Faut-il d’ailleurs rappeler que la commune est le seul échelon de collectivité – avec l’intercommunalité – à avoir connu une telle évolution depuis trente ans ?
Faut-il aussi rappeler la part active qu’a prise l’AMF dans l’évolution et la généralisation de l’intercommunalité, ou encore dans les dispositifs de mutualisation ? C’est dans la loi du 13 août 2004 que nous avons créé les premières formes de mutualisation.
Cette nouvelle étape que je vous propose aujourd’hui est structurelle, car elle concilie la question du périmètre de la collectivité et celle de ses compétences. J’ai souhaité ainsi poursuivre l’oeuvre de modernisation du bloc local. Loin de tout conservatisme, l’AMF prend ainsi ses responsabilités alors que le souvenir de la loi Marcellin – que plusieurs orateurs ont évoquée – est encore présent. Le conservatisme, chers collègues, n’est pas à rechercher chez les maires !
Ce faisant, je reste fidèle à la commune, cette institution qui a traversé les siècles et qui est tant appréciée par nos compatriotes. En effet, si cette réforme est innovante, c’est aussi parce qu’elle donne à la commune un avenir tout en respectant son histoire. Il s’agit de proposer aux élus municipaux des outils de modernisation de la gouvernance et des politiques locales, et ce sur la base du volontariat. Il s’agit aussi pour les maires de prendre leur part à l’effort de redressement des comptes publics par la mutualisation renforcée de leurs moyens que permet l’institution de la commune nouvelle.
Cette réforme porte en elle un véritable choc de simplification et d’économie, et surtout d’efficacité et d’efficience des services publics locaux. Tous les représentants des communes nouvelles existantes que nous avons auditionnés avec Mme la rapporteure ont affirmé que cette formule était une source d’économies.
Il s’agit enfin et surtout de préserver un échelon de proximité, et donc de modernité. La mesure visant à ce que les maires des communes déléguées soient maires adjoints de la commune nouvelle favorisera cette proximité.
D’autre part, cette réforme est innovante car elle renforce la place des communes. La commune nouvelle permet d’exercer pleinement la clause générale de compétence – qui, aujourd’hui, apparaît parfois fictive, faute de moyens. Elle permet aussi de faire face aux enjeux de la vie municipale actuelle, qui se situent à une nouvelle échelle, et de répondre localement aux défis du XXIe siècle.
La commune nouvelle conforte la « souveraineté communale » en limitant les tutelles d’autres échelons, qu’elles soient techniques ou financières. Ces soutiens – certains préféreront parler de béquilles – n’ont pas d’avenir face à la baisse drastique des dotations. Respecter l’identité communale, c’est donner à cet échelon les moyens humains et matériels nécessaires à la mise en oeuvre des politiques publiques réclamées par nos concitoyens.
Ensuite, cette réforme est innovante car elle renforce la vitalité démocratique de notre échelon de proximité, comme l’a dit Mme la ministre.
La commune nouvelle, vous l’avez compris, donne consistance et effectivité aux prérogatives du maire et de son équipe municipale. Elle offre aussi la possibilité, au cours des prochains mandats, de poursuivre sur un territoire plus grand un recrutement de qualité en vue de composer les conseils municipaux.
Ayons le courage de le reconnaître : dans les plus petites de nos communes, la question de l’engagement public se pose parfois. Je vous confirme qu’au premier tour des dernières élections municipales, soixante-quatre communes étaient dépourvues de candidats et, dans beaucoup d’autres, les listes étaient incomplètes. L’élargissement du territoire communal dans le cadre des communes nouvelles améliorera le fonctionnement de la démocratie locale.
En outre, cette réforme est innovante car, à partir du premier niveau d’administration locale, elle produira des effets en chaîne. Alors que la tentation recentralisatrice est toujours aussi présente dans certains cercles, cette réforme permet de repenser l’action publique dans une logique de subsidiarité, depuis l’échelon de proximité jusqu’à l’État. En effet, la constitution de communes nouvelles aura un effet systémique sur la carte intercommunale. Elle replacera l’intercommunalité, qui est nécessaire, dans une logique de projet. Là où l’intercommunalité se transformera dans son ensemble en commune nouvelle, un échelon disparaîtra. Qui s’en plaindra, à part peut-être les conservateurs et les théoriciens ?
Cette réforme produira également des effets sur la carte et les compétences d’autres échelons, mais toujours en partant des réalités et des dynamiques locales.
Oui, cette réforme est innovante car elle repose sur le volontariat et répond à la diversité des territoires.
Loin de la tentation des schémas prescriptifs et du « prêt-à -porter territorial », cette proposition de loi repose sur le volontariat, l’imagination et l’énergie des élus.
La commune nouvelle constitue un outil adapté permettant de répondre à une diversité de situations : conforter une ville-centre, créer une centralité, achever l’intégration d’une intercommunalité ou encore répondre aux difficultés de très petites communes, notamment mitoyennes, qui n’ont pas chacune un potentiel démographique suffisant, en leur offrant les compétences et les moyens financiers propres à leur assurer un avenir.
Dans les territoires ruraux, urbains et péri-urbains, les élus municipaux pourront s’approprier librement cet outil et l’adapter aux enjeux locaux.
