La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’administration générale et territoriale de l’État (no 2260, annexe 3 ; no 2267, tomes I et II).
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Madame la présidente, messieurs les rapporteurs de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, je tiens à rappeler en préambule le cadrage dans lequel s’inscrit le budget de l’administration générale et territoriale de l’État.
Alors qu’entre 2002 et 2011, la dépense publique a crû à un rythme annuel moyen de 2 %, qu’elle a continué de croître de 1,7 % par an entre 2007 et 2011, elle a été stabilisée en 2014, avec une croissance en volume de 0,9 %. Cette stabilisation est confirmée en 2015 à 0,2 % en volume, soit un effort historique.
C’est parce que le ministère de l’intérieur est d’abord riche de ses personnels que je commencerai par évoquer la question des effectifs.
En 2015, malgré le contexte budgétaire particulièrement contraint que j’ai rappelé, l’effort demandé en termes de réduction d’effectifs est stabilisé ou atténué : pour aucune des missions du ministère de l’intérieur, l’effort n’est accentué en 2015. Alors que l’an dernier, le ministère a rendu 289 emplois, il bénéficie en 2015 de 116 créations nettes.
Je tiens en particulier à souligner que l’administration territoriale, qui, depuis plusieurs années, subissait de fortes réductions d’effectifs, voit sa contribution à la stabilisation des effectifs de l’État passer de moins 550 postes en 2014 à moins 180 postes en 2015. L’effort en 2015 est donc du tiers de celui consenti l’année passée. Il aurait en effet été incompréhensible pour les agents de devoir lancer la réforme de l’administration territoriale de l’État, qui est en cours, en continuant d’absorber des réductions d’effectifs importantes.
Je souhaiterais à cet égard préciser certains points concernant l’administration territoriale dans le cadre de la réforme engagée par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, retenu par une importante réunion internationale traitant de problèmes de police et dont je vous prie d’excuser l’absence aujourd’hui.
En premier lieu, cette réforme sera menée dans un dialogue approfondi avec l’ensemble des organisations représentatives. Les réformes auront notamment pour objectif de dégager des marges d’amélioration de la situation des agents, ce qui bénéficiera in fine à nos concitoyens, lesquels sont en droit d’attendre un service public de qualité. C’est dans cet esprit qu’a été établie la feuille de route de la réforme de l’administration territoriale de l’État.
La revue des missions qui est en cours et qui doit aboutir d’ici la fin de l’année, s’accompagnera d’un dialogue social nourri. Elle aura notamment pour objectif de lier l’évolution des effectifs à l’évolution des missions : il s’agit d’adapter les modalités de notre action aux besoins des usagers plutôt que de chercher à diminuer de façon homothétique nos moyens. Cette méthode a été présentée dans chaque ministère au cours du mois d’octobre.
Sur la base de cette concertation, le processus de décision sera lancé au premier semestre 2015. La concertation sera large : avec les différents ministères, sur le territoire, avec les élus et avec les organisations syndicales. Le ministre de l’intérieur s’est engagé personnellement à tenir le Parlement informé des évolutions de cette réforme.
Concernant les schémas d’évolution des services régionaux, aucune décision n’est arrêtée à ce stade. Le Premier ministre a confié à une mission inter-inspection le soin de proposer, d’ici le début de l’année 2015, des schémas d’organisation possibles. Aucune décision ne sera prise sans concertation et avant l’achèvement de l’examen des missions prioritaires de l’État. La démarche choisie constitue donc une rupture nette avec celle qui avait présidé à la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP.
En ce qui concerne l’évolution du réseau des sous-préfectures, le choix du Gouvernement consiste à conserver une capacité d’action de l’État au niveau départemental et infradépartemental en associant pleinement à cette réforme les agents et leurs représentants ainsi que les élus, et en prévoyant un accompagnement adapté en termes de ressources humaines.
C’est ce que nous avons fait dans le cadre de l’expérimentation en Alsace Moselle. Le succès de cette concertation approfondie démontre, s’il en était besoin, qu’une telle réforme ne peut être menée que de manière progressive et ancrée au plus près de la réalité du territoire. Aucune carte d’évolution des arrondissements ne peut être élaborée et imposée depuis Paris. La méthode expérimentée en Alsace Moselle doit donc être progressivement étendue, à compter du printemps prochain, à l’ensemble du territoire.
Par ailleurs, le ministre de l’intérieur a souhaité et obtenu un effort exceptionnel de 1,3 million d’euros en 2014 et de 2 millions d’euros en 2015 pour financer la mise en place de Maisons de l’État, qui sont l’une des formes possibles, parmi d’autres, de l’évolution du réseau des sous-préfectures, selon les configurations et les concertations menées au plan local.
Suivant la même logique d’accompagnement – condition indispensable au succès des réformes –, le schéma d’emplois de la sécurité routière a été stabilisé dans le cadre de la réforme du permis de conduire.
Au-delà de la question des effectifs prise de façon globale, la parole du Gouvernement a été honorée s’agissant des conditions matérielles offertes à chaque agent. En 2015, les mesures catégorielles de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » s’élèveront à 7,5 millions d’euros.
Les agents bénéficieront ainsi des mesures transversales décidées au niveau interministériel comme celles qui concernent les attachés du corps interministériel à gestion ministérielle, les CIGEM, avec un même rythme de promotion qu’en 2014. S’agissant des agents de catégorie C et du bas de la catégorie B, c’est-à-dire les agents dont les revenus sont les plus modestes, la deuxième tranche de revalorisation sera achevée pour les premiers échelons, toutes filières confondues au sein du secrétariat général du ministère de l’intérieur.
Au-delà des créations d’effectifs et des mesures concernant la rémunération des agents, les moyens opérationnels du ministère de l’intérieur, de fonctionnement et d’investissement, ont été renforcés. Ces postes budgétaires ont trop longtemps été négligés par la majorité précédente. Nous devons agir avec résolution pour fixer de nouvelles priorités en la matière.
Les moyens de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » seront en légère augmentation – plus de 1 million d’euros – dans un contexte dont j’ai rappelé le caractère exceptionnellement contraint.
De la même façon que pour les effectifs, l’objectif est de parvenir à une réforme qui permette, grâce au recentrage engagé par les préfectures et sous-préfectures sur les missions figurant au coeur de leurs métiers, et grâce à la rationalisation immobilière, de dégager les marges nécessaires au financement des besoins de fonctionnement et d’investissement dont l’État a besoin au plan local.
S’agissant de la dématérialisation de la propagande électorale proposée au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, je rappelle la logique de cette mesure, destinée à dégager d’importantes marges de manoeuvre pour le ministère, et dont je connais les préventions qu’elle suscite.
Il s’agit de passer progressivement à une nouvelle modalité d’information et de communication avec l’électeur, tenant compte de l’accès très majoritaire de nos concitoyens à internet dans leur foyer, à hauteur de 82 %, à l’heure ou la quasi-intégralité de nos voisins européens n’a plus recours à l’envoi au domicile de cette propagande.
Cette nouvelle modalité n’exclut pas que l’on préserve, pour ceux qui le souhaitent, l’accès à une propagande matérielle dans toutes les mairies, les sous-préfectures et les préfectures.
Enfin, une information extrêmement large et anticipée accompagnerait cette mesure. Sur ce sujet, que je sais sensible, le Gouvernement est bien entendu à l’écoute de vos préoccupations et prêt au dialogue.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une mission déterminante pour la vie démocratique de la Nation puisqu’elle concerne la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire, l’organisation des scrutins ainsi que la mise en oeuvre du référendum d’initiative partagée, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015.
Cette année, les moyens consacrés à l’ensemble des programmes diminuent considérablement.
Ces efforts se traduisent en particulier par une baisse de 15 % de la dotation aux partis et groupements politiques et la diminution de 265 emplois, dont 180 dans le corps préfectoral.
Si les efforts d’économie sont souhaitables, ils ne peuvent se faire au détriment de la représentation de l’État dans nos collectivités, à travers le réseau préfectoral, et de l’appréhension par nos concitoyens des enjeux démocratiques.
Dans le contexte actuel, les crédits de cette mission doivent être examinés en tenant compte de la réforme territoriale en cours, qui, inévitablement, conduit à s’interroger sur le devenir incertain des préfectures. Depuis plusieurs années, celles-ci n’ont cessé de s’adapter à une multitude de réformes qui ont affecté leurs attributions, leurs moyens et leurs modalités de gestion.
Une fois encore, la réforme territoriale va obliger les préfectures à se préparer à de nouvelles évolutions, dans un cadre budgétaire toujours plus serré, et alors que les effectifs du programme « Administration territoriale » diminuent depuis plusieurs années.
Pourtant, aucun des deux projets de loi déposés par le Gouvernement, ni celui sur la carte des régions, ni celui sur les compétences, ne mentionne les conséquences attendues de cette réforme sur l’administration déconcentrée de l’État. Et les conséquences de la réforme sur l’administration départementale de l’État sont encore plus obscures.
Par ailleurs, la question de l’avenir des sous-préfectures, que nous évoquons chaque année, reste un véritable serpent de mer. Depuis le début de la législature, des réflexions sur l’adaptation du réseau des sous-préfectures sont en effet régulièrement annoncées par le Gouvernement.
L’incertitude du projet, qui n’offre d’entrée de jeu qu’une seule perspective, celle de la suppression de certaines sous-préfectures, est inquiétante. Nous devons faire en sorte d’assurer une présence effective de l’État à l’échelon infradépartemental, afin d’offrir aux citoyens les services de proximité qu’ils sont en droit d’attendre de la puissance publique.
En matière d’administration générale et territoriale de l’État, il importe pour les années à venir d’entreprendre une véritable réorganisation de l’État, une requalification de sa présence dans les territoires, dans un esprit de nécessaire concertation avec les acteurs locaux. Nous ne pourrons nous exonérer d’une redéfinition des missions de l’administration territoriale si nous voulons, à l’avenir, sauvegarder nos services publics.
Enfin, le groupe UDI est majoritairement opposé au projet du Gouvernement de dématérialisation de la propagande électorale, pour les élections départementales et régionales prévues en mars et décembre 2015.
N’est-il pas du devoir de l’État d’informer la population sur les élections ? Cette décision ne risque-t-elle pas d’introduire une rupture d’égalité entre les citoyens qui disposent ou non d’un accès internet ?
Alors que les élections à venir ont été profondément modifiées par le Gouvernement – nom des élections, redécoupages, modification du calendrier et des règles du jeu électorales –, nous craignons que cette mesure ne nuise à l’information de nos concitoyens et ne favorise l’abstention.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera contre les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dotée en 2015 de 2,7 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de 2,8 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une baisse de 6,2 % et de 1,4 %, respectivement, par rapport à l’année dernière, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » rassemble les moyens relatifs au réseau préfectoral, aux fonctions transversales du ministère de l’intérieur et au financement des élections et de la vie politique.
Dans le temps qui m’est imparti, et puisque je suis rapporteur pour avis de la commission des lois sur ce programme, je vais plus particulièrement m’attarder sur les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative », qui regroupe par ailleurs les deux mesures ayant fait l’objet d’adoption d’amendements par la commission des lois, et dont nous discuterons tout à l’heure.
Premièrement, le budget proposé révèle une forte baisse du financement public des partis politiques. L’enveloppe prévue pour 2015 est de 58,3 millions d’euros de crédits, soit 10,3 millions d’euros de moins qu’en 2014, ce qui représente une diminution de pas moins de 15 % en un an.
Cette diminution s’inscrit dans un processus de baisse continuelle du financement public des partis. En effet, ce dernier avait déjà été diminué de près de 10 % dans la loi de finances pour 2013 et de 5 % dans la loi de finances pour 2012.
Depuis 2012, cela représenterait donc une baisse de près d’un quart, les crédits inscrits dans cette ligne budgétaire passant de 76,2 millions d’euros à 58,3 millions d’euros. En euros constants, cela correspond à une division par deux, depuis 2000, du montant consacré au financement public des partis politiques.
Pour exister, la vie démocratique nécessite pourtant un financement public des partis. Comme nous avons coutume de le dire, la démocratie n’a pas de prix, mais elle a un coût. Ce coût demeure relativement réduit par rapport aux dépenses publiques de l’État, puisque l’enveloppe budgétaire accordée aux partis politiques représente moins de 0,03 % des dépenses du budget général de l’État.
La question du contrôle de ce financement public n’est toutefois pas close. Comme l’ont montré certaines affaires récentes, il serait important de renforcer les obligations comptables et d’améliorer le contrôle sur les dépenses des partis.
Les flux financiers entre partis devraient également être rendus transparents. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pourrait voir son rôle consolidé en rendant possible son auto-saisine ainsi qu’un contrôle en temps réel.
Toutefois, après des années de forte baisse, il semble nécessaire de stabiliser les moyens alloués aux partis politiques. C’est une exigence démocratique rappelée par de nombreuses institutions luttant contre la corruption, car le financement public demeure la meilleure garantie contre les financements illégaux et occultes.
Deuxièmement, l’article 46 du projet de finances prévoit de dématérialiser, pour une économie attendue de 131 millions d’euros en 2015, la propagande électorale aux élections départementales, organisées pour la première fois dans le cadre de grands cantons entièrement remodelés, et aux élections régionales qui auront lieu, de façon tout à fait inhabituelle, en décembre, dans le cadre d’une nouvelle carte régionale en cours d’élaboration.
Le fait que chaque citoyen reçoive à son domicile, avant l’élection, les professions de foi de l’ensemble des candidates et candidats est une information citoyenne indispensable.
Cette information a un coût économique et écologique qui est à nos yeux justifié. Elle permet aux électeurs d’être mis au courant de la date d’une élection, des noms des différents candidats ainsi que de leurs principales propositions.
Une dématérialisation ne pourrait qu’encourager l’abstention, déjà très préoccupante lors des derniers scrutins. Par ailleurs, l’argument selon lequel cette disposition permettrait, en élargissant ses modalités de diffusion, d’assurer un meilleur accès à la propagande électorale semble particulièrement malvenu.
La consultation physique des professions de foi et des bulletins de vote sera très probablement une possibilité très peu utilisée. Les documents ne seront en effet disponibles que très tardivement. En outre, peu de citoyens sont susceptibles de faire l’effort de se rendre à cette seule fin en mairie ou en préfecture, d’autant qu’ils n’auront pas été informés de cette possibilité.
Par ailleurs, la fracture numérique, qu’elle soit territoriale ou générationnelle, est bien réelle dans notre pays. Non seulement de nombreux électeurs ne naviguent pas ou peu sur internet, mais la connexion reste de mauvaise qualité dans certaines parties du territoire, où la consultation de la propagande dématérialisée ne pourra donc se faire que dans des conditions dégradées.
Voici quelques unes des raisons pour lesquelles mon groupe parlementaire, tout comme le rapporteur pour avis que je suis, défendront des amendements destinés à supprimer l’article relatif à la dématérialisation de la propagande électorale.
Je note au passage que des députés issus de tous les groupes ont également déposé de tels amendements.
En définitive, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon groupe parlementaire se déterminera en fonction de l’adoption par notre assemblée de ces deux amendements visant à rétablir certains crédits de l’action « Financement des partis politiques » et à supprimer les mesures de dématérialisation de la propagande électorale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP
La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans cette période de crise où les Français doutent et sont en proie à de grandes difficultés, notamment ceux qui entreprennent – artisans, commerçants, agriculteurs –, votre administration doit rester la colonne vertébrale de l’État dans nos territoires.
Or, force est de constater que cet appareil de l’État lui-même est de plus en plus gagné par le doute. Il y a d’abord, évidemment, la question des effectifs.
Vous poursuivez grosso modo la politique consistant à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Dire cela n’est pas un reproche, contrairement à ce qu’avait compris le ministre en commission. Ce que je regrette très clairement, en revanche, c’est que vous n’accompagnez pas cette diminution considérable des effectifs de quelques réflexions sur vos missions.
Réduire pendant trois exercices successifs les plafonds d’emploi – ce qui représente au total 1 100 emplois supprimés – sans faire évoluer les missions, c’est forcément douloureux pour le fonctionnement des services comme pour la qualité du service rendu à l’usager.
En notre temps, nous avions, par exemple, réorganisé la délivrance des cartes grises en mettant à contribution les professionnels de l’automobile. Or, depuis deux ans et demi, rien de nouveau n’a été fait. Aucune mission des services de l’État dans nos territoires n’a été supprimée.
Vous avez même abandonné le projet de carte nationale d’identité électronique qui aurait pu, lui aussi, constituer pour vos services une source d’économie de temps de travail et donc d’effectifs. Je ne peux que le regretter.
La seule initiative du Gouvernement, au bout de deux ans, consiste à engager une revue des missions – pour ne pas dire une RGPP. C’est malheureusement beaucoup de temps perdu.
J’ai d’ailleurs été surpris de la façon dont le ministre de l’intérieur a essayé, en commission, de faire preuve de pédagogie. Il nous a en effet expliqué que se succéderaient la réforme des métropoles et des intercommunalités, puis celle des régions et des départements, pour voir, au bout du compte, ce qui restera pour les services de l’État dans les territoires.
Je crois que l’on aurait pu procéder différemment, et, plutôt que de se contenter de cette vision résiduelle, faire preuve d’entrée de jeu d’une plus grande ambition pour les services de l’État. C’est particulièrement vrai en milieu rural, où, à défaut de métropole, et alors que la région reste souvent une réalité bien lointaine, il y a grand besoin des services de l’État pour lutter contre le sentiment grandissant de relégation.
Permettez-moi de vous dire aussi, monsieur le secrétaire d’État, que je n’ai pas été convaincu par les propos tenus en commission par M. Cazeneuve sur le rôle des préfets de département. En effet, la question de leur autorité – et, tout simplement, de la coordination de leur action avec les services désormais régionalisés de l’État – n’a pas encore été résolue de façon totalement satisfaisante.
Pas plus tard qu’hier, j’en ai encore relevé un exemple édifiant : Ateliers 28, une entreprise de ma circonscription employant 200 salariés, s’est vue notifier un avis de non-conformité à la loi sur l’eau par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement, avec mise en demeure d’y répondre, alors même qu’elle doit faire face à une procédure extrêmement difficile de redressement judiciaire !
Bel exemple de l’échec de la réorganisation de services de l’État au niveau départemental !
Jamais un préfet de département n’aurait signé un tel courrier.
Je m’inquiète, aussi, de voir des pouvoirs de police échapper aux préfets au profit d’agences telles que l’ONEMA, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques. Il en résulte une absence de dialogue entre l’administration et le particulier, le Procureur de la République finissant par être seul juge de l’opportunité des poursuites. Je crois que c’est, là aussi, un peu du gâchis.
La première des simplifications, monsieur le secrétaire d’État – puisque, en ce domaine, on attend toujours de connaître un choc –, consiste le plus souvent à faire preuve de discernement. En droit, cela se traduit par un pouvoir discrétionnaire, d’opportunité reconnu au corps préfectoral. Or je crois que nous gagnerions, y compris lorsque nous légiférons, à lui faire plus de place lorsque l’intérêt général, notamment économique, le justifie.
Interrogé en commission par mon collègue Guillaume Larrivé sur l’avenir du corps préfectoral, et plus précisément sur la proposition de la Cour des Comptes de le faire disparaître au profit d’un corps unique des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur, M. Cazeneuve s’est posé en grand défenseur des préfets. Malheureusement, la lettre du Premier ministre à la Cour était sur ce sujet beaucoup moins engageante. Je le regrette, car le métier de préfet répond à une véritable vocation, et n’a rien d’une fonction comme une autre.
Concernant le réseau des sous-préfectures, M. Valls, nous nous en souvenons tous – il entendait sans doute montrer là son visage de ministre réformateur –, avait, dès juillet 2012, annoncé avec fanfare et trompettes un « exercice largement inédit » de réforme des missions des sous-préfectures. Deux ans et demi après, force est de constater que rien n’a été fait. Ce n’est pas une bonne publicité pour la volonté réformatrice de l’actuel Premier ministre.
Je ne reviendrai pas sur la dématérialisation de la propagande électorale puisque j’aurai l’occasion de défendre un amendement sur ce sujet.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons une haute image de cette mission de l’État. Parce que nous ne voyons toujours pas, après trois exercices budgétaires, quelle est la vision de votre Gouvernement, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nos administrations, nos services à la population et la qualité des interventions de nos agents publics font la singularité et la grandeur de notre pays.
Pour commencer, je tiens à saluer toutes celles et ceux qui, dans leurs administrations, contribuent à améliorer la vie de nos compatriotes, surtout quand ils exercent leur mission dans un contexte de plus en plus tendu compte tenu des baisses récurrentes de moyens.
Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » nous interpellent, dans la mesure où ils traduisent l’austérité.
Cette austérité a été à la fois voulue par Bruxelles et par les marchés financiers, bien plus préoccupés par le libre-échange que par la qualité du service public rendu aux habitants.
La volonté de faire des économies sur les emplois de la mission est un contresens quand les Français réclament davantage d’écoute. On le voit aux résultats électoraux.
Au lieu de ça, vous prévoyez la suppression de 265 emplois, auxquels s’ajoutent les 635 postes perdus en 2014.
La traduction de cette politique est significative au niveau du réseau préfectoral, avec une baisse des crédits qui lui seront alloués.
Les préfectures sont des services de proximité indispensables, mais vous faites le choix, en 2015, d’amputer son réseau de 180 postes.
Compte tenu de ces suppressions d’emplois, il semble difficile d’affirmer que vous souhaitez, monsieur le secrétaire d’État, « optimiser les conditions de délivrance de titres et l’efficacité des services de délivrance des titres ».
Vous vous inscrivez, une fois encore, dans la continuité de la droite. Entre 2009 et 2014, les responsables politiques ont en effet supprimé 3 112 emplois.
Il serait beaucoup plus pertinent, au contraire, de renforcer les services de proximité bénéficiant à nos concitoyens. Il serait temps que s’ouvre un vrai débat national visant l’amélioration de l’efficacité des politiques publiques.
Il faut octroyer aux personnels comme aux citoyens de nouveaux droits d’intervention dans l’évaluation de cette efficacité. Ce n’est visiblement pas la voie choisie puisque tout se fait au pas de charge et sans aucune concertation.
En ce qui concerne le financement des partis politiques, vous avez prévu dans votre projet une chute considérable des crédits. En 2000, le financement des partis s’élevait à près de 80 millions d’euros avant de chuter, selon la logique du projet de loi de finances pour 2015, à 58 millions d’euros.
La coupe prévue de 10 millions d’euros en 2015 – qui représente 15 % – fait suite à une diminution des aides aux partis de 10 % en 2014. Globalement, nous assistons à une baisse sur deux ans de 23 % des dotations aux partis.
L’article 4 de la Constitution dispose pourtant que « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. »
Au passage, il serait temps d’instaurer la représentation proportionnelle, car les résultats des scrutins majoritaires favorisent le bipartisme et limitent l’expression démocratique de l’ensemble des partis.
Par ailleurs, vous portez un vrai coup à la démocratie en souhaitant supprimer l’envoi individualisé de la propagande aux électeurs pour les élections départementales, régionales et aux assemblées de Guyane et de Martinique.
Pourtant, vous le savez, les prochaines élections départementales seront, pour la première fois, organisées dans des cantons redécoupés, les candidatures prenant la forme d’un binôme paritaire. Nos concitoyens méritent donc une information de qualité sur un support papier.
