Un brevet est un titre de propriété qui confère à son titulaire ou à quiconque détient une licence le droit d'exploiter une invention sur un territoire donné. Mais c'est aussi un outil de politique anti-concurrentielle, notamment avec la technique des brevets « en grappe », souvent pratiquée par les Américains.
Un brevet est constitué de revendications, à savoir deux ou trois pages expliquant en quoi consiste l'invention, puis d'une description, qui permet à l'homme de l'art de suivre la démonstration technique. La description s'étalant parfois sur cent ou cent cinquante pages, des efforts magistraux sont nécessaires pour comprendre de quoi il s'agit, surtout quand elle est rédigée dans une langue étrangère.
Il existe aujourd'hui deux types de brevets : le brevet national ; le brevet dit « européen », mis en place par la Convention de Munich et placé sous la responsabilité de l'Office européen des brevets (OEB). Il s'agit en réalité d'une sorte de faisceau de brevets nationaux permettant à l'inventeur de désigner les États dans lesquels il souhaite voir protéger ses droits, parmi trente-huit pays européens, dont les vingt-sept de l'Union européenne. Ce brevet européen fonctionne bien : 250 000 demandes sont instruites chaque année par l'OEB, qui accomplit un travail de qualité, reconnu au plan mondial.
Un autre accord international, le Patent Cooperation Treaty (PCT, ou Traité de coopération en matière de brevet), placé sous la responsabilité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), permet d'étendre le brevet national ou européen à d'autres pays du monde, voire au monde entier.
Les Européens ont longtemps désiré instituer un brevet dit « communautaire » mais ce fut toujours un échec. Il s'agit aujourd'hui de créer un brevet dit « à effet unitaire », avec une construction juridique intéressante. Ce titre serait reconnu en bloc dans l'ensemble des États de l'Union européenne. La description serait rédigée dans l'une des trois langues de travail de l'OEB – l'anglais, le français et l'allemand –, les seules revendications étant traduites dans les deux autres langues, et la protection de la propriété industrielle serait uniforme, ce qui entraînerait une simplification des procédures de validation et une baisse des frais de traduction, de rémunération des intervenants et d'enregistrement des transferts de licences.
Le projet a buté sur un problème majeur : au terme de tractations assez rudes, l'Italie et l'Espagne ont refusé le projet, au nom de la défense de leurs langues. Deux États, et non des moindres, restent donc sur le côté. Il fallait bien avancer mais c'est un point très sensible, avec lequel il ne faut pas jouer et sur lequel je souhaite insister. L'Italie et l'Espagne ont d'ailleurs saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour contester le principe de cette coopération renforcée – qui doit répondre aux règles définies aux articles 326 à 334 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. J'ai moi-même des interrogations car le véhicule juridique retenu est un hybride – mais les bâtards sont parfois les créatures vivant le plus longtemps et la perfection, dans ce domaine, est sans doute illusoire.