Nous sommes donc en phase ; je suis même parvenue à convaincre Jacques Myard de l'intérêt des nationalisations…
La question du brevet unitaire est ancienne, les négociations ont été assez longues et difficiles. La Commission des affaires européennes a d'ailleurs déjà eu l'occasion d'évoquer la question au travers de deux communications de notre collègue Philippe Cochet, en mars 2011 puis en février 2012.
Les deux propositions de règlement étudiées dans cette seconde communication n'étant toujours pas adoptées, il nous a paru intéressant de nous repencher sur la question afin de produire un rapport d'information approfondi, au terme d'une série d'auditions, à Paris et à Bruxelles.
Au-delà des péripéties survenues et des discussions encore en cours, il nous semble important de faire savoir aux négociateurs français que ce projet de brevet européen à effet unitaire garde tout son intérêt pour l'Europe comme pour la France.
D'abord, ce dispositif constituera une incitation forte en faveur de l'innovation industrielle et un facteur de diffusion de la connaissance scientifique et technique, ce qui, dans un contexte de globalisation et de crise économique aggravée, n'est pas neutre pour l'Union européenne. Pour nos pays comme pour l'Union en général – on en a beaucoup parlé la semaine dernière –, il est nécessaire d'améliorer la compétitivité, en l'occurrence la compétitivité hors prix, en renforçant l'arsenal législatif européen.
S'agissant de la France, nous avons été collectivement sensibles aux négociations entre États participants. D'abord, le système proposé préserve le français comme langue de référence, avec l'anglais et l'allemand, conformément à la Convention de Munich, ce qui est important pour le poids économique de notre pays. En outre, une juridiction unifiée traitera les litiges de façon uniforme, avec une décision de justice unique, alors que, précédemment, il était nécessaire d'intenter des procès dans autant de pays que nécessaire pour faire valoir ses droits de propriété industrielle. Or Paris a été choisie comme siège de la cour centrale de cette future juridiction ainsi que comme siège de la présidence et son premier président sera français. Des sections décentralisées seront certes implantées à Munich et à Londres mais le choix de Paris comme siège est déterminant.
Cela constitue d'ailleurs un juste retour des choses, la France s'étant toujours montrée particulièrement active sur les projets successifs de brevet communautaire puis unitaire. Elle a aussi joué un rôle particulier dans le déclenchement de la coopération renforcée, à douze dans un premier temps, à vingt-cinq aujourd'hui.
Le ministre délégué chargé des affaires européennes, Bernard Cazeneuve, au conseil compétitivité de mai 2012, a encore rappelé l'intérêt de ce brevet et la nécessité de le faire réussir, ce qui dépend de deux conditions : il doit faire la démonstration de sa simplicité, ce qui semble acquis, mais aussi de ses avantages en termes de coût pour les inventeurs, sujet qu'il reste à travailler et sur lequel nous devons encourager les négociateurs français et européens à apporter des garanties. En tout cas, le développement de la traduction automatique, de ce point de vue, constitue un atout.
J'en arrive aux conclusions que nous vous proposons d'adopter.
Nous pensons que les orientations générales de ce « paquet européen à effet unitaire », malgré les soubresauts récents, notamment les dissensions entre le Conseil et le Parlement européen, vont dans le bon sens pour l'innovation et la connaissance dans l'Union européenne.
Il importe de continuer à travailler sur la question des coûts, afin qu'ils soient aussi peu pénalisants que possible pour les inventeurs et par conséquents attractifs, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises, qui rencontrent aujourd'hui le plus de difficultés pour protéger leurs droits de propriété industrielle.
Il conviendra de veiller à ce que la future juridiction centrale – dotée d'une architecture complexe et néanmoins pertinente, avec cet éclatement en trois localisations – rende des décisions de justice de qualité afin d'assurer la sécurité juridique du système, ce qui contribuera aussi à ce que les inventeurs, dans l'avenir, optent pour le brevet à effet unitaire plutôt que pour le brevet national ou européen.
Pour notre part, après les auditions que nous avons menées, il ne nous semble pas dérangeant de renvoyer à l'accord international les articles 6 à 8, qui font l'objet de la divergence de vues entre le Conseil et le Parlement européen. En effet, les textes dont il est question aujourd'hui ne touchent pas au champ de la brevetabilité défini par les réglementations nationales et européennes, qu'il soit satisfaisant ou non pour les uns et les autres.
Il reste quelques obstacles à lever mais nous espérons qu'un compromis pourra être trouvé rapidement, pour des raisons politiques – qui concernent notamment le commissaire français, chargé du marché intérieur et des services – mais aussi économiques, car les entreprises européennes en général et les PME françaises en particulier ont à en espérer des gains de compétitivité.
Nous espérons aussi, une fois les propositions de règlement adoptées et l'accord international signé, que la France pèsera de tout son poids pour enclencher le processus de ratification dans les différents États membres. Il serait bon qu'elle soit l'un des premiers pays à approuver ce texte, dont la Commission des affaires étrangères pourra s'emparer quand il aura été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Enfin, parce que nous sommes profondément Européens, nous souhaitons que l'Italie et l'Espagne, même si elles ont choisi de se tenir à l'écart du jeu de la coopération renforcée, rejoignent à court ou moyen terme le dispositif du brevet européen à effet unitaire. Cela irait dans le sens de l'Europe.