l'AFD, l'un dans le domaine de la santé, le deuxième dans celui de l'entreprenariat féminin, le troisième concernant la rénovation urbaine à Bangui. La contribution de notre pays s'élève à 10 millions d'euros : 5 cette année et 5 l'an prochain. Au total, les promesses de contribution au Fonds représentent 64 millions d'euros. C'est intéressant, même si ce n'est pas encore suffisant, raison pour laquelle nous faisons appel à de nouveaux partenaires.

Le bilan de notre action en République centrafricaine a été dressé à New York, avec l'ensemble des bailleurs. Laurent Fabius, qui portait la parole de la France, y a évoqué un triangle de la réussite, défini par trois domaines clés : la sécurité ; la réponse humanitaire et le développement économique ; enfin le volet politique, avec les rendez-vous électoraux, qui ne doivent plus être reportés – cela aussi a été dit à New York.

Nous serons très attentifs à l'avancement des dossiers, qui, je le rappelle, viennent tout juste d'être validés. L'objectif est de parvenir à une élection en 2015, gage de stabilisation politique. On sait en effet que le volet politique et le volet sécuritaire sont essentiels à un développement durable, même si celui-ci doit être promu en parallèle. Nous ferons preuve d'une grande transparence vis-à-vis des projets qui débutent et que nous allons réaliser dans ce pays.

De même, la France a décidé d'ouvrir un site Internet recensant la totalité des soutiens financiers qu'elle apporte au Mali et des projets qu'elle y finance. Français et Maliens peuvent ainsi se tenir informés et déposer leurs commentaires. Il est d'ailleurs arrivé qu'un Malien nous signale que l'état d'avancement de tel ou tel projet n'était pas conforme à ce que nous indiquions en ligne. Cette initiative a le grand intérêt de garantir la transparence aux citoyens tout en nous obligeant à respecter l'évolution prévue du projet.

L'aide française au Mali représente 280 millions d'euros ; 200 millions d'euros ont été engagés et 70 ont été décaissés. Une aide humanitaire de 7 millions d'euros a transité par des agences des Nations Unies ou des organisations non gouvernementales.

La transparence au Mali va de pair avec le contrôle. Le Fonds monétaire international a ainsi diligenté sur place une mission qui a formulé plusieurs observations, pas toujours agréables pour le gouvernement en place. Un rapport en est résulté et le gouvernement s'est engagé à satisfaire les exigences du FMI, ce qui permettra de réactiver les soutiens financiers, suspendus le temps de la mission. En définitive, les conclusions sont favorables mais le Mali doit satisfaire différentes obligations le plus rapidement possible.

Nous devons à chaque citoyen, chaque contribuable, l'accès à ces informations sur les engagements de la France – ou ceux de l'Europe, auxquels la France contribue à hauteur de 20 %.

Autre question essentielle au Mali : la réconciliation, en vue de laquelle des négociations se tiennent en Algérie ; il faut remercier ce pays d'en avoir pris les rênes. Nous espérons, comme tous les bailleurs, un accord avant la fin de l'année, sans quoi il sera difficile d'obtenir des résultats durables. Nous restons vigilants, mais il faut absolument encourager les premiers pas du Mali sur la voie de la sécurité, de la justice, de la décentralisation : il a fait en quelques mois du bon travail même s'il lui faut aller plus loin, avec des moyens financiers, sur le dernier dossier notamment.

En ce qui concerne le cadre européen en matière de climat et d'énergie, Ségolène Royal est en pointe sur ce dossier qui sera discuté lors du Conseil européen des 23 et 24 octobre. L'Europe doit ici délivrer un message : ne restons pas prisonniers d'un accord entre la Chine et les États-Unis qui serait dommageable pour Paris Climat 2015, car beaucoup moins ambitieux sans doute que celui que l'Europe et la France veulent défendre. Nous espérons parvenir, notamment avec la Pologne, partenaire essentiel, à un accord qui aille dans le bon sens et permette à l'Europe de délivrer un message fort à l'international, à New York, auprès des pays les plus vulnérables. La confiance entre ces derniers et les pays industrialisés, c'est-à-dire les plus gros pollueurs, est la clé. Voilà pourquoi l'Europe et la France doivent être exemplaires : c'est ainsi que nous serons entendus et que nous pourrons peser lors des négociations.

S'agissant du climat, les contributions devront être sur la table dès mars 2015 pour que nous entamions la négociation sur des bases solides. L'Europe doit jouer un rôle d'entraînement ; il faut faire pression sur les pays retardataires – la Chine et les États-Unis, qui ont déjà progressé mais devront faire davantage ; le Canada, le Brésil, encore très en retrait sur ces questions.

L'action de la France en la matière s'inscrit naturellement dans un cadre européen. Avec la loi de transition énergétique, notre pays a tracé la route de Paris : nous avons signifié notre ambition, nous la portons au niveau européen, nous devons continuer de le faire pour disposer d'un puissant levier.

Les pays pauvres attendent un signal financier qui doit venir du Fonds vert. Au vu des comptes, nous n'atteindrons pas les 10 milliards de dollars en novembre, mais nous n'en serons pas loin. La France et d'autres pays doivent continuer de faire pression pour y parvenir, sans quoi il sera difficile d'émettre le message voulu en vue de Paris Climat 2015 et d'inciter les autres à jouer le jeu. Certains seraient bien inspirés de suivre l'exemple de petits États comme les îles Samoa, dans le Pacifique, dont la contribution à Paris Climat 2015 donne à réfléchir.