De nombreux Français n’ont pas d’accès à internet, et peuvent éprouver des difficultés à se déplacer. Ils ne feront pas l’effort d’aller chercher l’information. Sacrifier la démocratie sur l’autel des économies est un choix politique très grave. La démocratie n’a pas de prix !
Par ailleurs, l’avenir des départements et des régions est encore flou. On ne sait toujours pas précisément la nature des compétences que ces collectivités seront chargées de mettre en oeuvre, ni leurs périmètres géographiques. Quels départements seront susceptibles de disparaître au profit des grandes métropoles ? Le Nord-Pas-de-Calais fusionnera-t-il avec la Picardie ?
Un dernier point mérite d’être évoqué, celui du concordat. Les principes de la loi de séparation des églises et de l’État de 1905 doivent s’appliquer partout sur le territoire national. On peut donc s’interroger sur l’opportunité de financer les cultes à hauteur de 57 millions d’euros.
Les députés communistes et du Front de gauche voteront donc, monsieur le secrétaire d’État, contre les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État. »
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la bonne administration de la puissance publique a été consacrée, le 3 décembre 2009 – il n’y a donc pas si longtemps – comme objectif de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel.
Et pourtant, le Conseil a convenu également qu’il s’agissait d’une notion difficile à définir. Qui peut en effet en juger, sinon les citoyens ?
Nous nous situons donc à un moment un peu compliqué de notre histoire, où, d’un côté, la Cour des Comptes fait des observations et, de l’autre, le Conseil constitutionnel dit qu’il faut bien administrer. Nul ne sait écrire, décider ou formuler ce qu’il en est – sauf la littérature qui ne parle, elle, que de bonne administration de la justice.
Il nous faut donc réinventer, dans notre pays, la notion de bonne administration, qu’il s’agisse de notre administration principale et première, celle qui assure la gouvernance territoriale et nationale de l’État et garantit l’égalité sur l’ensemble du territoire, ou de la fonction publique territoriale.
Ces crédits montrent clairement à quel point la France veut se doter des moyens nécessaires pour que sa démocratie fonctionne, pour garantir les droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés, notamment le droit de vote, assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et mettre en oeuvre des politiques publiques nationales efficaces, veiller à la bonne gestion et à la bonne administration des collectivités territoriales, dans le respect total de leur autonomie.
Ce programme a fait l’objet de nombreuses réformes dans les dix dernières années et nous abordons ici une nouvelle étape importante. Outre la prévention dans le domaine de la sécurité nationale ou la prévention des risques naturels, dont nous avons déjà parlé, il vise à améliorer les choses sur de nombreux points, et notamment à assurer la délivrance plus rapide de titres fiables et certifiés et à garantir l’efficacité des services en matière de détection des fraudes. Bref, nous améliorons l’efficacité, la performance, la sûreté et la sécurité en allongeant la durée de validité des titres. L’amélioration sera donc indéniable pour nos concitoyens, dont les démarches administratives bénéficieront, à titre personnel et collectif, de davantage de confort et d’efficacité.
Il est également important de moderniser le contrôle de légalité, notamment dans nos administrations territoriales, à l’heure où de grandes réformes sont en cours. Il convient de bien définir la fonction des uns et des autres et de garantir que l’action publique de l’État et celle des collectivités soient de même nature, dans le respect du droit et des lois, au bénéfice de notre économie et de nos concitoyens.
Le lien de confiance doit être renforcé et garantir égalité, équité, qualité de l’accueil, dans une logique de gain de temps.
Nous avons quitté le XXe siècle et attaquons vaillamment, espérons-le, le XXIe siècle : il faut donc prendre en compte l’économie, la réalité de l’internet, la réalité des réseaux sociaux. Ce budget consacre l’idée que l’État doit aller vite dans ce domaine, et efficacement. On peut parler de « préfecture 2.0 » : grâce à ce budget, les SMS, les tablettes, le numérique entrent de plein fouet dans l’administration nationale de l’État. Novation majeure, il s’agit d’un objectif affirmé, pour lequel sont construits de nouveaux référentiels.
Si tous les citoyens, sur l’ensemble du territoire national, doivent pouvoir être confrontés à des préfectures, des sous-préfectures et des maisons de l’État, la présence physique n’est pas tout. Elle est indispensable, mais ne peut pas se substituer à cette nouveauté qui est maintenant une banalité : internet et les réseaux sociaux – avec la rapidité et le caractère instantané qui leur sont associés et dont chacun d’entre nous veut pouvoir bénéficier. Nous espérons donc qu’avec ce budget, les citoyens obtiendront l’efficacité et les résultats auxquels ils aspirent.
La plupart d’entre vous ont abordé la question de la démocratie, ce qui pose évidemment la question du vote. À titre personnel comme au nom de mon groupe, je suis tout à fait convaincue que le vote papier est indispensable et que chaque citoyen, où qu’il se trouve sur le territoire national, doit pouvoir recevoir la propagande électorale et les bulletins de vote sous forme papier.
Non seulement, en effet, tout le monde n’a pas accès à internet, puisque 18 % de la population en est privé, mais c’est surtout une manière d’assurer la diversité de la pensée politique, à laquelle je suis très attachée. À titre personnel, je ne verrai pas trop d’inconvénients à ce que l’on diminue un peu les crédits destinés aux formations partisanes, mais en ce domaine, j’entends aussi les appels à la sagesse.
Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d’État, pour cette accélération donnée à l’économie de l’internet dont bénéficient la fonction publique nationale et la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Avant d’aborder ma question, je voudrais faire une remarque préalable. Nous avons besoin d’un État et d’une structure et, si les préfectures n’existaient pas, le Gouvernement aurait beaucoup de mal à gouverner. À force de réduire le budget des préfectures au fil des années, de supprimer des moyens, nous sommes arrivés à un niveau extrêmement dangereux pour le fonctionnement de l’État. Ce budget participe de cette destruction systématique de notre État et, à ce titre, il n’est pas bon.
Nous reviendrons sur le sujet de ma question lors de la discussion des amendements, mais je souhaite d’ores et déjà souligner le caractère surréaliste de la proposition du Gouvernement de supprimer la propagande électorale et les professions de foi.
Au moment où nous observons une crise de la participation des citoyens à la vie publique et un discrédit de la politique, où l’abstention progresse au point d’avoir atteint un niveau considérable lors des dernières élections européennes, pensez-vous que vous allez améliorer les choses en supprimant le seul lien direct entre les candidats et les citoyens ? Je crois que c’est une erreur fondamentale et je me réjouis de voir que les groupes ont réagi.
J’ai le sentiment que les services de l’État essaient régulièrement de faire avaler cette mauvaise pilule pour la démocratie à tous les gouvernements. Je regrette que le vôtre ait cédé à la technostructure, pour qui, finalement, les élections sont de trop. C’est vrai que cela coûte cher. Supprimons-les, cela ira plus vite.
En Suisse, par exemple, bel exemple de démocratie, on reçoit des éléments très approfondis dans sa boîte aux lettres. Il ne s’agit pas simplement de l’égalité des citoyens devant le vote. Bien sûr, cela permet d’apporter de l’information à chaque citoyen, à chaque électeur – car, dans une même famille, chacun peut penser différemment. Mais cela permet aussi d’assurer l’égalité entre les candidats.
Ne nous y trompons pas, en effet : les grands partis pourront envoyer autant de papiers, et comme leurs frais seront remboursés sur fonds publics, cela coûtera toujours autant d’argent. Mais qu’en sera-t-il de l’égalité entre les candidats, alors que, dans l’enveloppe, chacun est mis sur le même plan ? Que deviendra la réflexion de chaque citoyen à partir de la lecture d’un document précis et d’un projet ? Je ne peux pas imaginer que de tels documents soient supprimés.
Effectivement, monsieur le député, de nombreux groupes parlementaires se sont émus de cette disposition. J’aimerais néanmoins exposer les raisons pour lesquelles l’administration et le Gouvernement la proposent, car elle n’a rien de technocratique.
Nous sommes aujourd’hui l’un des rares pays à avoir encore des circulaires papier. Un grand nombre de nos voisins sont passés à d’autres formes de communication, notamment la communication électronique. Or plus de 80 % de nos concitoyens ont aujourd’hui accès directement à internet.
Pour des raisons économiques – vous êtes évidemment sensibles à la bonne utilisation de la dépense publique –, mais aussi environnementales, il nous a donc paru important de commencer à réfléchir à la dématérialisation d’un certain nombre d’éléments de propagande, d’autant que nous avions l’intention de rassembler tout cela pour une campagne relativement intense dans les médias généraux, qu’il s’agisse de la presse quotidienne régionale ou de la télévision.
Nous entendons un certain nombre de remarques, nous partageons parfois ces inquiétudes, mais nous avons aussi la volonté de montrer le chemin vers lequel nous devons nous diriger, qui est la dématérialisation de ce type de propagande.
L’Assemblée décidera si elle veut adopter cet article 46 du projet de loi de finances, mais il nous paraît très important qu’un certain nombre de collectivités territoriales puissent d’ores et déjà expérimenter ce type de dématérialisation. Cela représente tout de même plus de 130 millions d’euros, un montant qui n’est pas neutre pour nos finances publiques. Si l’Assemblée supprimait l’article, il faudrait donc un gage interministériel pour rétablir l’équilibre.
J’appelle les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », inscrits à l’état B.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 408 .
Cet amendement prévoit l’ouverture de crédits à hauteur de 22 millions d’euros pour prendre en charge les loyers du site d’Asnières-sur-Seine.
Le ministère de l’intérieur avait recherché de nouveau locaux pour accueillir les fonctionnaires supplémentaires de la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, dont on connaît l’importance stratégique. La solution retenue est le renouvellement de la prise à bail du site d’Asnières-sur-Seine, qui héberge actuellement la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Ce site sera libéré au départ de ces services qui rejoindront l’immeuble Garance, dans lequel le ministère regroupe plus de 1 300 postes et sept directions. Une négociation a permis d’obtenir une réduction significative de 28 % du loyer acquitté pour un bail ferme de neuf ans.
En conséquence, en vue de permettre au ministère de l’intérieur de signer ce nouveau bail, il vous est proposé de procéder à un abondement du programme no 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » d’un montant de 22 039 657 euros, qui correspond au loyer TTC consolidé sur neuf ans.
La parole est à M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Il s’agit pour l’État d’héberger les agents supplémentaires qui, dans le cadre de la politique que mène le Gouvernement, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, seront recrutés à la direction générale de la sécurité intérieure. L’administration a conduit une négociation fructueuse puisqu’elle a obtenu une réduction de près d’un tiers du montant du loyer.
La commission des finances n’a pas pu examiner cet amendement du Gouvernement. Cela dit, au regard des arguments avancés et de l’effet attendu, j’émets à titre personnel un avis favorable.
L’amendement no 408 est adopté.
Cet amendement vise à maintenir l’aide publique aux partis politiques au montant adopté en loi de finances initiale de 2014, soit 68,7 millions d’euros. L’amendement transfère à cette fin 10,3 millions d’euros du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » vers le programme « Vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Sans cet amendement, l’action « Financement des partis » connaîtrait une nouvelle baisse de 15 % par rapport à 2014 alors qu’elle a déjà été diminuée de près de 10 % dans la loi de finances de 2013 et de 5 % dans la loi de finances de 2012. Cela reviendrait à baisser les crédits de 25 % environ en trois ans, ce qui est tout de même énorme.
Le système actuel doit certes être amélioré, nous n’en disconvenons pas, mais la démocratie, de toute façon, a un coût. Pour qu’existe une vie démocratique, il doit y avoir un financement public des partis. Je le répète, ce coût demeure relativement réduit, 0,03 % des dépenses du budget général de l’État.
Il semble nécessaire de conserver les moyens alloués aux partis politiques, tout en renforçant les contrôles sur les recettes et les dépenses. C’est une exigence démocratique soulignée par de nombreuses institutions luttant contre la corruption car le financement public constitue la meilleure garantie contre les financements illégaux et occultes.
Lorsqu’il n’y avait pas un tel financement, certaines affaires ont tout de même défrayé la chronique. Des hommes politiques, et non des moindres, des trésoriers de parti par exemple, ont été condamnés à des peines d’inégibilité alors que le seul reproche qu’on pouvait leur faire, c’était d’avoir financé leur parti, sans aucune prise d’intérêts à titre personnel.
Le financement des partis doit donc être préservé. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a adopté cet amendement.
La parole est à M. Christophe Borgel, pour soutenir l’amendement no 334 .
La France s’est dotée tout au long des années quatre-vingt-dix d’une législation en matière de financement des campagnes électorales et des partis politiques qui avait une cohérence globale en encadrant et plafonnant les dons des particuliers, et en rejetant tout don de personne morale aussi bien pour les campagnes électorales que pour les partis politiques. C’était à la suite d’un certain nombre d’affaires concernant les partis politiques qui ont défrayé la chronique politique et judiciaire de notre pays. Il semblait cohérent de prendre en charge une partie du financement des campagnes électorales et de mettre en place un financement public des formations politiques.
Faire intervenir une nouvelle baisse cette année, telle qu’elle a été prévue dans le projet de loi de finances, reviendrait à mettre à mal cette cohérence.
Cela ne signifie pas pour autant que l’on ne doive pas faire d’efforts sur le financement des partis politiques comme sur l’ensemble du budget de la nation. C’est d’ailleurs pour cette raison que je n’étais pas intervenu sur ce sujet lors du débat sur la loi de finances l’année dernière : la baisse de 10 % qui avait alors été demandée me paraissait tout à fait logique. Cependant, aller plus loin viendrait remettre en cause un équilibre global.
Il y avait, dans notre débat en commission, un argument consistant à dire que la baisse n’était pas si importante que cela parce que la ligne n’est pas totalement consommée. En réalité, si elle ne l’est pas, c’est parce que la plupart des partis politiques doivent s’acquitter d’une amende, d’un montant plus ou moins important selon le cas – plutôt moins s’agissant du Parti socialiste auquel j’appartiens –, en raison de leurs manquements à la loi sur la parité. Un tel argument ne saurait donc justifier entièrement la baisse des crédits.
C’est un avis de sagesse, madame la présidente.
En matière de vie démocratique, il semble qu’il doive falloir concilier morale, contrôle et sobriété. Le financement public à proportion des résultats électoraux des formations politiques, en complément des dons de personnes privées déclarés et plafonnés, et à l’exclusion de tout autre financement en provenance de la sphère économique ou de toute entité de droit public ou privé, c’est la morale. Les lois de 1995 ont, de ce point de vue-là, représenté un apport qui fait aujourd’hui partie du consensus républicain.
Le dépôt des comptes des partis bénéficiant du financement public auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, c’est le contrôle. Sans doute faudrait-il le renforcer, à l’image de ce que nous avons fait avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, en lui conférant des pouvoirs d’investigation. Nous ne redoutons rien d’une telle extension de ce côté de l’hémicycle.
La sobriété, comme Christophe Borgel vient de le rappeler, c’est ce qui a déjà été fait par cette majorité, laquelle a diminué de 10 % les dotations en 2014, de même qu’elle a réduit de 50 à 47,5 % le taux de remboursement des dépenses réalisées dans le cadre des campagnes électorales. Aller au-delà remettrait en cause, me semble-t-il, le principe du financement public qui fonde aujourd’hui notre fonctionnement démocratique. Je soutiens donc l’amendement proposé et me réjouis de l’avis de sagesse donné par le Gouvernement.
Je me félicite également de l’avis de sagesse du Gouvernement. Un effort significatif avait déjà été demandé aux formations politiques, lors du vote du budget pour l’exercice 2014, avec une baisse de 10 % de leur financement. Quels que soient les éléments de l’exercice réalisé liés aux pénalités appliquées suite au non-respect des règles de parité par un certain nombre de formations, ce qui nous est proposé en l’état, c’est bien une baisse de 23 % des crédits budgétaires par rapport à l’exercice 2013. Les dotations étaient de 70,1 millions d’euros en 2013, alors qu’elles sont fixées dans le projet actuel à 58,3 millions d’euros. Aussi suis-je favorable à l’amendement à titre personnel.
Nous nous focalisons dans ce débat sur les dotations directes aux partis politiques, mais il ne faut pas oublier qu’il existe également une contribution indirecte au budget des formations politiques consentie par l’État, qui est la déduction fiscale liée aux dons et cotisations aux partis politiques.
Sans doute aurons-nous à travailler sur cette question. D’aucuns prétendent que l’opération d’appel aux dons, liée à l’invalidation du compte de campagne d’un candidat, était neutre pour le contribuable.
Or, d’après les informations que j’ai récemment obtenues de Bercy, par rapport à l’exercice 2012, la dépense fiscale au titre des réductions liées aux cotisations et aux dons a augmenté de 23 millions d’euros en 2013. Nous aurons sans doute l’occasion d’examiner ce sujet de près, mais en tout état de cause, il est faux de dire qu’une telle opération est neutre pour le contribuable.
Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », modifiés, sont adoptés.
L’article 45 est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 255 , 59 , 84 , 124 , 158 , 297 , 317 , 321 et 323 , qui visent à supprimer l’article.
La parole est à M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 255 .
L’article 46 vise à dématérialiser la propagande électorale pour les scrutins de l’année 2015. Comme les prises de parole successives à la tribune l’ont montré, cet amendement de suppression de l’article fait consensus sur tous les bancs de cette assemblée, même si je considère, à titre personnel, que la question de la dématérialisation doit être étudiée.
Comme M. le secrétaire d’État l’a en effet rappelé, la France est l’un des derniers pays européens à agir comme elle le fait. De fait, la propagande matérialisée a été supprimée dans un certain nombre de pays européens et les taux de participation n’en ont pas particulièrement souffert. Si le seul envoi au domicile de la propagande électorale permettait de résoudre le problème de la participation démocratique dans ce pays, nous aurions trouvé ici une solution miracle !
Pour autant, je considère que l’année 2015 n’est pas le meilleur moment pour tester une telle dématérialisation. En effet, le mode de scrutin pour les élections départementales a été modifié, de même que les circonscriptions électorales et les élections régionales. Il faut donc donner des explications à nos concitoyens, d’autant que les deux scrutins sont des scrutins locaux qui ne sont pas nécessairement relayés par de grandes campagnes nationales, contrairement aux élections législatives ou à l’élection présidentielle.
La parole est à M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 59 .
Mes arguments sont les mêmes que ceux de M. le rapporteur.
Je ne prendrai qu’un exemple concret : ma mère, qui a quatre-vingt-huit ans, ne dispose pas d’une connexion internet chez elle, ni même d’un ordinateur. Elle n’ira donc pas chercher la propagande dématérialisée. Vous me direz qu’elle a un fils député qui pourra la lui amener.
Sourires.
Certes ! Mais vous comprenez bien qu’elle n’est pas la seule dans ce cas.
En milieu rural, il est parfois difficile d’atteindre les 512 kilobits par seconde, ce qui expose à un temps de chargement beaucoup trop long. En outre, la fracture générationnelle y est importante, et nombreux sont ceux qui n’ont pas accès à internet. Pourtant, c’est aussi là que se trouvent les personnes les plus attachées à accomplir leur devoir civique. Il me semble qu’il faut tenir compte de ces situations particulières si l’on ne veut pas aggraver le problème, à défaut de pouvoir le régler.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l’amendement no 84 .
M. le secrétaire d’État disait que nous viendrions nécessairement, un jour, à la dématérialisation, mais je ne vois pas en quoi celle-ci est une nécessité. Dans le projet du Gouvernement, en effet, les professions de foi ne sont pas transmises aux électeurs par internet, alors que l’on aurait pourtant pu imaginer, à la rigueur, que ces derniers les reçoivent sur leur adresse électronique personnelle. Avec son système, il faudrait que l’électeur sache qu’il y a une élection, se renseigne, consulte le site de la mairie, etc. Une telle démarche aurait obligatoirement pour effet de réduire la participation électorale. Avant d’en venir à de telles extrémités, il faut donc mener une réflexion beaucoup plus profonde et attentive.
Pour ne citer que la Suisse, qui est un modèle de démocratie, il existe, dans le cas notamment des référendums, une information très approfondie. Nous gagnerions beaucoup à examiner ce qui est pratiqué là-bas.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement no 124 .
Le Gouvernement propose de supprimer l’envoi à domicile de la propagande électorale sous format papier pour les élections régionales, départementales et celles des assemblées de Guyane et de Martinique qui seront organisées l’an prochain. Les députés Front de gauche et, plus largement, du groupe GDR sont profondément hostiles à cette mesure qui créerait une rupture d’égalité entre citoyens et entre candidats et qui négligerait la valeur informative essentielle de ces documents.
Je le dis solennellement : une telle mesure contredit des décennies de pratique et contrevient à notre constitution qui prévoit que la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. D’autre part, les électeurs devraient aller chercher l’information eux-mêmes, alors même que 20 % des Français ne disposent pas d’une connexion internet. Vouloir supprimer l’envoi de la propagande électorale, c’est vouloir priver nos concitoyens des moyens d’éclairer leur vote, voire d’exercer ce droit de vote. Certes, l’envoi de ces imprimés a un coût, mais c’est le prix de la démocratie et la condition de l’exercice de la liberté d’opinion garantie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous serons donc pour la suppression de la suppression. Je voterai cet amendement.
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement no 158 .
C’est un moment important, puisque, d’après ce que j’entends et ce que j’ai lu des amendements présentés, voici venu le jour où le Gouvernement va être battu à l’unanimité de l’Assemblée !
Sourires.
Ce n’est que justice, car lorsque nous avons découvert l’article 46, nous nous sommes demandé ce qui avait bien pu passer par la tête des conseillers du Gouvernement pour proposer une telle mesure d’économie.
Comme cela a été très bien dit, internet n’arrive pas à pénétrer également toute la surface du territoire français et, par conséquent, l’information essentielle constituée par la profession de foi, qui est souvent le dernier document que l’électeur examine, ne pourra parvenir dans les meilleures conditions à tous les citoyens. Il faut maintenir la propagande électorale sous format papier. Je suis ravi que chacun ait su trouver les éléments de mobilisation pour susciter cette grande unanimité. Je suis d’ailleurs certain que le Gouvernement va naturellement reconnaître qu’il s’est trompé, qu’il s’en veut beaucoup et qu’il sera favorable à tous les amendements.
Ce n’est pas le genre du Gouvernement !
Sourires.
Un tel acte de contrition est souhaitable ; il ira donc à Canossa, sans même qu’on le lui reproche ! C’est la vie démocratique qui poursuit ainsi son oeuvre. Cela étant, il est important de conserver une propagande matérielle. Nous pourrons sans doute trouver des gisements d’économies dans l’organisation des élections, mais celle-ci n’était pas la bienvenue.
La parole est à M. Olivier Falorni, pour soutenir l’amendement no 317 .
Tous les arguments ont été donnés. Le groupe RRDP a déposé un amendement pour faire en sorte que l’on n’impose pas à ce pays, qui souffre de suffisamment de fractures, des fractures générationnelle, numérique et civique supplémentaires. C’est pourquoi nous souhaitons maintenir l’envoi sur papier des professions de foi à tous les électeurs. Cela ne permettra pas de lutter contre l’abstention mais de faire en sorte qu’elle soit un peu moindre ou qu’elle ne s’aggrave pas.
La parole est à M. Paul Molac, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 321 .
Je m’en voudrais de ne pas participer à ce grand moment de consensus national ! Ils sont si rares par les temps qui courent… De fait, quelle drôle d’idée ! Il faut vraiment être à la recherche d’économies à tous les étages…
Tout à fait !
