Intervention de Cécile Duflot

Séance en hémicycle du 3 novembre 2014 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les parlementaires, les crédits de l’action extérieure de l’État fixent des objectifs ambitieux dans le contexte contraint que l’on connaît. Pour conserver le statut de puissance d’influence de la France dans le monde, priorité affichée par le Gouvernement, vous proposez de réduire le budget de nombreux programmes et de réorienter la présence française vers de nouvelles sphères d’influence.

Je tiens à vous livrer quelques inquiétudes que m’inspire la lecture de ce bleu, et un souhait plus profond.

Il me semble regrettable que le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » soit évalué en se fondant sur la présence des Français dans les institutions ou l’usage de la langue française au sein de celles-ci. Dans le cas, par exemple, de l’Union européenne, ce type d’évaluation favorise une méthode de travail intergouvernementale où les uns sont en concurrence avec les autres, alors que le projet politique de l’Europe nous appelle à une méthode plus solidaire. Quand les objectifs de l’action de la France en Europe l’incitent à une course aux postes de commissaire au détriment du fond politique, c’est l’ensemble du projet européen qui est mis en danger. L’élection de Miguel Cañete au poste de commissaire européen en charge de l’énergie et du climat restera un triste exemple de cette logique.

Il est tout aussi regrettable de voir le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger diminuer sans qu’il soit fourni d’explication approfondie. Dans une autre mesure, l’accès des Français résidant à l’étranger à nos services publics est parfois très difficile, et une évaluation des organismes privés à qui l’État sous-traite les missions concernées, notamment des missions sociales, pourrait aussi favoriser utilement leur accessibilité.

Par ailleurs, je note que le poids du ministère des affaires étrangères est renforcé. Il avait déjà intégré gestion du commerce extérieure, et le tourisme devient une nouvelle composante de son action. S’il manquait effectivement un pilotage stable de notre politique touristique, cette concentration des missions m’interpelle et je m’interroge sur sa finalité objective.

Au-delà de ces questions importantes, je tiens à faire une digression pour exprimer un souhait qui concerne la nouvelle ligne de crédits dédiée à l’organisation de la conférence Paris Climat 2015. Au lendemain de la conférence de Lima, qui débutera le 14 décembre prochain, la France va présider les négociations internationales relatives au climat et, vous devez vous en convaincre, un accord issu de la conférence Paris Climat 2015 peut représenter un événement majeur pour ce XXIe siècle débutant.

Il peut représenter un événement majeur car un véritable accord international contraignant sur le réchauffement climatique concernerait toutes les sphères de notre société et aurait des effets positifs pour l’environnement, l’économie, notre santé. Mieux, d’un point de vue sociétal, il nous redonnerait des raisons de croire en l’avenir, en nous permettant d’imaginer un monde meilleur pour les générations futures.

Alors, nous pouvons nous réjouir que des fonds soient alloués, en conséquence, à l’organisation de cet événement dont le succès est un impératif, mais cet engagement appelle le Gouvernement, la France et le projet européen à plus de cohérence idéologique, une cohérence qui doit se traduire par l’exemplarité et par la mobilisation immédiate de toutes les forces pour favoriser la transition. La France peut d’abord montrer l’exemple en mettant en application le plus rapidement possible la loi de transition énergétique qui a été adoptée en première lecture au début du mois par l’Assemblée nationale. Cela implique de mettre fin aux allers-retours incessants sur l’écologie parce que celle-ci est une solution qui permettra de sortir effectivement de la crise.

Vendredi dernier, l’Union européenne a adopté un paquet climat énergie qui engage une réduction louable des émissions de gaz à effet de serre mais dont les objectifs en termes d’économie d’énergie et de déploiement des énergies renouvelables ne sont pas encore à la hauteur. La France peut – et même doit, dirai-je – envoyer un signal fort en militant auprès de la Commission européenne pour des objectifs plus ambitieux et en demandant à ce qu’enfin le coût du carbone soit réévalué !

Enfin, si le Président de la République avait fait de la jeunesse la priorité de ce gouvernement, celle-ci est aujourd’hui dans la rue et s’indigne de l’indifférence avec laquelle elle est traitée. C’est le cas ici en France, avec la lutte contre les grands projets inutiles, mais dans d’autres mesures partout dans le monde, à Ouagadougou, Hong Kong et dans toutes les villes où elle pèse ou a pesé de tout son poids pour espérer un avenir meilleur.

La COP 21 peut devenir l’accord qui fédère toute la jeunesse pour une raison simple : les jeunes, plus que tout autre, perçoivent le danger de la finitude du monde. En lançant des consultations nationales et internationales, en fédérant les réseaux de jeunes engagées pour la transition de notre monde, vous avez les clés pour faire de la France un acteur d’influence qui favorise la coopération à tous les niveaux : en défendant par l’exemplarité et par la volonté un avenir commun pour toute l’humanité, en fournissant des clés d’émancipation et d’espoir à la jeunesse du monde, en traçant la voie d’une autre politique.

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