Intervention de Christophe Cavard

Séance en hémicycle du 3 novembre 2014 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le chômage ne cesse pas d’augmenter et les prévisions pour l’année 2015 ne sont pas très optimistes. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que « la politique de l’emploi est un échec ». Vous avez le mérite de la sincérité, qui pourrait nous éviter de commenter à la hache et sans nuances des courbes du chômage que nous n’arrivons plus à suivre et des chiffres contradictoires selon des indicateurs pas toujours bien calibrés. Mais en vérité, en quoi consiste la politique de l’emploi ? Les crédits de onze milliards d’euros que nous nous apprêtons à voter et qui lui sont consacrés financent l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi et des publics aux difficultés les plus criantes sous la forme d’organismes tels que Pôle emploi, les missions locales pour les jeunes, les dispositifs pour les personnes handicapées ou encore l’insertion par l’activité économique.

Il s’agit également du financement des contrats aidés ou, pour une part, de la formation professionnelle.

Il n’y a pas là matière à polémique pour la partie budgétaire. Notre attention doit davantage se porter sur les modalités de dépenses de ces crédits en lien avec les collectivités territoriales, qui pilotent la plupart de ces actions.

Pour lutter contre le chômage, les écologistes appellent à un changement de cap en matière d’orientations économiques et de programmes d’investissement public ; ils demandent une rupture avec les vieilles recettes telles que l’illusion qu’une baisse du coût de travail – sans contrepartie pour les entreprises, quelle que soit leur taille, leur activité ou leurs bénéfices – serait facteur de relance et de création d’emplois. De ce point de vue, le Pacte de responsabilité répond à une vision dogmatique inadaptée à la réalité, qui conçoit l’entreprise comme un objet unique, comme si les entreprises étaient parfaitement identiques les unes aux autres et que leurs décisions d’embauche obéissaient aux mêmes motivations, par exemple une baisse des charges. Or ce n’est pas le cas.

Pour lutter contre le chômage, nous souhaitons aussi que les lois récemment votées soient mieux portées et mises en oeuvre, à la hauteur des enjeux qu’elles ont su faire émerger. Je pense à la loi pour un changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire, à la loi sur la formation professionnelle, avec la création du compte personnel de formation à partir de janvier prochain, à l’apprentissage et à la réforme de l’insertion par l’activité économique – IAE.

Sur ce dernier sujet, qui concerne directement le secteur de l’économie solidaire, puisque les entreprises de l’IAE font désormais partie des entreprises solidaires d’utilité sociale, les ESUS, de la loi sur l’économie sociale et solidaire, nous devons nous méfier de la tentation des évaluations quantitatives. Inlassablement, je rappellerai que les publics prioritaires sont par définition les personnes que les professionnels considèrent comme les plus éloignées de l’emploi, parce qu’elles ont d’abord des difficultés sociales – problèmes de logement ou d’accès aux soins, par exemple –à résoudre. Prétendre renforcer les évaluations quantitatives, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, viser ce que vous appelez les « sorties positives », c’est risquer de faire de cette politique une politique du chiffre inadaptée à ce secteur.

Car si une structure, pour obtenir des crédits publics et maintenir son activité, vit dans la crainte de ne pas réaliser assez de « sorties positives » en emploi classique, et bien elle recrutera – dans un chantier d’insertion, par exemple – les personnes ayant le moins de difficultés sociales, ce qui dénature totalement sa mission première, à savoir précisément l’accompagnement social dans le cadre d’une remobilisation par l’activité. C’est le risque avec les critères choisis, notamment pour la part modulable du nouveau contrat CIDD.

Cet exemple vaut pour d’autres sujets auxquels nous avons affaire dans le cadre de la mission budgétaire qui nous occupe. Nous approuvons le renforcement des effectifs de Pôle emploi, non pour « mieux contrôler », monsieur le ministre, mais plutôt pour « mieux accompagner, informer, proposer, soutenir ». Nous parlons d’êtres humains, dont nous devons protéger la dignité. Il importe également de renforcer la professionnalisation des équipes de Pôle emploi, qui devront désormais intervenir davantage auprès des bénéficiaires du RSA, ce qui apparaît aujourd’hui, je l’ai déjà dit, comme le troisième pilier de l’assurance chômage. Il dépend des conseils généraux, qui ont à la fois la responsabilité du versement des allocations et celle de l’établissement des contrats d’insertion.

Permettez-moi d’ailleurs de rappeler que la baisse des dotations aux collectivités risque fort de mettre les futurs conseils départementaux en difficulté, alors même qu’ils participent activement aux politiques d’accès à l’emploi, tout comme les régions pour la formation professionnelle ou l’apprentissage.

Conduire une politique de l’emploi en soutien aux personnes en situation de chômage, c’est savoir articuler différents niveaux d’intervention, dans le cadre d’un juste financement des mesures qui leur sont destinées.

Les collectivités territoriales ne peuvent être des opérateurs sans moyens. Ce sont des assemblées démocratiques qui doivent conquérir une autonomie fiscale afin de pouvoir mettre en oeuvre leurs orientations et leurs projets. Elles ont des compétences essentielles en la matière, il faut donc qu’elles aient les moyens de leurs politiques.

Je l’ai dit, ce budget ne prête pas à polémique. Il est juste incomplet, et doit être rapproché d’autres mesures indispensables pour assurer l’efficacité des actions en faveur de l’emploi durable.

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