…pour en venir là ! Les réductions de crédits n’ont pas besoin d’être mortifères, a fortiori pour notre démocratie, qui ne se porte déjà pas si bien.
Il ne faut en aucune manière supprimer la méthode traditionnelle d’information, et ce pour des raisons évidentes : internet ne couvre pas la totalité du territoire ; parfois, des personnes âgées ou malades ne peuvent accéder aux nouvelles technologies d’information et de communication ; ou, tout simplement, les familles dans le besoin n’en ont pas les moyens. Il faut adopter ces amendements identiques et l’UDI contribuera, à la place qui est la sienne, à ce grand moment de consensus national.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements identiques ?
De par mon côté parlementaire d’expérience, je me méfie de l’unanimité, car je me dis toujours : « Qu’est-ce que cela cache ? ». Je tiens donc à faire plusieurs remarques.
Tout d’abord, je pense que même si l’Assemblée décidait de ne pas franchir le pas, nous aurions tort de considérer qu’il n’y a pas d’avenir pour la mesure que le Gouvernement propose. Autant je suis un peu gêné quand j’entends l’argument du redécoupage, autant je crois que nous devrons aller vers ce type de pratiques – quitte évidemment à accompagner nos concitoyens qui ne seraient pas connectés à internet –, car elles correspondent à la modernisation, à la bonne gestion de l’argent public et au respect des problématiques environnementales. Que notre proposition semble à certains un peu trop précoce et pas complètement adaptée à la question du redécoupage et des nouveaux modes de scrutin, notamment pour les élections cantonales, c’est un argument que j’entends, mais nous aurions tort de fermer la porte à de telles innovations. Des collectivités territoriales pourraient d’ailleurs innover en la matière.
Enfin, ne nous reprochez pas de faire des économies : 130 millions d’euros, c’est tout de même un cinquième de la principale proposition d’économies de l’opposition, à savoir la suppression de l’aide médicale d’État… Ce n’est tout de même pas rien !
Je pensais que vous prendriez ma comparaison avec un peu d’humour, mais ce n’est pas le cas, je vois que vous êtes un peu tendus s’agissant des dépenses. Vous n’avez pas tort, d’ailleurs…
Cela étant, ne reprochez pas au Gouvernement de faire des propositions visant à la bonne utilisation des deniers publics : 130 millions d’euros sont une somme importante qui mérite d’être prise en considération.
Même si, en définitive, il appartient à l’Assemblée d’en décider, le Gouvernement maintient évidemment sa position et émet un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le secrétaire d’État, banco, allons-y : supprimons l’AME, il en résultera une économie cinq fois supérieure à celle qui découlerait de la suppression de la propagande électorale par voie postale.
C’est vrai qu’il ne faut jamais faire de l’humour en politique !
Sourires.
L’humour n’est pas seulement du côté du Gouvernement.
Il y a au moins deux raisons pour que ces amendements soient adoptés.
Tout d’abord, j’y vois une raison d’ordre général : la démocratie, chacun le sait ici, nécessite, pour bien fonctionner, un lien direct entre les électeurs et les candidats. Il ne faut pas supprimer ce lien direct, ni même l’atténuer de manière trop importante, sinon la démocratie en souffrirait. Nous connaissons déjà suffisamment de difficultés à cet égard.
Autre argument, dont vous avez d’ailleurs reconnu la pertinence : il va y avoir des modifications dans les élections départementales et régionales, et il n’est sans doute pas opportun de modifier le mode de propagande électorale en ce moment.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des arguments, ce sont des amendements transpartisans. Pour une fois que nous sommes tous d’accord, cela mérite bien qu’ils soient retenus et votés.
J’apporte mon soutien au secrétaire d’État. Je rappelle qu’il y a un an, nous avons eu exactement le même débat, puisqu’il s’agissait de supprimer la matérialisation de la propagande électorale avant les européennes.
Les collègues présents tenaient déjà à peu près le même propos, sur le thème : « Si on supprime les envois papier, il va y avoir une abstention massive aux élections européennes. Il faut absolument maintenir l’envoi des professions de foi par la poste, et vous verrez que la participation sera à la hauteur des espérances que chacun met dans une campagne électorale. » Puis-je rappeler que la participation a été de 43 %, soit 57 % d’abstentions ?
Je soutiens le Gouvernement, disais-je, et ce pour trois raisons. Tout d’abord, personne n’a jamais démontré l’intérêt des professions de foi reçues à domicile. Dans l’Union européenne, le secrétaire d’État l’a rappelé, il n’y a plus que deux pays, à part la France, qui pratiquent encore ainsi : la Lituanie, qui a deux millions et demi d’électeurs, et le Royaume-Uni, qui en a quarante-cinq millions, et on n’y constate pas une participation plus importante que dans les autres. Je crois donc qu’on pourra un jour franchir le pas.
Je sais que l’année prochaine, à l’approche de l’élection présidentielle, on dira que celle-ci est trop importante, et qu’il en sera de même pour les législatives… Personne ne voudra franchir ce pas. Mais il faudra tout de même le faire. Je sais bien que chaque fois que l’on change quelque chose, on éprouve une angoisse par rapport à l’avenir.
Je rappelle que lors de la modification du mode de scrutin pour les élections municipales, avec la suppression du panachage dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants – les fameuses rayures, ce qu’on appelait « le tir aux pigeons » –, on en disait pis que pendre, que cela allait très mal se passer, et qu’il n’en a rien été.
Et puis un dernier chiffre : il y a eu 55 % d’abstentions aux élections cantonales de 2011. Nous verrons bien si le fait de maintenir l’envoi à domicile de la profession de foi et du bulletin fera monter la participation, mais je ne le crois pas.
il est vrai que le remboursement des coûts d’impression et de frais d’envoi des circulaires officielles des candidats – je préfère ce terme à celui de « propagande », mais c’est sans doute une question de génération – revient à 130 millions d’euros pour les deux élections prévues en 2015, et que la plupart des pays ont mis un terme à ce système qui peut sembler d’un autre âge. Je comprends donc l’intention du Gouvernement. Une remarque tout de même : ce document est aujourd’hui le plus lu par les électrices et les électeurs durant une campagne électorale. Je pense par conséquent que ce n’est pas le bon moment, à l’occasion d’élections locales qui vont se dérouler dans le cadre de nouvelles délimitations et avec un nouveau mode de scrutin pour les départementales, d’engager cette réforme. Je pense aussi, comme le président de la commission des lois, qu’il faudra y venir, mais progressivement.
Au passage, je note que la possibilité de consulter les circulaires sur internet est un procédé intéressant pour les formations qui n’ont pas les moyens de les fournir sous forme papier à tous les électeurs et qui n’ont, de plus, aucune certitude d’obtenir un remboursement puisque celui-ci est conditionné à leur score au premier tour.
Et puis je pense qu’à l’élection présidentielle, où les citoyens n’ont pas besoin d’une circulaire – une double page en l’occurrence – pour connaître le nom des candidats ni pour se faire une opinion sur leurs propositions, on pourrait commencer à dématérialiser.
En tout cas, ce n’est un secret pour personne que le Gouvernement a engagé cette réforme depuis déjà plusieurs semaines. Le procès qui lui a été fait en la matière est donc autant excessif que le serait le fait de commencer immédiatement à supprimer les circulaires par voie postale. Je suis favorable à ces amendements de suppression.
J’entends les arguments de nos collègues. Il est difficile d’aller vite sur un tel sujet ; je pense aux élections prochaines, qu’il s’agisse des départementales, étant donné le changement de mode de scrutin, ou des régionales, avec le changement de la carte régionale. Ce n’est donc pas le meilleur moment, mais l’Assemblée nationale gagnerait à réfléchir à l’organisation des campagnes électorales.
L’argumentation développée à l’instant par le président de la commission des lois est assez fondée. Nombre de gens vont répétant que le document papier favorise la participation, mais je n’ai pas vu d’études ou d’enquêtes le démontrant. Je pense que la sagesse est de maintenir le dispositif existant pour 2015, mais de réfléchir sérieusement à la manière dont la puissance publique, au-delà des candidats et des formations politiques, pourrait mener des campagnes d’information et de mobilisation. À l’ère du numérique, avec les moyens de communication qui sont ceux d’une démocratie moderne, on doit pouvoir faire mieux pour la participation que l’envoi des professions de foi par courrier.
Au-delà du vote de ces amendements, le débat doit être poursuivi car s’en tenir au maintien du dispositif actuel en se contentant de voir l’abstention progresser d’élections en élections n’est pas une bonne manière de traiter le problème. Je nous invite tous à y réfléchir pour les échéances à venir.
Mes chers collègues, nous avons adopté des amendements, après un avis de sagesse du Gouvernement, sur le financement des partis politiques, rappelant ainsi qu’il y a un certain nombre de règles dont une au moins aussi importante que les autres, celle de la parité. Comme il y a eu sur les amendements dont nous débattons depuis maintenant vingt-cinq minutes au moins vingt interventions de députés uniquement masculins, j’ai voulu à mon tour m’exprimer, soulignant au passage une réalité importante de notre démocratie : les femmes s’abstiennent moins souvent que les hommes.
Il est clair que la sagesse devrait nous conduire à accepter, pour l’exercice 2015, ces amendements provenant de tous les bancs, en raison de la proximité des échéances électorales et parce que l’accès au réseau internet demeure marqué par la fracture du numérique, des générations et des territoires. Mais il serait tout de même tout à fait dommageable que nous restions un des derniers pays d’Europe à ne pas pouvoir faire un pas vers une nouvelle forme de démocratie. Il faut donc absolument que nous engagions un travail sur le sujet pour être un peu plus au rendez-vous d’une démocratie que nous voulons tous, le les uns et les autres, toujours plus positive et plus productive.
Je rappelle à M. le secrétaire d’État et à M. le président de la commission des lois que les Français ont de nombreuses interrogations sur leur emploi, sur leur niveau de fiscalité ; aussi, y ajouter aujourd’hui cette question, qui peut paraître relever de l’intendance au regard de leurs préoccupations, et ce alors même que le mode de scrutin va changer pour les élections départementales et que les régionales vont concerner des périmètres différents, me paraît inopportun. Cela relève du bon sens de remettre à plus tard une telle mesure. J’ajoute que j’ai même beaucoup d’interrogations sur le « plus tard ».
La raison en est peut-être que je suis élu d’une zone considérée comme périphérique et rurale. Quoi qu’il en soit, le sentiment d’appartenance à la collectivité nationale au moment des élections passe aussi par la lecture du papier. Je ne suis pas sûr que nous devions l’enterrer si tôt.
Applaudissements sur divers bancs.
Je partage ce que vient de dire mon collègue Jean Launay. Nous allons entrer dans une année électorale, avec des modifications très importante du scrutin cantonal et aussi avec l’apparition de la parité pour ce type d’élections. À cet égard, je souligne qu’il y aura de nombreux nouveaux élus, surtout des femmes. Par ailleurs, on change le format des régions ainsi que leurs compétences. Dès lors, modifier l’information électorale, cela ferait beaucoup de changements pour une seule année. Tous les groupes sont donc d’accord pour repousser une telle réforme.
Je souligne également le fait que dans la région Languedoc-Roussillon, nous distribuons chaque année 30 000 ordinateurs à 30 000 nouveaux élèves de classe de seconde – en lycée professionnel, technologique ou d’enseignement général.
Or un jeune sur quatre n’a jamais eu d’ordinateur familial entre les mains et n’a utilisé que des ordinateurs du lycée. C’est d’autant plus important de le souligner qu’il s’agit de jeunes âgés de 16 à 20 ans : cela prouve que la fracture numérique existe encore.
Certes, elle se réduit, et l’on peut penser qu’à l’occasion d’élections, présidentielles ou législatives, de portée nationale, la publicité sera faite par l’intermédiaire des chaînes publiques et privées de rayonnement national. Mais en l’espèce, il nous semble que cela ferait trop de changements en une année ; mieux vaudrait revenir en arrière. Nous maintenons par conséquent notre proposition de conserver la propagande électorale en l’état.
Enfin, il serait bon de remplacer le terme de « propagande » : ce n’est pas un joli mot !
Je vais d’abord expliquer pourquoi je ne souhaite pas aller dans le sens du Gouvernement.
La question de la dématérialisation des scrutins électoraux va au-delà de l’envoi de documents de propagande en papier à chaque électeur. Si l’on veut la soulever, il convient d’aller jusqu’au bout, et d’ouvrir aussi le champ des possibles en matière de vote électronique – sujet qui viendra inévitablement un jour en débat dans l’hémicycle. Derrière la question de la propagande sur papier, il y a ainsi celle de la dématérialisation du scrutin à proprement parler.
Ensuite, il faut bien admettre que certains territoires ruraux ne disposent pas encore d’accès à internet à haut débit. Par exemple, dans le département de l’Ardèche, il existe des zones dites « blanches » ou « grises » – peu importe leur nom – où l’on n’a pas accès à internet. Beaucoup de personnes âgées, notamment, en sont privées, alors que ce sont elles qui lisent le plus la propagande électorale.
Peut-être pourrait-on, en seconde lecture, trouver des solutions intermédiaires entre ce que préconise le Gouvernement et ce que souhaitent la grande majorité des députés ? Est-il vraiment nécessaire, par exemple, d’envoyer un bulletin de vote à chaque électeur, alors qu’on en trouve sur les tables de tous les bureaux de vote ? On pourrait en faire l’économie !
D’autre part, pour bénéficier du remboursement des frais de campagne, il faut aujourd’hui obtenir au moins 5 % des suffrages exprimés : ne pourrait-on pas envisager de relever ce seuil à 10, 12 ou 15 % ? En tout cas, le débat mériterait d’être ouvert.
À l’évidence, c’est un débat qui passionne ! La question n’était donc peut-être pas aussi simple que l’unanimité spontanée pouvait le laisser penser… Chacun est attaché à ce qui existe aujourd’hui et exprime, d’une certaine manière, sa peur du lendemain. Or je pense, vu ce qui existe dans d’autres pays européens, l’évolution de la société et la demande de nos concitoyens, qu’il faudra bien aller un jour vers un système dématérialisé.
Toutefois, je suis sensible à plusieurs arguments qui ont été exposés. On pourrait notamment examiner la possibilité d’une technique « push », c’est-à-dire que l’on reçoive chez soi une proposition globale présentant les différentes professions de foi, sans avoir à aller visiter de sa propre initiative les sites des candidats. Encore que… Certains d’entre vous, qui professent, selon une conception très libérale, la responsabilité extrême des individus, pourraient s’interroger : le citoyen est-il incapable de se prendre en main au point d’ignorer que, lorsqu’il y a des élections, il lui suffit de cliquer pour lire les professions de foi des candidats dans sa circonscription ?
Votre assemblée a adopté la semaine dernière une mesure très importante, qui permettra de rapprocher les fichiers sociaux et les fichiers fiscaux, ce qui était impossible jusqu’alors, en vertu d’une interdiction mentale que nous nous étions imposée au nom du respect des libertés. Dans un objectif d’efficacité des politiques publiques, nous avons décidé de la lever. Cela signifie que notre attitude change à l’égard des fichiers, y compris de ceux qui recensent des citoyens. Il serait bon d’entamer une réflexion pour savoir si, dès lors qu’il nous faudrait aller vers des systèmes voués à fournir de l’information aux citoyens, la collectivité publique ne devrait pas s’engager dans la constitution de fichiers de ce type, avec toutes les garanties démocratiques, notamment en matière de libertés individuelles, que cela impliquerait. Je laisse les membres de votre assemblée examiner, soit individuellement, soit collectivement, cette possibilité.
En tout état de cause, il me paraît incontournable d’aller un jour ou l’autre vers la dématérialisation de la propagande électorale. Je crains qu’en refusant de l’envisager, on ne soit à côté de la plaque !
Monsieur le secrétaire d’État, permettez à un élu rural de tempérer un peu votre ardeur. Le rapport entre, d’une part, le croisement de fichiers afin de lutter contre les fraudes aux prestations sociales et, d’autre part, la dématérialisation des professions de foi est quand même indirect !
Surtout, puisque vous être chargé des relations avec le Parlement, permettez-moi de faire le lien avec le débat que nous aurons dans quelques heures sur l’aménagement du territoire et la réduction de la fracture numérique. Je suis, comme d’autres, élu d’un territoire rural – la Puisaye – qui, pour ses deux tiers, ne possède pas d’accès à internet. Excusez-moi, mais il est complètement délirant de penser qu’aujourd’hui, en 2014, le citoyen éclairé ira spontanément et aisément chercher une information électorale sur internet, alors que la France est si en retard en matière d’aménagement du territoire, notamment pour ce qui est de la réduction de la fracture numérique. Allez au-delà du périphérique, monsieur le secrétaire d’État !
J’ajoute que cela fait des années que cette proposition, aujourd’hui reprise par le Gouvernement, nous est présentée : c’est un marronnier administratif, une idée provenant des services du ministère de l’intérieur, qui cherchent des économies à réaliser – ce qu’on peut comprendre. Toutefois, il nous appartient à nous, politiques, de mettre un peu de bon sens dans cette affaire !
Le fait qu’il existe, dans d’autres pays européens, des expériences de ce type nous est complètement indifférent. Nous pouvons légitimement définir ici, à l’Assemblée nationale, une manière française de concevoir les campagnes électorales de manière transparente et démocratique, en donnant à chacun le même accès à l’information : c’est aussi cela, l’égalité.
Applaudissements sur divers bancs.
Je voudrais dire à M. Larrivé, qui n’a pas assisté à l’ensemble de nos échanges, que, premièrement, 84 % des Français ont déjà accès à internet, …
…deuxièmement, que, s’il avait un combat à mener, il devrait porter moins sur les circulaires que sur la nécessité de rendre internet accessible à l’ensemble de la Puisaye – c’est en tout cas le conseil que je lui donne –, …
…enfin, que la comparaison avec ce qui se passe en Europe vise, non pas à édicter une norme s’imposant à nous, mais à éveiller, sur ce sujet comme sur tant d’autres, l’imagination des parlementaires et des responsables des politiques publiques.
Nous avons terminé l’examen de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’action extérieure de l’État (no 2260, annexes 1 et 2 ; no 2261, tome I ; no 2263, tomes I et II).
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de vous présenter le projet de budget de la mission « Action extérieure de l’État ». Celui-ci a été construit dans un triple objectif : participer au redressement de notre économie, en mettant l’accent sur les moyens de renforcer l’attractivité de notre territoire ; préserver la capacité d’action d’un ministère connu pour être celui des crises, à un moment où elles ne manquent pas sur la scène internationale ; enfin, contribuer aux économies budgétaires, à raison du poids de ce ministère dans le budget de l’État.
Le projet de loi de finances pour 2015 entérine le nouveau périmètre du ministère des affaires étrangères et du développement international. L’attractivité de la France et le redressement de notre économie dépendent à la fois de notre image, de la santé de notre économie, de notre rayonnement culturel, de notre promotion touristique et de notre capacité à délivrer des visas dans des délais et des conditions raisonnables. Nous allons faire mieux travailler ensemble les réseaux et les opérateurs chargés de ces politiques. Par ailleurs, nous allons préserver intégralement les moyens d’influence culturelle, qu’il s’agisse des dotations aux instituts français et aux alliances françaises ou des bourses de mobilité étudiante, et renforcer les capacités des services des visas, dans un contexte de hausse constante et durable de la demande, en particulier dans les pays émergents.
Le projet de loi de finances pour 2015 est également attentif aux missions consulaires. Il marque une étape importante en matière d’aide à la scolarité. L’enveloppe allouée aux bourses atteint le niveau auquel s’était engagé le Président de la République : 125,5 millions d’euros, distribués de façon plus équitable, comme on peut le constater après une année de mise en oeuvre du nouveau système d’octroi des bourses. Le Quai d’Orsay s’attache en outre à moderniser l’action consulaire et à simplifier les rapports des usagers avec l’administration, dans l’esprit du « choc de simplification » souhaité par le Président de la République.
e budget, enfin, témoigne de l’adaptation du ministère aux enjeux du XXe siècle. Nous avons fait le choix de préserver l’universalité de notre réseau diplomatique – dont la France peut être fière. Dans le même temps, nous veillons à différencier notre présence et nos modes d’action en fonction de nos priorités. Nous opérons des redéploiements, à partir d’une réduction des formats dans certains pays à grand réseau et de la transformation d’un certain nombre d’ambassades en postes de présence diplomatique au format plus réduit. Sur le triennum 2013-2015, tout en respectant son schéma d’emplois, le ministère des affaires étrangères et du développement international redéploiera ainsi non moins de 300 emplois vers les pays émergents.
Dans le cadre de cette réforme, il importe de préserver les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique et consulaire. L’augmentation de 2 % qui vous est proposée est nécessaire pour faire face à la hausse des coûts de l’énergie et des loyers. D’autre part, dans le contexte international actuel, il paraît essentiel de préserver les crédits relatifs à la sécurité ; c’est le cas dans le budget qui vous est proposé. Comme vous le savez, le ministère des affaires étrangères et du développement international consacre à la sécurité un montant additionnel de 10 millions d’euros, provenant de ses cessions immobilières : c’est l’un des avantages du maintien de la règle dérogatoire en matière de retour des produits de cessions, qui permet également d’effectuer les constructions et les rénovations lourdes indispensables si l’on veut disposer d’un patrimoine adapté à une diplomatie moderne.
Dernier élément marquant, la mission « Action extérieure de l’État » comprend cette année un quatrième programme, qui regroupe les dépenses liées à la préparation et à l’organisation de la conférence « Paris Climat 2015 », que la France accueillera du 30 novembre au 11 décembre 2015. Il s’agit d’un événement diplomatique majeur, dont l’enjeu est immense : faire entrer notre planète dans un nouveau modèle de développement, porteur de transition écologique et de croissance verte, afin d’enrayer le changement climatique. La création d’un programme budgétaire spécifique assurera au Parlement une meilleure lisibilité et permettra le suivi rigoureux des crédits nécessaires à l’organisation de cette conférence, qui n’accueillera pas moins de 50 000 participants venus du monde entier.
Voilà, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, la logique qui sous-tend le projet de budget de la mission « Action extérieure de l’État », lequel est, comme vous le constatez, à la fois économe, cohérent et ciblé. Il dote le ministère des affaires étrangères et du développement international des moyens de remplir sa mission, tout en s’adaptant aux enjeux du XXIe siècle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.
La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les parlementaires, les crédits de l’action extérieure de l’État fixent des objectifs ambitieux dans le contexte contraint que l’on connaît. Pour conserver le statut de puissance d’influence de la France dans le monde, priorité affichée par le Gouvernement, vous proposez de réduire le budget de nombreux programmes et de réorienter la présence française vers de nouvelles sphères d’influence.
Je tiens à vous livrer quelques inquiétudes que m’inspire la lecture de ce bleu, et un souhait plus profond.
Il me semble regrettable que le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » soit évalué en se fondant sur la présence des Français dans les institutions ou l’usage de la langue française au sein de celles-ci. Dans le cas, par exemple, de l’Union européenne, ce type d’évaluation favorise une méthode de travail intergouvernementale où les uns sont en concurrence avec les autres, alors que le projet politique de l’Europe nous appelle à une méthode plus solidaire. Quand les objectifs de l’action de la France en Europe l’incitent à une course aux postes de commissaire au détriment du fond politique, c’est l’ensemble du projet européen qui est mis en danger. L’élection de Miguel Cañete au poste de commissaire européen en charge de l’énergie et du climat restera un triste exemple de cette logique.