En effet, cette proposition de loi ouvre des possibilités et assouplit les règles de fonctionnement démocratique. Il s’agit de favoriser la conclusion d’accords sur la gouvernance en prenant en compte la réalité locale. C’est une conception moderne du droit qui encourage et facilite la réforme territoriale.
Permettez-moi maintenant de rappeler les trois principaux éléments structurants qui ont guidé la rédaction de cette proposition de loi ainsi que les améliorations qu’il conviendrait, selon nous, d’y apporter. Je tiens à cet égard à saluer la concertation étroite quia eu lieu avec les services compétents de l’État, que je tiens à remercier pour leur précieuse expertise.
En premier lieu, il s’agit d’améliorer la gouvernance des communes nouvelles. Il est essentiel que les communes nouvelles soient créées dans le cadre d’une démarche volontaire et consensuelle, en respectant l’identité des communes regroupées : c’est le gage de la bonne mise en oeuvre, et donc de la réussite, du projet.
Il faut donc assouplir les conditions de composition du conseil municipal de la commune nouvelle pendant une période transitoire en offrant la possibilité aux conseils municipaux de maintenir l’ensemble des élus des anciennes communes, de l’élection de mars 2014 jusqu’en 2020. Il faut également renforcer la place des maires délégués en leur permettant d’intégrer la nouvelle municipalité et reconnaître l’existence d’une conférence municipale, réunissant maires et maires délégués et disposant d’un rôle de coordination et de discussion.
Il convient en outre d’inciter à la création de communes nouvelles par un pacte financier. Il est normal et légitime d’aider les collectivités qui entreprennent un effort de modernisation. Lors de sa conférence de presse du 14 janvier, le Président de la République indiquait d’ailleurs à propos des collectivités qui se restructurent : « Pour les accompagner, il y aura des incitations puissantes qui seront introduites. Les dotations de l’État varieront selon les regroupements qui seront faits ».
C’est dans cet esprit que j’avais déjà fait voter par notre assemblée, avec l’appui du Gouvernement, des amendements au projet de loi de finances pour 2014 afin que les communes nouvelles ne subissent pas de baisse des dotations de l’État. Ainsi est-il prévu que celles qui seront créées avant le 1er janvier 2016 et regroupant moins de dix mille habitants, ne subiront aucune baisse de leurs dotations jusqu’en 2016. Ce pacte financier, je le souhaite, devrait intégrer l’ensemble des dotations de péréquation.
Je soutiens la proposition de notre collègue Christine Pires Beaune, rapporteure, d’une bonification de 5 % de la DGF pendant trois ans pour les communes nouvelles dont la population regroupée est comprise entre mille et dix mille habitants. Il faudrait cependant prévoir explicitement que ce bonus s’applique à la population nouvelle globale de la commune et non aux populations agrégées des anciennes communes. Ainsi, la commune nouvelle pourra bénéficier du dispositif de droit commun qui fait que la DGF par habitant augmente en fonction de la strate de population de la commune.
Un dispositif financier équivalent garantira pendant trois ans le maintien intégral de la DGF aux communes nouvelles ayant regroupé toutes les communes d’un EPCI à fiscalité propre, et ce sans condition de population.
Il est également prévu d’assouplir le délai de lissage des taux d’imposition, aujourd’hui fixé à douze ans.
Enfin, il importe de mieux articuler la création d’une commune nouvelle avec la carte intercommunale. Il s’agit de permettre aux communes nouvelles issues de la transformation d’une communauté de communes, qui satisfait les objectifs démographiques fixés par la loi, de pouvoir librement décider de se rattacher, ou non, à une autre intercommunalité. À cet égard, je considère qu’il est nécessaire d’allonger le délai d’adhésion à un EPCI jusqu’en 2021, date de la prochaine révision du schéma départemental de coopération intercommunale.
Pour conclure, j’ai la conviction profonde que la réforme territoriale viendra du terrain. C’est l’objectif de cette proposition de loi qui donne des outils et de la souplesse, facilite les accords locaux et ouvre des potentialités. Plutôt que de contraindre, encourageons le mouvement. Ayons confiance en nos maires, qui sont au service de nos concitoyens.
Je voudrais également conclure sur une note d’optimisme républicain. La loi du 16 décembre 2010 a posé le principe des communes nouvelles, qui à l’époque avait été contesté par l’opposition et certains membres de la majorité. Nous avons initié un dispositif intéressant dont j’espère que nous pourrons, tous ensemble, le faire prospérer : il y a eu tout d’abord la proposition de loi que j’ai déposée en janvier 2014, suivie en avril de la même année d’une autre proposition de loi, largement inspirée de la mienne. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur leur examen et enfin, vous nous n’avez indiqué, madame la ministre, le Gouvernement leur apporte son soutien.
Tout ceci montre que nous pouvons, dans notre pays, construire et réformer ensemble et que nous ne sommes pas condamnés à mener des guerres fratricides, l’opposition contestant systématiquement ce que fait la majorité, et vice versa en fonction de l’alternance.
Dans l’état où il se trouve et avec le fonctionnement qui est aujourd’hui le sien, notre pays exige que nous puissions réformer ensemble. Cette proposition de loi relative au régime de la commune nouvelle, qui a cheminé entre une députée socialiste, qui en est la rapporteure, et le député UMP que je suis, montre que nous le pouvons. Nous pouvons construire ensemble, au profit des communes, et rendre plus efficace le fonctionnement de notre pays. Je pense donc que nous pouvons tous voter ce texte.