Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi relative au régime de la commune nouvelle, issues des travaux communs de notre rapporteure Christine Pires Beaune et de notre collègue Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, vise à faciliter les fusions de communes, en mettant en place plusieurs dispositifs incitatifs, tant sur le plan de la gouvernance que sur le plan financier.
Les Français sont attachés à la commune, qui est le lieu de la démocratie locale, et les maires sont les hommes politiques les plus appréciés, surtout ceux des communes rurales. La disparition des communes n’est donc pas à l’ordre du jour.
Cependant, des évolutions sont en cours, qui sont en grande partie le fruit des nécessités. Certains grands maires de petites communes se plaignent en effet de ne pas avoir les moyens de leur politique et de ne pouvoir agir que par le biais de l’intercommunalité. De fait, ce grand maire d’une petite commune est presque un bénévole : s’il s’investit beaucoup, avec son conseil, dans ses fonctions, ses moyens sont limités et pour être plus efficace, son action exige une mutualisation.
Le législateur a pris acte de l’échec du processus administratif de regroupement de communes – institué par la loi Marcellin du 16 juillet 1971 – et lui a substitué un dispositif fondé sur le volontariat. Ce dernier, cependant, ne pouvait être mis en oeuvre que selon un processus complexe, à l’initiative de communes, avec consultation obligatoire des électeurs, à la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant au moins au quart des électeurs inscrits dans l’ensemble des communes concernées. Cela faisait tout de même beaucoup ! Toutefois, une commune ne pouvait être contrainte de fusionner si les deux tiers des suffrages exprimés, représentant au moins la moitié des inscrits dans la commune, s’étaient opposés à la fusion. On comprend vite pourquoi ce genre de procédure, qui n’est pas sans rappeler le référendum qui a eu lieu en Alsace, ou le droit d’option prévu dans la loi sur les régions, a été totalement inefficace, ou peu s’en faut.
La loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales avait, quant à elle, institué un nouveau régime permettant la création d’une « commune nouvelle » en lieu et place d’anciennes communes, sur la base d’un consensus local, exprimé par les conseils municipaux ou au travers d’une consultation référendaire. Force est de constater que le bilan a été fort maigre : en quatre ans, seules treize communes nouvelles, regroupant un total de trente-cinq communes, ont vu le jour. Autant dire qu’avec nos 36000 communes, nous avons encore de la marge !
C’est pourquoi la proposition de loi qui nous est soumise n’a pas pour objet de modifier les conditions de création d’une nouvelle commune, mais d’en faciliter la constitution en améliorant les dispositions organisant les premières années de vie de la commune nouvelle et celles relatives à la place des élus municipaux dans ses institutions ; en garantissant le maintien d’une identité communale, notamment en matière d’urbanisme et d’architecture ; enfin, en proposant un pacte financier, garantissant pendant trois ans le niveau des dotations budgétaires des communes qui se lanceraient en 2015 ou en 2016 dans la création d’une commune nouvelle regroupant moins de 10 000 habitants, ou toutes les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Nous sommes sensibles au fait que chaque maire délégué aura la qualité d’adjoint au maire de la commune nouvelle et que cette dérogation ne devra pas conduire à augmenter l’enveloppe globale des indemnités versées aux élus. De même, nous estimons importantes la disposition de l’article 4, qui permet aux communes intégrant la commune nouvelle d’acquérir plus facilement le statut de commune déléguée, ainsi que celle de l’article 5, qui introduit la possibilité que le PLU de la commune nouvelle prenne en compte les spécificités des anciennes communes.
Je note avec un léger amusement l’extrême précaution qui est prise pour ne pas trop bousculer la carte communale. Je m’étonne qu’on refuse de prévoir un seuil, et qu’on laisse perdurer des communes de vingt ou trente habitants, alors même que l’on n’hésite pas à redessiner des régions sans tenir compte de leur histoire et à en découper d’autres qui, elles, sont historiques. Il faut donc croire que toutes les collectivités n’ont pas droit au même respect ! Nous pensons en effet, comme la majorité des députés, que nous devons respecter l’identité de ces anciennes communes, appelées à devenir des communes déléguées. C’était notamment le sens de nos amendements, satisfaits en commission, qui avaient pour objet de permettre la célébration des mariages dans une mairie annexe, ainsi que d’autoriser le conseil municipal à se réunir dans les mairies des anciennes communes.
Si, n’étant pas d’un caractère autoritaire, je ne suis pas favorable à des mesures coercitives de fusion de communes, je regrette que ce texte, que nous voterons, ne s’attaque pas réellement au problème de l’émiettement communal. Surtout, il ne permet pas de régler des cas très problématiques d’intercommunalités à cheval sur plusieurs départements ou régions, et qui souhaiteraient pouvoir fusionner. Ce cas se pose très concrètement dans la communauté de communes du Pays de Redon, à cheval sur l’Ille-et-Vilaine, le Morbihan et la Loire-Atlantique, soit trois départements et deux régions administratives – la Bretagne et les Pays de la Loire. J’ai bien à l’esprit une solution innovante et porteuse d’efficacité, qui nous a été soufflée en commission par le président Urvoas : la fusion des départements avec la région dans une assemblée unique de Bretagne, à laquelle appartiendrait le département de la Loire-Atlantique, fusion que j’appelle évidemment de mes voeux.