Il est tout aussi regrettable de voir le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger diminuer sans qu’il soit fourni d’explication approfondie. Dans une autre mesure, l’accès des Français résidant à l’étranger à nos services publics est parfois très difficile, et une évaluation des organismes privés à qui l’État sous-traite les missions concernées, notamment des missions sociales, pourrait aussi favoriser utilement leur accessibilité.
Par ailleurs, je note que le poids du ministère des affaires étrangères est renforcé. Il avait déjà intégré gestion du commerce extérieure, et le tourisme devient une nouvelle composante de son action. S’il manquait effectivement un pilotage stable de notre politique touristique, cette concentration des missions m’interpelle et je m’interroge sur sa finalité objective.
Au-delà de ces questions importantes, je tiens à faire une digression pour exprimer un souhait qui concerne la nouvelle ligne de crédits dédiée à l’organisation de la conférence Paris Climat 2015. Au lendemain de la conférence de Lima, qui débutera le 14 décembre prochain, la France va présider les négociations internationales relatives au climat et, vous devez vous en convaincre, un accord issu de la conférence Paris Climat 2015 peut représenter un événement majeur pour ce XXIe siècle débutant.
Il peut représenter un événement majeur car un véritable accord international contraignant sur le réchauffement climatique concernerait toutes les sphères de notre société et aurait des effets positifs pour l’environnement, l’économie, notre santé. Mieux, d’un point de vue sociétal, il nous redonnerait des raisons de croire en l’avenir, en nous permettant d’imaginer un monde meilleur pour les générations futures.
Alors, nous pouvons nous réjouir que des fonds soient alloués, en conséquence, à l’organisation de cet événement dont le succès est un impératif, mais cet engagement appelle le Gouvernement, la France et le projet européen à plus de cohérence idéologique, une cohérence qui doit se traduire par l’exemplarité et par la mobilisation immédiate de toutes les forces pour favoriser la transition. La France peut d’abord montrer l’exemple en mettant en application le plus rapidement possible la loi de transition énergétique qui a été adoptée en première lecture au début du mois par l’Assemblée nationale. Cela implique de mettre fin aux allers-retours incessants sur l’écologie parce que celle-ci est une solution qui permettra de sortir effectivement de la crise.
Vendredi dernier, l’Union européenne a adopté un paquet climat énergie qui engage une réduction louable des émissions de gaz à effet de serre mais dont les objectifs en termes d’économie d’énergie et de déploiement des énergies renouvelables ne sont pas encore à la hauteur. La France peut – et même doit, dirai-je – envoyer un signal fort en militant auprès de la Commission européenne pour des objectifs plus ambitieux et en demandant à ce qu’enfin le coût du carbone soit réévalué !
Enfin, si le Président de la République avait fait de la jeunesse la priorité de ce gouvernement, celle-ci est aujourd’hui dans la rue et s’indigne de l’indifférence avec laquelle elle est traitée. C’est le cas ici en France, avec la lutte contre les grands projets inutiles, mais dans d’autres mesures partout dans le monde, à Ouagadougou, Hong Kong et dans toutes les villes où elle pèse ou a pesé de tout son poids pour espérer un avenir meilleur.
La COP 21 peut devenir l’accord qui fédère toute la jeunesse pour une raison simple : les jeunes, plus que tout autre, perçoivent le danger de la finitude du monde. En lançant des consultations nationales et internationales, en fédérant les réseaux de jeunes engagées pour la transition de notre monde, vous avez les clés pour faire de la France un acteur d’influence qui favorise la coopération à tous les niveaux : en défendant par l’exemplarité et par la volonté un avenir commun pour toute l’humanité, en fournissant des clés d’émancipation et d’espoir à la jeunesse du monde, en traçant la voie d’une autre politique.
La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’Etat, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, la mission « Action extérieure de l’État », sur laquelle nous sommes amenés à nous prononcer aujourd’hui est un enjeu aux facettes multiples. Elle concerne en effet aussi bien les moyens attribués à nos ambassades, …
…que l’action menée par les consulats en direction des Français de l’étranger, ou pour l’instruction des demandes de visas, notamment pour les étudiants. Cela étant, il s’agit avant tout de renforcer l’attractivité de notre pays en lui en donnant les moyens nécessaires.
Le projet de loi de finances pour 2015 est globalement positif pour cette mission. Ses moyens, en légère augmentation par rapport au budget 2014, s’élèvent à près de 3 milliards d’euros. Cependant, c’est là une évolution en trompe-l’oeil puisqu’au moins deux facteurs expliquent cette augmentation des crédits. D’une part, le champ des compétences du ministère des affaires étrangères a été étendu et il inclut le tourisme et le commerce extérieur depuis le mois d’avril 2014. D’autre part, la France organisera, à la fin de l’année 2015, la conférence Paris Climat 2015, conférence des parties de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Alors, certes, cette conférence a vocation à aboutir à des décisions importantes et contraignantes, afin de contenir le réchauffement climatique à deux degrés Celsius, enjeu majeur, et le groupe RRDP se félicite de la tenue d’une telle conférence dans notre pays, mais, si l’on retire les crédits alloués à ce programme 341 « Paris Climat 2015 », alors nous constatons que les crédits alloués à la mission « Action extérieure de l’État » sont en baisse.
Ainsi, les crédits du programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », connaissent une baisse significative : ils passent de 1,848 milliard d’euros à un peu moins de 1,8 milliard d’euros, soit une baisse de 2,6 % entre les projets de loi de finances initiale pour 2014 et pour 2015. Mes collègues du groupe RRDP et moi-même ne pouvons pas nous réjouir de cette situation, mais nous sommes conscients qu’il est nécessaire de bâtir un budget qui participe à l’effort général de réduction des dépenses publiques dans un contexte économique et financier contraint. Ainsi, le programme 105, en dépit de la baisse de ses crédits, demeure, de loin, le principal volet de la mission « Action extérieure de l’État ». Les crédits de ce programme représentent en effet 38 % des crédits, ce qui représente près de la moitié des emplois du ministère. Ces moyens restent donc importants et ont vocation à contribuer au redressement économique de la France. Le groupe RRDP appuie en effet le choix fait par le ministre des affaires étrangères depuis le mois d’avril 2014, de considérer le commerce extérieur comme un axe de travail fondamental de son ministère. Cette diplomatie économique devrait avoir pour effet de renforcer l’attractivité de la France.
Force est de constater que ce quinquennat est marqué par une action soutenue en matière de diplomatie économique. Cette direction qui est donnée à la politique extérieure de la France a en effet déjà été prise avec l’adoption de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale du 7 juillet dernier. Au demeurant, je tiens à saluer l’excellent travail effectué par la secrétaire d’État au développement et à la francophonie, notre ancienne collègue Annick Girardin, qui, il y a peu, siégeait dans cet hémicycle sur les bancs du groupe RRDP.
Assurément, l’action de la France en matière de diplomatie est la bonne. Autre point de satisfaction, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » alloue de nouveaux crédits au développement international et au tourisme pour plus de 30 millions d’euros. Ce programme concerne cependant principalement l’ensemble des crédits destinés au service d’enseignement français à l’étranger, et regroupe l’ensemble des moyens octroyés aux politiques culturelles, linguistique, universitaire et scientifique. Un pays comme le nôtre, qui oeuvre à promouvoir son attractivité, ne peut que se féliciter du nombre croissant d’étudiants étrangers inscrits en master ou en doctorat de l’enseignement supérieur français. Ils étaient 127 468 en 2012 ; ils seront 133 000 en 2015. La France a retrouvé son troisième rang de pays d’accueil d’étudiants étrangers, et c’est une excellente nouvelle.
Monsieur le ministre, l’action extérieure de la France repose sur trois grands piliers : l’économie, la culture, la recherche. Hasard ou traduction d’une dynamique ? Notre pays a connu, en cette année 2014 sur la scène internationale, la gloire dans ces trois domaines avec l’attribution des prix Nobel d’économie et de littérature et de la très prestigieuse médaille Fields de mathématiques. C’est en tout cas la preuve que la France continue à occuper une place importante sur l’échiquier mondial. Mes collègues du groupe RRDP et moi-même vous faisons confiance pour poursuivre cette oeuvre et nous voterons donc la mission budgétaire que vous nous présentez aujourd’hui.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2015 traduit l’austérité réclamée par Bruxelles et les marchés financiers, avec une réduction des crédits de 17 millions d’euros par rapport à l’an dernier. Vous prévoyez une baisse de 3 % entre 2015 et 2017 des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », pourtant essentielle pour nos compatriotes français de l’étranger et pour le rayonnement de notre pays. La politique menée par le Gouvernement ne va pas aller dans le sens réclamé par nos compatriotes, qui ont voulu le changement en 2012. Il n’y a donc aucune rupture avec la droite. Les moyens humains et financiers du ministère des affaires étrangères et du développement international continuent de diminuer. La révision générale des politiques publiques, projet phare de Nicolas Sarkozy, visant à détruire nos services publics, avait fait perdre au ministère plusieurs centaines d’emplois par an pendant cinq ans ; 450 emplois supplémentaires seront supprimés dans le cadre de la modernisation de l’action publique, qui succède à la RGPP, pour la période 2013-2015.
C’est un abaissement de notre ambition diplomatique, avec une mise à mal du principe d’universalité du réseau de nos ambassades à travers le monde, une politique qui se traduira par un réseau à plusieurs vitesses. En effet, nos ambassades sont désormais classées en trois catégories. Sur nos 162 ambassades, 13 auront un format très allégé, dont le personnel sera réduit à 4 agents. De même, une nouvelle vague de 12 ambassades en format réduit a été annoncée. Ces réductions de format expliquent un tiers des 600 suppressions de poste entre 2013 et 2015 dans les ambassades.
Par ailleurs, votre budget s’inscrit dans une casse du service public, du service public que les Français de l’étranger sont en droit d’exiger. Nous constatons en effet que la fermeture des antennes de consulat hors des capitales est prévue au motif d’une rationalisation. Les Français vivant à l’étranger apprécieront ! Je rappelle que leur nombre est en hausse de 3 % par an et que les demandes de visa sont en hausse de 8 % par an. Nous pouvons légitimement craindre l’abandon de certaines missions consulaires. Nous ne pensons pas que la dématérialisation des procédures, qui paraît une bonne chose du point de vue du traitement des demandes, justifie la baisse des moyens humains des consulats. Si le principe de l’adaptation du service public nous impose de réfléchir à l’évolution de l’administration, notamment à la révolution numérique, il est inacceptable que cette dématérialisation s’opère au détriment de la sécurité des données et de la présence humaine. Il est à noter, d’ailleurs, que la dématérialisation de certaines procédures liées à l’état civil est lancée sans que les avis de la CNIL et du Conseil d’État aient été sollicités.
En ce qui concerne la conception des visas, nous observons un recours accru au secteur privé pour le recueil des données biométriques. Nous réitérons nos mises en garde sur ce point. Il s’agit d’une nouvelle atteinte aux missions régaliennes des consulats. La CNIL, en 2009, avait émis de sérieuses réserves sur ces privatisations qui jouent avec la sécurité des données de nos ressortissants. Dans certains pays, des entreprises prestataires ont proposé un service de première classe, pour ceux qui avaient les moyens pour obtenir leur visa plus vite. Où est l’égalité de traitement des citoyens, principe essentiel du service public ? Notons aussi la hausse prévisible des coûts de gestion, liée aux externalisations, qui peut atteindre 50 % et qui nourrit les marges des entreprises, et rappelons que la délivrance des visas avait rapporté 78 millions d’euros à l’État en 2011 ; c’est un manque à gagner.
Le projet qui nous est présenté est également synonyme de démantèlement de la culture française à l’international, avec la destruction du réseau culturel. Les syndicats s’alarment de la fermeture d’une vingtaine d’antennes culturelles d’ici à 2015. Déjà, nous constatons un manque cruel de moyens des centres culturels. Nous regrettons en outre une grande confusion quant à l’organisation générale des acteurs culturels à l’étranger. En 2010, la loi sur l’action extérieure avait créé l’Institut français, regroupant les centres culturels français et les services culturels des ambassades. Repoussé au mois d’octobre 2013, ce regroupement n’est pas concluant en raison des charges supplémentaires qui font suite à ces privatisations de la culture.
Les députés communistes et du Front de Gauche – je n’étonnerai personne en vous le disant – appellent à voter contre les crédits de la mission action extérieure de l’État.
La parole est à M. Philippe Baumel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’Etat, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’associe à cette intervention mon collègue François Loncle – lui et moi sommes les deux rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères sur la mission « Action extérieure de l’État ».
L’exercice auquel s’est livré le ministère des affaires étrangères dans la préparation du budget pour 2015 était particulièrement délicat : il s’agissait de redresser les comptes publics tout en préservant les moyens indispensables au bon fonctionnement de notre diplomatie dans une période où les crises se succèdent sur la scène internationale. Cela s’est révélé particulièrement difficile.
En vérité, le budget présenté par le ministère des affaires étrangères est économe. Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » s’élèvent ainsi à 2 962 millions d’euros, soit une légère augmentation – de 0,44 % – par rapport à l’année passée, due notamment à l’organisation de la conférence Paris Climat 2015. Ce budget préserve très clairement la faculté de financer des priorités et des objectifs cohérents.
Dans le détail, les crédits du programme 105 « Diplomatie générale » s’élèvent à 1 799 millions d’euros, soit une baisse de 2,61 % par rapport à la loi de finances pour 2014. Cette diminution recouvre des évolutions contrastées. Plusieurs points me semblent devoir être soulignés : la réorganisation stratégique de notre réseau diplomatique, le maintien de son universalité et une gestion dynamique des cessions immobilières.
Comme les années précédentes, ce projet de loi de finances sauvegarde les moyens dédiés au réseau des ambassades. La priorité sera donnée aux moyens de financement du réseau diplomatique : les crédits correspondants s’élèveront à 224 millions d’euros, soit une hausse de 1,5 %. Je rappelle qu’ils ont déjà été augmentés de 5,5 % par la loi de finances pour 2014. L’essentiel de ces moyens supplémentaires sera affecté aux dépenses de sécurité. La priorité donnée les années précédentes à la sécurité du réseau sera ainsi poursuivie. Les dépenses concernées ont fortement augmenté les années précédentes, notamment en 2014, où elles ont crû de 28 %. L’augmentation prévue pour 2015 est de 2,2 % : elle est certes plus faible, mais permet de maintenir le haut niveau de crédits atteint l’année précédente, soit 42,7 millions d’euros.
Cet effort répond à l’actualité : dans ce contexte, notre réseau diplomatique est adapté, réorganisé, redéployé stratégiquement vers nos zones géographiques prioritaires, tout en conservant son universalité. Au-delà, il est à noter qu’un effort spécifique pour les personnels les plus modestes sera poursuivi cette année encore.
Pour ce qui concerne le parc immobilier, le ministère des affaires étrangères poursuit une politique dynamique, marquée par des cessions de biens qui permettent de financer les grands programmes immobiliers nécessaires pour nous doter de locaux diplomatiques adaptés et sécurisés.
S’agissant de l’aide à la scolarité et des bourses, ce budget marque une étape importante. Le Président de la République souhaitait rendre le système plus juste et plus équitable : il s’était engagé à porter l’enveloppe de crédits à son niveau de 2012, lorsqu’il avait été mis fin au dispositif de prise en charge. Il faut souligner qu’aujourd’hui, ces deux objectifs ont été atteints.
Le nouveau système d’octroi des bourses est en vigueur depuis un an : les résultats montrent que la ventilation des crédits est plus équitable, que la progressivité des bourses est meilleure, et surtout que les inégalités de traitement constatées entre familles vivant dans des pays différents sont corrigées. Par ailleurs, l’enveloppe prévue par le projet de loi de finances 2015 est de 125,5 millions d’euros : cela correspond à ce qui avait été programmé en loi de finances pour 2012 par le précédent gouvernement. L’effort budgétaire est donc le même ; de plus, il est mieux réparti en fonction des besoins de l’ensemble de nos compatriotes expatriés.
Depuis 2012, nous voulons clairement mettre la politique des visas au service de la croissance économique et de l’attractivité de la France. Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été adoptées pour renforcer les services chargés des visas. Par ailleurs, un plan d’action pour une gestion plus fluide des visas a été mis en place. Un dispositif de délivrance des visas en quarante-huit heures est expérimenté en Chine. Enfin, la gestion des visas pour études – qui représentent une source essentielle d’attractivité – a connu des progrès incontestables, qui ont permis à la France de retrouver son rang de troisième pays d’accueil.
Enfin, le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » s’élève à 745,5 millions d’euros. Les moyens d’influence culturelle sont globalement préservés. Si la dotation des opérateurs diminue de 2 % – comme celles de tous les opérateurs de l’État –, cette diminution est moindre que celle de l’an passé. Les moyens du réseau culturel et des actions prioritaires comme les bourses sont quant à eux stabilisés.
Je terminerai en rappelant que 187 millions d’euros seront affectés, sur deux exercices budgétaires, à l’organisation de la conférence Paris Climat 2015, dont 43 millions dès l’année 2015. L’importance de cet événement n’échappe à personne. Cette réunion sera l’une des plus grandes conférences sur le climat jamais organisée, afin de progresser vers un accord international qui engagerait tous les grands pays émetteurs de gaz à effet de serre. Il est urgent de relever le défi du changement climatique : ce budget y contribuera. Je vous incite à le voter sans réserves.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’Etat, mesdames et messieurs les députés, mon intervention portera sur trois des quatre programmes de la mission « Action extérieure de l’État ».
Tout d’abord, le programme 105 : il est surprenant, pour ne pas dire stupéfiant, de constater que les crédits de l’action « Coopération de sécurité et de défense » baissent de près de 4 %. Notre collègue Alain Marsaud, grand spécialiste de cette question, a d’ailleurs déposé un amendement afin de rétablir le montant des crédits. Cette coupe est d’autant plus incompréhensible qu’elle rompt avec les ambitions sécuritaires de la France dans un contexte international instable et incertain. La France doit maintenir son rang au niveau diplomatique, dans les organisations internationales, les conférences et les autres grandes rencontres pour que son influence ne fléchisse pas, et ainsi prévenir les conflits.
Alors que les opérations de maintien de la paix et les interventions militaires se multiplient, il est également important que la mise à niveau des dispositifs de protection de nos compatriotes et de nos biens à l’étranger ne pâtisse pas de cette baisse de crédits.
Nous proposons une piste pour éviter de rogner les crédits de cette action, sans pour autant modifier le montant global de l’enveloppe budgétaire. À maintes reprises, dans chacune des deux chambres de notre Parlement, des voix se sont élevées pour demander une réduction des postes d’ambassadeurs thématiques. M. le ministre des affaires étrangères envisage-t-il de réduire leur nombre ? Cela relève de sa seule compétence, car ils sont nommés par une simple note de service, et non en conseil des ministres comme l’exige l’article 13 de la Constitution.
Supprimer ces postes d’ambassadeurs thématiques ou réduire leur nombre serait une piste à étudier pour permettre de maintenir les crédits dédiés à la coopération de sécurité et de défense.
Que dire, en outre, des effectifs sans affectation du ministère ? Le Gouvernement n’hésite pas à demander aux familles des efforts considérables : ne soyez pas frileux, demandez aussi des efforts à vos hauts cadres, n’hésitez pas à les mettre à contribution.
J’en viens au programme 185 : « Diplomatie culturelle et d’influence ». Ainsi que le souligne Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, cela fait cinq ou six ans que le milieu de la diplomatie culturelle et d’influence est sous le coup des réformes. Il convient à présent de s’interroger sur les objectifs à moyen et long terme, et non à court terme. Une grande réforme a été lancée avec la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État. Elle s’est concrétisée dès janvier 2011 par la création de France expertise international, de l’Institut français, puis de Campus France. Pour des raisons que je ne me permettrais pas de qualifier d’idéologiques, cette réforme fut remise en cause. À titre d’exemple, une expérimentation de deux ans avait été prévue pour l’Institut français. Or neuf mois après sa mise en oeuvre, cette expérimentation était déjà condamnée par un rapport : cela n’a pas aidé la réforme à se poursuivre correctement !
Nous constatons que le réseau culturel est toujours en questionnement et que les opérateurs ne sont pas stabilisés, bien que vos services aient indiqué qu’il était indispensable de le faire. Comment peut-on évaluer un opérateur dont les orientations et les moyens ne cessent d’être modifiés ? Les incessantes fusions, les nouvelles structures rendent notre action culturelle extérieure illisible et l’affaiblissent. Nous souhaitons que les réformes aient maintenant le temps d’aller à leur terme et de produire leurs effets pour que nous soyons en mesure d’établir un bilan approfondi. Nous prônons donc de cesser pour quelques années les fusions et rattachements.
Nous ne pourrons cependant pas nous passer d’une réflexion de fond. Il faudra trancher la question suivante : faut-il privilégier des agences, ou donner aux ambassadeurs l’autorité nécessaire pour promouvoir le rayonnement de la France sous tous ses aspects dans leur circonscription ? M. Fabius a en partie répondu à cette question en commission élargie. Il a en effet indiqué que les ambassadeurs « doivent être les patrons ». S’agissant des opérateurs, il reconnaît lui-même que des ajustements sont nécessaires. Malgré cela, ce budget ne montre pas l’ombre d’un ajustement.
Je terminerai par le programme 341 : nous nous étonnons que le budget contraint de votre ministère puisse dégager 179 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour la seule organisation de la conférence Paris Climat 2015 – même si nous ne contestons pas son importance. Lors de l’examen des crédits en commission élargie, M. Fabius m’a répondu que le montant de ces crédits est inférieur à celui des crédits dépensés par le Danemark pour le sommet de Copenhague. Il reconnaît que l’organisation de cette conférence est très onéreuse. Il est entendu que nous devons faire de notre mieux pour accueillir de manière correcte les délégués et les autres personnes attendues. La réponse de M. le ministre n’est néanmoins pas satisfaisante, alors que l’on demande aux Français des efforts considérables.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », qui est primordiale pour le rayonnement de la France dans le monde, baissent de façon importante. À périmètre constant, le budget de cette mission baissera de 0,6 %, et de 3 % en moyenne au cours de la période 2015-2017. Quatre cent cinquante postes devront être supprimés au cours de la même période, dont 220 dès 2015. Certes, le réseau diplomatique français est le troisième au monde, avec 162 ambassades, 16 représentations permanentes et deux antennes diplomatiques, mais à force de supprimer chaque année des postes, il est clair que le rayonnement auquel nous aspirons aura de plus en plus de mal à être une réalité dans le monde d’aujourd’hui. C’est d’autant plus vrai que nous devons faire face à des enjeux multiples – écologiques, démographiques, alimentaires, sécuritaires…
La seule chose que nous pouvons saluer, c’est le redéploiement d’une centaine d’agents du ministère des affaires étrangères vers les zones géographiques prioritaires – principalement les pays émergents.
Il faut savoir se montrer objectif, mon cher collègue.
Hélas, après cette petite bonne nouvelle, d’autres mauvaises nouvelles émaillent ce budget.
Le rayonnement de la France tient aussi – cela a déjà été dit – à notre capacité à développer l’éducation. Nous avons déjà exprimé, en commission, notre inquiétude quant à la baisse de 2 % des moyens dévolus à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, à Campus France et à l’Institut français. De la même manière, nous constatons que les crédits affectés aux bourses attribuées aux meilleurs étudiants étrangers – qui sont un des outils de rayonnement les plus efficaces de notre diplomatie culturelle et scientifique – baissent.