Pour persuader les pays les plus démunis, le bon levier est le Fonds vert, dont 50 % leur seraient destinés au titre de l'adaptation. Quant aux émergents, pour les convaincre de prendre leurs responsabilités, c'est sur le transfert de technologies qu'il convient d'insister, notamment en matière d'énergies renouvelables. À cette fin, Ségolène Royal, Laurent Fabius et moi-même avons fait le pari de parcourir le monde : à Ségolène Royal l'Europe, à Laurent Fabius les grands émergents et les pays industrialisés, à moi les pays les plus défavorisés, les petits États insulaires, l'Asie du Sud-Est, l'Afrique. Il s'agit de montrer que la France, qui se veut pilote dans certains domaines, exemplaire dans d'autres, saura toutefois être à l'écoute de tous, afin de favoriser le consensus que nous appelons de nos voeux en vue de Paris Climat 2015.

En ce qui concerne la transparence, le site Internet dont j'ai parlé à propos du Mali va peu à peu être étendu aux 16 pays prioritaires, au fil des contrats signés avec l'AFD au titre de nos actions bilatérales. J'ai plaidé à deux reprises dans des réunions européennes et internationales pour que l'on fasse de même avec les projets européens, notamment dans le cadre du FED, ainsi qu'avec ceux de la Banque mondiale : la transparence devrait être partout. Mais nous ne pouvons en décider seuls. En ce qui concerne la France, en tout cas, c'est une obligation légale et une réalité.

Quant à la francophonie, elle doit, c'est vrai, être dynamique et, pour relever les défis du XXIe siècle, ouverte aux femmes, aux jeunes, dotée d'une dimension économique, sans oublier les valeurs démocratiques. L'éducation doit être replacée au centre de notre politique en la matière. En effet, grâce à l'Afrique et sa démographie expansive, le nombre de locuteurs de français dans le monde pourrait atteindre 700 millions d'ici à 2050, mais ce n'est pas gagné d'avance : il nous faudra encourager l'apprentissage de la langue et y investir les moyens nécessaires pour que le réseau francophone permette davantage d'échanges et que la maîtrise de la langue française donne aux jeunes une chance supplémentaire de trouver un emploi, au-delà de son intérêt linguistique et culturel.

La francophonie doit aussi être plurielle. Le prochain secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui sera nommé lors du sommet de Dakar, devra être à la hauteur de ce grand défi. Nous espérons que sa désignation fera assez vite consensus pour que le sommet puisse ensuite donner la place qu'ils méritent aux débats de fond sur le rôle des femmes et des jeunes ainsi que sur la francophonie économique.

Pour lutter contre la biopiraterie, nous intervenons surtout par l'intermédiaire du Fonds pour l'environnement mondial (FEM), que nous avons recapitalisé ; la participation de la France s'élève à 300 millions d'euros. En ce qui concerne la sécurité de l'accès des pays et des populations aux ressources génétiques, la loi sur la biodiversité contient des avancées ; nous espérons qu'elle sera rapidement votée.

En ce qui concerne l'efficacité des financements alloués au développement et au climat, le premier rapport sur les financements « climat », qui sera présenté à Lima, permettra de faire la transparence. Nous pourrons alors en reparler.

Quant à la biodiversité, elle fait partie des objectifs du Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) comme de l'AFD : il est essentiel de tenir compte des conséquences sur la biodiversité, qu'elles soient positives ou négatives, de tous les projets financés.

Sur le climat comme sur la biodiversité, l'AFD est en pointe. Nous avons d'ailleurs créé un second avis « développement durable ». Le dispositif fonctionne bien. La biodiversité est au coeur des thèmes de Paris Climat 2015. J'ai moi-même participé à une expérience intéressante sur les mangroves et leur rôle dans le Sud du Sénégal, où la biodiversité est aussi un facteur de relance économique, par l'intermédiaire de petits projets familiaux qui renouent par exemple avec l'exploitation des rizières. Voilà le type de projets qu'il faut mettre en avant dans le cadre de Paris Climat 2015 : il faut des exemples concrets pour sensibiliser la société civile, au-delà des alarmes indispensables mais parfois abstraites sur la nécessité de limiter le réchauffement à deux degrés.

En ce qui concerne l'UPM, la Méditerranée fait partie avec l'Afrique subsaharienne des zones prioritaires de notre aide au développement. Nous travaillons sur plusieurs volets : politique, avec le suivi de la transition ; financier, dans le cadre du partenariat de Deauville et du G7 en particulier ; climatique, avec la diversification et la lutte contre la désertification, notamment en zone forestière. Le secrétaire général de l'UPM est très mobilisé sur ces questions. Dans la région, l'AFD joue un rôle moteur et la coopération est également extérieure, par l'Europe, notamment grâce à deux outils dédiés l'un à la crise, l'autre au soutien de la démocratie. Bref, il n'est pas de réponse isolée : la France doit intervenir au côté de l'Europe. Nous continuons d'y oeuvrer, même si d'autres urgences ont pu récemment éclipser cette action.

J'aimerais enfin vous parler de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSEE), sur laquelle j'insiste, au-delà de l'obligation légale et des actions de l'AFD, dès que j'en ai l'occasion, comme récemment à Washington lors des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, mais aussi en France face à des entreprises, au Sénégal ou encore en Guinée. Nous devons faire progresser ce dossier et, pour cela, la France doit continuer de jouer un rôle moteur au niveau national, où les députés se sont mobilisés autour d'une proposition de loi, comme à l'échelon international.

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