Intervention de François Rebsamen

Séance en hémicycle du 3 novembre 2014 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Travail et emploi

François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, le budget que je vous présente est un budget d’exigence : l’exigence de la lutte contre le chômage d’abord, l’exigence ensuite de faire beaucoup mieux avec à peu près autant qu’auparavant, l’exigence enfin de répondre efficacement à l’urgence du moment.

Ces exigences se déclinent dans trois domaines. Elles concernent les demandeurs d’emploi, d’abord : la recherche d’emploi – je le répète une fois de plus – doit être effective, évaluée et accompagnée. Exigences à l’égard du service public de l’emploi, ensuite : il doit faire plus et mieux. Exigences, enfin, à l’égard des entreprises pour lesquelles nous avons fait de grands efforts, ce budget en témoigne, et qui doivent prendre leur part dans la bataille pour l’emploi.

Pourtant, ce budget d’exigence est aussi un budget d’exception puisqu’il est globalement stable – sa diminution n’est que de 3 % – dans un contexte de réduction importante de la dépense publique. Je n’en prendrai qu’un seul exemple : la subvention de Pôle emploi demeure inchangée à 1,519 milliard d’euros. En clair, il s’agit d’un budget d’engagement !

Cet engagement, c’est d’abord celui du Président de la République et du Gouvernement qui confirment qu’ils font de l’emploi une priorité, dans la droite ligne des deux précédents budgets où les autorisations d’engagement avaient augmenté de 20 % ! C’est aussi un budget d’engagement car, au fond, c’est nous qu’il engage à réussir.

En 2015, le budget de la politique du travail et de l’emploi s’établit à 11,1 milliards d’euros. C’est là un effort substantiel, dans la mesure où l’État participe à hauteur de 19 milliards d’euros à l’effort national de réduction des dépenses de 50 milliards d’euros. Dans ce contexte, la part des dépenses pour l’emploi au sein du budget de l’État reste stable.

Trois principes nous ont permis de construire le budget du travail et de l’emploi. Le premier consiste à améliorer la qualité de notre intervention sans augmenter les moyens – autrement dit, à être plus efficaces. Le deuxième vise à faire en sorte que chaque euro employé soit un euro utile, et ce sans états d’âme – quitte à prendre des décisions difficiles. Enfin, le troisième principe consiste à recentrer les moyens sur nos priorités pour en sentir les effets et éviter le saupoudrage.

S’agissant du principe d’efficacité, il est faux de prétendre que la qualité du service public suppose forcément l’augmentation de ses moyens. Certes, il faut des moyens, et nul ne dira le contraire ; nous les avons d’ailleurs accordés à Pôle emploi, puisque 4 000 équivalents temps plein – ETP – supplémentaires ont complété les équipes existantes. Il faut désormais faire mieux avec ce que l’on a, puisque le budget de Pôle emploi est sanctuarisé pour 2015. La feuille de route de Pôle emploi est précise ; elle sera déclinée dans le cadre de la convention tripartite dont l’État conviendra avec l’Unedic et Pôle emploi. Je l’ai dit, elle vise à améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi tout en développant une offre spécifique pour les plus petites entreprises.

À budget constant, atteindre ces objectifs nécessitera une mise en oeuvre progressive, des gains d’efficience et des redéploiements. Cependant, j’ai confiance et je sais que Pôle emploi et son directeur général, Jean Bassères – qui a déjà fait beaucoup – sauront y parvenir. Le contexte est difficile, il est vrai, et le nombre de demandeurs d’emploi est en augmentation. Nous sommes donc attendus en termes d’efficacité, et je sais que la représentation nationale y est très attentive. C’est la raison pour laquelle j’ai fait le choix et l’effort de préserver le budget de Pôle emploi.

Je pense aussi au financement de l’insertion par l’activité économique, à laquelle 240 millions d’euros seront consacrés. Le Gouvernement a considérablement accru son effort en faveur des structures concernées depuis 2012 en augmentant les crédits qui y sont consacrés de 40 millions d’euros entre 2012 et 2014. En outre, à partir de 2015, l’ensemble des aides aux postes sera indexé sur l’évolution du SMIC. À cela s’ajoutent environ 580 millions d’euros consacrés à des contrats aidés dans le domaine de l’insertion par l’activité économique, ces crédits étant en cours de transformation en aides aux postes et étant liés pour un montant de 380 millions au débasage de 90 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi en 2015.

L’effort total s’élève donc à 820 millions. Toutefois, rappelons qu’en l’occurrence, l’enjeu porte moins sur les montants mobilisés que sur la manière de le faire. En effet, la réforme de l’insertion par l’activité économique change la donne. Désormais, l’aide au poste devient le principal mode de financement. C’est une formule dynamique qui comprend une part variable en fonction de la réalisation d’objectifs, en particulier celui du retour à l’emploi. L’efficacité, faut-il le rappeler, suppose avant tout que les 4 000 structures de l’insertion par l’activité économique et leurs 200 000 salariés soient organisées de manière pertinente.

Deuxième principe : chaque euro engagé doit être un euro utile. Pour s’y conformer, il a fallu faire des choix et passer au crible chaque dispositif en le jugeant à l’aune du service rendu. Là encore, l’exigence que nous nous sommes imposée a consisté à ne soutenir que ce qui a fait ses preuves. Je sais bien que tous les choix ne sont pas consensuels, mais c’est là le prix de l’efficacité.