Nous constatons pourtant quelques bonnes nouvelles dans ce budget. La première est le rattachement du commerce extérieur et du tourisme : nous saluons cette avancée vers une diplomatie économique plus pertinente et plus efficace.
Nous partageons l’objectif de passer de 85 millions de touristes en 2013 à 100 millions en 2020, même s’il apparaît particulièrement ambitieux. Nous appelons l’attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas rééditer la cacophonie à laquelle nous avons assisté sur la taxe de séjour. Est-il utile de rappeler que, si notre taxe de séjour est plus faible que celle appliquée dans la majeure partie des pays européens, notre taux de TVA et le niveau de nos cotisations sociales y sont plus élevés ? Dès lors, si elle venait à être revalorisée, la France serait la destination touristique la plus taxée en Europe. C’est déjà le pays le plus taxé dans un certain nombre de domaines, inutile d’ajouter une étoile supplémentaire à notre blason.
L’autre bonne nouvelle est le programme consacré à la Conférence des parties de Paris Climat, ou COP 21. En ces temps budgétaires contraints, les crédits importants alloués à ce programme sont justifiés. La France ne peut se permettre de ne consacrer à cette conférence sur le climat qu’un budget au rabais ! Mais le Gouvernement ne devra pas sous-estimer l’importance de cette conférence. Il est urgent qu’une politique environnementale digne de ce nom soit mise en oeuvre, car la loi sur la transition énergétique ne suffit pas. Je rappelle que c’est grâce au Grenelle de l’environnement que la France a pu disposer d’un crédit de confiance non négligeable et être alors moteur dans la négociation ayant abouti à l’adoption du paquet climat-énergie de l’Union européenne en 2008.
Pour conclure, mes chers collègues, les députés du groupe UDI voteront contre les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». Il importe que ces crédits permettent à la France de continuer à grandir à l’échelle internationale. Or, tel n’est pas le cas.
Ce rappel se fonde sur l’article 58 alinéa 1 du règlement. L’hémicycle est vide : la politique étrangère de la France n’intéresse visiblement pas nos collègues. Nous en sommes coupables : il est parfaitement inadmissible, monsieur le secrétaire d’État, que l’on évacue la politique étrangère de la France en organisant ainsi nos débats : nous devons en débattre en séance publique.
Nos forces sont engagées sur de nombreux territoires étrangers et notre politique étrangère est la voix de la France. Or, je comprends que le ministre des affaires étrangères est absent car il accompagne le Président de la République au Canada – je ne pense pas que c’est pour acheter du gaz de schiste !
Sourires.
– mais il est clair que nous ne pouvons pas nous permettre de continuer ainsi.
Je vous demande, madame la présidente, de rappeler en Conférence des présidents qu’une telle organisation des débats est parfaitement contraire à l’intérêt de la France et marque un affaiblissement de notre politique étrangère vis-à-vis de l’ensemble des nations. Évacuer ainsi ce débat montre que nous n’y portons pas beaucoup d’intérêt.
L’organisation des débats a été décidée en Conférence des présidents, monsieur le député.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Philippe Baumel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la gestion de notre parc immobilier, plus particulièrement sur notre politique de cession : 60 millions d’euros en 2013, 150 millions d’euros prévus en 2014 et 230 millions d’euros en 2015, c’est tout à fait considérable ! Je comprends évidemment la nécessité des économies budgétaires et de la bonne gestion du parc immobilier de notre réseau, mais je m’interroge sur le rythme de ces cessions. Que fera-t-on lorsque nous aurons vendu tout ce qui aura pu l’être ?
En second lieu, certaines cessions suscitent des réactions, comme l’a montré, l’année dernière, le projet de vente de l’Institut français à Berlin. Cette année, l’éventuelle cession du palais Clam-Gallas à Vienne a créé une nouvelle polémique. Monsieur le secrétaire d’État, est-il possible d’établir une méthode suffisamment claire pour différencier ce qui peut être vendu de ce que nous devons conserver ? Ne pourrait-on pas classifier ce patrimoine et définir des critères clairs, afin d’éviter certaines polémiques et de conserver ce patrimoine majeur, durablement lié à l’histoire de notre pays et à sa présence à l’étranger ?
Monsieur le député, je vous remercie de cette question très importante sur la politique immobilière du ministère et sur la gestion de notre patrimoine et de notre réseau diplomatique, qui est dynamique. Cette politique immobilière repose sur trois principes. Le premier, c’est la rationalisation des implantations : nous privilégions les regroupements des différents services de l’État et les relocalisations dans les sites les mieux sécurisés et adaptés à nos besoins.
Le deuxième principe est la performance. Nous nous attachons à respecter les ratios d’occupation définis par le Gouvernement et à renforcer la sécurité de nos implantations. Le troisième, c’est la valorisation. Le produit de nos cessions permet de financer les nécessaires opérations de gros travaux et d’achats. À cet égard, je voudrais préciser les chiffres : pour 2014, le produit des cessions immobilières attendues est de 110 millions d’euros ; pour 2015, nous en attendons 145 millions d’euros.
Dans le cadre de notre politique immobilière, nous avons commencé un examen de notre patrimoine dans une vingtaine de pays représentant 70 % de la valeur du parc détenu en propriété par le ministère. Cet audit concerne le statut des biens, leur état général et leur adéquation aux missions. C’est à partir de ces principes et de ces audits que nous prenons les décisions d’acquisition, de travaux et de cession.
Nous accordons dans ce cadre toute l’importance qu’il se doit au patrimoine que représentent certains de nos biens. Les décisions sont prises au cas par cas par le ministre des affaires étrangères et du développement international. En définitive, cette gestion dynamique de son immobilier permet à notre réseau diplomatique et consulaire de reposer sur des implantations adaptées aux besoins d’une diplomatie moderne et mieux entretenue.
La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d’État, la question posée à l’instant par M. Baumel est pertinente, car la politique immobilière du ministère n’est pas claire. Vous avez une vision limitée, même comptable, de cette politique. On veut faire une bonne affaire à New York, mais c’est plus difficile que prévu car on se heurte au droit de la copropriété. À Tunis, on vend même une partie de la propriété offerte par le dey à la France : c’est donc perçu par les Tunisiens comme une insulte ! Au Québec, on veut vendre la maison Kent, l’une des plus anciennes maisons de la ville, construite au XVIIe siècle.
Là encore, je m’interroge : la France doit tenir son rang, ce qui passe également par la présence de ces immeubles qui l’incarne à l’étranger. Cela ne signifie pas, bien évidemment, que rien ne puisse changer. Mais, à l’évidence, vous faites preuve de précipitation comptable – faire du fric – au lieu de prendre le temps nécessaire à une correcte gestion du patrimoine.
Permettez-moi de vous rappeler une anecdote qui nous vient des Anciens, monsieur le secrétaire d’État, car ils ont parfois des choses pertinentes à raconter en matière de biens à l’étranger. Les biens immobiliers d’une capitale du flanc sud de la Méditerranée ont été un jour recensés. On s’est alors aperçu que, grâce à une série de legs, la France était propriétaire d’une maison close. Jugeant la situation inacceptable, les dévots et les bigotes s’en sont alarmés et ont demandé qu’elle soit vendue. On a mal réagi car, si on l’avait gardée, elle aurait rapporté quelques deniers à votre budget, monsieur le secrétaire d’État !
Rires.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, n’ayez crainte, nous voulons que le réseau consulaire reste ouvert et que ses maisons ne soient pas closes.
Sourires.
C’est aussi pour gérer de façon ouverte le patrimoine que nous nous procédons à ces cessions et, parfois, à des achats.
Vous avez mentionné le cas de la résidence du représentant permanent auprès des Nations unies, qui est un très bon exemple. Nous avons procédé à la vente, pour un montant d’environ 50 millions d’euros, de la résidence du représentant permanent, qui sert aux réceptions dans le cadre de sa mission diplomatique. Nous pourrons ainsi acheter un bien mieux adapté, dont le coût s’élève à environ 15 millions d’euros – les transactions se font en dollar, mais je préfère faire référence à l’étalon de notre budget, c’est-à-dire l’euro.
Nous procédons ainsi dans plusieurs villes. À chaque fois, nous veillons à adapter le réseau diplomatique pour qu’il réponde à des objectifs de rationalisation, de localisation, de taille et parfois de sécurité. En effet, un certain nombre de sites diplomatiques d’ambassade ou de consulat n’étaient plus adaptés aux risques d’aujourd’hui car, au moment de leur achat et de la constitution de ces enclaves diplomatiques, les risques terroristes n’étaient pas les mêmes. Parallèlement, même si 100 % du produit des cessions est récupéré par le budget du ministère, nous veillons à ce qu’une partie soit restituée au budget de l’État – environ 25 millions d’euros.
Ainsi, cette politique nous permet de moderniser et d’adapter notre dispositif ; de construire de nouvelles ambassades, notamment à Djakarta, à Bangkok, à Dacca, à Port-au-Prince, à Nairobi et à Abuja ; de construire de nouveaux instituts, parfois dans de nouvelles villes, comme à Sofia ou à Tunis ; de procéder à des rénovations lourdes comme à Washington, à Moscou ou à New Delhi.
J’appelle les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », inscrits à l’état B.
Je fais une remarque d’ordre général à M. Myard et aux autres députés souhaitant défendre des amendements. Le règlement de l’Assemblée nationale prévoit que le débat et, le cas échéant, le dépôt des amendements aient lieu à l’occasion de la commission élargie.
Le ministre des affaires étrangères a été exemplaire, puisqu’il a pu alors répondre aux sujets intéressant chacun d’entre nous. Aussi, tous les amendements présentés en séance n’ont pas pu être examinés en commission. J’en ai pris connaissance il y a quelques minutes seulement.
Aussi, je pourrai parler en mon nom, mais en aucun cas en celui de la commission des finances, car je n’ai pas forcément les bons arguments sur tous les sujets. Je laisse donc au secrétaire d’État le soin de répondre.
J’émets un avis défavorable à l’amendement de M. Marsaud, qui porte sur la Conférence des parties sur le climat de 2015 – COP 21.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, on nous dit qu’organiser une telle conférence présente un grand intérêt, à la suite des grandes conférences internationales, la dernière ayant eu lieu à Copenhague. Néanmoins, le coût de l’opération est important : un peu plus de 180 millions d’euros, ce n’est pas rien !
Évidemment, son coût sera réparti sur deux exercices budgétaires. Je constate que 50 000 délégués seront présents, soit autant, sinon plus, que le nombre de délégués présents pour les Jeux olympiques. Ce n’est pas rien ! Cela a une incidence sur les comptes de la nation mais aussi un effet positif pour notre économie touristique puisque, au fond, nous examinons aussi le budget du tourisme au sein de la mission « Action extérieure de l’État ».
Néanmoins, je souhaiterais que le Parlement soit largement associé à cette organisation. Le coût des seules installations à Villepinte, soit plus de 50 millions d’euros, m’incite à demander des précisions : s’agit-il de la construction de bâtiments nouveaux ou d’aménagement de locaux ? Cela soulève de nombreuses questions. En tant que rapporteur, j’irai sur place et je jugerai sur pièce de la réalité des crédits engagés.
Je partage l’avis du rapporteur.
Cet amendement a pour objet de diminuer de près de moitié – 100 millions d’euros rapportés à un budget d’un peu plus de 180 millions – la dotation prévue pour l’organisation de la conférence Paris Climat 2015.
Il convient tout d’abord de rappeler que cette conférence résulte de l’engagement qu’a pris la France, lors de la conférence de Varsovie en novembre 2013, d’accueillir à Paris ce grand rendez-vous international, qui doit permettre de doter la communauté internationale d’un traité qui prendra la suite du protocole de Kyoto. Il s’agit là, tout simplement, de relever le défi du changement climatique et de faire face au risque – que rappelle encore cette semaine un rapport du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – d’une augmentation de la température bien supérieure à deux degrés si rien n’est fait, si des engagements fermes ne sont pas pris. Nous nous devons donc d’accueillir, pendant deux semaines, cette conférence, qui réunira, cela a été dit, des milliers de personnes venues du monde entier : 20 000 délégués, 50 000 participants, une trentaine de milliers d’observateurs ainsi que, probablement, trois mille journalistes sont attendus. Bien réussir cette conférence constitue donc aussi un enjeu diplomatique pour la France, dans la mesure où elle s’est engagée.
Par ailleurs, des demandes s’expriment en faveur d’une rationalisation ou, du moins, d’un suivi des coûts entraînés par l’organisation de ce rendez-vous, ce qui est tout à fait normal. Je veux rappeler que le coût global retenu pour l’organisation de la conférence est inférieur à celui de la COP qui s’était tenue à Copenhague. Nous avons fait en sorte que le budget consacré à cet événement demeure très raisonnable au regard de celui d’autres événements comparables, organisés dans d’autres capitales.
De surcroît, la création d’un programme ad hoc Paris Climat 2015 assure la traçabilité, une gestion plus efficace et un suivi rigoureux des crédits qui y sont consacrés. Par ailleurs, le secrétariat général de la COP a pour mandat de limiter l’impact budgétaire de l’organisation de cet événement, en négociant au plus juste l’ensemble des prestations, le cas échéant en recourant à des financements privés, par exemple dans le cadre d’un mécénat. Un rapport sur l’exécution de ce budget sera donc présenté à l’occasion du débat sur le projet de loi de règlement et figurera dans le rapport annuel de performances du programme. L’Assemblée, en particulier son rapporteur, seront en mesure de suivre l’exécution de ce programme, d’aller vérifier sur place la façon dont les dépenses sont mises en oeuvre, mais aussi, d’une façon plus générale, la manière dont les marchés publics seront élaborés et les prestations définies. Nous souhaitons que l’organisation de cette conférence se fasse de la façon la plus efficace, la plus transparente, et que cet événement, comme, d’une façon générale, l’action extérieure de la France, permette de transcender les clivages partisans.
Je saisis l’occasion que m’offrent cet amendement et les remarques du rapporteur et de Jacques Myard pour le dire : il est normal qu’il y ait un débat mais il n’y a aucune volonté de notre part, s’agissant de la politique étrangère de la France, de faire quoi que ce soit d’autre que de rassembler l’ensemble des familles politiques et des groupes représentés sur ces bancs. En effet, quand il s’agit de défendre l’image, les valeurs et les priorités de politique étrangère de la France, je crois que nous pouvons tous nous retrouver.
À l’instar du rapporteur, j’émettrais un avis défavorable à l’amendement s’il n’était pas retiré.
Nous ne remettons pas en cause cet engagement de la France. Ce qui nous étonne, en revanche, et qui a motivé le dépôt de cet amendement, c’est le montant colossal qui a été budgété pour l’organisation de cette conférence ; M. le rapporteur semble d’ailleurs partager notre avis. Nous pourrions peut-être nous retrouver si vous acceptiez de sous-amender notre amendement.
La parole est à M. Philippe Le Ray, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Je profite de cet amendement pour intervenir, même si la conférence des présidents n’a pas attribué de temps de parole spécifique aux rapporteurs pour avis. Le montant alloué à l’organisation de cette conférence correspond exactement à six années de ce que l’État consacre au budget d’Atout France. Si l’on privilégie certaines conférences qui ont, certes, des conséquences très importantes pour notre pays, je veux souligner le peu d’argent public que nous affectons à notre politique touristique, en particulier à Atout France, à qui l’on va consacrer un peu moins de 30 millions d’euros en 2015.
Oui car il s’agit d’un coup de semonce. En effet, le coût de cette conférence, qui s’élève à 100 millions d’euros, est très important, et ceci, monsieur le ministre, soulève des questions. Afin de protéger l’environnement, on pourrait commencer par ne pas faire circuler dans Paris une multitude de voitures officielles ! Par ailleurs, la somme de 100 millions apparaît énorme au regard des difficultés de financement de notre réseau diplomatique : alors que l’on ergote pour attribuer des moyens à nos ambassadeurs, qui en sont presque réduits à payer l’essence pour faire rouler leurs véhicules, on peut se poser des questions.
Enfin, au regard des articles 53, 54 et 55 de la Constitution, je m’étonne grandement que vous affirmiez qu’il s’agit d’un engagement de la France : je vous rappelle qu’un engagement international de la France, quelle que soit sa forme, doit être approuvé par le Parlement dès lors que les finances de l’État sont en cause. Cela n’a pas été le cas : je ne suis donc pas lié par votre affirmation. Je répète que, dès lors que les finances de l’État sont en cause, l’engagement de la France doit être ratifié et approuvé dans cette maison.
La parole est à M. Philippe Baumel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Je ne me laisserai pas porter par les mêmes élans que notre collègue Myard et souhaiterais simplement appeler à un peu de raison sur ce projet de conférence. Il est vrai qu’elle est très onéreuse mais, je l’ai dit tout à l’heure, la difficulté budgétaire a été lissée sur deux budgets. Il faut également tenir compte du fait que l’engagement financier demandé a quasiment été réduit de moitié. Cela nous ramène à des proportions beaucoup plus acceptables.
Je voudrais aussi rappeler l’impact économique et touristique qu’aura cet événement : la présence de 50 000 conférenciers à Paris aura un effet considérable sur toute l’industrie touristique, en particulier hôtelière, qui, dans le contexte actuel, en a aussi besoin.
Aux esprits quelque peu chagrin qui estiment dans cet hémicycle que la voix de la France à l’étranger n’est jamais assez forte, je veux dire que l’organisation d’une conférence de ce type dans notre pays pourra peut-être permettre de rappeler à certains, qui l’auraient oublié, l’effort constant de la France en matière de développement et d’écologie. Ce sera l’occasion pour notre pays de porter un message spécifique sur ces sujets, ce qui mérite aussi d’être pris en considération.
Je veux défendre l’engagement de la France, à la fois pour lutter contre le changement climatique et en faveur de l’organisation de cette conférence internationale, dont on connaît aujourd’hui l’importance, puisque l’on est au lendemain de la publication du dernier rapport du GIEC. La France, je le répète, a eu raison d’accueillir cette conférence. Au mois de décembre se tiendra dans ma circonscription, à Lima, la conférence intermédiaire, qui nous permettra, je l’espère, de nous acheminer vers un accord contraignant à Paris en 2015 : ce serait la preuve que l’Europe et la France sont en pointe sur la question du changement climatique.
Je m’étonne de la rigueur que manifestent parfois nos collègues de l’opposition dans le traitement des questions budgétaires, dès qu’il s’agit de l’organisation de ce type de conférences, relatives à l’écologie, qui ne les mobilisent pas toujours. Vous évoquez les conséquences de la venue de milliers de délégations étrangères à Paris mais nous n’avons pas connu la même rigueur lors de l’organisation du sommet de la Méditerranée : Sarkozy avait dépensé 16 millions !
La Cour des comptes avait dénoncé ces 16 millions, qui avaient été utilisés – souvenez-vous-en, cher collègue Myard – pour des prestations telles que l’aménagement d’une salle de bains luxueuse. On sait par ailleurs le succès qu’a connu cette conférence, dont les conclusions ont été balayées par le Printemps arabe.
Nous ne sommes pas du tout ici dans la même logique : il s’agit en l’occurrence d’un engagement politique de haut niveau de la France sur une question primordiale. C’est pourquoi je crois utile que la France organise cette conférence et engage les moyens nécessaires à sa tenue.
L’amendement no 306 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 427 .
Cet amendement vise à tirer les conséquences de deux changements apportés à la répartition des compétences entre les ministères. D’une part, il majore de 1 884 462 euros les crédits en faveur de la délégation interministérielle à la Méditerranée, d’autre part, il opère un transfert de 211 000 euros en faveur d’Atout France.
La délégation interministérielle à la Méditerranée est transférée, à partir du 1er janvier 2015, des services du Premier ministre vers le ministère des affaires étrangères et du développement international. Vous le savez, la Méditerranée est une priorité de la France, qui est engagée activement en faveur de cette région, que ce soit dans le cadre de ses relations bilatérales, de l’Union européenne, du secrétariat général de l’Union pour la Méditerranée ou encore du « cinq plus cinq » et des différents forums régionaux. Notre politique est fondée sur une interaction entre les priorités politiques, les projets de coopération et la diplomatie économique, afin de donner corps à la « Méditerranée de projets » voulue par le Président de la République, dont je sais aussi qu’elle mobilise beaucoup la présidente de la commission des affaires étrangères.
Nous avons donc souhaité que l’ambassadeur et délégué interministériel, qui relèvera désormais du quai d’Orsay, puisse coordonner l’action des différents services, ministères et opérateurs en direction de la Méditerranée. Ce transfert de 1 884 462 euros est donc, je le répète, le résultat d’une réorganisation administrative, les capacités opérationnelles de la délégation étant préservées. Il n’y a pas, en effet, de modification des moyens.
Deuxième volet de l’amendement : l’opérateur de notre politique touristique à l’international, Atout France, que l’on a évoqué il y a quelques instants, voit sa subvention transférée vers le programme 185, conformément au nouveau périmètre du ministère des affaires étrangères et du développement international. Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, ce transfert a déjà été opéré : ce budget, qui relevait auparavant du ministère de l’économie et des finances, est désormais rattaché au ministère des affaires étrangères et du développement international. Il a toutefois été décidé que trois agents seraient transférés vers le ministère en charge des transports, pour assurer la tenue du registre des exploitations de voitures de transport avec chauffeur, en application de la loi du 1er octobre 2014. C’est une mise en cohérence avec la gestion nouvelle du système des taxis et des véhicules de tourisme avec chauffeur.
Il s’agit d’un changement de périmètre à coût constant : je ne peux donc émettre qu’un avis favorable.
Je redis ce que nous avions affirmé en commission élargie : le rôle d’Atout France au sein du ministère des affaires étrangères et du développement international est bien perçu par les professionnels du tourisme. Certes, il faudra que les moyens suivent mais je ne doute pas, comme l’a rappelé Laurent Fabius lors de son audition, de l’intérêt qu’il y avait à conférer à Atout France les moyens de son développement, en lien avec la réforme territoriale en cours.
L’amendement no 427 est adopté.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 305 .
Nous devrions nous retrouver autour de cet amendement. En effet, si vous avez rejeté l’amendement no 306 au motif qu’il avait pour objet de réduire à l’excès le montant de la dotation affectée à la conférence Paris Climat 2015, nous proposons cette fois de ne diminuer cette dernière que de 20 millions d’euros : il ne devrait donc plus y avoir d’opposition de votre part.
Nous sommes tous soucieux de l’utilisation de chacun des crédits qui seront alloués à la COP 21, et attentifs à la préparation de la conférence, car il ne s’agit pas d’accueillir le monde entier tout en faisant flamber les coûts énergétiques et le bilan carbone ! Aussi bien l’organisation que l’utilisation des crédits doivent être exemplaire. En tant que rapporteur de la commission des finances, j’examinerai ligne par ligne l’emploi réel des crédits. Le budget s’élève à 187 millions d’euros ; le Parlement devra être attentif aux glissements financiers.
Je souhaite revenir sur la présentation qui a été faite de cet amendement et battre en brèche l’idée selon laquelle nous ne souhaiterions plus renforcer les crédits en matière de défense et de sécurité. Je rappelle qu’en 2014, ces crédits ont augmenté de 28 % et qu’ils augmentent encore de 2,2 % cette année. Nous avons maintenu, dans ces deux budgets successifs, un niveau d’engagement particulièrement significatif, à hauteur de 42,7 millions d’euros. Il n’existe pas de déficit, que cet amendement viendrait compenser ; au contraire, les dépenses de sécurité sont en progression, une progression malheureusement justifiée par l’actualité. Chère collègue, l’effort est patent !
