Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du 19 novembre 2012 à 17h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, comme le disait à l'instant M. le rapporteur, l'examen final du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques est un moment important. En effet, la commission mixte paritaire a adopté un texte prenant en compte les propositions émises par les deux assemblées. C'est ce texte qui est aujourd'hui soumis à notre vote.

Ce projet a trois qualités qu'il faut souligner, tout en admettant que ce sont les politiques mises en oeuvre par l'Union européenne et la réalité des choix faits en Europe et en France qui seront en dernier lieu déterminants.

D'abord, il permet à la France de respecter l'engagement qu'elle a pris au niveau européen de lutter contre les mauvais déficits. Pour faire simple, ce projet de loi précise comment le Gouvernement et le Parlement prévoiront et inséreront dans les lois de programmation des finances publiques, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale un suivi des dépenses des administrations publiques. Le solde des dépenses et des recettes devra être équilibré ou présenter un excédent limité dans les conditions prévues par le nouveau traité européen dont la ratification a été décidée par le Parlement.

Pendant les mois qui ont précédé la dernière élection présidentielle, l'ancien Président de la République avait enjoint aux députés et aux sénateurs socialistes de voter avec la majorité d'alors une modification de la Constitution qui aurait affirmé le caractère quasi intangible et en quelque sorte irrésistible de la règle d'or. Je rappelle que la règle d'or vient tout droit d'Allemagne, où ce concept existe depuis 1949. Nos amis d'outre-Rhin y ont cependant dérogé à plusieurs reprises pour pouvoir s'endetter. La norme a ainsi été revue : en 2009, une réforme de la Constitution allemande a introduit une règle limitant le déficit de l'État fédéral à 0,35 % du PIB à partir de 2016 et a imposé l'équilibre budgétaire aux régions à compter de 2020.

Notre pays a donc choisi, par la voix de la nouvelle majorité issue des élections législatives de 2012, de transposer ces dispositions en droit français par le biais d'une loi organique. Le projet de loi organique prévoit, conformément à l'article 3 du traité, qu'une correction devra être opérée lorsqu'un écart trop grand existera entre les prévisions et les réalisations. Cette règle ne concerne, il est vrai, que le déficit structurel, notion qui ne prend pas en compte les effets positifs ou négatifs de la conjoncture économique sur les finances publiques.

Il faut lutter contre les déficits et l'endettement, notamment parce que ce sont les plus modestes qui paient le coût de l'argent et subissent ainsi, je l'ai dit, une redistribution à l'envers. Toutefois, ce sont les politiques d'ensemble menées en Europe qui détermineront le retour à la prospérité.

À ce propos, il faut constater que la croissance des pays européens de fin 2009 à fin 2011 a été bien inférieure aux prévisions de l'OCDE et du FMI, qui escomptaient un effet positif des mesures visant à faire décroître les dépenses publiques et sociales en Europe. L'économiste Paul Krugman parle d'une fièvre de l'austérité qu'il faut « arrêter maintenant », selon le titre de son dernier ouvrage, se demandant si les spécialistes de ces grandes organisations apprennent quelque chose de leurs propres erreurs.

Dans ces conditions, la réaffirmation de la place du Parlement et la création par la loi d'une nouvelle institution, le Haut conseil des finances publiques, ne peuvent être que saluées. C'est un progrès, et je témoigne ici ma satisfaction que le Parlement soit mieux pris en compte dans le dispositif. L'introduction de nouveaux objectifs et de nouvelles procédures au sein de l'Union européenne et de la zone euro doit en effet respecter pleinement les prérogatives actuelles des parlements nationaux.

Comme nous l'avons soutenu avec Elisabeth Guigou, le respect même des objectifs de convergence fixés au plan européen nécessite une bonne compréhension, une réelle appropriation et une véritable contribution du Parlement et des députés à la réussite des objectifs de croissance durable, d'emploi, de compétitivité et de cohésion sociale visés par le traité.

Dans ces conditions, il était utile que les parlements nationaux en général et l'Assemblée nationale française en particulier soient à même de comprendre, de discuter et de faire des propositions dans le cadre des procédures mises en oeuvre par l'État français et les institutions européennes.

Enfin, la mise en place du Haut conseil des finances publiques est une innovation importante. L'avis d'un organisme d'expertise indépendant est une bonne chose. Toutes les grandes organisations publiques ou politiques le savent, et l'actualité nous le confirme. Il est donc fondamental que le Haut conseil soit indépendant et que les personnes qui y seront nommées soient des experts en économie n'appartenant pas nécessairement à la haute administration. Je me félicite donc que la commission mixte paritaire ait conforté le rôle d'analyse économique conjoncturelle du Haut conseil.

Nous avons défendu le principe de sa parité, qui a été adopté par la commission mixte : c'est encore un autre motif de satisfaction. Il convient donc de faire en sorte que des femmes compétentes soient nommées et que celles qui pourraient composer cette nouvelle institution émergent. Les institutions publiques ont vocation à mettre en oeuvre l'article 1er de la Constitution, qui énonce le principe de parité. C'eût été un comble qu'une loi organique omette de le faire. Nous n'avons pas commis cette erreur. Je remercie tous ceux qui ont contribué à cette initiative, au nom des deux assemblées parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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