–, faisaient leur tiercé, pendant que les femmes écoutaient religieusement leur curé.
Les temps nouveaux, l’intercommunalité, l’exode rural, l’assèchement des finances publiques ont tué, ruiné, ce bel équilibre. On se mit à parler de rationalisation, de mutualisation, de restructuration : la technocratie avait tout gagné !
M. Marcellin, qui a plutôt laissé le souvenir d’un homme d’ordre, crut en 1971 qu’il parviendrait à unir les communes mais chacun sait que le mariage à deux est déjà difficile : quant à l’union à trois ou à plusieurs, seuls les libertins pouvaient l’envisager. M. Marcellin n’était pas un libertin. La réforme fut donc un échec, qui a marqué pour longtemps les communes de France.
Il appartenait à un républicain, un vrai Jacobin, notre ami Jacques Pélissard, seul de son groupe, il faut bien le dire, président de l’Association des maires de France, de remettre, comme Pénélope, le travail sur le métier. C’était également l’intention louable du Parti socialiste.
Nous sommes donc saisis d’un texte issu de deux propositions de loi et nous nous félicitons du consensus intervenu qui rompt, aux dires mêmes de certains maires ruraux, avec le tout-urbain, l’approche concurrentielle des territoires et surtout avec une vision technocratique hors sol de nos communes.
Il est tout à fait singulier qu’au moment même où les élus se déchirent à propos de la carte des départements et des régions, ou encore des compétences qui leur seront peut-être dévolues, un consensus de bon aloi préside désormais à la création des communes nouvelles.
Cette sagesse se transforme, il est vrai, en obligation, lorsque l’on prend connaissance des réductions budgétaires drastiques imposées par l’État aux communes en raison de la dureté des temps actuels. Bien mieux : les communes nouvelles ne verront pas diminuer les dotations qu’elles reçoivent de l’État si elles sont créées avant le 1er janvier 2016 et comptent entre mille et dix mille habitants. Il faut le reconnaître, je le dis à mes amis ministres, sans diminution de la dotation globale de fonctionnement, il n’y aura pas de commune nouvelle. C’est triste à dire et je me ferai probablement écharper lorsque je reviendrai dans ma circonscription, mais c’est une réalité.
Pourquoi ? Parce que le conseil municipal hésitera longuement à augmenter massivement les impôts pour compenser la baisse de la DGF et des aides de l’État, et éventuellement celle des aides des conseils généraux et des conseils régionaux.
L’alternative sera donc la suivante : augmentation massive des impôts ou création d’une commune nouvelle. Celle-ci apparaît donc comme un modèle opportun aux communes qui veulent se regrouper dans le cadre d’une démarche volontaire et consensuelle.
On aurait pu favoriser les communautés de communes qui se transforment en une seule commune. Cela a d’ailleurs été le choix de l’Allemagne, si mes souvenirs sont bons, mais c’était sans doute trop audacieux.
Empreint du sens des réalités que nous connaissons bien sur le terrain, ce texte vise à assouplir les conditions de composition du conseil municipal de la commune nouvelle. Il reconnaît l’existence des conférences municipales, réunissant maires et maires délégués, comme il en existe déjà de manière informelle et qui sont efficaces. Il permet que les mairies annexes conservent un service de l’état-civil et puissent continuer de célébrer les mariages.
Ce texte crée, selon le président Pélissard, un véritable pacte financier incitatif.
Nous avons proposé d’encourager davantage, en augmentant la dotation d’équipement des territoires ruraux qui aurait pu être largement abondée sur la base des montants versés aux communes l’année précédant leur fusion. L’on m’a opposé des arguments de recevabilité mais il me semble que le Gouvernement pourrait réfléchir utilement à cette proposition.
Nous avons proposé que ces encouragements puissent être fixés avec plus de précision dans l’avenir. Quelles que soient les modalités retenues, il est à craindre que, sans avantage budgétaire, rien ne se passera et que les maires et leurs conseils préféreront rester recroquevillés en attendant que cela passe plutôt que d’agir « en audace », comme on le dit dans ma belle région de Normandie.
Le but est bien d’inciter à la création de communes nouvelles pour les communes entre mille et dix mille habitants. C’est une révolution. Je me félicite donc de ce texte, que les radicaux approuveront, même s’il leur semble bien timide par certains aspects. Ses auteurs ont décidé de miser sur la sagesse des élus dans ces temps de trouble, et alors même que l’on tricote et détricote de manière systématique, Mme la ministre le sait mieux que quiconque, les métropoles, les syndicats intercommunaux, les départements, les régions. Plus personne n’y comprend rien ! Au moins, ici, on ne pourra faire le moindre reproche car la sagesse a prévalu. Or, sans sagesse, nous n’arriverons à rien.