Nous ne sommes pas favorables à la diminution du budget de la COP 21, un budget calculé au plus juste. D’autres événements ont été cités, mais aucun n’est comparable en taille. La conférence, qui accueillera 194 pays, est coorganisée avec les Nations unies – dont chacun reconnaîtra l’importance – ; le déroulement d’un tel événement suppose de respecter un cahier des charges.
Je le maintiens, ne serait-ce que pour le soumettre au vote. Nous sommes là pour voter, ne l’oublions pas !
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien vos arguments, comme ceux du rapporteur. Mais il y a des choix stratégiques à faire. Le climat en est un, personne ne dira le contraire. Toutefois, je dois dire que pour une conférence internationale, la facture – 160 millions d’euros – est salée !
La sécurité est un autre enjeu. Certes, le rapporteur pour avis a dit que les lignes étaient abondées, mais je crains fort que nos moyens ne soient limités, vu les défis que nous devons, tous ensemble, relever.
Là encore, c’est parce qu’il n’y a pas de débat sur la politique étrangère et sur les choix qui sont opérés que nous sommes obligés de nous exprimer au travers d’amendements, en sucrant des crédits pour en ajouter ailleurs. C’est la raison pour laquelle je réclame un débat de fond sur les choix géostratégiques, choix sur lesquels nous pouvons être parfaitement d’accord – la politique étrangère, c’est l’avenir de chacun des citoyens de ce pays. Il n’en demeure pas moins que les moyens mis à notre disposition pour relever les défis en matière de sécurité – sécurité de nos compatriotes à l’étranger, de nos forces et des États que nous devons aider – sont encore insuffisants !
L’amendement no 305 n’est pas adopté.
L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, est un organisme public qui gère et pilote notre réseau éducatif à l’étranger. Celui-ci compte 500 établissements, accueillant, au côté des enfants français, des nationaux ; il est, avec le réseau culturel, l’un des piliers de la présence française à l’étranger, permettant de construire la capacité de peser et d’agir de la France à l’international.
Depuis 2012, l’AEFE participe à l’effort. Son budget stagne d’ailleurs depuis 2010, à 420 millions d’euros. La baisse annoncée n’est pas souhaitable, d’abord parce qu’elle est en contradiction flagrante avec ce que le Président de la République a proclamé lors de sa campagne et qu’il ne cesse de répéter depuis qu’il gouverne : la priorité est à la jeunesse et à l’éducation. En l’occurrence, l’agence pilote un réseau éducatif qui s’adresse à la jeunesse de France vivant à l’étranger.
Par ailleurs, cette baisse affaiblit l’opérateur public face à des associations de droit local, des fondations, des organismes, avec lesquels ont été signées des conventions pour gérer des établissements français privés, conventionnés, homologués. Certains d’entre eux, de moins en moins, sont en gestion directe. L’AEFE participe au fonctionnement du réseau par l’investissement et la prise en charge d’une partie des salaires des résidents. Cette mesure l’affaiblit face à des organismes locaux parfois tentés par l’aventure du marché éducatif rentable. C’est un mauvais choix que vient d’opérer le Gouvernement, d’autant que l’agence a été soumise, sans justification valable, à une baisse continue.
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 326 .
Je voudrais, à la suite de mon collègue Coronado, défendre ce point de vue et l’étayer quelque peu. Pierre-Yves Le Borgn’ complétera certainement mon propos. Cet amendement est signé par les députés représentant nos compatriotes établis hors de France. Depuis 2012, la priorité a été accordée à l’éducation de nos enfants ; il s’agit d’un engagement national, continu, jamais démenti. La question est simple : dès lors que cette priorité est affichée et assumée par le Gouvernement, pourquoi les enfants de nos compatriotes établis hors de France sortiraient-ils des radars ? Voilà qui nourrit nos doutes et notre incompréhension. Je vous remercie de bien vouloir répondre, monsieur le secrétaire d’État.
Par ailleurs, l’expatriation, qui contribue fortement au rayonnement de notre pays, est en hausse – le nombre des Français inscrits sur nos registres a crû de 2 % – et l’augmentation est plus forte encore qu’en 2012. Contrairement à ce qui a été dit de ce côté-là de l’hémicycle, il ne s’agit pas d’évasion fiscale, de personnes fuyant le pays parce qu’elles y vivraient mal, mais de compatriotes tentés par une aventure professionnelle et familiale à l’étranger. Ceux-ci doivent pouvoir disposer, c’est bien le moins, de conditions d’accueil et d’accompagnement, notamment dans le domaine de l’enseignement.
Cette baisse de dotation contrevient aux engagements et ne permet pas de répondre à l’immense défi posé par l’accroissement du nombre de Français établis hors de France, Français que nous avons tous à coeur de soutenir et d’accompagner.
Ces amendements transfèrent une partie des crédits – environ 9 millions – sur des engagements de la France au titre de ses contributions obligatoires. Il est difficile, d’un point de vue comptable, de transférer des ressources sanctuarisées, sauf à se dédire vis-à-vis de grandes organisations telles que l’OTAN ou l’ONU, pour lesquelles nous avons engagé notre parole.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention nos collèges. Pouria Amirshahi et Pierre-Yves Le Borgn’, depuis plusieurs mois, nous interpellent régulièrement sur l’AEFE et les incidences d’une baisse, même très modeste – 2 % – de sa dotation. Actuellement, l’AEFE dispose des ressources nécessaires dans ses épargnes de prévoyance pour passer le cap de l’année 2015. Néanmoins, et j’appelle l’attention de M. le secrétaire d’État, les années 2016 et 201 pourraient voir les réserves prudentielles s’amenuiser et les difficultés apparaître.
Cette baisse de la dotation, de 2 %, est une contribution à l’effort de redressement des finances publiques. Avis défavorable.
Ces amendements proposent de diminuer de 9 millions les contributions à diverses institutions européenne et internationales pour les affecter à la subvention pour charge de service public de l’AEFE.
Je veux le redire, l’enseignement français à l’étranger est une priorité du Gouvernement. Comme l’ont rappelé les intervenants, l’AEFE, au-delà du service d’éducation qu’elle offre aux enfants français, est un instrument majeur de notre influence.
Enfin, troisième point, le Gouvernement maintient un fort engagement en faveur de l’enseignement français à l’étranger puisque les crédits dédiés aux bourses versées aux élèves de l’AEFE augmentent de 6,7 millions d’euros conformément à l’engagement du Président de la République. L’enveloppe atteindra ainsi 125,5 millions en 2015. L’effort demandé à l’AEFE ne mettra donc pas en péril le budget de l’opérateur ni, surtout, l’enseignement français à l’étranger pour les enfants d’expatriés ou pour d’autres.
L’effort concernera essentiellement les dépenses de fonctionnement. Il ne pèsera pas sur les familles et encore moins sur les bourses. Il ne nuira pas à la qualité de l’enseignement dans les établissements ni à l’enseignement français.
La priorité à l’éducation, que MM. Amirshahi et Coronado ont rappelée, se traduit précisément dans la politique des bourses scolaires. Cette évolution budgétaire conduit l’agence à faire un effort dans sa gestion et son fonctionnement mais elle ne sacrifie pas l’enseignement français qui reste prioritaire ni le soutien apporté aux familles et aux enfants au travers des bourses scolaires.
Avis bien évidemment défavorable à ces amendements.
Ce débat ne date pas d’hier. MM. Amirshahi et Lefebvre l’ont rappelé avant moi, nous ne comprenons toujours pas comment, alors que nous affichons l’éducation comme une priorité, on peut s’attaquer au budget de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger. Personne ne prétend que cette baisse menace la viabilité de l’agence mais la description qui nous est faite par le ministre est loin de correspondre à la réalité.
La réduction des crédits, en effet, affaiblit l’agence face à des partenaires privés de droit local. Elle se traduit par la hausse des frais d’écolage. C’est vrai, le budget des bourses est maintenu mais la demande ne cesse de croître depuis quatre ans dans le réseau homologué – plus 13 % d’élèves. Le gâteau reste le même mais les convives autour de la table sont toujours plus nombreux. Cette baisse de fait se traduit par une augmentation continue des écolages. Or, les frais d’écolage à l’étranger pour scolariser un enfant dans un établissement français se chiffrent parfois en milliers d’euros. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’enseignement n’est pas gratuit.
Le dialogue que l’agence peut nouer avec les fondations ou les associations locales s’en trouve affecté car elle n’a plus de capacité d’investissement. Tout le monde sait qu’elle dispose d’un petit fonds de roulement mais ce fonds, qui a diminué depuis pas mal d’années, ne permet pas à l’agence de s’engager à hauteur de ses ambitions dans les prochaines années. Ce réseau d’environ 500 établissements doit faire face à la concurrence extrêmement forte du système éducatif au niveau international. Vous ne semblez pas mesurer l’importance du réseau éducatif dans la présence française à l’étranger.
Malgré tout le respect que je porte au Gouvernement, je dois avouer ma crainte que la réduction des crédits, même légère puisqu’elle n’est que de 2 %, ne fragilise l’agence dans ses relations avec les nombreux opérateurs avec lesquels elle négocie. Rappelons que les inscriptions dans le réseau de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger augmentent régulièrement depuis maintenant quatre ans – plus 13 % – alors que nous observons depuis deux ans une baisse continue des crédits. Je me permets par conséquent de soutenir cet amendement.
Par cohérence je voudrais que nous adoptions la philosophie et le pragmatisme du Président de la République lorsqu’il avait promis que tous les ministères, toutes les missions, seraient mis à contribution, sauf l’éducation. Nous demandons juste que cet engagement vaille aussi pour les agences qui s’occupent d’éducation, par analogie avec ce qui se pratique en France.
Par ailleurs, si nous nous enorgueillons que la diaspora française augmente et contribue ainsi au rayonnement de notre pays, nous devons nous donner les moyens de l’accompagner. Or, la scolarité n’est pas la dernière préoccupation des parents.
Enfin, l’adoption de cet amendement pourrait conduire le Gouvernement à réaliser des économies. En effet, dès lors que nous laissons l’AEFE puiser dans ses propres réserves et, à un moment donné, ponctionner éventuellement des familles, nous prenons le risque d’une hausse des demandes de bourses, dont de plus en plus de familles auront besoin.
Nous ne demandons pas que le budget augmente mais qu’il se maintienne, ce qui me semblerait très raisonnable.
Aujourd’hui, abonder l’AEFE est un investissement d’avenir, un investissement de stratégie d’influence de la France à l’étranger car combien de fois ai-je rencontré, soit aux Amériques, soit même en Afrique, des gens formés dans nos établissements ? Croyez-moi, ce sont des relais d’influence dont nous ne pouvons pas nous passer, sauf à « plier les gaules ».
Personnellement, je suis favorable aux amendements mais une question fondamentale se pose, celle du partage entre les actions multilatérales et bilatérales de notre politique étrangère. Je vous ai entendu dire que nous retirons un peu d’argent à tous les fonds européens que nous ne maîtrisons pas et qui souvent alimentent des cabinets américains, anglo-saxons, lesquels agissent parfois contre nos intérêts – je ne dis pas que c’est toujours le cas et je ne condamne pas a priori toutes les actions multilatérales mais trop, c’est trop.
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 328 .
Dans le cadre de ce programme dédié à l’action en faveur des Français établis hors de France, une ligne de crédit est très importante : celle relative à toutes les autorisations en engagements notamment pour les missions d’emploi et de formation professionnelle.
De plus en plus de Français s’établissent hors de France et ces crédits servent tout simplement à accueillir, accompagner, informer nos compatriotes qui viennent et s’installent à l’étranger – recherche d’un emploi, d’un stage, mise à disposition d’un service consulaire ou associatif pour mieux connaître le pays et s’y intégrer.
Lorsque l’on veut encourager l’installation de nos compatriotes hors de France, on favorise ce genre de mission qui facilite grandement leur intégration.
Je n’ai pas eu le temps d’étudier cet amendement en détail mais je note que l’activité « Emploi et formation professionnelle » n’est plus financée par le budget du ministère des affaires étrangères depuis une réforme du 5 mars 2014.
Cette réforme est en réalité liée à une recommandation forte de la Cour des comptes qui avait réclamé davantage d’efficacité dans le cadre de l’utilisation des ressources en matière d’emploi et de formation professionnelle. C’est la raison pour laquelle ces crédits ont été aujourd’hui transférés aux chambres de commerce et d’industrie, en particulier aux régions.
En cohérence, cette subvention a été supprimée.
Par ailleurs, M. Amirshahi prévoit de réduire les crédits des contributions internationales, alors qu’il s’agit de crédits affectés, sanctuarisés, entre lesquels la fongibilité n’est pas possible. Avis réservé.
Vous souhaitez rétablir les crédits en faveur de l’accompagnement à la recherche d’emploi et à la formation professionnelle organisé à l’étranger et qui ne sont plus prévus au titre du PLF 2015. Rappelons tout d’abord que l’enveloppe de crédits alloués à la formation professionnelle de Français résidant à l’étranger est préservée mais, conformément à la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, les formations relèveront désormais de la compétence des régions. Les Français de l’étranger qui souhaitent bénéficier d’une formation professionnelle en France pourront donc continuer à bénéficier d’une offre de qualité.
Les aides versées aux Français de l’étranger au titre de l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle ont été critiquées par la Cour des comptes en 2013 en raison de leur efficacité très limitée. Le ministère des affaires étrangères s’est alors engagé à les supprimer dès 2015 dans le cadre de la rationalisation des missions consulaires initiées par le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 18 décembre 2013.
La suppression de ces crédits n’entraînera pas la fin de l’accompagnement local de nos concitoyens car, dans la très grande majorité des cas, notre soutien se limitait à une subvention à des bourses d’emploi gérées par les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger ou par des associations.
Nous assurerons donc une transition pour permettre à ces organisations de poursuivre leur action tout en leur demandant de redéfinir avec notre aide leur modèle économique.
Nous devons donc tenir compte du transfert des compétences de formation professionnelle aux régions, ce qui ne change rien pour les Français résidant à l’étranger qui bénéficiaient déjà de la formation professionnelle. Pour le reste, les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger assuraient déjà ces missions d’accompagnement mais il faudra intégrer le rapport de la Cour des comptes de 2013. Le Gouvernement est, pour toutes ces raisons, défavorable à cet amendement.
Nous ne considérons pas forcément tous les avis de la Cour des comptes comme des avis éclairés. Nous avons pu le constater à l’aune de certains rapports que cette honorable cour a été amenée à rendre – je pense en particulier au dernier avis relatif au rail et à la SNCF, mais c’est un autre sujet.
Tout d’abord, les mêmes sommes ne sont pas en jeu – il ne s’agit plus de 9 millions comme tout à l’heure, mais de 795 000 euros. Par ailleurs, il s’agit d’un transfert : je découvre ainsi que cette mission serait maintenue mais transférée aux régions. Je ne suis pas certain que les opérateurs, les acteurs, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres consulaires, les consulats, les associations elles-mêmes pourtant bénéficiaires de ces subventions très utiles aux Français établis hors de France aient le temps de se retourner et de tenir compte de cette information mal connue et mal maîtrisée. Serait-il possible de maintenir, au moins pour cette année, cette ligne de crédit, quitte à en redonner le pilotage aux régions l’année suivante en opérant la transition évoquée à l’instant par le secrétaire d’État ? Je comprends parfaitement la nécessité de rationaliser mais à condition que la transition soit accompagnée. La somme en jeu est beaucoup moins importante que celle relative aux économies préconisées dans l’enseignement et elle permettrait de favoriser l’insertion et l’accompagnement social de nos compatriotes tout en améliorant les conditions de transition et la qualité de la gestion. Je vous demande de maintenir cette ligne de crédit, quitte à discuter dans un projet de loi de finances rectificative sa re-ventilation.
L’amendement no 328 n’est pas adopté.
Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », modifiés, sont adoptés.
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs au travail et à l’emploi.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, le budget que je vous présente est un budget d’exigence : l’exigence de la lutte contre le chômage d’abord, l’exigence ensuite de faire beaucoup mieux avec à peu près autant qu’auparavant, l’exigence enfin de répondre efficacement à l’urgence du moment.
Ces exigences se déclinent dans trois domaines. Elles concernent les demandeurs d’emploi, d’abord : la recherche d’emploi – je le répète une fois de plus – doit être effective, évaluée et accompagnée. Exigences à l’égard du service public de l’emploi, ensuite : il doit faire plus et mieux. Exigences, enfin, à l’égard des entreprises pour lesquelles nous avons fait de grands efforts, ce budget en témoigne, et qui doivent prendre leur part dans la bataille pour l’emploi.
Pourtant, ce budget d’exigence est aussi un budget d’exception puisqu’il est globalement stable – sa diminution n’est que de 3 % – dans un contexte de réduction importante de la dépense publique. Je n’en prendrai qu’un seul exemple : la subvention de Pôle emploi demeure inchangée à 1,519 milliard d’euros. En clair, il s’agit d’un budget d’engagement !
Cet engagement, c’est d’abord celui du Président de la République et du Gouvernement qui confirment qu’ils font de l’emploi une priorité, dans la droite ligne des deux précédents budgets où les autorisations d’engagement avaient augmenté de 20 % ! C’est aussi un budget d’engagement car, au fond, c’est nous qu’il engage à réussir.
En 2015, le budget de la politique du travail et de l’emploi s’établit à 11,1 milliards d’euros. C’est là un effort substantiel, dans la mesure où l’État participe à hauteur de 19 milliards d’euros à l’effort national de réduction des dépenses de 50 milliards d’euros. Dans ce contexte, la part des dépenses pour l’emploi au sein du budget de l’État reste stable.
Trois principes nous ont permis de construire le budget du travail et de l’emploi. Le premier consiste à améliorer la qualité de notre intervention sans augmenter les moyens – autrement dit, à être plus efficaces. Le deuxième vise à faire en sorte que chaque euro employé soit un euro utile, et ce sans états d’âme – quitte à prendre des décisions difficiles. Enfin, le troisième principe consiste à recentrer les moyens sur nos priorités pour en sentir les effets et éviter le saupoudrage.
S’agissant du principe d’efficacité, il est faux de prétendre que la qualité du service public suppose forcément l’augmentation de ses moyens. Certes, il faut des moyens, et nul ne dira le contraire ; nous les avons d’ailleurs accordés à Pôle emploi, puisque 4 000 équivalents temps plein – ETP – supplémentaires ont complété les équipes existantes. Il faut désormais faire mieux avec ce que l’on a, puisque le budget de Pôle emploi est sanctuarisé pour 2015. La feuille de route de Pôle emploi est précise ; elle sera déclinée dans le cadre de la convention tripartite dont l’État conviendra avec l’Unedic et Pôle emploi. Je l’ai dit, elle vise à améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi tout en développant une offre spécifique pour les plus petites entreprises.
À budget constant, atteindre ces objectifs nécessitera une mise en oeuvre progressive, des gains d’efficience et des redéploiements. Cependant, j’ai confiance et je sais que Pôle emploi et son directeur général, Jean Bassères – qui a déjà fait beaucoup – sauront y parvenir. Le contexte est difficile, il est vrai, et le nombre de demandeurs d’emploi est en augmentation. Nous sommes donc attendus en termes d’efficacité, et je sais que la représentation nationale y est très attentive. C’est la raison pour laquelle j’ai fait le choix et l’effort de préserver le budget de Pôle emploi.
Je pense aussi au financement de l’insertion par l’activité économique, à laquelle 240 millions d’euros seront consacrés. Le Gouvernement a considérablement accru son effort en faveur des structures concernées depuis 2012 en augmentant les crédits qui y sont consacrés de 40 millions d’euros entre 2012 et 2014. En outre, à partir de 2015, l’ensemble des aides aux postes sera indexé sur l’évolution du SMIC. À cela s’ajoutent environ 580 millions d’euros consacrés à des contrats aidés dans le domaine de l’insertion par l’activité économique, ces crédits étant en cours de transformation en aides aux postes et étant liés pour un montant de 380 millions au débasage de 90 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi en 2015.
L’effort total s’élève donc à 820 millions. Toutefois, rappelons qu’en l’occurrence, l’enjeu porte moins sur les montants mobilisés que sur la manière de le faire. En effet, la réforme de l’insertion par l’activité économique change la donne. Désormais, l’aide au poste devient le principal mode de financement. C’est une formule dynamique qui comprend une part variable en fonction de la réalisation d’objectifs, en particulier celui du retour à l’emploi. L’efficacité, faut-il le rappeler, suppose avant tout que les 4 000 structures de l’insertion par l’activité économique et leurs 200 000 salariés soient organisées de manière pertinente.
Deuxième principe : chaque euro engagé doit être un euro utile. Pour s’y conformer, il a fallu faire des choix et passer au crible chaque dispositif en le jugeant à l’aune du service rendu. Là encore, l’exigence que nous nous sommes imposée a consisté à ne soutenir que ce qui a fait ses preuves. Je sais bien que tous les choix ne sont pas consensuels, mais c’est là le prix de l’efficacité.
Je pense par exemple aux maisons de l’emploi, dont la vocation première a disparu depuis la création de Pôle emploi. Dès 2013, nous avons évalué leur plus-value et, en 2014, nous avons confirmé le recentrage de leur cahier des charges autour de deux axes et ajusté leur budget en cohérence avec cette réduction du champ d’intervention. Comme je l’ai rappelé devant la commission élargie, dans le contexte de sérieux budgétaire qui caractérise la loi de finances pour 2015, il nous faut être justes et équilibrés.
Je reconduis au même niveau que l’an dernier – soit 26 millions d’euros – les crédits de fonctionnement des maisons de l’emploi, mais je suis opposé à leur accorder un financement spécifique complémentaire. Je m’engage néanmoins à ce qu’elles aient accès aux crédits d’accompagnement des mutations économiques – dont le montant est de l’ordre de 45 millions d’euros – lorsqu’elles accompagnent un projet à forte plus-value. Dans un contexte de chômage de masse et d’allongement de la durée passée au chômage, faisons le choix de soutenir avant tout les structures qui accompagnent directement les chômeurs. L’urgence exige en effet que nos efforts soient concentrés pour offrir rapidement une solution d’emploi, d’activité ou de formation et pour éviter l’éloignement durable du marché du travail.
Parce qu’il a le sens de la responsabilité collective de nos finances publiques, le Gouvernement prévoit de mobiliser en 2015 les réserves de l’Association chargée de gérer le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH ; tel est l’objet de l’article 62 du présent projet de loi de finances, qui n’affecte en rien la politique de l’emploi des personnes handicapées puisque lesdites réserves seront effectivement consacrées aux travailleurs handicapés – j’aurai l’occasion de vous rassurer sur ce point lors de la discussion des amendements.
C’est dans ce même esprit que le Gouvernement vous proposera d’adopter une mesure de bonne gestion qui n’affecte en rien les moyens de la politique de l’emploi, mais qui permettra de limiter pour les finances publiques le coût net des emplois aidés qu’ont souhaités les parlementaires.
Mon devoir consiste à gérer au plus juste. Ce budget se fonde sur des choix clairs – d’autant plus clairs que j’ai tenu à ce qu’il reflète de véritables priorités d’action pour lesquelles j’ai voulu concentrer les masses financières adéquates.