Je pense par exemple aux maisons de l’emploi, dont la vocation première a disparu depuis la création de Pôle emploi. Dès 2013, nous avons évalué leur plus-value et, en 2014, nous avons confirmé le recentrage de leur cahier des charges autour de deux axes et ajusté leur budget en cohérence avec cette réduction du champ d’intervention. Comme je l’ai rappelé devant la commission élargie, dans le contexte de sérieux budgétaire qui caractérise la loi de finances pour 2015, il nous faut être justes et équilibrés.

Je reconduis au même niveau que l’an dernier – soit 26 millions d’euros – les crédits de fonctionnement des maisons de l’emploi, mais je suis opposé à leur accorder un financement spécifique complémentaire. Je m’engage néanmoins à ce qu’elles aient accès aux crédits d’accompagnement des mutations économiques – dont le montant est de l’ordre de 45 millions d’euros – lorsqu’elles accompagnent un projet à forte plus-value. Dans un contexte de chômage de masse et d’allongement de la durée passée au chômage, faisons le choix de soutenir avant tout les structures qui accompagnent directement les chômeurs. L’urgence exige en effet que nos efforts soient concentrés pour offrir rapidement une solution d’emploi, d’activité ou de formation et pour éviter l’éloignement durable du marché du travail.

Parce qu’il a le sens de la responsabilité collective de nos finances publiques, le Gouvernement prévoit de mobiliser en 2015 les réserves de l’Association chargée de gérer le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH ; tel est l’objet de l’article 62 du présent projet de loi de finances, qui n’affecte en rien la politique de l’emploi des personnes handicapées puisque lesdites réserves seront effectivement consacrées aux travailleurs handicapés – j’aurai l’occasion de vous rassurer sur ce point lors de la discussion des amendements.

C’est dans ce même esprit que le Gouvernement vous proposera d’adopter une mesure de bonne gestion qui n’affecte en rien les moyens de la politique de l’emploi, mais qui permettra de limiter pour les finances publiques le coût net des emplois aidés qu’ont souhaités les parlementaires.

Mon devoir consiste à gérer au plus juste. Ce budget se fonde sur des choix clairs – d’autant plus clairs que j’ai tenu à ce qu’il reflète de véritables priorités d’action pour lesquelles j’ai voulu concentrer les masses financières adéquates.

Troisième et dernier principe : concentrer les forces sur les priorités. Au coeur de notre action se trouvent ceux qui n’ont pas d’emploi, à commencer par les jeunes.

Un effort massif est fait en direction de la jeunesse pour atteindre l’objectif de 50 000 jeunes dès 2015. Plus de 160 millions d’euros seront mobilisés, dont 30 millions de crédits européens.

La jeunesse est la priorité du mandat. Cela a un coût, c’est vrai, mais quel est le coût du décrochage, de l’insécurité, de l’inactivité de longue durée, des minimas sociaux, de la délinquance ? Ce coût, il nous faut l’assumer avec fierté.

Pour le déploiement de la garantie jeunes, les missions locales sont essentielles, comme elles le sont pour l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans.

Là aussi, vous mesurez dans les faits et les chiffres que la jeunesse est la priorité, l’action locale l’efficacité et la confiance dans les élus une réalité. D’autant que les résultats sont là, timides mais avérés. Le chômage des jeunes a reculé depuis la mise en place de nos politiques et nous avons atteint l’objectif de 150 000 emplois d’avenir.

Les contrats aidés constituent un engagement fort du Gouvernement et sont un outil de sa politique de l’emploi. La plus-value des contrats aidés, ce n’est pas tant de lutter contre le chômage que d’offrir à des centaines de milliers de personnes la possibilité de se sentir utiles.

C’est fort de cette conviction que le Gouvernement a prévu près de 3 milliards d’euros de crédits de paiement pour les emplois aidés en 2015, soit un niveau proche de celui de 2014. L’initiative parlementaire de majoration de 50 000 emplois stabilisera cette enveloppe à son niveau de 2014. Cette enveloppe portera les contrats aidés non marchands à 300 000, pour un montant de 1,6 milliard d’euros.

Je rappelle que l’enveloppe des contrats d’insertion dans l’emploi, les CIE, dans le secteur marchand est ambitieuse puisqu’elle atteindra 200 millions d’euros, ce qui correspond à 80 000 CIE.

L’apprentissage est un engagement fort du Gouvernement et un jalon de plus dans le soutien à l’emploi. La réforme du financement de l’apprentissage entrera en vigueur en 2015. Elle a déjà conduit à dégager plus de 150 millions d’euros de ressources supplémentaires d’ici 2017 à destination des centres de formation d’apprentis, les CFA. Une prime de 1 000 euros sera versée aux entreprises de 250 salariés pour les contrats d’apprentissage signés à partir du 1er juillet 2014.

Cette réforme consolidera les ressources des régions et garantira le dynamisme de leurs recettes. Ainsi, de 2014 à 2015, les ressources des régions bénéficieront d’une croissance de 65 millions d’euros.

Il faut bien mesurer ce que ces efforts représentent en contexte contraint. Ils sont à la hauteur de l’enjeu et nous y croyons.

Le budget que je vous présente ce soir traduit une mobilisation immédiate contre le chômage par le biais des différents dispositifs adoptés. C’est également un budget qui prépare l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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