Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame et messieurs les rapporteurs, il me sera impossible de vous donner en cinq minutes un avis équilibré sur les sujets fondamentaux abordés par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Théoriquement inscrite dans le plan de lutte contre la pauvreté, cette mission comprend le programme 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », le programme 157 « Handicap et dépendance » et le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».
Dans l’ensemble, le budget de cette mission est constant, voire augmente sensiblement, même si, comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, l’augmentation massive du budget du programme 304 est artificielle, celui-ci étant constitué à 90 % de transferts de fonds lié au mécanisme de financement du RSA.
Si nous approuvons la revalorisation du RSA de 2 % au 1er septembre 2015, ce revenu de solidarité reste faible, notamment au regard du seuil de pauvreté estimé en France à 60 % du revenu médian, soit près de 900 euros par mois. 9 millions de personnes sont concernées et 2 millions de personnes se trouvent en situation de grande pauvreté, avec moins de 651 euros par mois pour vivre.
Depuis le transfert de la compétence Insertion aux départements en 2003, les budgets des conseils généraux affectés à l’allocation RSA n’ont cessé d’augmenter, cette charge n’ayant pas été compensée entièrement par l’État – je parle devant des personnes convaincues ! Dans mon département, le Gard, après la décentralisation du RMI, celle de la prestation de compensation du handicap et les maisons départementales des personnes handicapées, le différentiel accumulé et non compensé entre recettes de l’État et dépenses auprès des bénéficiaires s’élève à plus de 600 millions d’euros ! Pour faire face, les collectivités départementales puisent dans leur budget de fonctionnement, au détriment de politiques locales moins bien financées, et pourtant cruciales : le sport, l’éducation populaire, la culture ou encore le soutien au tissu associatif.
Il est socialement injuste que la fiscalité locale, telle la taxe foncière, serve en partie à compenser des budgets insuffisants pour verser une allocation de solidarité de droit, pour laquelle d’autres sources de financement de niveau national, voire européen, seraient bien plus adaptées.
Dans ce contexte, vous comprendrez que nous ne pourrons accepter la réduction de près de 3 milliards d’euros des dotations aux collectivités locales, prévue par le projet de loi de finances pour 2015.
Par ailleurs, le budget que nous examinons ce soir prévoit la disparition de l’aide personnalisée de retour à l’emploi, l’APRE. Cette aide était utile aux bénéficiaires du RSA en situation de retrouver un emploi, puisqu’elle permettait de lever différentes difficultés, liées à la mobilité, à la garde d’enfants et autres frais annexes incontournables et difficilement surmontables dans une période de transition. L’APRE était d’ailleurs complétée la plupart du temps par des crédits locaux, notamment ceux des CCAS ou de conseils généraux.
Sa suppression est justifiée ici par une prétendue « non-demande » de ces enveloppes financières.
Nous touchons ici à un sujet qui nous est cher, tout autant qu’à notre collègue Christophe Sirugue, et établi par François Cherèque dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté. Il s’agit du non-recours aux droits. Les soixante et une mesures de ce plan sont regroupées en sept thématiques dont la première est justement l’accès aux droits. Nous sommes nombreux à nous en préoccuper et à vouloir la mise en oeuvre de mesures de simplification et d’automatisation pour réduire le « non-recours ». Dans cette situation, il ne pourrait donc être question de supprimer des droits et des mesures d’aides aux plus démunis sous prétexte qu’ils ne sont pas demandés. Ce serait un mauvais choix.
Un autre sujet nous préoccupe particulièrement : l’action 12 du programme 304 prévoit un peu plus de 4 millions d’euros en faveur de l’économie sociale et solidaire. Ce montant est insuffisant au regard des objectifs de la loi relative à l’économie sociale et solidaire que nous avons votée en juillet dernier et pour laquelle les écologistes se sont beaucoup impliqués. Cette loi n’est pas un « gadget », elle a pour vocation de permettre un changement d’échelle de l’ESS, alternative à l’économie dominante et aux marchés financiers.
Pour y travailler sérieusement, il est nécessaire de sortir l’économie sociale de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » où elle n’a pas sa place, pour ce qui concerne spécifiquement l’économie sociale – je pense en particulier aux moyens dédiés au développement des coopératives, SCOP ou SCIC, ou à la reprise d’entreprises par les salariés, ainsi qu’à tous les dispositifs territoriaux concourant à ce développement.
Nous proposerons tout de même des amendements à ce budget, tout en étant contraints par la technique budgétaire qui nous oblige à gager des crédits au sein de la même mission. Nous en verrons très vite les limites.
Nous jugeons insuffisants les crédits pour les projets territoriaux de coopération économique qui reçoivent un accueil favorable en région.
Mais Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique n’a semble-il, au vu de l’intitulé de ses fonctions, pas de missions pour les politiques de solidarité dont il s’agit aujourd’hui. C’est sans doute pour ces raisons qu’elle n’est pas avec nous ce soir.
C’est avec ces réserves et ces regrets que, pour ce qui concerne les crédits de la mission dans son ensemble, et au vu des principaux sujets qu’ils traitent, le groupe écologiste votera ce budget dans un contexte avéré d’aggravation des situations d’exclusion sociale, devenu très préoccupant, comme le souligne le rapport de l’IGAS.