Troisième et dernier principe : concentrer les forces sur les priorités. Au coeur de notre action se trouvent ceux qui n’ont pas d’emploi, à commencer par les jeunes.
Un effort massif est fait en direction de la jeunesse pour atteindre l’objectif de 50 000 jeunes dès 2015. Plus de 160 millions d’euros seront mobilisés, dont 30 millions de crédits européens.
La jeunesse est la priorité du mandat. Cela a un coût, c’est vrai, mais quel est le coût du décrochage, de l’insécurité, de l’inactivité de longue durée, des minimas sociaux, de la délinquance ? Ce coût, il nous faut l’assumer avec fierté.
Pour le déploiement de la garantie jeunes, les missions locales sont essentielles, comme elles le sont pour l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans.
Là aussi, vous mesurez dans les faits et les chiffres que la jeunesse est la priorité, l’action locale l’efficacité et la confiance dans les élus une réalité. D’autant que les résultats sont là, timides mais avérés. Le chômage des jeunes a reculé depuis la mise en place de nos politiques et nous avons atteint l’objectif de 150 000 emplois d’avenir.
Les contrats aidés constituent un engagement fort du Gouvernement et sont un outil de sa politique de l’emploi. La plus-value des contrats aidés, ce n’est pas tant de lutter contre le chômage que d’offrir à des centaines de milliers de personnes la possibilité de se sentir utiles.
C’est fort de cette conviction que le Gouvernement a prévu près de 3 milliards d’euros de crédits de paiement pour les emplois aidés en 2015, soit un niveau proche de celui de 2014. L’initiative parlementaire de majoration de 50 000 emplois stabilisera cette enveloppe à son niveau de 2014. Cette enveloppe portera les contrats aidés non marchands à 300 000, pour un montant de 1,6 milliard d’euros.
Je rappelle que l’enveloppe des contrats d’insertion dans l’emploi, les CIE, dans le secteur marchand est ambitieuse puisqu’elle atteindra 200 millions d’euros, ce qui correspond à 80 000 CIE.
L’apprentissage est un engagement fort du Gouvernement et un jalon de plus dans le soutien à l’emploi. La réforme du financement de l’apprentissage entrera en vigueur en 2015. Elle a déjà conduit à dégager plus de 150 millions d’euros de ressources supplémentaires d’ici 2017 à destination des centres de formation d’apprentis, les CFA. Une prime de 1 000 euros sera versée aux entreprises de 250 salariés pour les contrats d’apprentissage signés à partir du 1er juillet 2014.
Cette réforme consolidera les ressources des régions et garantira le dynamisme de leurs recettes. Ainsi, de 2014 à 2015, les ressources des régions bénéficieront d’une croissance de 65 millions d’euros.
Il faut bien mesurer ce que ces efforts représentent en contexte contraint. Ils sont à la hauteur de l’enjeu et nous y croyons.
Le budget que je vous présente ce soir traduit une mobilisation immédiate contre le chômage par le biais des différents dispositifs adoptés. C’est également un budget qui prépare l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord saluer l’adoption de deux amendements de nos collègues du groupe SRC en commission élargie.
Le premier concerne une majoration de 480 millions d’euros du programme 102 « Accès et retour à l’emploi » pour la création de 50 000 contrats aidés supplémentaires en 2015, dont 15 millions sont prévus en renfort pour les missions locales qui suivent les jeunes. À cet égard, monsieur le ministre, nous saluons votre réponse, à l’occasion des questions au Gouvernement, qui a fait état de l’accord du Gouvernement.
Notre groupe se réjouit également de l’adoption d’un autre amendement du groupe SRC portant sur une majoration du même programme de 7 millions d’euros afin de créer 500 postes supplémentaires pour les personnes handicapées, faisant ainsi écho aux engagements du Pacte triennal pour l’emploi des personnes handicapées signé par le Gouvernement Fillon fin 2011.
Toutefois, dans le cadre de cette mission, notre groupe présente un amendement portant sur les maisons de l’emploi. Après une première réduction de 21,45 % de leur budget dans le cadre de la loi de finances pour 2011, de 34 % dans le cadre de la loi de finances pour 2012 et après le maintien intégral du budget dans la loi de finances pour 2013, le budget des Maisons de l’emploi a subi dans la loi de finances pour 2014 une réduction de 50 % pour tomber à 26 millions d’euros, contre 82 millions en 2010, auxquels se sont ajoutés 10 millions versés aux MDE sous forme d’appels à projets de gestion prévisionnelle territorialisée des emplois et des compétences, la GPTEC, lancés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE.
Les maisons de l’emploi étant par définition des outils mettant en oeuvre des projets pour lesquels il est nécessaire de travailler dans la durée, notre groupe estime qu’il faut de pérenniser leur financement. C’est pourquoi nous proposons d’opérer une ventilation différente de celle prévue dans le projet de loi de finances initial en prélevant 15 millions d’euros du programme 102 « Accès et retour à l’emploi » pour en redistribuer 10 au programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » et 5 au programme 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail ».
Permettez-moi de revenir également sur le volet et le compte spécial concernant le développement et la modernisation de l’apprentissage. J’ai pris connaissance du plan du Gouvernement de tabler sur la jeunesse et l’apprentissage et je ne peux que m’en réjouir car, en cette période difficile, le chômage des jeunes nous inquiète.
La réforme globale de l’apprentissage qui a été lancée en 2013 et la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, ont permis de rénover le dispositif. Dès lors, l’objectif du Gouvernement de créer plus de 500 000 places d’apprentissage d’ici 2017 est louable et répond à une volonté d’engager des politiques publiques axées sur l’emploi, le travail et la jeunesse. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
J’ai également pris connaissance de la volonté de flécher à partir de 2015 une plus grande part de la taxe d’apprentissage pour le développement de l’apprentissage au bénéfice des CFA ainsi que l’augmentation sensible des recettes du compte d’action spéciale, le CAS, entre 2014 et 2015.
Toutefois, au-delà de la question des budgets, il existe des pistes à étudier. Récemment, France Info a réalisé un reportage sur ce sujet et dimanche 26 octobre, la CTFC et l’Institut de recherches économiques et sociales, l’IRES, ont rendu un rapport établissant un état des lieux de l’apprentissage en France, notamment en le comparant avec l’apprentissage en Suisse où il est une voie d’excellence qui concerne plus de 70 % des jeunes sortant du collège, 30 % d’entre eux seulement optant pour des études en lycée.
Monsieur le ministre, les chiffres de notre voisin devraient nous interpeller car la proportion de jeunes optant pour l’apprentissage est singulièrement élevée outre-Doubs et l’apprentissage n’y est absolument pas pensé ni vu comme une voie de garage. Il est intéressant de noter que le taux de chômage des jeunes dans ce pays est l’un des plus faible d’Europe. De plus, leur système de Hautes écoles, véritables universités de l’apprentissage, est intéressant car il est désormais possible d’obtenir un master dans une option d’apprentissage. Il est également singulier de constater que ce petit pays de 8 millions d’habitants dépense environ 5 milliards d’euros par an pour la formation.
Pour terminer, sachez, monsieur le ministre, que vous pouvez compter sur le soutien des députés du groupe RRDP. Nous voterons bien évidemment les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre, vous l’avouez dans un quotidien national du 25 octobre, votre politique de lutte contre le chômage est un échec. La barre des 3 millions de privés d’emploi pour la catégorie A est dépassée. Ils sont plus de 5 millions en comptant toutes les catégories. Pourtant, entre 2014 et 2017, la baisse des crédits de la mission sera de l’ordre de 13,8 %.
La France doit renforcer sa politique d’austérité dans tous les domaines et engager des réformes dites « structurelles » sur le code du travail. Il s’agit d’une régression sans précédent, alors que les richesses produites par les salariés n’ont jamais été aussi importantes.
Le Pacte de responsabilité et le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), présentés comme créateurs d’emplois, coûteront 41 milliards d’euros à notre budget et seront sans aucun effet sur l’emploi !
À l’heure où les dividendes versés aux actionnaires ont bondi de 30 % au deuxième trimestre par rapport à l’an dernier, est-ce le bon choix ?
Les banques françaises ont reçu par exemple 300 millions d’euros au titre du CICE… On marche sur la tête !
S’agissant de l’avenir de notre jeunesse, le Gouvernement propose de pérenniser des dispositifs temporaires et précaires qui ne sont absolument pas garants d’une insertion professionnelle. Ce sont vos mesures de maintien des contrats de génération, des emplois d’avenir ainsi que la garantie jeunes, qui concerne 50 000 jeunes de 18 à 25 ans. Les emplois d’avenir pour les jeunes débouchent seulement sur 10 % de CDI, 90 % débouchant sur un CDD.
Les seniors sont encore, cette année, les grands absents du débat. Et ce ne sont pas les contrats de génération qui vont leur permettre de retrouver un emploi. L’institution d’un véritable droit à la formation tout au long de la vie est un besoin criant.
Il est par ailleurs prévu de remettre en cause le mode de désignation des conseillers des prud’hommes, qui permettrait d’économiser 100 millions d’euros sur cinq ans. Certes, cela présente un intérêt financier, mais la démocratie n’a pas de prix et il ne peut être question de priver d’expression des millions de salariés et de privés d’emploi.
Le renforcement des accords d’entreprise permettra des dérogations au droit commun du travail, ce qui entraînera des chantages sur l’emploi : un scandale porteur de reculs sociaux pour les salariés ! Je pense bien sûr aux accords de maintien de l’emploi qui prévoient, dans de nombreux cas, l’allongement de la durée hebdomadaire du travail et une baisse des salaires.
S’agissant de la santé des salariés, l’amiante doit appeler toute notre attention. Le décret du 4 mai 2012 relatif aux risques de l’exposition à l’amiante a fixé des seuils d’exposition beaucoup plus sévères qu’auparavant, mais cette partie du décret ne sera mise en oeuvre qu’à partir de juillet 2015. Pourquoi attendre, alors qu’il y a urgence ?
Les arguments économiques sont scandaleux quand on connaît les drames que vivent des milliers de familles et les travailleurs des professions les plus exposées, dans le bâtiment et les mines, par exemple. Des dizaines de milliers de personnes perdent la vie, sacrifiées sur l’autel des profits. Il est urgent d’appliquer ce décret.
Concernant les fonds destinés aux personnes handicapées, le Gouvernement prévoit pour 2015 une contribution de 29 millions d’euros. Cet argent servirait à financer des contrats aidés pour favoriser l’insertion dans l’emploi des personnes handicapées. C’est une nouvelle ponction de l’argent du travail, qui devrait être poursuivie en 2016 et 2017 !
Actuellement, plus de 423 000 personnes souffrant d’un handicap sont privées d’emploi. Ponctionner 29 millions d’euros revient à priver l’AGEFIPH – Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées – des ressources nécessaires qui affecteront les aides proposées dans la lutte pour l’emploi.
Enfin, le budget prévoit une simple stabilisation des moyens alloués au service public de l’emploi. Nous connaissons trop les moyens insuffisants et la détresse des salariés de Pôle Emploi qui ne peuvent répondre, malgré eux, aux attentes des chômeurs.
Je pense particulièrement à l’agence de Douai ou de Somain, dans mon arrondissement du département du Nord, où environ 200 personnes privées d’emploi sont suivies par un seul agent. Avec l’explosion du chômage, la catastrophe se poursuit à la fois pour les agents de Pôle emploi mais aussi pour les chômeurs qui attendent des réponses et un accompagnement, et non un renforcement des contrôles.
Pour ces raisons, les députés communistes et Front de gauche voteront contre les crédits de la mission « Travail et emploi ».
La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, avec près de 25,7 millions de personnes sans emploi, le taux de chômage dans l’Union européenne s’est élevé à 10,1 % en septembre 2014. La France s’inscrit dans la moyenne, contenant la progression du taux de chômage depuis 2012 à 9,7 %, soit une baisse de 0,2 % depuis un an, au sens du Bureau international du travail. Ce n’est ni une victoire ni une défaite. Juste une constatation qui nous oblige plus et ne doit en aucun cas nous résigner.
Le budget que nous examinons s’inscrit dans cette ligne de conduite car, au contraire des budgets de la droite, et en dépit du nécessaire redressement de nos comptes, il ne rechigne ni sur notre exigence de résultats, ni sur notre obligation de moyens.
Oui, l’État est au rendez-vous, volontaire, sur le front de l’emploi comme sur celui de la croissance, son corollaire, accomplissant déjà des réformes structurelles importantes : CICE, allégement des cotisations patronales sur les bas salaires dès le 1erjanvier 2015, loi de sécurisation de l’emploi, réforme territoriale en cours, dont l’OCDE estime que nous pouvons attendre 1,6 % de croissance supplémentaire.
Citons aussi la création de la Banque publique d’investissement, la BPI, les efforts de rénovation de notre appareil productif, le soutien à l’investissement local, la relance des contrats de plan État-régions et l’investissement européen avec le plan d’investissements de 300 milliards d’euros que la France promeut avec force au plus haut niveau.
Sur le front de l’emploi, le Gouvernement est interventionniste et ce budget en témoigne. À notre arrivée aux responsabilités, en 2012, le budget que nous examinons aujourd’hui n’était plus que de 9,8 milliards d’euros. Il sera en 2015 de 11,07 milliards. Avant qu’apparaissent les effets du CICE et des autres mesures que je citais, nous devons renforcer massivement les dispositifs de la politique de l’emploi.
Nous le faisons. Ainsi, les contrats aidés sont confortés : 270 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi, 80 000 contrats d’insertion dans l’emploi, soit un doublement par rapport à 2014, la poursuite des contrats de génération, 50 000 entrées dans le dispositif garantie jeunes, destiné aux jeunes en très grande précarité, dans le but d’atteindre 100 000 jeunes en 2017, et enfin 50 000 nouveaux contrats d’avenir qui concernent 83 % des jeunes non bacheliers.
Notre groupe proposera par voie d’amendement de prévoir 50 000 contrats aidés supplémentaires. Nous soutenons également la proposition de notre rapporteure, Monique Iborra, de prévoir 500 postes supplémentaires en faveur de l’emploi des personnes handicapées en entreprises adaptées. Nous nous félicitons des dernières avancées de la réforme de l’apprentissage dues au financement de la prime de 1 000 euros élargie à tout recrutement par les entreprises de moins de 250 salariés et à la consolidation des missions et des moyens des régions dont les ressources s’élèvent à près de deux milliards d’euros,soit une hausse de soixante-cinq millions. Nous nous réjouissons enfin des premiers effets positifs de la simplification du mécanisme d’activité partielle visant à en faire une solution alternative au licenciement.
Le chômage partiel dont vous parliez dans l’opposition est devenu l’activité partielle !
L’État agit pour tonifier le marché de l’emploi et amortir les effets de la crise, mais il ne peut le faire seul. Il existe depuis 1998 une stratégie européenne pour l’emploi, trop timorée à mon goût mais rendue plus concrète par le déploiement de la « garantie jeunes » financée essentiellement par des crédits européens. Néanmoins, les États doivent avancer les sommes, ce qui augmente leur déficit. Je sais vos efforts, monsieur le ministre, visant à simplifier et accélérer les procédures de mobilisation des fonds européens en faveur de l’emploi des jeunes et faire passer la participation européenne à vingt milliards d’euros au lieu de six actuellement. Je tiens à les rappeler ici et à répéter que notre groupe les soutient. En conclusion, le Gouvernement affiche une exigence de résultats avec humilité, trop peut-être, ce qui est tout à son honneur.
Rappelons en effet que la réussite en Europe n’est pas monnaie courante. Gardons-nous des comparaisons hâtives et méfions-nous des statistiques en trompe l’oeil qui, négligeant les effets démographiques, exagèrent et déforment nos échecs comme les réussites des autres ! L’Allemagne n’est peut-être pas le meilleur élève de l’Europe comme on l’entend souvent, car elle a perdu 500 000 habitants depuis l’an 2000 alors que la France en a gagné cinq millions. Aujourd’hui, cinq millions d’Allemands sont payés moins de 400 euros par mois et trois millions moins de six euros par heure. Les Allemands paient au prix fort un retour à l’emploi somme toute relatif en comparaison de ce que connaît la France. Toutes les forces vives, dont le patronat auquel nous sommes nombreux ici à penser très fort, doivent s’en réjouir ! Que tous à présent respectent leurs engagements et leurs promesses en faveur de l’emploi !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, la lutte contre le chômage serait la priorité du Gouvernement. La baisse de 3 % des crédits consacrés à la mission « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances en est une surprenante traduction ! Quelle est la réalité ? Une croissance atone, un pouvoir d’achat en baisse et la quatrième plus forte hausse annuelle du nombre de demandeurs d’emploi depuis 1991 ! Quelle est la réponse du Gouvernement et du Président de la République ? Le recours massif aux contrats aidés ! Si chaque majorité, de droite ou de gauche, y a eu recours, avouez, monsieur le ministre, que vous en faites l’alpha et l’oméga de votre action ! Non seulement ils pèsent lourd sur la dépense publique, car ils sont largement subventionnés, mais en plus ils ne garantissent pas le retour au plein emploi ! Pire, le chômage de longue durée et celui des seniors continue d’augmenter ! Vous persistez et signez, pourtant, car les contrats aidés auront cette année encore la part belle, non plus au profit des CIE du secteur marchand, ce qui était plutôt une bonne nouvelle, mais des Contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, qui verront leur nombre augmenter de 30 000 à la faveur d’un amendement socialiste dont vous vous êtes félicité, monsieur le ministre !
Est-ce bien raisonnable, compte tenu des difficultés financières des associations et des conséquences de la baisse des dotations des collectivités sur leurs dépenses de fonctionnement ? De même, vous ajoutez 50 000 emplois d’avenir aux 150 000 déjà programmés et certains députés de votre majorité en demandent 15 000 de plus ! Mais pour quels jeunes ? Ils devaient à l’origine être réservés à des jeunes peu ou pas qualifiés mais seuls 41 % des bénéficiaires sont des décrocheurs, 36 % ont un emploi six mois après le terme de leur contrat d’avenir et seulement 7 % suivent une formation qualifiante ! L’esprit qui a présidé à leur création a donc été dévoyé afin de tenter d’inverser coûte que coûte la courbe du chômage, mais les jeunes les plus éloignés de l’emploi seront-ils vraiment les plus aidés par les nouveaux emplois d’avenir ?
La facture des 30 000 CAE et des 15 000 emplois d’avenir supplémentaires s’élèvera à 200 millions d’euros, dont vous ne dites pas comment vous les financez, monsieur le ministre. Par de la dette et des déficits, probablement ! C’est un choix. L’UMP en aurait fait un autre consistant à baisser les charges pesant sur le travail, en particulier pour les entreprises qui donnent leur chance aux jeunes, singulièrement par la voie de l’alternance. En sus des emplois d’avenir et du contrat de génération, vous généralisez la garantie jeunes sans même attendre la fin de l’expérimentation. Vous en prévoyez 50 000 dès 2015 et 100 000 en 2017, pour un coût estimé à 400 millions d’euros ! Si encore elle était la déclinaison française de la garantie jeunesse européenne, destinée à tous les jeunes en emploi, en stage, en formation ou en création d’entreprise, mais pas du tout !
La « garantie jeune » à la française n’est ni plus ni moins qu’un RSA – le revenu de solidarité active – pour jeunes et un dispositif de plus à la main des missions locales qui vient s’ajouter à tous les autres. À ce propos, avez-vous pris connaissance, monsieur le ministre, du rapport sur la mobilité sociale des jeunes rédigé par nos collègues Jean-Frédéric Poisson et Régis Juanico ? Il mentionne « des moyens budgétaires conséquents mais des dispositifs peu lisibles », « des acteurs multiples mal pilotés » et « une efficacité inégale et insuffisamment évaluée ». C’est d’abord à ce triste constat qu’il aurait fallu s’attaquer ! Enfin, pour conclure au sujet des contrats aidés, le groupe UMP s’est inquiété du prélèvement de vingt-neuf millions d’euros en trois ans sur le fonds de roulement de l’AGEFIPH. Comme nos collègues des autres groupes, en une unanimité dont nous nous réjouissons, nous demandons la garantie que la totalité des fonds profite effectivement à l’emploi des personnes handicapées.
Parlons maintenant de l’apprentissage, que vous avez négligé au cours des deux dernières années, trop occupés que vous étiez à promouvoir les emplois dits d’avenir et les contrats de génération ; trop décidés que vous étiez à mettre à mal un dispositif dont le taux d’insertion des jeunes est pourtant le meilleur !
La division par deux du crédit d’impôt apprentissage, la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire et la pénalisation des CFA font partie des mesures que vous avez prises pour littéralement abîmer l’apprentissage, monsieur le ministre, et en raison desquelles les entrées en apprentissage n’ont cessé de baisser depuis deux ans. En vue de vous rattraper, vous organisez des assises de l’apprentissage et annoncez une prime de 1 000 euros destinée aux entreprises de moins de 250 salariés. Mais où trouvez-vous les 60 millions d’euros nécessaires ? Dans le projet de loi de finances rectificatif, c’est-à-dire pas maintenant ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, gagner la confiance des participants aux assises de l’apprentissage ? Comment la feuille de route qu’ils ont élaborée sera-t-elle appliquée concrètement si vous reportez d’ores et déjà le financement de la principale mesure ?
J’évoquerai pour conclure l’accompagnement des demandeurs d’emploi. J’observe que l’on demande toujours plus à Pôle emploi sans que les moyens augmentent !
Vous m’avez entendue, monsieur le ministre, réagir vivement à l’annonce par Mme la ministre des affaires sociales de la suppression de l’Aide personnalisée de retour à l’emploi, l’APRE, du budget consacré à la solidarité. Voilà 35 millions d’euros destinés à lever les freins à l’emploi dont ne disposeront plus les conseillers insertion ! Pôle emploi prendra le relais, m’a-t-elle répondu. Mais avec quels moyens ? On ne peut à la fois soupçonner les demandeurs d’emploi de ne pas chercher du travail et supprimer les moyens qui favorisent leur réinsertion ! De même, si l’on veut rapprocher l’offre de la demande d’emploi pour résorber ce paradoxe français de la coexistence de 3,5 millions de chômeurs et de 300 000 offres d’emploi non satisfaites, on ne peut condamner les maisons de l’emploi qui ont apporté la preuve de leur valeur ajoutée en de nombreux territoires !
En baissant leur dotation de 50 % par rapport à celle de l’an dernier, vous prenez le risque, monsieur le ministre, de pénaliser leurs actions, en particulier celles qui bénéficient aux seniors et aux chômeurs de longue durée. Vous avez été honnête et avez reconnu votre échec en matière de lutte contre le chômage, dont nul ne peut se réjouir tant nous souhaitons tous le résorber durablement. Néanmoins, le groupe UMP estime que les crédits de la mission financent des politiques qui ne sont malheureusement pas à la hauteur des enjeux, c’est pourquoi nous ne pourrons les voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, le pays compte 1 000 chômeurs supplémentaires par jour depuis le début du quinquennat.
