Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 6 novembre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Conseil et contrôle de l'État ; pouvoirs publics ; direction de l'action du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question des moyens alloués à la justice de notre pays est une problématique récurrente. Comme l’a fait remarquer le Conseil de l’Europe, la France se place dans les derniers rangs parmi les pays européens pour la part du budget consacré à la justice rapporté au PIB, derrière des pays comme l’Azerbaïdjan et l’Arménie, avec tout le respect que nous avons pour ces pays.

Dans un contexte d’expansion continue du contentieux de la justice administrative, des moyens additionnels sont alloués en 2015 avec pour objectif principal la réduction des délais de traitement des affaires, qui constituent un problème récurrent. Nous notons ainsi la création nette de 35 postes, dont une partie importante viendra renforcer la Cour nationale du droit d’asile dont les moyens sont encore limités.

Les effectifs des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel seront renforcés car ils sont confrontés à un nombre croissant d’affaires à traiter.

Compte tenu d’une part de l’évolution à la hausse du contentieux de masse dans l’ordre administratif et, d’autre part, de la volonté du Gouvernement de redresser les finances publiques, la création de postes au sein de la justice administrative pour l’année 2015 va dans le bon sens.

Nous devons toutefois rester vigilants sur trois points.

Tout d’abord, les nouveaux moyens mis en place au sein du programme no 165 permettront-ils de faire face à l’augmentation croissante du nombre de contentieux ? Il faut rappeler que le plan triennal 2013-2015 prévoyait 40 créations de poste pour 2015, pour une augmentation annuelle prévisible du nombre d’affaires de 3 %. Or le nombre d’affaires connaît un taux de croissance annuel moyen d’environ 6 % et le nombre de postes effectivement créés en 2015 sera de 35, soit cinq de moins que le nombre prévu initialement.

Par ailleurs, le Gouvernement a mis l’accent sur la réduction des délais prévisibles de jugement. C’est une intention tout à fait louable qui répond à une demande croissante des citoyens et des justiciables.

Toutefois l’objectif de réduction des délais de traitement ne saurait être atteint au détriment de la qualité de la justice, à un moment où la pression sur les tribunaux semble accrue.

Il conviendra en conséquence d’être extrêmement prudent sur ce point et de surveiller attentivement le taux d’annulation des décisions de justice. En effet, alors que celui-ci est fixé à moins de 15 % pour 2015, le taux d’annulation des décisions des tribunaux administratifs par les cours administratives d’appel est de 16,8 % et le taux d’annulation des décisions des cours administratives d’appel par le Conseil d’État de 17,1 %. Le taux d’annulation des décisions des tribunaux administratifs est, lui, de 20,1 %. Notons que tous ces taux se situent assez largement au-dessus du plafond de référence.

Il semble qu’à l’heure actuelle seule la Cour nationale du droit d’asile remplit les objectifs définis dans le plan triennal en termes d’annulations de ses décisions.

Enfin, il ne faudrait pas que la réforme du droit d’asile, qui sera discutée dans les prochaines semaines, en vienne à impacter négativement les capacités d’action et les moyens de la CNDA.

Deuxième point : le programme no 126 n’appelle pas de commentaires particuliers de notre part si ce n’est la question récurrente de l’utilité politique et financière du Conseil économique, social et environnemental. Il semble qu’un début de volonté politique se soit manifesté visant à développer la saisine du CESE par le Parlement, car cette opportunité n’a été que trop rarement utilisée. Dans cette optique, nous espérons fortement que le CESE pourra être saisi par l’Assemblée nationale en vue de rendre un avis sur le projet de loi relatif aux professions réglementées.

À cet effet, il s’agira d’assurer à cette nécessaire réforme une légitimité la plus large possible.

Enfin, le programme no 340 « Haut conseil des finances publiques », découlant de l’adoption du Pacte de stabilité européen, pose la question de son existence en tant que programme spécifique. Comme l’indique le rapporteur spécial Philippe Vigier, on peut s’interroger sur la spécificité de ce programme qui, je le cite « ne doit son existence qu’à un amendement du Sénat alors que le Haut conseil est présidé par le premier président de la Cour des comptes, que son effectif réduit est composé de magistrats de la Cour et qu’il est hébergé par celle-ci ».

Monsieur le secrétaire d’État, à titre personnel, je soutiens votre volonté manifeste de protéger les crédits de cette mission essentielle à la préservation des droits de nos concitoyens. Toutefois, au regard de tous les éléments d’incertitude, à la fois structurels et conjoncturels, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendra de voter les crédits de cette mission.

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