Intervention de Jacques Myard

Réunion du 13 novembre 2012 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard, co-rapporteur :

En effet !

L'article 118, qui fonde le projet, dispose que « le Parlement européen et le Conseil […] établissent les mesures relatives à la création de titres européens pour assurer une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l'Union », alors que vingt-cinq États membres seulement sont ici concernés. La Cour tranchera dans les premiers mois de 2013.

Le paquet est constitué de deux règlements. Le premier est relatif au régime linguistique. Le second, qui porte sur la création du brevet à effet unitaire, renvoie à l'article 142 de la Convention de Munich, consacré aux brevets dits « européens », et reprend tout le processus de délivrance du brevet européen tel qu'il est bâti dans ladite Convention. Le brevet unitaire sera donc un titre de l'Union européenne mais s'appuiera sur les dispositions de la Convention de Munich, ce qui est assez intelligent.

Dans une vie antérieure, j'avais essayé de porter sur les fonts baptismaux le brevet dit « communautaire ». Il s'agissait, par convention, de créer un titre s'appliquant dans le strict champ du droit communautaire ; cette usine à gaz n'a jamais pu marcher.

J'ajoute que l'entrée en vigueur des deux règlements est subordonnée à la signature puis à l'adoption d'un accord international à vingt-cinq, qui devra être approuvé, pour ce qui concerne la France, conformément aux articles 52 et suivants de la Constitution.

Ce projet résulte donc d'une imbrication entre droit international public et droit communautaire.

La négociation entre les vingt-cinq États concernés a été extrêmement dure. Le dernier rebondissement s'est produit lorsque le Royaume-Uni a exigé d'extraire du règlement créant le brevet à effet unitaire ses articles 6 à 8, afin d'ôter à la Cour de justice sa capacité à juger du champ de la brevetabilité. Cette ultime modification ne me semble pas poser de problème, dès lors que l'accord international prévoit que toute question préjudicielle de droit européen sera renvoyée à la Cour de justice ; ses prérogatives seront donc préservées.

L'avant-dernière mouture de l'accord international adoptée par le Conseil, qui ne respectait pas ce principe, a justement été censurée par la Cour de justice, qui a réagi « comme une belle-mère », nous a-t-on indiqué, avec un humour suave, à la Commission européenne : la Cour a jugé illégal le dispositif prévu, au regard des obligations incombant aux États, au titre des traités de Rome et suivants, pour faire respecter le corpus des règles communautaires. Cette logique juridique est implacable.

Rappelons au passage une jurisprudence très ancienne de la Cour : elle reconnaît les titres nationaux créateurs de droits de propriété, puisque, en vertu de l'article 345 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le régime de la propriété relève du droit national, même s'il doit respecter les règles communautaires comme la libre circulation des produits, la libre concurrence et la non-discrimination. C'est d'ailleurs sur cette base que Mitterrand a fondé les nationalisations de 1981.

Nous arrivons là au bout du processus, avec, semble-t-il, un accord en train de se dessiner au Conseil. Les textes devraient entrer en vigueur au cours de l'année 2013.

Mais je ne vous cache pas qu'il s'agit d'abord, selon moi, d'un brevet politique, car le système en vigueur aujourd'hui répond à 95 % des besoins. Le nouveau titre permettra toutefois de compléter la boîte à outils, avec un brevet national, un brevet protégeant les droits de propriété industrielle dans quelques États et un brevet à effet unitaire, protecteur dans vingt-cinq pays.

Mais une dernière hypothèque reste à lever : le brevet à effet unitaire devra être compétitif en termes de coût, ce dont je suis beaucoup moins certain.

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