Ce bilan qui est le vôtre, monsieur le ministre, découle de trois fautes majeures. La première, c’est la méthode privilégiée par le Président de la République qui a promis le 9 septembre 2012 l’inversion de la courbe du chômage en une année. Les mois passent, le chômage continue d’augmenter, la courbe ne s’inverse pas et l’échec que vous avez récemment avoué, faisant preuve il est vrai d’une forme d’humilité, n’en est que plus retentissant. En la matière, la parole du Gouvernement ne nourrit plus que la défiance et la désespérance et ses membres ne sont plus que les commentateurs passifs d’une crise dans laquelle ils ont, avec la majorité, enlisé le pays. Pire encore, vous avez annoncé que le front de l’emploi ne connaîtrait aucune amélioration avant la fin de l’année 2015, ce qui revient à admettre que trois années ont été perdues dans la bataille pour l’emploi ! Une telle inertie contraste avec l’ampleur des drames humains dont la hausse massive du chômage est chaque jour la cause et que tous ici nous connaissons.
La seconde erreur réside dans l’entêtement idéologique qui a mené le Gouvernement à abroger la défiscalisation des heures supplémentaires, asphyxier le pays d’impôts et mettre les moteurs de la croissance à l’arrêt en vous attaquant à des secteurs vitaux de l’emploi comme les services à la personne ou le bâtiment. Quant à la dernière erreur, les crédits de la mission « Travail et emploi » qui nous occupent ce soir l’illustrent tristement. Vous vous êtes accroché à la boîte à outils, monsieur le ministre, refusant de lancer un véritable plan massif et volontaire de retour à l’emploi que le groupe UDI n’a cessé d’appeler de ses voeux. Les dispositifs de soutien public à l’emploi, auxquels nous avons parfois accordé notre soutien car ils préservent temporairement la cohésion sociale, ne sauraient constituer une réponse globale et pérenne à la hausse du chômage.
La lutte contre le chômage, vous l’avez dit vous-même, suppose la confiance, celle-là même que l’on accorde aux entreprises, aux salariés, aux investisseurs, aux créateurs de richesses, bref à notre économie et surtout à notre ressource humaine, qui en est certainement la principale richesse et qui doit être valorisée par l’apprentissage et la formation professionnelle. Il faut également, nous vous le disons tous ce soir, faire confiance aux acteurs du terrain. Leur proximité, le travail qu’ils mènent en faveur des chômeurs aux difficultés les plus accentuées, leur connaissance des besoins économiques locaux et leur capacité à fédérer tous les acteurs du bassin d’emploi en font des acteurs incontournables en matière d’accès et de retour à l’emploi.
Dans cette perspective, personne parmi nous ne manquera de proposer la révision de la feuille budgétaire que vous proposez pour les maisons de l’emploi créées par le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo qui était, lui, un véritable plan massif de retour à l’emploi en raison duquel le taux de chômage était tombé à 7,8 %. Les débats que nous avons eus en commission avec Mme la rapporteure au sujet du programme 103 étaient intéressants, mais laisser entendre que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriale profitera aux maisons de l’emploi me semble n’être qu’un rideau de fumée. J’espère que nos collègues ne voteront pas les amendements proposés par le Gouvernement visant à abonder les crédits des maisons de l’emploi, car jusqu’à preuve du contraire les dix millions d’euros que nous avons alloués l’an dernier à la Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, la GPEC, territoriale n’ont pas bénéficié à leurs budgets.
Vous devinez sans doute la conclusion à laquelle j’arrive, monsieur le ministre. La mission « Travail et emploi » ne traduit pas l’engagement du Président de la République et du Gouvernement de faire de la lutte contre le chômage une priorité. La majorité, c’est son rôle, est venue au secours du Gouvernement en proposant très diplomatiquement mais très fermement un amendement, que vous avez d’ailleurs déjà accepté dans votre propos liminaire, laissant entendre que la feuille de route retenue n’est pas exactement celle qu’elle attendait. Nous verrons comment il sera reçu sur tous les bancs. En résumé, la baisse programmée des crédits de la mission de 1,6 milliard d’euros en trois années ne constitue pas la mise en oeuvre d’une politique volontariste de lutte contre le chômage ni de protection des salariés et de développement du dialogue social. En conséquence, les députés du groupe UDI ne voteront pas les crédits du programme correspondant.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le chômage ne cesse pas d’augmenter et les prévisions pour l’année 2015 ne sont pas très optimistes. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que « la politique de l’emploi est un échec ». Vous avez le mérite de la sincérité, qui pourrait nous éviter de commenter à la hache et sans nuances des courbes du chômage que nous n’arrivons plus à suivre et des chiffres contradictoires selon des indicateurs pas toujours bien calibrés. Mais en vérité, en quoi consiste la politique de l’emploi ? Les crédits de onze milliards d’euros que nous nous apprêtons à voter et qui lui sont consacrés financent l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi et des publics aux difficultés les plus criantes sous la forme d’organismes tels que Pôle emploi, les missions locales pour les jeunes, les dispositifs pour les personnes handicapées ou encore l’insertion par l’activité économique.
Il s’agit également du financement des contrats aidés ou, pour une part, de la formation professionnelle.
Il n’y a pas là matière à polémique pour la partie budgétaire. Notre attention doit davantage se porter sur les modalités de dépenses de ces crédits en lien avec les collectivités territoriales, qui pilotent la plupart de ces actions.
Pour lutter contre le chômage, les écologistes appellent à un changement de cap en matière d’orientations économiques et de programmes d’investissement public ; ils demandent une rupture avec les vieilles recettes telles que l’illusion qu’une baisse du coût de travail – sans contrepartie pour les entreprises, quelle que soit leur taille, leur activité ou leurs bénéfices – serait facteur de relance et de création d’emplois. De ce point de vue, le Pacte de responsabilité répond à une vision dogmatique inadaptée à la réalité, qui conçoit l’entreprise comme un objet unique, comme si les entreprises étaient parfaitement identiques les unes aux autres et que leurs décisions d’embauche obéissaient aux mêmes motivations, par exemple une baisse des charges. Or ce n’est pas le cas.
Pour lutter contre le chômage, nous souhaitons aussi que les lois récemment votées soient mieux portées et mises en oeuvre, à la hauteur des enjeux qu’elles ont su faire émerger. Je pense à la loi pour un changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire, à la loi sur la formation professionnelle, avec la création du compte personnel de formation à partir de janvier prochain, à l’apprentissage et à la réforme de l’insertion par l’activité économique – IAE.
Sur ce dernier sujet, qui concerne directement le secteur de l’économie solidaire, puisque les entreprises de l’IAE font désormais partie des entreprises solidaires d’utilité sociale, les ESUS, de la loi sur l’économie sociale et solidaire, nous devons nous méfier de la tentation des évaluations quantitatives. Inlassablement, je rappellerai que les publics prioritaires sont par définition les personnes que les professionnels considèrent comme les plus éloignées de l’emploi, parce qu’elles ont d’abord des difficultés sociales – problèmes de logement ou d’accès aux soins, par exemple –à résoudre. Prétendre renforcer les évaluations quantitatives, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, viser ce que vous appelez les « sorties positives », c’est risquer de faire de cette politique une politique du chiffre inadaptée à ce secteur.
Car si une structure, pour obtenir des crédits publics et maintenir son activité, vit dans la crainte de ne pas réaliser assez de « sorties positives » en emploi classique, et bien elle recrutera – dans un chantier d’insertion, par exemple – les personnes ayant le moins de difficultés sociales, ce qui dénature totalement sa mission première, à savoir précisément l’accompagnement social dans le cadre d’une remobilisation par l’activité. C’est le risque avec les critères choisis, notamment pour la part modulable du nouveau contrat CIDD.
Cet exemple vaut pour d’autres sujets auxquels nous avons affaire dans le cadre de la mission budgétaire qui nous occupe. Nous approuvons le renforcement des effectifs de Pôle emploi, non pour « mieux contrôler », monsieur le ministre, mais plutôt pour « mieux accompagner, informer, proposer, soutenir ». Nous parlons d’êtres humains, dont nous devons protéger la dignité. Il importe également de renforcer la professionnalisation des équipes de Pôle emploi, qui devront désormais intervenir davantage auprès des bénéficiaires du RSA, ce qui apparaît aujourd’hui, je l’ai déjà dit, comme le troisième pilier de l’assurance chômage. Il dépend des conseils généraux, qui ont à la fois la responsabilité du versement des allocations et celle de l’établissement des contrats d’insertion.
Permettez-moi d’ailleurs de rappeler que la baisse des dotations aux collectivités risque fort de mettre les futurs conseils départementaux en difficulté, alors même qu’ils participent activement aux politiques d’accès à l’emploi, tout comme les régions pour la formation professionnelle ou l’apprentissage.
Conduire une politique de l’emploi en soutien aux personnes en situation de chômage, c’est savoir articuler différents niveaux d’intervention, dans le cadre d’un juste financement des mesures qui leur sont destinées.
Les collectivités territoriales ne peuvent être des opérateurs sans moyens. Ce sont des assemblées démocratiques qui doivent conquérir une autonomie fiscale afin de pouvoir mettre en oeuvre leurs orientations et leurs projets. Elles ont des compétences essentielles en la matière, il faut donc qu’elles aient les moyens de leurs politiques.
Je l’ai dit, ce budget ne prête pas à polémique. Il est juste incomplet, et doit être rapproché d’autres mesures indispensables pour assurer l’efficacité des actions en faveur de l’emploi durable.
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Pour le groupe SRC, la parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Je me félicite que, dans cette période de forte contrainte budgétaire, les crédits de la mission « travail et emploi » aient pu être maintenus à un haut niveau, même s’ils sont en baisse. Cette baisse d’environ 3 % devrait être réduite de moitié grâce à l’amendement que présentera tout à l’heure le groupe SRC, qui porte à 45 000 le nombre des contrats aidés supplémentaires.
Je me félicite aussi que la priorité donnée à la jeunesse et à l’insertion professionnelle des jeunes reste celle du Gouvernement, donc du budget, avec la poursuite des emplois d’avenir, le soutien aux missions locales et aux écoles de la deuxième chance, la relance de l’apprentissage et du contrat de génération, le développement de la garantie jeunes, qui a pour objet, je vous le rappelle, de faire accéder à l’autonomie des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans en situation de grande précarité, par l’accès d’une part à des expériences professionnelles et à de la formation, et de l’autre à la garantie de ressources à hauteur du RSA socle et à un accompagnement renforcé.
Lors de la Conférence sociale de juillet, le Gouvernement a décidé d’accélérer la montée en charge de ce dispositif, grâce notamment à l’apport de l’initiative européenne pour l’emploi des jeunes, qui devrait représenter 600 millions d’euros pour notre pays dans les deux années à venir.
Ma question sera donc la suivante, monsieur le ministre. Comment envisagez-vous concrètement cette montée en puissance de la garantie jeunes ? Quelles solutions imaginez-vous pour aider les missions locales à bénéficier du reste des fonds de cette initiative européenne pour l’emploi des jeunes, sachant qu’elles sont en difficulté pour avancer ces crédits européens sur deux ans ?
Enfin, pensez-vous opportun que Pôle emploi se saisisse de cette initiative européenne pour développer une offre de services spécifique à destination des jeunes, qui risque de faire doublon ? Ne serait-il pas préférable que Pôle emploi vienne, dans le cadre de la convention de partenariat renforcé qui est négociée, en soutien direct aux missions locales, et redéploie plutôt son action en direction des demandeurs d’emploi de longue durée et des seniors, dans le cadre du plan d’action que vous avez décidé, dont vous pourriez nous indiquer les grandes lignes ?
Vous le savez, monsieur le député, la France a été le premier État membre de l’Union européenne à voir son programme « initiative pour l’emploi des jeunes » adopté par la Commission européenne. Vous l’avez rappelé, cela représente un montant de l’ordre de 620 millions d’euros pour les deux années et les seize régions françaises concernées.
Sur le terrain, les missions locales sont au coeur de la mise en oeuvre de l’initiative européenne de la jeunesse, avec la garantie jeunes. L’objectif est de 50 000 jeunes dès 2015 ; plus de 160 millions d’euros, soit 100 millions de plus qu’en 2014, seront mobilisés, dont 30 millions d’euros de crédits européens. L’expérimentation est en cours depuis novembre 2013 dans dix territoires ; elle sera étendue à dix territoires supplémentaires à compter du 1er janvier. J’ai lancé un appel à projets qui va trouver réponse très prochainement.
Outre le financement de la garantie jeunes, les missions locales pourront bénéficier d’autres crédits IEJ, notamment ceux prévus pour le financement des actions d’accompagnement renforcé des jeunes dits NEETS, pour neither in employment nor in education or training, c’est-à-dire n’ayant ni stage, ni emploi, ni formation.
Pour faciliter l’accès à ces fonds, une convention est en cours d’élaboration entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations, afin de pouvoir attribuer aux porteurs de projets un cofinancement préalable à l’arrivée des fonds.
J’en viens au risque de doublon avec Pôle emploi. Les missions locales doivent s’articuler pour agir en complémentarité auprès des jeunes. En 2013, Pôle emploi a accompagné 674 000 jeunes ; les missions locales ont été en contact avec 1 410 000 jeunes, et ont reçu à peu près 1 230 000 jeunes en entretien. Cette articulation doit se faire dans le cadre de l’accord de co-traitance entre Pôle emploi et les missions locales, qui doit être renégocié d’ici la fin de l’année avec la refonte du partenariat renforcé. Il devra fixer des modalités de répartition et de fonctionnement locales claires, pour renforcer encore la logique de complémentarité qui fonde l’intervention de ces deux acteurs clés. J’y veillerai personnellement.
Est-il encore besoin de rappeler les vertus de l’apprentissage et ses résultats en termes de formation et d’insertion professionnelle ? Les dernières Assises de l’apprentissage ont défini les principales orientations pour construire une politique ambitieuse et développer l’apprentissage. Notre gouvernement souhaite offrir aux jeunes des formations tournées vers l’emploi et l’avenir, par une action publique cohérente, avec des objectifs clairs et une grande ambition.
Plusieurs leviers seront mis en oeuvre : le renforcement du nombre d’apprentis dans les collectivités publiques et de l’implication de l’éducation nationale, la mobilisation des entreprises, mais aussi des aides financières non négligeables.
Cependant, l’apprentissage ne se décrète pas. Le recrutement de jeunes apprentis par les entreprises dépend largement de la conjoncture économique…
…et de la complexité des dispositifs, surtout pour les plus petites d’entre elles. Il faut absolument se doter d’outils d’accompagnement et de simplification pour les inciter à y recourir.
De l’orientation à l’insertion professionnelle, le parcours des apprentis doit être sécurisé. Pour lutter contre les ruptures prématurées et garantir un apprentissage réussi, cette voie doit faire preuve de souplesse, tant dans l’orientation que dans le cursus de formation. Des passerelles doivent être envisagées entre les différentes voies proposées ; il faut éviter que le jeune ne reste sur un échec.
Quels que soient les blocages liés à l’illettrisme, à l’âge, à l’origine, au sexe ou au handicap, les discriminations du monde du travail n’épargnent pas l’apprentissage. Trouver un employeur pour une formation relève parfois du parcours du combattant. Monsieur le ministre, développer l’apprentissage, c’est aussi lutter contre ces discriminations persistantes, qui excluent nombre de nos jeunes à raison de leur nom, de leur adresse, de leur origine ou de leur handicap.
Développer l’apprentissage, c’est aussi favoriser une plus grande représentation des jeunes filles dans certains secteurs ou métiers dits masculins. L’apprentissage, voie d’excellence, doit être un outil de citoyenneté, de mixité, d’intégration et de promotion sociale. Il est de notre devoir de redonner confiance à tous nos jeunes.
Alors, monsieur le ministre, au-delà de la levée annoncée de tous les freins au développement de l’apprentissage, pouvez-vous nous dire comment vous entendez mobiliser l’ensemble des acteurs en faveur de l’élaboration d’une charte ou d’un label pour le respect de la mixité et de la diversité dans le recrutement dans les centres de formation et les entreprises ?
Vous avez raison, madame la députée, l’apprentissage est une voie d’excellence, et le Gouvernement en a engagé une réforme globale. Il y a d’abord eu la loi du 5 mars 2014, qui a introduit des éléments de sécurisation du parcours de l’apprenti. Elle confie ainsi aux CFA des missions d’accompagnement des jeunes, notamment pour prévenir les ruptures de contrat ; elle incite les branches professionnelles à négocier sur la formation des maîtres d’apprentissage ; elle crée la possibilité de conclure un contrat à durée indéterminée qui comporte une période d’apprentissage.
La réforme du financement de l’apprentissage, qui sera effective au 1er janvier 2015, contribuera à n’en pas douter puissamment au développement de cette voie de formation, en simplifiant les circuits de financement et en lui dédiant de nouveaux moyens financiers. La réforme de la taxe d’apprentissage sera complétée par l’affectation d’une fraction supplémentaire de TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, aux régions dans le projet de loi de finances pour 2015. La simplification des circuits de financement pour les entreprises, notamment par la diminution du nombre de collecteurs de la taxe d’apprentissage est d’une grande importance, de même que l’attribution directe aux régions d’une ressource évolutive pour l’apprentissage, entièrement dynamique, qui leur permettra d’assumer pleinement leurs responsabilités. Par rapport aux montants qui auraient été collectés hors réforme, ce seront plus de 200 millions d’euros de ressources financières supplémentaires pour l’apprentissage dès 2015.
La loi de finances verra également l’achèvement de la réforme des primes à l’apprentissage, avec la création – nous en parlerons – d’une nouvelle prime au recrutement d’apprentis supplémentaires, à hauteur de 60 millions d’euros, qui viendra s’ajouter à la prime d’apprentissage rénovée.
La Journée de mobilisation pour l’apprentissage du 19 septembre a permis de fixer des axes prioritaires, que vous avez rappelés et que je partage, pour la levée des freins non financiers au développement de l’apprentissage. J’en citerai trois : mieux répondre aux besoins d’appui et d’accompagnement, mettre en place un véritable statut de l’apprenti, enfin adapter le cadre d’emploi des apprentis pour faciliter leur recrutement.
On peut donc dire qu’un programme de travail opérationnel est aujourd’hui partagé avec l’ensemble des acteurs, ce dont nous nous félicitons, pour un aboutissement des travaux en vue de la prochaine rentrée.
Monsieur le ministre, chers collègues, ma question sera très proche de celle de Mme Bouziane ; mais peu importe.
La contradiction apparaît flagrante entre les déclarations du Président de la République le 19 septembre dernier et la réalité. Alors que l’objectif qui a été fixé est de 500 000 apprentis en 2017, le nombre des contrats d’apprentissage est en chute libre. Les chiffres l’attestent, avec une baisse de 8 % entre 2012 et 2013, et de 14 % depuis le début de l’année 2014.
Le projet de loi de finances pour 2014 a déjà largement affecté l’apprentissage en divisant par deux le crédit d’impôt apprentissage et en supprimant l’indemnité compensatrice forfaitaire.
Pour que ce soit encore moins clair, vous avez dilué votre réforme de la taxe d’apprentissage dans pas moins de cinq projets de loi depuis un an, voire six si l’on tient compte du vote dans le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises d’une prime de 1 000 euros pour les PME qui embauchent un premier apprenti.
En septembre dernier, lors des assises de l’apprentissage, le Président de la République est encore revenu sur ce point pour élargir le champ des bénéficiaires de la prime en question. Il s’agira donc d’une prime de 1 000 euros, s’appliquant rétroactivement au 1er septembre 2014, pour les entreprises de moins de 250 salariés et cumulable pour les TPE, les très petites entreprises, avec la prime régionale de 1 000 euros.
L’instabilité fiscale a eu pour conséquence de faire chuter le nombre d’entrées en apprentissage, ce que tous les secteurs concernés regrettent et déplorent. Il faut ajouter à ce facteur défavorable les mesures réglementaires tatillonnes, telles celles qui concernent les outils dangereux, qui découragent les entreprises et sont de plus en plus rédhibitoires.
Dans ces conditions, quelles mesures de simplification et quelles dispositions fiscales comptez-vous prendre pour relancer le recours à l’apprentissage, alors que près de 120 000 jeunes sortent du système scolaire chaque année, monsieur le ministre ?
Votre majorité nous présentera dans quelques instants un amendement visant à dégager 200 millions d’euros en crédits de paiement et 480 millions d’euros en autorisation d’engagement pour créer 35 000 nouveaux contrats aidés dans le secteur non marchand et 15 000 nouveaux emplois d’avenir qui devraient s’ajouter aux 50 000 déjà prévus pour 2015. Or, les premiers éléments de bilan que nous avons des emplois d’avenir ne sont pas très bons. Alors que le volet formation de ce dispositif avait fait consensus dans l’hémicycle, seuls 7 % des jeunes en emploi d’avenir ont suivi une formation qualifiante.
Or, à la fin de l’année 2015, près de 2,7 milliards d’euros auront été payés par le contribuable pour financer ces emplois. Ne faudrait-il pas réorienter ces crédits vers l’alternance, qui débouche pour 70 % des étudiants sur un emploi durable ?
Madame la députée Marianne Dubois, permettez-moi de faire précéder ma réponse de quelques remarques.
Je commencerai par une observation d’ordre général que vous avez sans doute également faite : c’est dans les entreprises de moins de dix salariés, où le système de financement n’a pas été modifié, qu’il y a la plus forte chute du nombre d’apprentis. Cela signifie donc que ces changements ne sont pas l’unique problème, même si je dois convenir que les modifications incessantes sont déstabilisantes pour les entreprises. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons l’intention de stabiliser tout cela.
Par ailleurs, vous avez conclu votre propos sur les emplois d’avenir sans mentionner l’étude de la DARES, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, qui montre clairement le contraire de ce qui a pu être écrit dans un certain quotidien. Il est encore un peu tôt pour se livrer à une évaluation du dispositif, car les derniers contrats viennent d’être signés. Avant de formuler des critiques, attendons au moins que tous les contrats soient entrés en application.
Je l’admets à nouveau, il y a des freins au développement de l’apprentissage ; ils ont été bien pointés, bien identifiés lors de la journée du 19 septembre dernier. Cependant, je me félicite que nous ayons stabilisé financièrement l’aide à l’apprentissage. Les primes sont rétablies, comme vous l’avez très bien rappelé, madame la députée, à partir du 1er juillet 2014 dans les entreprises de moins de 250 salariés et peuvent être cumulées, dans les entreprises de moins de 10 salariés, avec la prime existante de 1 000 euros.
Je ne suis pas certain que cela suffise. Il faut vraiment changer les mentalités ; je tiens à le dire ici. Pour ma part, ainsi que je l’ai annoncé voilà quelques jours en commission élargie, je présenterai au Conseil d’orientation sur les conditions de travail des modifications de la réglementation relative aux machines dangereuses, qui est souvent évoquée, modifications qui, bien sûr, seront sans conséquence sur l’efficacité de la protection des apprentis. Cela concernera également les travaux en hauteur, car ces éléments me paraissent aujourd’hui de nature à provoquer un blocage. Il s’agit non pas de mettre en danger la vie des jeunes apprentis – ce ministère a pour vocation d’assurer les protections des salariés et de ceux qui sont sous contrat d’apprentissage – mais de lever un certain nombre de freins.
J’ajouterai enfin que l’application du dispositif financier que nous allons adopter permettra de stabiliser le paysage, ce qui est indispensable. Les allers et retours, les modifications que vous avez évoquées, j’en conviens, n’ont pas été très simples à gérer pour les entreprises, mais nous devons à présent avancer. D’ailleurs, ne vous moquez pas de nous sur l’objectif de 500 000 apprentis : vous vous l’êtes fixé pendant dix ans et vous ne l’avez jamais atteint.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en avons terminé avec les questions.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 : suite de la mission « Travail et emploi », mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly