La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous poursuivons l’examen des crédits relatifs à la santé(no 2260, annexe 42 ; no 2264, tome II).
Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la réforme de notre système de santé doit permettre de concilier deux exigences majeures : un accès équitable à des soins de qualité, dans un contexte de tension budgétaire extrême.
Si les crédits dévolus à la mission « Santé » demeurent inchangés par rapport à l’exercice budgétaire précédent, cette stabilisation globale cache des évolutions contrastées selon les programmes.
Ainsi, les crédits alloués au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » vont connaître une baisse de 25 % entre 2014 et 2015. Parallèlement, ceux du programme 183 « Protection maladie », qui permettent la mise en oeuvre de l’aide médicale de l’État – AME –, augmentent de près de 14 %.
Cet arbitrage du Gouvernement peut paraître surprenant, voire regrettable. En effet, les crédits du programme 204 constituent le socle de notre politique de santé publique.
Les crédits de l’action 19 « Modernisation de l’offre de soins » diminuent par exemple de 85,1 %. Avec 154 millions d’euros en moins, cette action, à elle seule, contribue davantage aux efforts d’économies que toutes les autres actions réunies.
Vous justifiez cette diminution par des transferts de charges vers l’assurance maladie, ce qui signifie en réalité que l’immense majorité de l’effort budgétaire de cette mission relève du tour de passe-passe !
Quant aux restes des économies, elles contribuent incontestablement à fragiliser le socle de notre politique de santé publique.
J’en veux pour preuve la baisse de 5 % des dépenses consacrées à l’action 12 « Accès à la santé et éducation à la santé », la baisse de 7,8 % des moyens dédiés à la prévention des risques ainsi que la chute spectaculaire de 36 % des crédits alloués à l’action 16 « Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires ».
Ces crédits sont pourtant indispensables pour garantir la sécurité sanitaire, qui est devenue, vous en conviendrez, un véritable impératif de santé publique, sous l’effet conjugué de drames sanitaires et humains, et de la demande croissante de transparence de nos concitoyens.
S’agissant des crédits du programme 183 « Protection maladie », j’ai pu dire en commission élargie combien je regrettais que les débats sur l’AME soient l’occasion de la part de nos collègues, de la majorité comme de l’opposition, de propos que je trouve excessifs ou un peu éloignés des réalités d’une société mondialisée.
Si, pour des raisons éthiques, humanitaires et sanitaires, notre groupe ne souhaite pas la suppression de l’aide médicale de l’État, sa montée en charge de 73 millions d’euros en 2014 doit être contenue à travers une politique de santé publique globale, définie dans un cadre européen, une politique cohérente et efficace, notamment en matière de lutte contre la propagation des maladies contagieuses, et à travers une réforme ambitieuse du droit d’asile.
Pour autant, madame la secrétaire d’État, il n’est pas sérieux de considérer que l’AME ne constitue pas un sujet alors que ses dépenses ont augmenté, en réalisation, de 50 % entre 2008 et 2014.
J’ajoute que, depuis la suppression de la fameuse franchise de 30 euros, ce dispositif soulève également une question éthique envers nos compatriotes, qui doivent eux-mêmes acquitter une franchise. Nous avons d’ailleurs salué les mesures prises par le Gouvernement dans le PLFSS pour les bénéficiaires de l’aide pour une complémentaire santé.
La mission « Santé » traduit en définitive le manque d’ambition du Gouvernement quant aux nécessaires réformes de notre système de santé publique.
Notre groupe estime qu’il est urgent de s’attaquer aux problèmes majeurs de notre pays : la désertification médicale, le rapprochement entre public et privé, la carte hospitalière, la répartition territoriale équitable des établissements de santé et leur nécessaire modernisation, la sécurité sanitaire, ou encore l’innovation et la recherche. Ce sera peut-être l’objet de la loi que l’on qualifie déjà de « grande loi », alors que l’on ne sait pour le moment que peu de chose à son égard.
Par conséquent, le groupe UDI ne votera pas les crédits de la mission « Santé ».
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après l’examen du budget de la sécurité sociale, vous ne serez pas étonnés de notre position.
Nous devons aujourd’hui passer d’une logique curative à une logique de prévention. Si nous continuons à considérer la crise de la Sécurité sociale comme une simple crise budgétaire, nous ne résoudrons pas les problèmes : la crise de la Sécurité sociale, c’est d’abord une crise sanitaire, à laquelle il faut répondre.
Malheureusement, les choix budgétaires du Gouvernement, notamment le pacte de responsabilité, ont fait fondre les ressources de notre système de protection sociale, obligeant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 à opérer des réductions, en particulier dans la branche famille. Ils ont également réduit, par ricochet, les moyens de notre politique de santé.
Ainsi, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » enregistre une baisse de 25 %, ramenant son montant global, après trois années de baisse successive, à près de 517 millions d’euros.
Cela n’est pas encourageant, d’autant que la majorité de ces fonds concerne le financement d’agences sanitaires. Si la vocation de ces dernières n’est pas contestée, on attend encore une clarification de leurs missions et une véritable traduction sur le terrain, au plus près des populations. Quant aux coûts de fonctionnement de ces agences, ils sont toujours aussi élevés, et les moyens d’intervention baisseront de 45 %, passant de 347 millions d’euros à 189 millions d’euros, avec des emplois pourtant préservés.
Dans cette situation, le risque est grand de voir ces structures se replier sur elles-mêmes avec de moins en moins de moyens pour agir sur le terrain. Cela nous semble contre-productif et constitue un frein majeur pour les politiques de prévention annoncées notamment dans le projet de loi relatif à la santé.
La perspective de regrouper certaines agences, notamment l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’Institut de veille sanitaire et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires au sein d’un Institut de prévention, de veille et d’intervention en santé publique, va cependant dans le bons sens.
Il n’en demeure pas moins que dans d’autres cas – ceux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et de l’Institut national du cancer –, il y a lieu de répondre aux remarques formulées par la Cour des comptes en août 2013 et à celles de l’Inspection générale des finances en 2012. Des chevauchements de missions ainsi qu’une multiplicité des tutelles et des sources de financements avaient notamment été signalés. Une efficacité et une lisibilité plus grandes doivent être recherchées, en particulier en cette période de redressement des comptes publics.
Nous regrettons aussi la baisse des moyens dévolus à la prévention des risques infectieux alors que se profile la menace Ebola.
De même, si nous avons salué l’annonce positive du tiers payant pour l’accès à la contraception des jeunes filles lors du PLFSS 2014, nous avons souligné la faiblesse des moyens alloués au dispositif d’écoute et d’accompagnement.
De fait, les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous. Les réseaux des plannings familiaux manquent de moyens pour faire vivre ce droit et le rendre accessible dans nos villes, nos quartiers et en milieu rural.
Par ailleurs, l’action 12 « Accès à la santé et éducation à la santé » prévoit un budget de 24 millions d’euros pour l’INPES, sur un total de 25,2 millions d’euros. Il reste bien peu pour les actions déconcentrées à l’échelon des régions et au plus près des populations. Comment l’INPES organise-t-il et accompagne-t-il les actions de terrain ? Quels relais, quels opérateurs donnent corps au quotidien à ces politiques d’éducation pour la santé primaire ? La question reste posée.
Enfin, le programme 183 « Protection maladie » consacre 677 millions d’euros à l’AME, ce que nous soutenons pour des raisons de sécurité sanitaire et d’éthique, tout en réitérant l’idée d’une nécessaire fusion avec la couverture maladie universelle.
Quant au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – FIVA –, jusqu’ici abondé par la branche Accidents du travail - Maladies professionnelles, il recevra de l’État une contribution spécifique de 10 millions d’euros. Cet effort doit être salué, mais il y a lieu de prendre en compte une nouvelle génération de victimes liées aux activités de sous-traitance en désamiantage.
Ainsi, le budget de la mission « Santé » marque une escalade dans la recherche d’économies tous azimuts. La juste recherche d’une organisation plus efficace ne peut justifier selon nous la baisse des moyens d’intervention de 45 %, qui renforcera encore les inégalités territoriales.
Un mot enfin sur la santé environnement, un manque que nous ne cessons de dénoncer : après avoir été évacué de la Conférence environnementale en 2013, ce sujet, peu abordé dans le projet de loi relatif à la santé, se concrétise très faiblement dans ce budget.
En conséquence, le groupe écologiste s’abstiendra.
La parole est à M. Thierry Robert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Santé » pour 2015 intervient alors que le projet de loi relatif à la santé sera soumis prochainement à l’Assemblée. Ces crédits permettent de doter la nouvelle stratégie de santé d’une base solide.
L’essentiel des actions menées en matière de santé publique est financé par les organismes de Sécurité sociale, et relève donc de la loi de financement de la Sécurité sociale. Le périmètre de la mission « Santé » – composée des programmes 204 et 183 – comprend néanmoins des sujets particulièrement importants, tels que la prévention, la réduction des inégalités territoriales et sociales de santé, ou encore l’accès à la santé et à l’éducation.
Ce projet de budget pour la mission « Santé » est responsable, puisqu’il participe à l’effort collectif de redressement des comptes publics. En dépit du contexte budgétaire, que nous savons contraint, près de 1,2 milliard d’euros de crédits seront alloués à cette mission. Le montant de crédits baisse toutefois par rapport à l’an passé, ce qui permettra de financer en partie les priorités de la nouvelle stratégie de santé. Comme nous le savons, cette diminution participe au redressement des comptes publics.
Cette mission regroupe deux programmes : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme 183 « Protection maladie », qui est essentiellement consacré à l’aide médicale de l’État, l’AME.
Le groupe RRDP salue plusieurs points positifs. Tout d’abord, la volonté d’améliorer l’efficience des différentes agences, dans le cadre de la démarche de simplification annoncée par le Président de la République. À l’heure actuelle, plusieurs instituts et centres nationaux sont chargés du pilotage des politiques de santé, de prévention et de lutte contre les risques sanitaires. Plusieurs agences sanitaires seront agrégées au sein de l’Institut national de veille et d’intervention en santé publique : c’est une bonne chose.
Nous saluons ensuite l’augmentation de certains crédits, comme ceux destinés à l’aide médicale de l’État dans le cadre du programme 183 « Protection maladie ». Nous saluons également les crédits de ce même programme qui sont destinés à la protection contre la maladie dans des situations qui mobilisent la solidarité nationale – ils complètent les dispositions de prise en charge des soins prévues par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.
Comme cela a été dit en commission élargie, l’État rétablit dans ce PLF sa contribution au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA. En 2013 et en 2014, l’État n’avait pas contribué du tout à ce fonds ; en 2015, il y contribuera à hauteur de 10 millions d’euros. Cette mesure vise à reconnaître symboliquement la responsabilité de l’État dans l’indemnisation des victimes de l’amiante, et à améliorer l’efficacité du FIVA en réduisant les délais de présentation et de paiement des offres d’indemnisation. Cette disposition importante mérite d’être soulignée.
Permettez-moi de revenir à présent sur l’action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » du programme 204. Cette action est liée à l’accompagnement des patients atteints d’une maladie neurodégénérative telle que la sclérose en plaque ou la maladie d’Alzheimer. Nous sommes favorables à une amélioration de la prise en charge de ces malades et de leurs familles : nous saluons donc les mesures allant dans ce sens, qu’elles relèvent du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ou du projet de loi de santé.
Nous souhaitons, par ailleurs, que le plan national maladies rares soit prolongé pour les années à venir. Les efforts budgétaires étant nécessaires, nous comprenons que les crédits de cette action diminuent par rapport à l’an passé. Il nous paraît néanmoins nécessaire de maintenir ces crédits à un niveau au moins constant au cours des années à venir, car les problèmes liés au tabagisme et aux addictions, ainsi qu’au cancer, sont très importants.
Ne dit-on pas : « mieux vaut prévenir que guérir » ? Il est important d’investir dans la prévention : vous savez bien, mes chers collègues, qu’une prévention efficace permet, à terme, d’éviter des dépenses. Voilà, madame la secrétaire d’État, les remarques que je souhaitais formuler concernant la mission « Santé ».
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de budget de la mission « Santé » pour l’année 2015 est en baisse de 7 %. Il s’inscrit dans la politique d’austérité menée par le Gouvernement. Il confirme également le désintérêt croissant – et inquiétant – pour les politiques de prévention et d’éducation à la santé : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » diminue en effet de 25 %. Cette baisse contredit totalement les orientations affichées par le Gouvernement qui répète, avec raison, que ce qui est dépensé aujourd’hui dans la prévention sera économisé demain dans les soins.
Les crédits consacrés à l’éducation à la santé diminuent de plus de 4,2 %. Ainsi, par exemple, le contrat d’objectif et de gestion signé en juillet dernier entre l’État et la Caisse nationale d’assurance maladie a abandonné purement et simplement, dès cette année, les actions de prévention bucco-dentaire en milieu scolaire. Cette prévention a pourtant fait ses preuves : ma collègue Jacqueline Fraysse est particulièrement bien placée pour en témoigner, puisque Nanterre – au même titre d’ailleurs que le département du Val-de-Marne – est à la pointe dans ce domaine. Le nombre d’enfants ayant besoin de soins dentaires y a nettement reculé, et les conséquences des inégalités sociales dans ce domaine y ont été atténuées.
De même, les crédits consacrés à la prévention des risques infectieux sont en baisse de près de 10 % : c’est très préoccupant, d’autant plus que le virus Ebola frappe à nos portes. Cet été, la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a annoncé qu’elle abandonnerait toutes les actions de vaccination et de dépistage de la tuberculose et des maladies sexuellement transmissibles dans ce département. Cette annonce, elle aussi, est inquiétante, d’autant plus qu’en Seine-Saint-Denis, la prévalence de la tuberculose est quatre fois supérieure à la moyenne nationale. Elle préfigure en outre la baisse constatée dans ce budget.
Les crédits consacrés à la prévention des maladies chroniques diminuent également de 5,6 %. Cette baisse aussi est étonnante, car ces maladies chroniques représentent les deux tiers des dépenses d’assurance maladie. À La Réunion, où le diabète touche 10 % de la population, nous savons à quel point la prévention est primordiale pour lutter contre cette épidémie silencieuse. Dans le même ordre d’idée, je déplore la diminution de 1,4 % des crédits consacrés à la prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation, alors que les maladies liées au travail représentent un cinquième des dépenses de santé dans notre pays.
On peut lire, dans la présentation de ce budget, que la stratégie poursuivie en 2015 en termes de prévention s’inscrit « en cohérence avec le projet de loi relatif à la santé ». Dans son avis sur ce projet de loi, la Conférence nationale de santé a salué la priorité accordée à la prévention et à la promotion de la santé, mais a déploré que « le contenu du texte soit en deçà du nécessaire pour que cette priorisation devienne une réalité. »
Cette incohérence apparente cacherait donc, au fond, une certaine cohérence : le budget de cette mission « Santé » aussi bien que le projet de loi de santé affichent des ambitions en matière de prévention, mais ne prévoient pas les moyens correspondant à ces ambitions. C’est pourquoi nous voterons contre ce budget.
Avant de conclure, je voudrais dire un mot de l’aide médicale de l’État. L’AME, seul programme en hausse de ce budget, attire les foudres d’une partie de la droite pour laquelle cette augmentation conduirait à la baisse du budget consacré à la prévention. Cette attitude vise, une fois de plus, à opposer les citoyens entre eux et à désigner des boucs émissaires responsables des difficultés de nos concitoyens.
Je voudrais préciser deux points à ce sujet. Ce n’est pas l’AME qui est responsable de la baisse du budget consacré à la prévention ; c’est la politique d’austérité suivie par le Gouvernement et la nécessité de financer le pacte de responsabilité. Si des économies sont possibles sur ce dispositif, les attaques dont il fait l’objet sont irresponsables en termes de santé publique. D’abord, parce que la transmission et la multiplication des virus et des épidémies n’ont que faire de la situation administrative des individus. Ensuite, parce que soigner les malades en situation irrégulière, c’est aussi – et peut-être surtout – préserver l’ensemble de la population, ce qui est notre devoir et notre responsabilité dans ce pays dit « des Lumières ».
Nous en arrivons aux questions. Je rappelle que la durée des questions, comme celle des réponses, est fixée à deux minutes.
La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’évolution des crédits du programme 204 traduit le choix de la prévention dans le cadre du projet de loi relatif à la santé.
Cette priorité donnée à la prévention s’est également traduite dans le PLFSS pour 2015 avec la fusion des deux structures en charge de la prévention et du dépistage des infections sexuellement transmissibles : d’une part, les centres de dépistage anonymes et gratuits, les CDAG ; d’autre part, les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles, les CIDDIST. Ces nouveaux centres pourront notamment conduire des actions hors les murs pour aller au-devant des publics les plus éloignés du système de santé. Cette mesure a été saluée par les associations de patients.
L’objectif de redressement des comptes publics s’applique aussi à la mission « Santé » : les efforts de rationalisation et d’optimisation sont importants. Pourtant, le Gouvernement a choisi de soutenir les crédits liés à la prévention, qui restent importants. La prévention est en effet un élément central de toute politique de santé publique. Elle intervient à tous les âges : pour les jeunes, avec la nécessité de renforcer les moyens de la médecine scolaire ; pour les actifs, avec la médecine du travail, qui joue un rôle prépondérant ; pour les plus âgés, enfin, avec la prévention du vieillissement, qui sera développée par la future loi d’adaptation de la société au vieillissement.
J’appelle à mon tour votre attention, madame la secrétaire d’État, sur les maladies rares, auxquelles nous devons accorder une attention particulière.
Madame la secrétaire d’État, nous connaissons les objectifs du projet de loi de santé publique et les engagements budgétaires pris en matière de prévention. Quelles sont, plus généralement, vos priorités en matière de santé publique ?
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Madame la députée, l’accent a été mis sur la prévention dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Plusieurs mesures législatives traduisent cet engagement. L’article 1er du projet de loi santé publique affirme ainsi que la politique de santé « tend à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé, l’amélioration de l’état de santé de la population, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé » – vous savez bien ce qu’il en est dans la Nièvre – « et à garantir la meilleure sécurité sanitaire possible et l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins. »
Par ailleurs, sans prétendre à l’exhaustivité, je voudrais rappeler quelques mesures particulièrement emblématiques de ce projet de loi : la désignation d’un médecin traitant pour les enfants, l’amélioration de l’information nutritionnelle, la prévention de l’ivresse des jeunes, la lutte active contre le tabagisme, les actions en faveur des stratégies de prévention innovantes, et la création de l’Institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique.
D’autres mesures visent à promouvoir la santé en milieu scolaire – vous l’avez dit –, à faciliter l’accès à la contraception d’urgence auprès des infirmiers dans les établissements scolaires du second degré, à faciliter l’intervention de médecins non spécialistes en médecine du travail dans les services de santé au travail, à renforcer l’information sur la qualité de l’air, à lutter contre la présence de plomb dans les habitations, à renforcer la protection contre l’amiante, ou encore à expérimenter des actions d’accompagnement et de soutien des patients en leur dispensant informations et conseils.
Nous avons entendu certains orateurs dénoncer la baisse des crédits du programme 204. L’ensemble des mesures que j’ai évoquées montre bien – comme je l’ai dit lors de mon intervention liminaire – que les transferts opérés dans cette mission visent non pas à diminuer ces dispositifs de prévention, mais au contraire à améliorer leur efficacité. Si l’on examine objectivement ce budget, on constate même une hausse de 0,87 % !
Nous en venons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Rémi Delatte.
Le programme 204 réaffirme, à raison, que la prévention et la promotion de la santé sont le « socle de notre politique de santé ».
L’action 14 vise à prévenir les maladies chroniques ; elle propose notamment d’améliorer le dépistage des cancers. Je souhaite donc obtenir des éclaircissements s’agissant du dépistage du cancer colorectal pour 2015. Chaque année, 42 000 nouveaux cas de cancer colorectal sont diagnostiqués ; il s’agit de la deuxième cause de mortalité par cancer en France. Une nouvelle génération de tests, dits « tests immunologiques », existe depuis plusieurs années sur le marché européen. Plus simples d’utilisation, plus faciles à interpréter, d’un coût équivalent aux tests précédents, ces nouveaux tests sont surtout beaucoup plus efficaces, puisqu’ils permettent de détecter huit cancers sur dix.
En 2011, l’Institut national du cancer publie un rapport précisant les conditions de passage à ces tests. En 2012, la secrétaire d’État à la santé, Nora Berra, annonce la date de mars 2013 pour le passage aux tests immunologiques.
Finalement, c’est à la suite de la mobilisation, début 2014, des gastro-entérologues et de la Société nationale française de gastro-entérologie, qui dénonçaient « le retard pris dans la mise en application de cette nouvelle méthode plus performante de dépistage », que le ministère des affaires sociales a publié, le 23 janvier dernier, l’appel d’offres européen pour des tests immunologiques. Alors que ce dépistage doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015, les responsables des centres de gestion de dépistage des cancers s’interrogent sur les dispositifs à mettre en oeuvre pour tenir cet objectif.
Quel fournisseur a été retenu, et sur quels critères ? Y a-t-il des risques de contentieux, voire de recours, de la part des fournisseurs non retenus pour ce marché, comme le laissent penser certains médias ? Et dans ce cas, quelles conséquences sont à prévoir sur l’exécution de ce marché ? Les centres de gestion doivent-ils arrêter de s’approvisionner en test Hemoccult dès maintenant ? Comment va s’organiser la lecture des tests, puisque celle-ci doit être centralisée ? Et surtout, comment sera géré le transfert informatique des résultats entre le fournisseur des tests et l’ensemble des centres de gestion de France ?
Quels outils d’information et de formation seront proposés aux professionnels, afin qu’ils assurent la promotion du dépistage avec ce nouveau test ? Allez-vous répondre favorablement, madame la secrétaire d’État, à la demande des gastro-entérologuesqui demandent l’installation d’un groupe technique de suivi de la mise en place du programme de dépistage ?
Je rappelle que la durée des questions est de deux minutes. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Monsieur le député, le cancer colorectal reste encore, en France, méconnu et trop souvent tabou. En 2012, ce sont 42 150 nouveaux cas de cancer du côlon qui ont été diagnostiqués. Ce cancer est responsable d’environ 17 700 décès par an. Si l’incidence du cancer colorectal semble se stabiliser, voire amorcer une baisse, depuis les années 2000, la mortalité associée tend à diminuer régulièrement depuis les années 1990.
Depuis 2009, sur l’ensemble du territoire, le dépistage organisé du cancer colorectal s’adresse aux hommes et aux femmes âgés de cinquante à soixante-quatorze ans. Plus de 5 millions de Français ont adhéré au dépistage organisé du cancer colorectal en 2010 et 2011, soit un taux de participation de 32 %.
La lutte contre ce cancer constitue une priorité du Plan cancer 2014-2019. Il s’agit en effet d’un enjeu majeur de santé publique, pour lequel il est indispensable de continuer à se mobiliser : c’est le troisième cancer le plus fréquent et le deuxième cancer le plus meurtrier. Pourtant, détecté tôt, il se guérit dans neuf cas sur dix. Le Plan cancer présidentiel 2014-2019 se fixe donc comme objectif de réduire la mortalité et la lourdeur des traitements, notamment grâce au dépistage et à un diagnostic précoce.
Aujourd’hui, le dépistage organisé du cancer colorectal s’appuie sur des tests de recherche de sang dans les selles à l’aide du test Hemoccult. Ce dernier sera remplacé par un test immunologique plus simple, plus précis et plus sensible. Cette simplification doit permettre d’élargir la participation des Français aux tests de dépistage, qui reste aujourd’hui insuffisante, comme vous pouvez le constater.
L’appel d’offres européen pour ces tests immunologiques a été lancé début 2014 et ces derniers seront disponibles en 2015. Cela devrait permettre de répondre à votre question.
Madame la secrétaire d’État, s’agissant des crédits de l’AME, qu’il serait d’ailleurs plus correct d’intituler « aide médicale aux immigrés clandestins », nous n’avons pas les chiffres car, pour la première fois, ceux que vous avez donnés ont été clairement dissimulés. Ainsi, nos concitoyens devront se reporter au rapport de la commission des finances pour connaître la réalité.
En effet, vous avez retiré des chiffres transmis plusieurs millions d’euros, estimant que les dépenses diminueraient l’année prochaine de 70 millions d’euros des dépenses en raison des effets de la loi réformant le droit d’asile, qui n’est d’ailleurs toujours pas votée et dont les résultats sont complètement inconnus. Vous avez en outre oublié la dette de l’État envers la Sécurité sociale – 50 millions d’euros –, l’abondement que prévoira probablement le projet de loi de finances rectificative – environ 150 millions d’euros –, le coût pour les hôpitaux des dysfonctionnements de l’aide médicale aux immigrés clandestins – environ 30 millions d’euros. Et vous avez aussi oublié le cas de Mayotte, où l’AME ne s’applique pas, mais qui concerne néanmoins les immigrés clandestins – j’ai obtenu les chiffres avec beaucoup de mal : cela représentera vraisemblablement entre 100 millions et 150 millions d’euros.
Quand donc allez-vous communiquer aux Français et au Parlement les véritables chiffres concernant l’aide aux immigrés clandestins ? Cela ne relève ni de l’idéologie, ni de la surenchère, ni d’une volonté de diviser – d’ailleurs, si la majorité donnait des leçons de division à l’opposition, cela ferait sourire – mais il faut que la vérité des chiffres éclate. Vous n’avez rien à cacher, nous non plus. Le débat devant l’Assemblée nationale est un débat de vérité. Or, nous attendons toujours cette vérité.
J’avais tiré la sonnette d’alarme l’année dernière et je la tire encore plus fortement cette année. Nous voulons savoir exactement quel est le coût de l’aide médicale aux immigrés clandestins. La France a besoin de le savoir avant d’adopter une politique.
Monsieur le député, je sais que vous êtes d’une certaine manière très attaché à l’AME, puisque c’est votre sujet de prédilection, dans cet hémicycle comme dans votre circonscription – nous avons d’ailleurs déjà eu ce débat en d’autres temps.
Il n’y a pas beaucoup d’immigrés clandestins dans le XVIe arrondissement de Paris !
Il y en a à Paris.
Le présent PLF prévoit de consacrer 678 millions d’euros à l’AME. Ne dites donc pas tout cela est obscur et caché !
Lorsque nous discuterons des vingt-six amendements déposés sur cette question, nous pourrons débattre aussi du sens que nous donnons à ce sujet. Certes, il s’agit là d’un débat d’ordre budgétaire, mais, vous le savez, un budget a des conséquences sur la vie d’hommes et de femmes qui vivent dans ce pays et qui ont besoin d’être accompagnés, notamment sur le plan médical. C’est non seulement notre devoir vis-à-vis d’eux, mais également une protection pour l’ensemble de la population. Nous maintenons cet engagement, parce que c’est aussi un enjeu de santé publique, au-delà même des valeurs défendues par la France depuis plusieurs siècles.
Nous en venons à une question du groupe écologiste.
La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.
Ma question concerne l’action des agences sanitaires. Plusieurs rapports ont fait état de problèmes de chevauchement des missions de ces agences. De plus, la Cour des comptes a souligné l’absence d’articulation entre les agences sanitaires nationales et le pilotage des agences régionales de santé – les ARS. Elle demande que les sujets de sécurité sanitaire traités par les agences et les divers ministères concernés soient pris en compte dans le pilotage national des ARS et que le rôle de ce dernier dans la gestion du risque soit affirmé, y compris à l’égard de l’assurance maladie.
De la même façon, il ne faut pas oublier que ces agences sont nées dans un contexte de crise grave, voire de scandales sanitaires qui ont requis en leur temps une réaction forte de l’État et un renforcement de son intervention et de sa capacité d’expertise scientifique. L’expertise, la veille, l’aide à la décision dans les domaines de la santé environnementale sont à cet égard diluées dans les missions des différentes agences. Il faudrait aujourd’hui se doter d’un outil adapté et spécifique de veille dans le domaine de la santé environnementale. Enfin, vous avez annoncé la création d’un institut de prévention, de veille et d’intervention en santé publique. Nous attendons quelques éclaircissements sur son rôle.
Monsieur le député, la stratégie suivie en 2015 par le Gouvernement en matière de prévention, de sécurité sanitaire et d’offre de soins s’inscrit dans la logique du projet de loi relatif à la santé, présenté par Mme Touraine le 15 octobre dernier. En effet, le souhait du Gouvernement est de réorganiser les agences sanitaires pour gagner en efficacité et en réactivité, et de rendre leurs missions plus cohérentes et plus lisibles, aussi bien pour les professionnels de santé que pour le grand public.
En ce sens, et pour répondre à la question que vous posez sur l’harmonisation de l’action des agences sanitaires, le projet de loi relatif à la santé prévoit la création d’un institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé public. Cet institut reprendra les missions actuellement assurées par les trois agences : la prévention, la promotion de la santé, la surveillance et l’observation de l’état de santé de la population, la veille, l’alerte, ainsi que la préparation et la réponse aux crises sanitaires. Il disposera d’une taille critique suffisante pour renforcer des missions telles que la conception et l’évaluation des interventions en santé. Dans le cadre du projet de loi relatif à la santé, le pilotage stratégique de l’ensemble des opérateurs de l’État intervenant dans le champ du ministère de la santé sera également renforcé.
Le Comité d’animation du système d’agences, le CASA, placé actuellement sous la présidence du directeur général de la santé, aura pour mission de coordonner les stratégies communes à l’ensemble des agences de sécurité sanitaire, en lien avec l’ensemble des autres secteurs concernés – les ARS, l’assurance maladie et les autres ministères et opérateurs. Là encore, vous l’aurez compris, il s’agit pour le Gouvernement d’assurer la cohérence et l’efficience des activités des agences dans ce domaine.
Enfin, notre système de vigilance sanitaire, auquel je sais que vous êtes particulièrement sensible, sera renforcé grâce à la création d’un portail commun de déclaration d’événements indésirables, afin de faciliter et de promouvoir les déclarations et leur exploitation. Le renforcement du rôle des ARS comme pilotes de la veille et de la sécurité sanitaire sur leur territoire, le développement de l’inter-régionalité pour garantir la couverture de l’ensemble des territoires permettra, là aussi, de mieux répondre au défi de l’action sanitaire.
J’appelle les crédits de la mission « Santé », inscrits à l’état B.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 483 , 484 , 106 et 304 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 483 .
Nous abordons le fond du problème posé par l’aide médicale aux immigrés clandestins, qui est d’abord d’ordre quantitatif. Il est clair que ce gouvernement n’a pas freiné l’immigration clandestine – vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même, madame la secrétaire d’État –, ce qui explique l’augmentation des crédits.
Mais le plus grave est la complexité de ce dispositif, qui est en train de perturber complètement notre système sanitaire : la Caisse nationale d’assurance maladie utilise les fonds octroyés par l’État, mais elle est elle-même confrontée à beaucoup de problèmes avec les hôpitaux. Le système est très lourd et des difficultés de gestion apparaissent à tous les niveaux.
Je prendrai l’exemple des crédits destinés aux soins urgents, dont vous avez dit tout à l’heure qu’ils étaient maintenus. C’est un leurre ! L’État a simplement plafonné ces crédits à 40 millions d’euros et tout ce qui dépassera le plafond sera pris en charge par les hôpitaux et par la Caisse d’assurance maladie. C’est une manière de procéder inconvenante et irresponsable !
En réalité, ce système est à bout de souffle ; il n’est pas géré et tout le monde s’en plaint, l’assurance maladie comme les hôpitaux – j’ai reçu tous les acteurs. Il n’y a aucun contrôle. Le contrôle préventif est dérisoire : 160 employés permanents pour 300 000 bénéficiaires de l’AME, cela veut dire que chaque employé de la Sécurité sociale doit gérer 1 500 dossiers, ce qui est impossible.
Dans cette situation d’irrégularité généralisée, un seul contentieux a été jugé recevable par le procureur, comme l’indique le rapport – et encore, le procureur a classé l’affaire. Le système est donc anarchique, il n’est plus contrôlé. Il faut assainir la situation sur le modèle de nos voisins européens, en ciblant le dispositif sur les situations d’urgence, la prophylaxie, la pédiatrie, la gynécologie. Ainsi, nous nous alignerons sur les autres pays démocratiques, qui ne sont pas moins favorables que nous aux droits de l’homme et à la santé publique.
La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l’amendement no 484 .
Cet amendement vise à ne budgéter au titre de l’AME que les dépenses liées aux soins urgents, pour montrer à quel point il serait malvenu de penser que nous voudrions supprimer l’AME parce que nous serions des malotrus désireux de laisser se développer les épidémies dans toute la France. Nous sommes aussi conscients que les autres de la nécessité de soigner les personnes en grande difficulté, dans leur intérêt comme dans celui de notre pays. C’est la raison pour laquelle cet amendement prévoit de maintenir les crédits d’urgence. Mais c’est purement symbolique, car le système est à bout de souffle. Il doit être totalement réformé et aligné sur les standards de nos voisins européens.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement no 106 .
Madame la secrétaire d’État, une désinformation majeure entoure la manière dont le Gouvernement et la bien-pensance organisée défendent l’Aide médicale de l’État.
Pour avoir exercé dans des hôpitaux parisiens et participé à des gardes d’urgence, je connais le chiffre des consultations non payées par les nationaux. Des hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris se sont trouvés en difficulté, les patients se présentant exprès après la fermeture des caisses.
Mais je sais aussi quels sont les abus en matière d’aide accordée à des personnes qui sont en situation irrégulière sur le territoire national. Votre politique vise à faire l’amalgame entre des travailleurs entrés légalement en métropole ou outremer, et ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire national.
Concernant nos nationaux, nous savons déjà qu’il existe une différence de traitement, en particulier en matière de soins dentaires, entre les personnes qui ont de petits revenus et ceux qui bénéficient de la Couverture maladie universelle – CMU.
Nous savons aussi que les soins qui sont dispensés via l’AME ne sont majoritairement pas des soins d’urgence.
Nous ne sommes naturellement pas dans le domaine de la prophylaxie de maladies infectieuses à haut pouvoir contagieux. Nous sommes parfois dans des cas de fécondations in vitro.
Allez donc voir ce qui se passe dans les hôpitaux !
Nous nous trouvons parfois des cas où non seulement une personne est entrée illégalement sur le territoire national, mais encore a été suivie de toute sa famille. Alors que certains budgets régaliens connaissent une chute brutale – je pense au budget de la défense, gagé sur des recettes exceptionnelles de plusieurs centaines millions d’euros qui ne sont pas au rendez-vous – comment pouvez-vous avoir l’inconvenance de maintenir cette fantasmagorie de l’aide médicale de l’État, qui n’a rien à voir avec les propos officiels qui sont tenus ? C’est une gabegie que les Français ne peuvent plus supporter.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces quatre amendements.
Je trouve dommage et dommageable qu’une question aussi sérieuse soit traitée d’une façon aussi caricaturale et éloignée de la réalité. C’est un sujet important qui ne devrait pas être abordé sous cet angle-là.
Chacun s’accorde à penser qu’il faut, en permanence, améliorer les conditions de contrôle et d’attribution de l’AME pour réserver celle-ci aux seules personnes qui doivent en bénéficier.
Cela dit, je trouve étonnant que la droite prône aujourd’hui la suppression de l’AME, alors qu’elle se garde bien de le faire lorsqu’elle est aux responsabilités. Ce n’est que lorsqu’elle est dans l’opposition que, dans un élan de démagogie populiste et nationaliste, elle se laisse aller, pour des raisons multiples, à prôner ce qui ne peut pas être réalisé.
Une telle suppression ne serait pas réalisable parce qu’elle heurterait les valeurs de la majorité de la population française. Elle ne serait en outre pas applicable parce qu’aucun médecin ayant prêté le serment d’Hippocrate ne se résoudrait, bien évidemment, à un refus de soins.
Elle ne serait pas non plus applicable parce qu’à l’évidence les patients, non seulement en cas d’urgence, mais surtout lorsqu’ils se trouvent porteurs de maladies infectieuses chroniques, représenteraient, si on ne leur administrait pas les traitement appropriés, un danger global pour la santé publique dans notre pays.
En vérité, toute personne qui y réfléchit plus de trente secondes ne peut imaginer la suppression de l’AME. En revanche, il est juste et bien que des contrôles soient exercés, comme le prévoient les deux lois dont nous allons débattre dans les semaines et mois à venir. L’une concernera le droit d’asile, l’autre le droit des étrangers en France. Dans ces deux cas, nous analyserons sereinement les conditions dans lesquelles les aides médicales peuvent être apportées sans être dévoyées.
Pour l’instant, il n’est évidemment pas question de faire autre chose que de maintenir notre dispositif qui sera adapté par ces deux prochaines lois.
Je remercie mon collègue de m’inviter à réfléchir, comme si je ne connaissais pas le problème. Je voudrais simplement lui faire remarquer que l’évocation qu’il fait du droit d’asile montre que lui ne connaît pas du tout la loi sur le droit d’asile.
Personne ne connaît cette loi, puisqu’elle n’est pas encore rédigée. Vous nous avertirez quand elle le sera. Cela dit, je vous signale quand même que la loi sur le droit d’asile ne va pas diminuer les crédits consacrés à l’AME ; elle va au contraire les augmenter.
Cela fait des années que je m’occupe du droit d’asile : je connais le sujet. Les gens qui demandent le droit d’asile ne sont pas éligibles à l’AME. En revanche, ils le sont dès qu’ils sont déboutés. Or, la prochaine loi va sans doute permettre de débouter plus de gens, et c’est bien. Nous aurons donc vraisemblablement une augmentation des crédits nécessaires à l’AME sauf à mettre dehors immédiatement tous ceux qui sont déboutés du droit d’asile – mais alors là, je vous souhaite beaucoup de plaisir, car c’est très difficile !
L’annonce qui est faite dans la loi de finances est donc tout à fait irrégulière. La Cour des comptes a d’ailleurs indiqué qu’elle était à la limite de la légalité, puisqu’il est tiré prétexte d’une loi non encore déposée dont les résultats sont considérés comme étant déjà connus, alors qu’ils ne seront vraisemblablement pas au rendez-vous.
Si vous trouvez que c’est un bon système, quels que soient vos problèmes philosophiques, défendez-le, mais faites-le clairement ! Et ne nous empêchez pas de discuter avec les Français de la réalité des choses !
Nous considérons qu’en l’état actuel des choses, il y a une inégalité profonde entre les Français qui payent la sécurité sociale et certains immigrés – pas tous – considèrent de toute évidence de manière abusive qu’ils ont droit à tout, plus que les Français.
Je finis en disant que les autres pays européens ne sont pas moins démocratiques que nous. Or, ils ont tous adopté un système qui n’est pas le nôtre.
Monsieur le rapporteur spécial, quelle est la position de la commission sur ces amendements ?
Vous vous doutez un peu de la réponse du Gouvernement. Permettez-moi de revenir sur quelques propos. Vous avez dit que le dispositif était inégal par rapport aux Français qui paient leurs contributions à la sécurité sociale.
Monsieur Goasguen, vous avez peut-être oublié que certaines personnes qui n’ont pas la nationalité française et sont en situation régulière dans notre pays paient également pour la sécurité sociale. Il faut le rappeler.
De plus, il y a aussi des étrangers en situation irrégulière qui travaillent, qui sont déclarés et qui cotisent également à la sécurité sociale.
Ils travaillent parfois même dans le XVIeme arrondissement de Paris. Ce que vous dites n’est donc pas vrai puisque vous ne parlez que des Français. Il faut aussi rétablir les vérités.
J’aime que l’on soit précis, monsieur Goasguen. Cessez donc d’agiter les chiffons des haines et des oppositions sur des questions aussi importantes que celles relatives à la santé publique.
Exclamations sur les bancs de l’UMP.
Bien sûr : j’ai juste été adjointe au maire de Paris à l’intégration et aux étrangers non communautaires ! Vous étiez, à l’époque, en difficulté parce que vous meniez une politique scandaleuse à l’égard de ces populations et même de ceux qui avaient des papiers.
Je vous le dis, monsieur Goasguen : vous ne changez pas de discours. Vous n’avez rien fait, à part stigmatiser ces populations. Je suis fière, moi, d’appartenir à un gouvernement qui remet en place l’AME et qui permet à certaines populations d’avoir accès aux soins tout en luttant contre les filières mafieuses qui organisent des trafics.
Vous n’êtes pas détenteurs, à vous seul, de la vérité sur ce type de choses !
Madame la secrétaire d’État, je pense ne pas trahir votre pensée en disant que le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Chaque année, lorsque nous examinons les crédits de la mission « Santé », nous avons ce débat relatif à l’AME. Nous voyons bien qu’il y a deux états d’esprit qui s’opposent.
C’est dommage de dresser les uns contre les autres. À partir du moment où l’on pointe du doigt telle ou telle population, on entre dans un schéma d’opposition. Or, j’aimerais que nous retrouvions un peu de sérénité.
S’agissant des crédits de l’AME, le Gouvernement – Mme Touraine, en commission élargie, et Mme Boistard aujourd’hui – a manifesté la volonté de travailler dans la durée, et en étant le plus objectif possible.
Cette volonté s’accompagne de celle de maîtriser les finances publiques, mais elle prend en compte la dimension humaine de cette question. J’ajoute que la dimension sanitaire doit être prise en compte.
Seulement 5 % des personnes primo-arrivantes sont conscientes des maladies infectieuses dont elles sont porteuses. Nous devons tenir compte de cet élément, comme du fait que, pour protéger l’ensemble de la population, il faut prendre en charge certaines dépenses qui évitent des épidémies ou d’autres phénomènes qui pourraient être néfastes à la population. Tout le monde peut être sensible à cette dimension.
Certains prétendent que l’AME est utilisée pour des fécondations in vitro. Or, cela fait longtemps que l’on vous dit que de tels actes ne relèvent pas de cette aide, et s’il y a des irrégularités ou des exceptions, il ne faut pas en tirer argument pour remettre en cause l’AME.
Enfin, monsieur Goasguen, le premier amendement que vous proposez, et qui vise purement et simplement à supprimer l’AME, ne me semble ni raisonnable ni juste, pour les raisons que j’ai évoquées. On sait très bien en effet que si l’on ne soigne pas les personnes tout de suite, on fait prendre des risques à tout le monde.
Je voudrais d’abord souligner la disproportion entre l’importance du sujet, ne serait-ce qu’en termes budgétaires,..
Il s’agit de 500 millions d’euros. C’est plus que les que les allocations familiales !
…et le temps qu’y consacrent nos collègues de l’UMP, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle. Ils ne connaissent qu’un seul sujet : l’AME, l’AME, l’AME !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Comme s’il s’agissait du problème no 1 en matière de budget ou de santé publique !
En réalité, tout le monde a bien compris que nos collègues, dans une attitude fort politicienne, font la course après Mme Le Pen qui, d’ailleurs, boit du petit lait en haut de l’hémicycle.
C’est une course bien inutile que perdrez de toute façon ! En réalité, que nous proposez-vous ? Serait-ce de demander ses papiers à un malade qui a besoin de soins ?
C’est incroyable ! Pensez-vous que l’on puisse, dans ce pays, demander à quelqu’un qui a besoin de soins : produisez vos papiers ? Si c’est ce que vous voulez, dites-le ! C’est une position inacceptable d’un point de vue éthique, je tiens à le dire ici.
Ensuite, sur le plan sanitaire, c’est une imbécillité que vous défendez.
En effet, les maladies, les virus et les bactéries ne connaissent pas ces frontières et ne demandent pas leurs papiers aux malades. Proposer de ne pas soigner les gens qui sont atteints, quelle que soit leur situation administrative – et encore une fois il n’y a pas que des étrangers en situation irrégulière qui bénéficient de l’AME – est une insanité.
Je n’ai même pas envie de faire de la pédagogie. J’ai envie de dire : ça suffit !
C’est très bien de nous traiter d’imbéciles, mais vous feriez mieux de vous regarder !
Chaque fois que cette question survient dans nos débats, avec quelle gourmandise délétère certains s’en saisissent !
Je constate aussi que ces propos ne s’adressent pas forcément ni au Gouvernement ni à la majorité d’aujourd’hui : il y a là, évidemment, une tentative de séduction d’un électorat qui vous est très proche, sinon commun à vos voisins de l’extrême droite.
Il y a de plus en plus de socialistes qui votent pour l’extrême droite !
Cessons, s’il vous plaît ! Cessons ce théâtre d’ombres ! Nous avons un impératif qui est reconnu par toutes les conventions internationales : c’est de veiller à la santé des personnes qui se trouvent, qu’elles l’aient voulu ou pas d’ailleurs, sur notre territoire. C’est un premier principe, qui est conforme à la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
Vous n’y échapperez pas. Monsieur Goasguen, si vous aviez su, pendant les dix ans qui ont précédé notre arrivée, démontrer votre capacité à réguler les flux migratoires, ça se saurait.
Vous mettez en doute la capacité du Gouvernement à le faire aujourd’hui. Si vous aviez écouté M. Cazeneuve ces jours-ci, quand il défendait ses crédits, vous sauriez combien la lutte contre les passeurs de migrants non autorisés a été efficace.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Alors, je vous en prie, n’opposons pas des Français de souche à des personnes qui se trouvent sur le territoire de notre pays ! Nous avons besoin d’assurer la protection de ces populations au plan sanitaire et si nous n’assurons pas la protection de la santé des seconds, les premiers en seront les victimes, vous le savez bien. Alors, un peu de cohérence et un peu de dignité !
Après avoir été traités d’imbéciles, voilà que nous ne sommes pas dignes… Merci !
Dans ce débat, j’entends plusieurs choses. D’abord, c’est le peuple souverain qui a élu l’ensemble des députés ici présents, quelle que soit leur appartenance politique. Je n’admets aucune dualité de traitement entre les élus, que je sois d’accord ou pas avec leurs idées.
Ensuite, j’entends qu’il y aurait une partie du peuple, dont le vote ne plaît pas, qui n’aurait pas le droit de s’exprimer et d’être représentée.
Et ce peuple que vous, nouvelle SFIO, avez abandonné, se révolte : il suffit de voir ce qui se passe sur l’ensemble du territoire national.
Il faudra nous expliquer en quoi la suppression du droit de timbre de 30 euros que nous avions souhaité instaurer, grâce à notre excellent camarade Dominique Tian ici présent, pour les étrangers en situation irrégulière sur le territoire national – car nous ne visons pas les personnes en situation régulière et les soins d’urgence ne sont pas concernés dans leur immense majorité – permettra de lutter contre les filières clandestines.
N’est-ce pas au contraire un appel d’air, tendant à faire venir toute la misère du monde, en particulier du continent africain, vers ce paradis qu’est l’Europe ? Et pourquoi dépensons-nous de l’argent à faire venir des personnes sur notre territoire national, au lieu d’aider ces pays qui en ont besoin ?
Car vous ne maîtriserez jamais les flux migratoires, vous le reconnaissez vous-mêmes, si vous n’aidez pas les pays d’origine. Cette suppression de la franchise de 30 euros est une mesure délétère qui va mécontenter les Français, qui ne supportent plus ce double traitement sur le territoire national.
Enfin, j’entends qu’il y a des maladies infectieuses. Leur venue serait si terrible que nous devrions déjà être tous morts ! Le montant de l’AME va être multiplié par dix en l’espace de dix ans.
Madame le secrétaire d’État…
… si c’est transparent, comment se fait-il que nous n’ayons jamais de réponse sur le chiffrage exact et global de l’AME ?
Vous maquillez les chiffres, vous mentez aux Français et ce faisant, c’est vous qui alimentez la haine !
Personne n’est hostile aux étrangers malades. Et surtout, madame la secrétaire d’État, vous avez fait un contresens affreux tout à l’heure en disant que M. Goasguen n’aimait pas les étrangers même quand ils payaient leurs cotisations.
Je n’ai pas dit ça !
À peu près ! En tout cas, on vérifiera.
Bien sûr que nous aimons les étrangers quand ils paient leurs cotisations, quand ils travaillent en France et sont de bons citoyens.
L’AME, madame la secrétaire d’État, est réservée à ceux qui entrent illégalement sur le territoire national. C’est la principale condition : l’autre consiste à ne pas être européen. A priori, ce n’est pas très difficile. Comment pouvez-vous prétendre que ce n’est pas un appel d’air extraordinaire ?
Bien sûr que c’est un appel d’air ! D’ailleurs, un rapport parlementaire d’Éric Ciotti, que vous pouvez découvrir dans l’excellent journal Le Figaro aujourd’hui, dit que c’est en train d’exploser. Entre 2007 et 2013, les demandes d’asile ont augmenté de 367 % : ne dites pas qu’il n’y a pas un appel d’air.
Toutes ces personnes, un jour ou l’autre, sont éligibles à l’AME. Celle-ci est plus intéressante que ce qui est proposé à un citoyen ou à un étranger en situation régulière qui paie ses cotisations : c’est cela qui est insupportable.
Quant au droit de timbre de 30 euros, il est purement symbolique. Il s’agit de montrer qu’on participe par une contribution financière symbolique même si on est entré illégalement : il y a un petit geste qui est fait.
Il y a déjà sept milliards d’habitants sur cette planète et ce chiffre va augmenter de plus en plus. Beaucoup de pays n’ont pas les moyens d’assurer une couverture médicale de qualité à leurs concitoyens. Devez-vous leur conseiller de venir en France, parce que notre vocation serait de soigner le monde entier gratuitement ?
Écoutez simplement Michel Rocard – c’est un homme de bon sens – : nous n’avons pas les moyens de soigner toute la misère du monde.
Madame la secrétaire d’État, nous vous demandons simplement de mettre fin à cet appel d’air. Vous voyez que les demandes d’asile explosent, que les gens sont logés dans des conditions indignes. Chaque personne qui bénéficie de l’aide temporaire d’attente coûte déjà 800 euros par mois, sans compter l’aide médicale. C’est une catastrophe et, malheureusement, les finances de notre pays ne peuvent pas le supporter. Le déficit cumulé de la Sécurité sociale s’élève à 130 milliards d’euros.
Depuis deux ans, à chaque fois que l’on évoque Mayotte dans le débat sur la santé, c’est surtout au travers de l’AME.
Nous avons un système de santé dérogatoire en tous points ; un système de santé dont la dépense globale, dans le département, se situe autour de 250 millions d’euros pour 212 000 habitants, ce qui fait 1 120 euros par habitant en moyenne. Nous sommes très loin de la moyenne nationale.
Nous préparons localement un document stratégique dit « Mayotte 2025 » pour réfléchir à l’alignement du département sur le droit commun et j’anime l’atelier institutionnel. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, j’ai animé un atelier sur la problématique de la convergence du système de soins à Mayotte vers le droit commun.
Il est vrai que ce n’est pas simple, parce que tout est différent : la notion d’assuré social est différente ; le système de cotisation est différent ; le système d’offre de soins est différent ; les complémentaires santé n’existent pas ; la médecine de ville est ce qu’elle est. Sur les 250 millions d’euros de dépenses, il y a 150 millions d’euros pour l’hôpital public et 100 millions pour la médecine de ville. L’hôpital lui-même ne fonctionne pas sur le régime de facturation du système T2A.
Si je regarde les chiffres qui nous sont donnés, pour couper court à la polémique, et sachant que je ne parle pas seulement de l’AME, puisque l’ensemble du système est dérogatoire à Mayotte, l’hôpital public étant financé à peu près par une dotation globale versée par la CNAM de 150 millions d’euros, et dès lors que les étrangers en situation irrégulière représentent 40 % de la population, nous serions au maximum à une dépense de 40 % de ces 150 millions, ce qui ferait 60 millions d’euros – étant donné que localement, pour les soins non urgents, les patients sont appelés à contribuer.
Je voudrais que, s’agissant du département de Mayotte, ce débat sur la santé soit apaisé, parce que nous avons d’énormes défis à relever. Localement, madame la secrétaire d’État, nous nous apprêtons à faire des propositions visant à améliorer ce système de santé, pour le rendre juste, efficace et universel.
Juste un mot à ceux de nos collègues qui prônent le nationalisme sanitaire : je crois qu’il y aura des éléments complémentaires sur la lutte contre les filières frauduleuses, mais ils seront davantage présentés dans cadre du projet de loi sur le droit des étrangers que dans celui du projet sur le droit d’asile. À ce moment-là, nous verrons effectivement comment sera renforcée cette lutte contre les filières frauduleuses.
En même temps d’ailleurs, il y aura des transferts de technologie en faveur des pays en voie de développement qui en ont besoin, évitant ainsi aux patients de venir rechercher ailleurs ce qu’ils auront dans leur propre pays.
Surtout, je voudrais dire à ceux qui demandent la suppression de l’AME que, s’ils sont cohérents, ils doivent dans la même logique demander aussi la suppression de l’aide internationale, au titre de laquelle la France apporte aux pays peu développés une somme beaucoup plus importante que l’AME pour lutter contre la tuberculose, le sida, le paludisme ou la fièvre Ebola.
Je voudrais savoir s’ils demandent que ces sommes, beaucoup plus importantes que l’AME, soient supprimées. Si tel est le cas, je leur demande de bien vouloir le signifier en leur propre nom à l’ONU, à l’OMS, à l’Europe et à tous les organismes internationaux, parce qu’à ce moment-là, la France serait au ban des nations développées.
Nous ne sommes pas ici pour nous amuser et des questions de ce genre sont des questions folkloriques.
Bien entendu, nous sommes absolument favorables au maintien de l’aide aux pays qui sont en voie de développement, voire à l’accentuation de celle-ci.
On nous dit qu’on va contrôler l’immigration. Mais je vous rappelle que dans le texte même du projet de loi de finances, l’augmentation de l’AME – c’est l’argument de Mme Touraine – tient à ce que l’immigration a augmenté. D’ailleurs, le ministre de l’intérieur dit exactement la même chose : nous assistons à une augmentation de l’immigration et il est vraisemblable que nous assisterons, dans les mois à venir, à une nouvelle augmentation de l’immigration, vu la situation au Moyen-Orient et en Afrique.
Ce que nous vous proposons, ce n’est pas la suppression de l’AME, c’est simplement la mise en place d’un système normatif, adopté par tous les pays européens sans exception, qui concerne l’urgence, la prophylaxie, c’est-à-dire la diffusion des maladies rares, que ce soit à l’hôpital public ou dans les dispensaires publics. J’ai ajouté dans une note qu’il pourrait même y avoir une aide des ONG à l’intérieur du territoire.
Le système n’est plus gérable. Il l’est si peu que vous êtes obligés de camoufler un peu partout les dépenses de l’AME, perturbant ainsi l’ensemble du système sanitaire.
Ce n’est pas la peine de nous faire passer pour des Raminagrobis qui voudraient tuer tous les immigrés qui entrent en France ! Ce n’est pas la peine de faire croire que nous voudrions qu’il y ait des épidémies à l’intérieur du pays ! Nous voulons simplement un système normatif européen qui soit efficace, ce qui n’est pas le cas de l’aide médicale des immigrés clandestins.
Je souhaite répondre, rapidement, à ce qui a été dit, car le jeu qui est celui d’aujourd’hui semble consister à changer les propos des uns et des autres.
Je souhaitais préciser, s’agissant des propos tenus par M. Goasguen, qu’il n’y avait pas que les Français qui cotisaient à la Sécurité sociale.
On a le droit de le préciser. Nous ne sommes ici que quelques-uns, mais je crois qu’on nous regarde et qu’on nous écoute. Il est bon d’être précis dans ce que nous disons.
Je vous en donne acte. Mais l’AME est payée par les contribuables et non par les assurés sociaux !
Je suis au courant ; merci de cette petite leçon, mais je ne suis pas votre élève, comme disait l’autre.
C’est un sujet important et, vous l’avez dit vous-mêmes, vous êtes conscients des répercussions sur la santé publique en général. C’est pourquoi nous avons considéré qu’il fallait une couverture optimale. Nous maintenons cette position de principe. Nous la maintenons : ce n’est donc pas quelque chose de dissimulé, c’est quelque chose de dit.
Vous n’êtes pas d’accord avec nous : vous en avez le droit, mais nous avons aussi le droit de défendre notre position. Pour le reste, je vous laisse à vos propos, à vos marottes, et nous verrons au moment du vote…
… ce qui sera repris.
L’amendement no 483 n’est pas adopté.
L’amendement no 484 n’est pas adopté.
L’amendement no 106 n’est pas adopté.
L’amendement no 304 n’est pas adopté.
Avec l’aide médicale à destination des étrangers en situation irrégulière, ce budget est l’un des rares à ne pas connaître la crise, avec une augmentation des dépenses de plus de 73 millions d’euros en 2015. Ce ne sont là que les chiffres officiels, car en réalité le budget est en train de flamber à très grande vitesse. Il flambe un peu officiellement, mais énormément dans les faits, comme l’a rappelé Claude Goasguen, en estimant qu’il pourrait atteindre 800 millions à 1 milliard d’euros l’année prochaine, soit des montants bien éloignés du budget annoncé officiellement.
Madame le secrétaire d’État, la générosité à l’égard des sans-papiers va jusqu’à leur fournir une meilleure couverture des soins qu’à des travailleurs ou à des retraités sans mutuelle, français ou non, qui paient des cotisations sociales obligatoires. En supprimant un droit de timbre à 30 euros, madame le secrétaire d’État,…
…vous avez commis une grave erreur.
Votre politique migratoire depuis votre arrivée au pouvoir a ouvert nos frontières à toute la misère du monde, alors même que notre situation économique ne le permet pas. Madame le secrétaire d’État, l’aide médicale de l’État pour les étrangers en situation irrégulière devrait être réservée à des cas d’urgence bien définis et très précis, notamment pour endiguer certaines épidémies. Or, trop souvent, elle sert à financer des actes non urgents ou qui ne sont pas essentiels. Monsieur Touraine, nous ne sommes pas favorables à une suppression de l’AME et nous ne souhaitons pas non plus diminuer ou supprimer les aides destinées aux pays en voie de développement.
Monsieur Verchère, je vous rappelle que l’on doit dire : Mme « la » secrétaire d’État.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 471 .
Pourquoi les chiffres de l’AME commencent-ils à devenir gigantesques ? En toute logique, parce que le gouvernement socialiste a changé les règles du jeu. Jusqu’à présent, l’aide médicale de l’État, que nous ne remettons pas en cause, était réservée aux soins d’urgence prodigués dans des hôpitaux ou des cliniques ; l’ouvrir à la médecine de ville a provoqué un appel d’air. Certains de nos collègues ont fait part de leur expérience, nous menaçant du retour d’épidémies que l’on n’avait pas connues depuis le Moyen-Âge. En tout état de cause, il devenait important d’intégrer les médecins dans le dispositif, ce qui, soit dit en passant, n’était pas inintéressant pour augmenter leur patientèle. Ces nouvelles conditions ont fait exploser les chiffres de l’AME.
Comme l’a dit Claude Goasguen tout à l’heure, ce ne sont plus seulement les soins d’urgence, mais c’est aussi l’ensemble de la médecine de ville qui accueillent les étrangers en situation irrégulière. Si nous en revenions aux règles de 2002 – celles des soins d’urgence prodigués dans les hôpitaux et les cliniques –, nous aurions de meilleurs chiffres, que j’ai estimés aux alentours de 400 millions d’euros. Cette somme correspond à peu près aux montants dépensés par d’autres pays européens qui réservent cette aide médicale aux cas d’urgence. Réserver l’AME à l’urgence nous permettrait de contenir son coût.
Madame le secrétaire d’État, il faut voir le monde dans lequel nous sommes aujourd’hui. Il y a deux manières de lutter contre les flux migratoires. La première, à long terme, consiste à faire en sorte que les gens qui sont en difficulté, soit à cause de guerres soit, majoritairement, pour des raisons économiques, retrouvent une stabilité et un développement dignes. La seconde, qui est tout aussi nécessaire, consiste à protéger les territoires et le niveau de vie de nos compatriotes. Aujourd’hui, la marine nationale, qui est notre premier bouclier, a perdu quatre de ses navires. Elle est engagée sur cinq théâtres d’opérations en même temps. La sécurité de la sortie de nos SNLE n’est plus garantie par la force océanique stratégique. La Grande-Bretagne a abandonné la fonction patrouille maritime. L’Italie n’exerce plus forcément ses fonctions régaliennes. Nous sommes dans une situation où le continent européen, vu comme un îlot de prospérité par les gens qui sont dans la misère, principalement sur le continent africain, est totalement ouvert.
Or, vous, vous avez une vision apocalyptique du continent africain. Si nous vous écoutons, il faudrait comprendre que toutes les personnes qui viennent sur le continent européen pour trouver un asile économique seraient totalement contagieuses et porteuses de tous les miasmes, de tous les virus, de toutes les bactéries et amibes de la planète. Ce n’est pas le cas, grâce à Dieu !
Afin de justifier des dépenses qui vont atteindre le milliard d’euros pour des personnes en situation irrégulière dans le territoire national, votre dernière ligne Maginot, c’est de nous dire que nous prendrions le risque de ne pas lutter contre une maladie infectieuse qui contaminerait l’ensemble de notre population. Cela est faux, et vous le savez pertinemment. Cessez de faire un tel amalgame et d’avoir une vision aussi délétère des pays d’Afrique !
Défavorable. Peut-être ne l’avez-vous pas vu, monsieur Dhuicq, mais la France va contribuer à hauteur de 100 millions d’euros à la lutte contre le virus Ebola en Guinée.
Même si ce n’est pas le sujet qui nous préoccupe ici, mais puisque vous avez l’air de vouloir faire des digressions extrêmement larges qui nous conduisent à des sujets très éloignés du nôtre,…
C’est votre cohérence, monsieur Dhuicq ! Vous m’appelez madame « le » secrétaire d’État… Vous êtes, sur nombre de sujets, d’un arrière-gardisme avancé, si je puis dire.
Vous parlez d’immigration de façon très péremptoire, mais je vous rappelle que dix-sept conventions internationales bilatérales avaient été signées avant 2012 au sujet de l’immigration choisie. Parmi ces pays, la Tunisie avait fait l’objet d’un grand accord bilatéral : chaque année, un grand nombre de Tunisiens pouvaient, à différents titres, venir dans notre pays. Vous avez mis fin à cette convention, après la révolution tunisienne. À l’époque, j’avais eu à en traiter les conséquences. En termes d’immigration, vous avez voulu instaurer une immigration choisie, mais vous l’aviez organisée vous-mêmes et aviez eu à l’égard des étrangers une attitude qui n’était pas à la hauteur d’un pays tel que la France.
Madame la secrétaire d’État, le territoire des îles de Wallis et Futuna, qui comptent 13 000 habitants, ne bénéficie pas des infrastructures suffisantes pour répondre aux besoins médicaux de haut niveau. Souvent, les malades doivent être évacués, notamment en Nouvelle-Calédonie, pour y être soignés. Au fil du temps, une dette importante s’est constituée. Les conséquences en sont extrêmement graves.
Dans ce territoire où les tensions communautaires sont vives, les malades wallisiens et futuniens font l’objet d’une réelle mise en cause. Les conséquences sont bel et bien sérieuses, madame la ministre. Les tensions sont réelles et les soins accordés à nos populations laissent parfois à désirer. Ces tensions entre communautés menacent la paix civile en Nouvelle-Calédonie. Il est urgent de payer la dette due au CHT. Les ministres en déplacement dans le Pacifique, Victorin Lurel puis Mme Pau Langevin il y a quelques semaines, ont clairement et publiquement affirmé que cette dette était, du fait du statut de Wallis et Futuna, la dette de l’État et qu’ils s’engageaient à ce que le budget de l’État la prenne en charge. Lorsqu’il a reçu les autorités de Wallis et Futuna, le Président de la République a pris le même engagement.
Ce problème doit absolument être résolu en prenant des engagements précis et en commençant à régler la dette au CHT de Nouméa. J’appelle votre attention, madame la secrétaire d’État, sur le fait qu’il ne serait en aucun cas envisageable de prélever une part de cette somme sur la dotation annuelle de l’agence de santé de Wallis et Futuna. Vous venez de la réajuster sur un budget réaliste, avec un rebasage de 28,5 millions d’euros. Tout nouveau prélèvement ne ferait que creuser de nouveau la dette. Nous refuserions avec la dernière énergie une telle politique et tirerions les conséquences qui s’imposent.
La commission n’a pas examiné cet amendement, mais j’y suis favorable à titre personnel, comme à tout ce qui peut apurer les si nombreuses dettes de l’AME et permettre de revaloriser le travail mené en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna.
Monsieur Polutélé, vous proposez d’apurer la dette contractée par l’agence de santé de Wallis et Futuna auprès du centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement y est défavorable pour les motifs que je vais vous exposer. Il a en effet déjà prévu un effort substantiel en faveur de l’agence de santé de Wallis et Futuna dans le PLF pour 2015, puisque la dotation qui lui est versée a été revalorisée de 2,5 millions d’euros, passant ainsi de 26 millions d’euros en LFI 2014 à 28,5 millions d’euros en PLF pour 2015. Cette hausse de la dotation doit précisément permettre de faire face à la dégradation de la situation financière de l’agence. Une partie de cette subvention pourra être consacrée au plan d’apurement de la dette qui doit être lancé très prochainement et une autre partie devrait permettre d’éviter de contracter de nouvelles dettes en 2015, en améliorant le fonctionnement de l’agence. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement, sans quoi j’en demanderai le rejet.
J’entends bien, madame la secrétaire d’État, votre réponse à mes préoccupations. Je pensais que le rebasage de la dotation de l’agence de santé permettait de subvenir aux réels besoins de l’agence de santé. Or, apparemment, la nouvelle dotation permettrait de rembourser la dette.
Je fonde de réels espoirs sur le prochain voyage de M. le Président de la République en Nouvelle-Calédonie pour régler définitivement la question. Je retire mon amendement.
L’amendement no 57 est retiré.
Les crédits de la mission « Santé » sont adoptés.
Cet amendement vise à restaurer le droit de timbre à 30 euros que nous avions instauré. Je ne vous propose donc pas de supprimer l’AME, comme certains l’ont avancé un peu rapidement !
La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement no 316 .
Depuis le 31 décembre 2002, la loi prévoit l’instauration d’une participation financière à la charge du bénéficiaire de l’AME, au même titre qu’une participation financière est imposée aux assurés sociaux. La loi prévoyait qu’un décret vienne préciser les conditions de ce reste à charge. Force est de constater que depuis plus de onze ans ce décret d’application n’a pas été pris – nous avions toutefois instauré un droit de trente euros.
Il n’est donc pas acceptable que la loi reste lettre morte, d’autant plus qu’il y a eu entre-temps la suppression du droit de timbre de 30 euros. Pourtant, madame la secrétaire d’État – puisque cette formule vous fait plaisir, bien que la langue française permette de dire : madame « le » secrétaire d’État –…
… les textes réglementaires instaurant la participation financière des assurés sociaux étant déjà en vigueur, le présent amendement ne fait que renvoyer directement à ces textes d’application pour la participation financière des bénéficiaires de l’AME.
Je tiens à préciser qu’une étude effectuée par l’IFOP en novembre 2010 avait montré que 80 % de nos concitoyens, toutes tendances politiques confondues, étaient favorables à une participation financière des bénéficiaires de l’AME. Prenez-en acte et donnez un avis favorable à ces amendements.
Madame la secrétaire d’État, il s’agit de montrer votre volonté de lutter contre l’appel d’air créé par les mesures imprudentes prises au cours de la première année de règne du nouveau président de la République. Mais je comprends que vous soyez pressée d’écouter celui-ci ce soir à la télévision, et que des dispositions portant sur des centaines de millions d’euros soient très vite examinés pour cette raison.
La meilleure façon de lutter contre les filières clandestines, c’est de montrer que la nation – qui continue à exister, que vous en doutiez ou non – protège d’abord ses contribuables, ses travailleurs pauvres et les étrangers en situation irrégulière qui cotisent à l’effort national. Nous répétons que l’AME concerne des gens en situation irrégulière sur le territoire national. Vous venez vous-même d’admettre qu’il y a des personnes en situation irrégulière qui travaillent.
Eh oui !
C’est bien une contradiction majeure dans votre raisonnement et la preuve que le système ne fonctionne pas correctement.
À qui la faute ? Vous n’avez rien fait pour l’améliorer quand vous étiez aux responsabilités !
Ce n’est parce que la droite a, elle aussi, commis des fautes et des péchés, qu’elle a été en partie incapable de mener à bout certains programmes…
… que la gauche est exempte de tout reproche. En tout cas, je ne me sens pas responsable de ce qu’ont fait mes aînés. Nous sommes en 2014 et c’est aujourd’hui que je défends ces amendements avec mes camarades pour que l’on revienne à la raison et que la nation continue à défendre d’abord ses habitants. J’ajoute que ce n’est pas un pêché de le dire.
La question soulevée par ces amendements me semble résolue par l’analyse qui a été faite de l’évolution du dispositif après la disparition de la franchise. Quand on compare la situation avant et après cette suppression, l’on constate que chaque acte au titre de l’AME a un coût inférieur aujourd’hui. En effet, les patients viennent consulter à un stade plus précoce, par conséquent à moindres frais et en prévenant ainsi une évolution vers une phase plus avancée de la maladie. C’était l’objectif recherché : prendre en charge les malades avant que l’évolution de leur état n’ait des conséquences gravissimes. La prétendue responsabilisation des patients par leur contribution financière a d’ailleurs rarement démontré ses effets parce que ce ne sont pas les patients eux-mêmes qui prescrivent ; ce sont bien évidemment les médecins. Au bout du compte, il est profitable pour tous que les personnes précarisées, qu’elles soient françaises ou étrangères, n’aient pas à payer une franchise. C’est la condition d’une prise en charge décente de la santé publique.
Monsieur Dhuicq, je ne sais pas ce qu’est le péché, mais je sais ce qu’est l’erreur parce que vous en avez commis quelques-unes.
La franchise de 30 euros que ces amendements visent à réintroduire constituerait un réel obstacle à l’accès aux soins pour une population qui, vous le savez, est en situation extrêmement précaire et qui est présente sur notre territoire. Il faut garder le sens de la réalité, vous l’avez dit vous-même, monsieur Dhuicq.
Par ailleurs, l’accès à l’AME est conditionné à un niveau de ressources qui est inférieur au plafond de la CMUC – la couverture maladie universelle complémentaire –, soit 716 euros par mois. La participation financière que vous proposez pourrait donc accroître la complexité de la procédure, laquelle deviendrait alors un obstacle majeur à l’exercice de ses droits pour toute population précaire, déjà peu à l’aise avec les démarches administratives. Cela conduirait, comme vient de le dire M. le rapporteur pour avis, à des retards dans l’accès aux soins, voire à une aggravation des pathologies, ce qui pourrait des conséquences lourdes non seulement pour ces personnes, mais aussi pour l’ensemble de la population en cas de maladies infectieuses. Cela aurait aussi des conséquences graves financièrement puisque les pathologies seraient alors beaucoup plus complexes à traiter.
le groupe SRC votera contre ces amendements, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, comme l’a très bien expliqué le rapporteur pour avis, tous les rapports sur le sujet montrent que le droit de timbre a eu pour conséquence non pas de supprimer les soins, mais de les différer, et que, de ce fait, le coût des soins par bénéficiaire a augmenté puisque les personnes concernées sont entrées plus tardivement dans le dispositif pour des traitements plus coûteux. On irait donc à l’encontre de ce qui est souhaitable pour nos finances publiques.
Par ailleurs, quand j’entends certains s’exprimer, je me dis que nous ne vivons pas dans le même monde : 30 euros, quand on est dans une situation de grande précarité, c’est une somme très importante ! Comment peut-on dire le contraire ? Preuve en est que ce sont les associations qui se sont acquittées de ce droit de timbre, pas les malades eux-mêmes.
Il faut donc laisser le dispositif en l’état tout en engageant les évolutions qui ont été évoquées. Je ne voudrais surtout pas laisser croire, comme l’a sous-entendu notre collègue Dhuicq, que ne pas voter ces amendements signifierait être contre toute évolution. Ce n’est bien évidemment pas le cas, mais ce droit de timbre a eu des conséquences clairement démontrées dans les différents rapports, notamment dans celui de l’Inspection générale des affaires sociales de 2011, conséquences qui vont à l’encontre de ce qui doit être souhaité pour la santé de ces populations et pour la santé publique.
Madame Laclais, intellectuellement, ce que vous dites ne tient pas la route. Venir de Chine ou d’Afrique coûte un peu plus de 30 euros… même venir de Marseille pour se rendre à l’Assemblée ! Nous parlons dans ce débat de quelqu’un qui a payé une filière, pris des passeurs, qui s’est entouré de personnes bénéficiant largement du système. M. Touraine dit lui-même que ce sont maintenant des filières qui viennent en Rhône-Alpes pour faire profiter de soins particulièrement coûteux. Je suppose que quand on fait appel à une filière, cela coûte un peu plus que 30 euros. Vous voyez les drames qui se produisent, en Italie notamment : les gens entassés sur les bateaux ont malheureusement payé plus que cette somme. Arrêtez de dire que ces 30 euros sont un obstacle à la mise en oeuvre du dispositif. Vous savez très bien que cette mesure a valeur de symbole pour les Français qui cotisent énormément pour une sécurité sociale largement déficitaire. Le vrai prix serait non pas 30 euros mais beaucoup plus, des milliers d’euros. On n’est pas à 30 euros près quand on vient de très loin !
L’amendement no 474 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 606 rectifié .
Cet amendement vise à aligner les délais de facturation des séjours des patients bénéficiaires de l’aide médicale de l’État en établissement de santé sur ceux de droit commun, soit un an au lieu de deux. Cette mesure technique permettrait d’avoir une meilleure lisibilité budgétaire en améliorant la cohérence de la chaîne de facturation hospitalière, et, d’autre part, en renforçant le suivi de la dépense puisque l’exercice auquel elle se rapporte sera ainsi clairement identifié. L’impact de la mesure est évalué à 7,2 millions d’euros pour 2015, conséquence conjoncturelle de l’accélération du rythme de facturation. À compter de 2016, la mesure se traduira par une économie pérenne de l’ordre de 0,8 million d’euros.
Mais la gestion de la Sécurité sociale est terrible pour les hôpitaux. Madame la secrétaire d’État, il est temps de réexaminer l’ensemble de la question.
Le problème de la Sécurité sociale par rapport à l’AME est très simple : c’est l’AME qui paye et la Sécurité sociale qui reçoit ; mais celle-ci est-elle incitée pour autant à contrôler ? La réponse est non. Elle contrôle bien sûr les abus mais quand ils concernent l’une de ses caisses – je pense aux abus de facturation du fait d’un médecin qui prescrit trop souvent des congés maladie. Je vous assure que sur ce sujet, tout le travail est à faire.
Je me demande d’ailleurs s’il ne faudrait pas basculer carrément l’AME sur la Sécurité sociale. Vous me direz que cela changerait tout, car ce serait alors l’ensemble des cotisants qui financerait cette aide, alors que ce sont aujourd’hui les contribuables qui paient, soit la moitié des Français. Ce n’est pas du tout la même base. Mais vous verriez que la Sécurité sociale serait alors beaucoup plus encline à faire des contrôles !
L’amendement du Gouvernement n’a pas été examiné par la commission, mais je trouve qu’il peut être voté.
Madame la secrétaire d’État, cet amendement est révélateur d’un problème que Claude Goasguen a soulevé dans sa question : vous-même vous rendez compte que le ministère n’arrive pas à chiffrer le montant exact de l’aide médicale de l’État !
Si vous y arriviez, vous n’auriez pas eu besoin de déposer cet amendement.
Ensuite, je comprends bien votre volonté d’aider à la gestion de nos hôpitaux publics, mais je crains que cette mesure n’ait à terme, elle aussi, un effet pervers : celui de renforcer la pompe aspirante non pas seulement de l’immigration clandestine, mais aussi du tourisme médical. Cessez de nous dire que l’ensemble des personnes concernées par l’AME seraient atteintes de maladies infectieuses hautement contagieuses : ce n’est pas le cas.
Si vous admettez médicalement ce que je viens de vous dire, cela signifie que nous avions parfaitement raison de soutenir nos amendements parce que nous trouvons la situation totalement injuste et intolérable. Le système que vous défendez favorise non pas les gens en situation régulière sur le territoire national, mais ceux en situation irrégulière. Votre dispositif ne va, je le répète, que renforcer la misère du monde parce qu’il servira, une fois de plus, de pompe aspirante. Le message transmis aujourd’hui aux passeurs est le suivant : « Venez en France, le gouvernement socialiste vous ouvre totalement les bras, et vous allez faire de l’argent sur la misère humaine. En plus, vous serez soignés gratuitement. » Cela devient intolérable pour l’ensemble des Français !
Voilà un amendement absolument savoureux. L’exposé sommaire fait état de 508 millions d’euros pour l’année 2013 – voilà un chiffre à retenir puisqu’il vient du Gouvernement lui-même –, tout en précisant qu’un quart de la dépense constatée correspond à des factures des exercices précédents. Voilà de la bonne gestion ! Et votre argument, madame la secrétaire d’État, consiste à dire que deux ans pour le délai de facturation c’est beaucoup, qu’une année suffirait. Je ne connais en effet personne qui fasse des crédits fournisseurs de deux ans, c’est sûr que ce ne serait pas de bonne gestion. Je comprends mon collègue de Wallis-et-Futuna qui s’inquiétait un peu : des factures réglées deux ans plus tard, ce n’est pas extraordinaire comme gestion.
Surtout, madame la secrétaire d’État, c’est contraire à la loi ! Nous avons en effet adopté une disposition, il y a quelque temps, spécifiant que le malade est en droit de réclamer une facture à la sortie de son séjour hospitalier. Les cliniques, évidemment, appliquent la loi, mais les hôpitaux n’y arrivent pas, ce qui fait que beaucoup de malades sortent sans facture.
Ne serait-ce que sur un plan strictement médical, il serait normal de savoir ce que l’on a subi comme prestations à l’hôpital – d’autant que le dossier médical personnel, le DMP, s’est évaporé : il n’est jamais entré en vigueur, alors que vous y avez consacré 500 millions d’euros. C’est un véritable scandale : il y en a partout, mais pas en France !
Pour résumer, on ne sait pas ce que l’on facture, on facture sur deux ans, ce qui est beaucoup, et vous nous faites par conséquent voter une disposition législative pour demander aux hôpitaux de respecter le délai d’un an pour un crédit fournisseur : voilà qui est proprement hallucinant !
Madame la secrétaire d’État, toutes nos félicitations pour cet amendement exceptionnel !
L’amendement no 606 rectifié est adopté.
La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement no 315 .
Force est de constater que l’AME, l’aide médicale de l’État, accordée aux immigrés en situation irrégulière offre une protection plus complète que celle accordée à des travailleurs pauvres : elle est entièrement gratuite, alors que ceux qui sont « trop riches » pour bénéficier de la couverture maladie universelle, la CMU, doivent payer et se soignent donc avec difficulté. Quid, madame la secrétaire d’État, de l’AME lorsqu’il y aura demain, peut-être, en raison de toute la misère du monde, 1 million de bénéficiaires ? Sans un contrôle des clandestins, cela deviendra un gouffre et ce sont les citoyens trop riches pour être pauvres mais pas assez riches pour pouvoir bénéficier d’une bonne mutuelle qui en pâtiront !
Un patient bénéficiant de l’AME est en effet mieux couvert qu’une personne payant ses cotisations, mais n’ayant pas de mutuelle ou n’ayant pas accès à la CMU complémentaire : un clandestin capable de justifier sa présence sur le territoire depuis trois mois est pris en charge à 100 %, alors que le bénéficiaire de la sécurité sociale n’est pris en charge qu’à hauteur de 70 % pour ses consultations et entre 15 et 65 % pour les médicaments.
Pour disposer d’une protection équivalente, le travailleur ou le retraité est donc obligé de faire partie des bénéficiaires de la CMU complémentaire ou de payer un supplément, sous la forme d’une cotisation à une mutuelle, de plus en plus élevée au fur et à mesure que l’on avance en âge.
Oui, madame la secrétaire d’État, il faut que nous cessions d’être l’un des pays les plus attractifs d’Europe, du point de vue social et médical, pour l’immigration. Nous sommes notamment l’un des pays – il n’y en a pas beaucoup –, qui prennent totalement en charge les soins médicaux pour les étrangers en situation irrégulière dans le cadre de l’AME. Il faudrait être bien plus exigeant, et bien plus sévère vis-à-vis des bénéficiaires – sauf cas d’urgence, bien entendu.
Je vois avec plaisir que Mme la ministre est heureuse d’être parmi nous cet après-midi.
Toujours : cela me rappelle des souvenirs !
Le chef de l’État va s’exprimer ce soir devant les Françaises et les Français. Son Premier ministre dirige un gouvernement, dont vous êtes un des membres éminents, qui, contrairement à ses dénégations, a décidé de supprimer des crédits à la défense, en s’appuyant sur des sociétés de projets et d’innovation financière : c’est la première fois que les armées de notre pays utiliseront des armes qui ne nous appartiendront pas ; il s’agit d’une réduction majeure, inédite, du pouvoir régalien, qui nous fait revenir aux lansquenets de la Renaissance, monsieur Goasguen
Exclamations
– pardon : monsieur Le Guen ; mais les Bretons d’origine sont très présents dans l’hémicycle. Bienvenue, monsieur le secrétaire d’État, et merci d’être parmi nous aujourd’hui.
Disons-le : vous ouvrez toutes grandes les portes à l’immigration irrégulière. Vous avez déjà créé une distorsion majeure entre les sujets de nationalité française, entre ceux qui ont droit à la CMU et ceux qui, étant au-dessus du plafond et travaillant, n’y ont pas droit. Là, vous allez en créer une autre entre les ressortissants étrangers en situation irrégulière et ceux en situation régulière.
Les Françaises et les Français doivent savoir que votre mode de pensée favorise les personnes qui sont en situation irrégulière. Vous augmentez le pouvoir d’attraction du territoire français, en métropole et outre-mer – comme à Mayotte –, provoquant une immigration incontrôlée, qui fera exploser à terme la colère dans notre pays et qui provoque la haine – car c’est bien vous qui la provoquez, et non nous, qui défendons des mesures budgétaires raisonnables. Au bout du compte, vous allez créer une injustice majeure !
Je rappelle, monsieur le président, que nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement.
Il faudra bien deux membres du Gouvernement pour nous répondre, M. Le Guen étant venu au secours de Mme la secrétaire d’État !
Sourires sur certains bancs.
Mais non, c’est de l’humour, cher collègue : nous souhaitons la bienvenue à M. Le Guen !
Un humour qui vise toujours les femmes… Ce machisme ordinaire ne me fait pas rire. Machos !
C’est vous qui êtes pitoyable : ayez un peu le sens de l’humour ! D’ailleurs, Mme la secrétaire d’État prend cela avec le sourire. Il est plutôt agréable de parler de sujets sérieux sans s’invectiver !
Le vrai problème, c’est que Mme Touraine ne soit pas là. Elle aurait dû assister à nos débats.
Il est vrai que Mme Touraine devrait être là.
Je vais vous résumer rapidement la position officielle du groupe de l’UMP, afin qu’elle ne soit pas caricaturée comme ce fut le cas cet après-midi.
Le gouvernement de François Fillon avait pris un certain nombre de mesures. La première était, non pas la suppression de l’aide médicale d’État, mais la création d’un droit annuel forfaitaire de 30 euros, ce qui aurait rapporté 5 millions d’euros. Nous préconisons toujours cette mesure.
La deuxième était la mise en place d’une procédure d’agrément préalable pour les soins hospitaliers les plus coûteux, ce qui aurait permis d’éviter le développement malvenu de toute une médecine de confort.
Vous avez également supprimé le guichet unique qui avait été mis en place. Il s’agissait pourtant d’une mesure importante, qui supprimait la possibilité pour les centres communaux d’action sociale et les associations agréées de constituer des dossiers d’AME, ce qui ne nous plaît pas : nous préférerions que seules les caisses primaires d’assurance maladie soient chargées de l’ouverture des droits.
Il s’agissait donc de trois mesures simples qui, loin d’être caricaturales, étaient marquées au coin du bon sens, et que le groupe de l’UMP vous propose de rétablir aujourd’hui.
Sur les amendements identiques et sur l’amendement no 430 , il n’y a pas d’avis de la commission.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Nous demandons le rejet de tous les amendements.
Dans les discours qui viennent d’être tenus, on voit bien la perversité du raisonnement. On nous dit que la défense des Français n’est plus assurée.
Or le ministre a bien précisé devant cette assemblée que les engagements du Président de la République en matière de sécurisation des moyens de notre armée étaient tenus. Il en a fait la démonstration.
Pourtant, vous persistez à dire, devant cette assemblée et donc devant les Français : « Pauvres concitoyens, votre sécurité n’est plus assurée ! »
Et cela, en faisant un lien avec de supposées hordes d’immigrés clandestins, qui viendraient rompre les équilibres fondamentaux de notre système social !
Vous avez oublié de tenir compte des déclarations de M. Cazeneuve devant la commission élargie : il a indiqué que, depuis deux ans, à hauteur de 30 % chaque année, les filières d’immigration étaient plus démantelées que quand vous étiez au pouvoir.
Je répète que, dans le projet de loi de finances que nous examinons, le Gouvernement reconnaît lui-même que l’immigration clandestine a augmenté. Ne vous faites pas plus royaliste que le roi, monsieur Janquin !
Il est expliqué dans le texte que la hausse du coût de l’AME tient au fait que l’immigration clandestine a augmenté. Que M. Cazeneuve veuille à l’avenir la réguler, je le souhaite : nous sommes totalement d’accord avec lui. Mais ne venez pas me dire qu’il s’y est engagé ou qu’il a déjà commencé à réguler l’immigration clandestine !
Notre raisonnement n’est donc pas pervers : nous ne faisons que reprendre ce que dit le texte. Lisez ce dernier, et vous verrez que cela y est écrit en toutes lettres, comme seule cause de l’augmentation de l’AME – à tort, me semble-t-il, car je pense qu’il en existe une autre : on a aussi un peu tripatouillé les chiffres.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 14 Nombre de suffrages exprimés: 14 Majorité absolue: 8 Pour l’adoption: 6 contre: 8 (L’amendement no 430 n’est pas adopté.)
Nous abordons l’examen des crédits relatifs au conseil et contrôle de l’État (no 2260, annexe 8), aux pouvoirs publics (no 2260, annexe 36) et à la direction de l’action du Gouvernement (no 2260, annexe 13)
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant de dire quelques mots sur chacune des missions dont je suis chargé, je souhaite saluer la qualité de nos débats en commission élargie et rendre hommage au travail accompli par les trois rapporteurs spéciaux : Mme Marie-Christine Dalloz, M. Marc Le Fur et M. Philippe Vigier. Je tiens à les en remercier, ainsi que l’ensemble des députés qui sont intervenus lors de la commission élargie du 24 octobre. Aujourd’hui, je me contenterai d’aller à l’essentiel.
Sur la mission « Conseil et contrôle de l’État », j’évoquerai deux sujets.
Le premier est relatif au Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dont la gestion s’est nettement assainie sous l’impulsion de son président, M. Jean-Paul Delevoye. Ce processus d’assainissement se poursuivra en 2015, grâce à une mission de la Caisse des dépôts qui permettra, à terme, de mettre fin au déficit structurel de la caisse de retraites du CESE.
Deuxième point : la charge de travail à laquelle est soumise la juridiction administrative. Comme l’a constaté votre rapporteur spécial, M. Vigier, lors d’une visite de contrôle au tribunal administratif de Melun, l’année 2014 a été marquée par la reprise à la hausse des contentieux dits « de masse », et notamment des contentieux des étrangers. Je l’ai déjà dit en commission élargie, et je le répète avec force : non seulement le projet de loi de finances pour 2015 donne à la juridiction administrative les moyens nécessaires à son bon fonctionnement, avec la création de trente-cinq postes par an pendant trois ans, mais surtout les projets de loi relatifs à l’asile et aux droits des étrangers, qui seront prochainement débattus au Parlement, permettront d’accélérer l’office du juge administratif.
J’en viens à la direction de l’action du Gouvernement. Sur cette mission, j’apporterai trois éclairages.
Premièrement, plusieurs autorités administratives chargées de la protection des droits et libertés connaîtront en 2015 un renforcement de leurs effectifs, afin de faire face à l’extension de leurs missions. Je pense notamment à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, avec sept postes créés, et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avec trois postes.
Deuxièmement, le projet immobilier Ségur-Fontenoy, qui vise à regrouper les services rattachés au Premier ministre, aujourd’hui disséminés sur une quarantaine de sites, a progressé rapidement en 2014, ce qui nous permettra de tenir le calendrier initial, particulièrement ambitieux : les premières installations auront lieu dès la fin de l’été 2016.
Troisièmement, les crédits consacrés aux rémunérations dans les cabinets ministériels qui dépendent de Matignon – c’est-à-dire celui du Premier ministre, celui de M. Mandon et le mien – baisseront de 300 000 euros entre 2014 et 2015, ce qui témoigne des efforts consentis, qui seront poursuivis.
En particulier, je tiens à souligner que les effectifs du cabinet civil du Premier ministre ont fortement diminué depuis la nomination de Manuel Valls, puisqu’ils sont passés de 57 à 45.
Pour finir, j’évoquerai rapidement la mission « Pouvoirs publics ». Je ne me prononcerai évidemment pas sur le budget des Assemblées et de la chaîne parlementaire. Je dirai seulement quelques mots sur le budget de l’Élysée ; je rappelle que, grâce aux économies réalisées depuis 2012, nous avons réussi à atteindre la barre symbolique des 100 millions d’euros en seulement trois ans.
Il s’agit d’un signal fort, dont nous pouvons tous nous féliciter.
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux noter que les actions engagées par le Président Nicolas Sarkozy en vue d’une transparence du budget de la présidence de la République sont poursuivies. Ainsi, l’ensemble des émoluments des membres du personnel est pris en compte dans ce budget ; c’est une avancée, qu’a soulignée d’ailleurs mon excellent collègue Marc Le Fur, rapporteur spécial sur la mission « Pouvoirs publics ». De nouvelles procédures, notamment en matière de marchés publics et de déplacements, l’amélioration du suivi des dépenses de restauration sont à souligner.
Les gains financiers ne sont cependant pas au rendez-vous. Les montants des dépenses en exécution sont quasi stables : 105,7 millions d’euros en 2012 ; 105,4 millions d’euros en 2013 ; 105,5 millions d’euros en 2014. Alors, nous pouvons constater une baisse de 0,98 % du budget, avec 104,6 millions d’euros en 2015, mais si l’on compare 2015 à l’année 2012, que vous prenez souvent comme référence, monsieur le secrétaire d’État et mes chers collègues de la majorité, la baisse n’est que de 1,14 %.
Et, malgré une communication intense et un engagement fort du Président de la République, l’utilisation du train en remplacement de l’avion pour les déplacements de François Hollande relève de l’anecdote. En effet, le Président de la République s’est déplacé deux fois en 2012 avec le TGV, deux fois en 2013 et pas une seule fois pendant le premier semestre de l’année 2014. Chacun peut comprendre, et nous comprenons, que pèsent sur les déplacements du Président de la République des contraintes de sécurité et de rapidité. Il convient cependant de rappeler que la communication déployée ne s’est pas traduite dans les faits ; ce n’est pas une réussite.
Et puis mon excellent collègue Marc Le Fur…
…a rappelé qu’il serait judicieux d’arriver à une fusion de nos deux chaînes LCP et Public Sénat ou, du moins, à une harmonisation, à la fois pour rationaliser les coûts et parvenir à une meilleure efficacité dans la lecture, pour le plus grand profit des téléspectateurs de ces chaînes.
En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l’État », il convient de souligner que le Conseil d’État et la Cour des comptes prennent part à l’effort de rigueur dans la gestion des finances publiques. Le rapporteur spécial a souligné la qualité du travail d’évaluation des politiques publiques fourni par la Cour des comptes. Je souscris à ses propos.
L’activité du Conseil d’État et des juridictions administratives est marquée par la hausse continue des contentieux : 14 % de progression annuelle ! Cette explosion du contentieux de masse est préoccupante. À titre d’exemple, en ce qui concerne le DALO, le droit au logement opposable, le nombre de requêtes est passé de 4 816 en 2009 à 10 815 en 2013, dont 83 % sont des procédures qui concernent l’Île-de-France. Le contentieux des étrangers représente à lui seul 44 % de l’activité des cours administratives d’appel. À titre d’exemple, l’affaire Leonarda, dont l’objet était le droit au séjour de la famille de Leonarda, a donné lieu du 20 août 2009 au 9 octobre 2013 à dix-huit décisions de refus d’admission au séjour, dont deux décisions de l’OFPRA, six de différents préfets et huit décisions juridictionnelles. Un dossier, dix-huit décisions ! Comment traiter cette inflation procédurale et, surtout, comment maîtriser les délais de jugement ?
S’agissant du programme 126, le Conseil économique, social et environnemental disposera en 2015 de 38,3 millions d’euros de crédits de paiement, montant qui progresse par rapport à 2014. Il réduira de seulement trois équivalents temps plein ses plafonds d’emplois en 2015, et les dépenses de personnel augmenteront de près de 1 million d’euros. Les réflexions engagées sur l’évolution et la modernisation de nos institutions doivent nous obliger à analyser la valeur ajoutée de cette institution. A-t-elle encore sa place dans notre architecture institutionnelle ?
Quel regard ai-je porté en tant que rapporteur spécial ?
J’ai entrepris un contrôle des cabinets dépendant du budget des services du Premier ministre. Et qu’ai-je pu constater, non sans avoir rencontré certaines difficultés ? Il n’y a pas de vraie transparence, puisque l’ensemble des collaborateurs mis à disposition sont globalement mieux rémunérés que les contractuels et que les disparités de rémunérations sont élevées. En outre, les attributions d’indemnités pour sujétions particulières sont totalement opaques. Je pense qu’il serait souhaitable que les rémunérations du personnel mis à disposition auprès du cabinet du Premier ministre soient remboursées aux administrations d’origine, comme le préconise la Cour des comptes. Il faudrait aussi connaître les règles d’attribution des ISP au sein des cabinets.
J’en viens à la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Cet organisme, composé de 64 personnalités et représentants d’organisations issues de la société civile, a émis seize avis en 2013 ! Quelle est sa pertinence, quel est son intérêt compte tenu de l’action – concrète – du défenseur des droits, du contrôleur général des lieux de privation de liberté, de la CNIL et de la commission d’accès aux documents administratifs ? Le défenseur des droits ne pourrait-il pas, à moyens constants, reprendre les attributions de la CNCDH ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les missions « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics », et « Direction de l’action du Gouvernement » concourent à l’effectivité, au bon fonctionnement et au contrôle de l’action de l’État.
J’évoquerai en premier lieu la mission « Conseil et contrôle de l’État », dont mon collègue Philippe Vigier est le rapporteur spécial. Cette mission se compose du Conseil d’État et de la Cour des comptes, ainsi que des juridictions qui leur sont associées, et du Conseil économique, social et environnemental, troisième assemblée prévue par notre Constitution. S’y ajoute le Haut conseil des finances publiques, totalement pris en charge par la Cour des comptes, dont nous nous étonnons qu’il fasse l’objet d’un programme.
Nous saluons la participation du Conseil d’État et de la Cour des comptes à l’effort de redressement des finances publiques. En effet, bien que non soumis à la régulation budgétaire, ils rendent chaque année au budget général une fraction de leur dotation. C’est tellement rare, chers collègues, qu’il faut le souligner ! La Cour des comptes, dont il faut donc souligner la qualité de la gestion, a même restitué en 2014 les crédits qu’elle avait reçus au titre de la réserve parlementaire et n’en demandera pas à ce titre pour 2015. Quel beau dévouement au redressement des finances publiques !
Je voudrais également saluer le travail accompli par le CESE, sous la haute autorité de son président, pour rationaliser, rendre plus transparente et même assainir sa gestion. Ce travail était d’ailleurs indispensable pour assurer à cette assemblée sa nécessaire crédibilité.
L’activité du Conseil d’État et des juridictions administratives est marquée par la hausse continue du contentieux : 14 % environ tous les ans. Pour y faire face, le Conseil d’État dématérialise les procédures – c’est l’application Télérecours – et réforme les modalités de traitement interne des recours.
L’explosion du contentieux de masse est cependant un phénomène plus préoccupant. Pour citer quelques exemples, le contentieux lié au droit au logement opposable, le DALO, est passé de 4 816 requêtes en 2009, à 10 815 en 2013 ; le contentieux des étrangers représente 44 % de l’activité des Cours administratives d’appel ; la Cour nationale du droit d’asile a enregistré 34 752 dossiers en 2013 ; enfin, du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, le contentieux de masse a représenté 62 % des affaires du tribunal administratif de Melun. Le système est véritablement au bord de l’engorgement. Pour remédier à cette situation, il devient urgent de simplifier les procédures. En effet, sans simplification, le Conseil d’État et les autres juridictions administratives ne pourront continuer à augmenter leur productivité.
On peut ainsi se demander si, pour maîtriser ce contentieux et éviter une telle inflation procédurale, une action législative ne serait pas bienvenue. Pour le contentieux DALO en particulier, il nous semblerait pertinent qu’une décision favorable de la commission de médiation puisse valoir instruction pour les services de l’État de trouver un logement adapté aux demandeurs, éventuellement sous une astreinte dont le barème pourrait être fixé de façon forfaitaire. Tel n’est pas le cas. Si l’État n’arrive pas à satisfaire la demande, le demandeur peut se tourner vers le tribunal administratif. Ce contentieux, par ailleurs exclusivement francilien – pour 83 % des procédures – n’apporte aucune autorité supplémentaire à la décision de la commission de médiation.
Mes chers collègues, à titre personnel, j’ai voté contre le DALO. Est-il digne d’une assemblée démocratique de faire croire qu’on crée des droits au logement alors qu’on est en pénurie de logements ? Ce n’est pas la loi qui crée des logements ! Le DALO a pourtant été instauré, mais j’ai refusé de voter cela. Franchement, demander à des juges de juger du non-respect de la loi DALO, c’est se moquer du monde. Ce ne sont pas ces malheureux juges qui vont pouvoir donner des logements. Les logements, ils se créent quand on a une politique intelligente du logement ! Si nous étions courageux, nous devrions supprimer – je le dis à titre purement personnel – le DALO, et nous arrêterions ainsi d’utiliser les juges à des fins qui ne sont pas les leurs. Ce contentieux ne fait que coûter des juges, de greffiers et des frais de justice ! Dès lors, le Gouvernement ne pourrait-il pas réfléchir à une modification de la loi de façon à sortir les tribunaux administratifs de ce processus et mettre fin à des procédures aussi nombreuses qu’inopérantes ? La maîtrise des effectifs de l’État passe aussi par la suppression des tâches inutiles de ses agents.
Enfin, nous souhaiterions savoir si le risque de création de nouvelles procédures inopérantes devant la justice administrative a été pris en compte dans le projet de réforme du droit d’asile.
Concernant la mission « Direction de l’action du Gouvernement », le groupe UDI tient à souligner que pour l’année 2015, avec une baisse des dépenses de fonctionnement de 7 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour l’année 2014, la mission devrait contribuer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.
Enfin, je dirai un mot de la mission « Pouvoirs Publics ». La stabilisation des crédits alloués à l’Assemblée nationale et au Sénat, tout comme la réduction de ceux de la présidence de la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République, s’inscrit dans une certaine continuité, dans une démarche de transparence de la gestion des pouvoirs publics et de maîtrise des dépenses publiques allouées à ces derniers. On peut toutefois regretter que les budgets des deux assemblées ne soient pas réduits à hauteur des efforts exigés des ministères car, mes chers collègues, nous nous devrions d’être exemplaires et de ne pas nous protéger nous-mêmes alors que nous demandons aux autres de faire des économies. Nous devrions commencer par les faire nous-mêmes ! Et cela dépend de nous.
Cela dit, une évolution mérite d’être soulignée : la diminution continue des dotations allouées à la présidence de la République, engagée sous l’impulsion du précédent Président de la République et encouragée par le contrôle volontaire par la Cour des comptes des finances de la présidence.
Compte tenu de tous ces éléments, le groupe UDI votera ces crédits.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les budgets des trois missions et du budget annexe sur lesquels nous avons à nous prononcer aujourd’hui préservent les éléments essentiels de soutien à l’action du contrôle de l’État tout en continuant les efforts, engagés depuis 2012, de transparence des crédits des pouvoirs publics.
Premièrement, la mission « Conseil et contrôle de l’État » voit ses crédits de paiements augmenter de près de 1 % par rapport à 2014, après une stabilisation l’année dernière. Malgré des avancées substantielles dans ces domaines, les délais en justice administrative restent trop longs. Les délais moyens pour les affaires ordinaires sont de huit mois et quinze jours au Conseil d’État, et de dix mois au tribunal administratif. Nous sommes par ailleurs toujours préoccupés par les délais de traitement du Conseil d’État en ce qui concerne les lois de pays de Nouvelle-Calédonie, qui sont extrêmement longs – on peut se demander pourquoi.
En ce qui concerne la Cour nationale du droit de l’asile, qui statue sur les refus opposés par l’OFPRA, elle est confrontée à une hausse régulière des contentieux. Le délai moyen, quant à lui en baisse régulière, est désormais de 6 mois et 10 jours, contre 8 mois l’année dernière et 15 mois en 2009. Cette baisse sensible est donc à souligner, mais nous notons que la cible de traitement pour la CNDA est de six mois, alors que le projet de loi sur l’asile, qui sera prochainement discuté au Parlement, prévoit quant à lui une réponse sous cinq mois. Nous nous interrogeons sur cet écart. La suractivité de la CNDA pose également question. Elle est due au taux élevé de refus des demandes d’asile par l’OFPRA, qui s’élève à 87 %. Comme 80 % des demandeurs à qui un refus a été opposé font appel de cette décision devant la CNDA, celle-ci se trouve surchargée. Nous ne pouvons toutefois que nous féliciter d’une inversion des courbes, l’OFPRA rendant aujourd’hui plus de décisions favorables que la CNDA, ce qui n’était pas le cas auparavant.
À propos de la Cour des comptes, dont le travail est salué sur les bancs de cette assemblée, et au vu de ses effectifs bien inférieurs à ceux de ses homologues britannique et allemande, il est légitime de poser la question d’une augmentation de moyens en personnel. Par ailleurs, le rapport nous apprend que la Cour des comptes a rendu les crédits émanant de la réserve parlementaire qui lui avaient été attribués pour 2014 et qu’elle ne sollicitera pas de crédits à ce titre pour 2015.
Il s’agit de la part de cette institution d’une décision responsable qui aurait sans doute commandé plus de clairvoyance de la part de notre propre assemblée, laquelle aurait pu d’elle-même mettre un terme à cette subvention. Rappelons ainsi que la Cour des comptes avait bénéficié de 250 000 euros de la réserve institutionnelle de l’Assemblée nationale pour 2014 et de 290 000 euros pour 2013.
Car si le Conseil d’État, également à hauteur de 250 000 euros, pour « rendre plus accessibles ses bâtiments aux handicapés », et la Cour de cassation, à hauteur de 40 000 euros, dans le but d’acheter des livres pour sa bibliothèque, ont également bénéficié de la réserve parlementaire institutionnelle de l’Assemblée nationale, le cas de la Cour des comptes est beaucoup plus problématique dans le sens où c’est elle qui est censée vérifier, en toute indépendance, le budget de l’Assemblée nationale. Si ces 250 000 euros peuvent apparaître comme une goutte d’eau dans le budget de la Cour des comptes, qui s’élève à près de 215 millions d’euros, cela montre qu’il nous reste des efforts à faire en matière de transparence.
En ce qui concerne la deuxième mission, relative à la direction de l’action du Gouvernement, et le budget annexe sur les publications officielles et informations administratives, nous regrettons une nouvelle fois de ne disposer d’aucun détail s’agissant des crédits affectés aux anciens Premiers ministres qui bénéficient d’un service de chauffeur avec voiture de fonction, d’un agent de secrétariat et d’un agent de sécurité à la personne.
Le budget de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, créée en 2013, malgré une augmentation prévue de 27,7 % pour 2015, demeure très faible alors même que cette institution doit gérer un nombre très important de déclarations – plus de 9 000 – dans des conditions loin d’être optimales. Cela se ressent notamment sur la collecte, le traitement et le suivi des déclarations de patrimoine et d’intérêts, celles-ci ayant été cette année rendues publiques sous une forme non exploitable par le biais de bases de données.
Il serait intéressant, à terme, de développer un programme permettant de remplir ces déclarations par voie informatique plutôt que manuelle. La hausse du plafond de 20 à 30 emplois viendrait utilement renforcer l’action de la Haute autorité qui, malgré ses moyens réduits, permet d’enjoindre aux services de Bercy de s’intéresser de près à la situation des responsables publics.
Enfin, s’agissant de la mission « Pouvoirs publics », nous saluons la légère baisse des différents budgets alloués à l’Élysée et aux deux chambres depuis 2012.
En ce qui concerne la Chaîne parlementaire et Public Sénat, la fusion est certes une problématique complexe, mais il serait peut-être utile d’améliorer les liens et la mutualisation entre les deux chaînes et les deux rédactions, sachant que Public Sénat est la seule action dont il convient d’augmenter les crédits au sein de cette mission afin qu’ils dépassent ceux alloués à LCP.
Au final, mes chers collègues, nous considérons que les budgets alloués aux pouvoirs publics et à leurs contrôles vont encore une fois dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle nous les voterons.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question des moyens alloués à la justice de notre pays est une problématique récurrente. Comme l’a fait remarquer le Conseil de l’Europe, la France se place dans les derniers rangs parmi les pays européens pour la part du budget consacré à la justice rapporté au PIB, derrière des pays comme l’Azerbaïdjan et l’Arménie, avec tout le respect que nous avons pour ces pays.
Dans un contexte d’expansion continue du contentieux de la justice administrative, des moyens additionnels sont alloués en 2015 avec pour objectif principal la réduction des délais de traitement des affaires, qui constituent un problème récurrent. Nous notons ainsi la création nette de 35 postes, dont une partie importante viendra renforcer la Cour nationale du droit d’asile dont les moyens sont encore limités.
Les effectifs des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel seront renforcés car ils sont confrontés à un nombre croissant d’affaires à traiter.
Compte tenu d’une part de l’évolution à la hausse du contentieux de masse dans l’ordre administratif et, d’autre part, de la volonté du Gouvernement de redresser les finances publiques, la création de postes au sein de la justice administrative pour l’année 2015 va dans le bon sens.
Nous devons toutefois rester vigilants sur trois points.
Tout d’abord, les nouveaux moyens mis en place au sein du programme no 165 permettront-ils de faire face à l’augmentation croissante du nombre de contentieux ? Il faut rappeler que le plan triennal 2013-2015 prévoyait 40 créations de poste pour 2015, pour une augmentation annuelle prévisible du nombre d’affaires de 3 %. Or le nombre d’affaires connaît un taux de croissance annuel moyen d’environ 6 % et le nombre de postes effectivement créés en 2015 sera de 35, soit cinq de moins que le nombre prévu initialement.
Par ailleurs, le Gouvernement a mis l’accent sur la réduction des délais prévisibles de jugement. C’est une intention tout à fait louable qui répond à une demande croissante des citoyens et des justiciables.
Toutefois l’objectif de réduction des délais de traitement ne saurait être atteint au détriment de la qualité de la justice, à un moment où la pression sur les tribunaux semble accrue.
Il conviendra en conséquence d’être extrêmement prudent sur ce point et de surveiller attentivement le taux d’annulation des décisions de justice. En effet, alors que celui-ci est fixé à moins de 15 % pour 2015, le taux d’annulation des décisions des tribunaux administratifs par les cours administratives d’appel est de 16,8 % et le taux d’annulation des décisions des cours administratives d’appel par le Conseil d’État de 17,1 %. Le taux d’annulation des décisions des tribunaux administratifs est, lui, de 20,1 %. Notons que tous ces taux se situent assez largement au-dessus du plafond de référence.
Il semble qu’à l’heure actuelle seule la Cour nationale du droit d’asile remplit les objectifs définis dans le plan triennal en termes d’annulations de ses décisions.
Enfin, il ne faudrait pas que la réforme du droit d’asile, qui sera discutée dans les prochaines semaines, en vienne à impacter négativement les capacités d’action et les moyens de la CNDA.
Deuxième point : le programme no 126 n’appelle pas de commentaires particuliers de notre part si ce n’est la question récurrente de l’utilité politique et financière du Conseil économique, social et environnemental. Il semble qu’un début de volonté politique se soit manifesté visant à développer la saisine du CESE par le Parlement, car cette opportunité n’a été que trop rarement utilisée. Dans cette optique, nous espérons fortement que le CESE pourra être saisi par l’Assemblée nationale en vue de rendre un avis sur le projet de loi relatif aux professions réglementées.
À cet effet, il s’agira d’assurer à cette nécessaire réforme une légitimité la plus large possible.
Enfin, le programme no 340 « Haut conseil des finances publiques », découlant de l’adoption du Pacte de stabilité européen, pose la question de son existence en tant que programme spécifique. Comme l’indique le rapporteur spécial Philippe Vigier, on peut s’interroger sur la spécificité de ce programme qui, je le cite « ne doit son existence qu’à un amendement du Sénat alors que le Haut conseil est présidé par le premier président de la Cour des comptes, que son effectif réduit est composé de magistrats de la Cour et qu’il est hébergé par celle-ci ».
Monsieur le secrétaire d’État, à titre personnel, je soutiens votre volonté manifeste de protéger les crédits de cette mission essentielle à la préservation des droits de nos concitoyens. Toutefois, au regard de tous les éléments d’incertitude, à la fois structurels et conjoncturels, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendra de voter les crédits de cette mission.
La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les trois missions budgétaires que nous examinons aujourd’hui, si elles recouvrent des services et des entités administratives différentes, présentent la particularité de se situer au coeur de l’action de l’État.
Elles prennent leur part du sérieux budgétaire qui est la marque des projets de loi de finances successivement présentés à la représentation nationale depuis 2012, comme l’illustre la mission budgétaire « Pouvoirs publics », en baisse de 19,7 millions d’euros par rapport à la précédente loi de finances initiale.
Je tiens, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire en commission élargie, à saluer les efforts déployés par la présidence de la République. Si, comme notre collègue rapporteur Marc Le Fur a eu l’occasion de le rappeler, les efforts ont été entamés dès la présidence précédente, il n’en demeure pas moins qu’ils se sont intensifiés depuis 2012.
Nous arrivons ainsi dans ce projet de loi à un budget de 100 millions d’euros pour la Présidence. La maîtrise budgétaire sur le plan comptable s’accompagne par ailleurs d’une amélioration des pratiques, comme l’a souligné la Cour des comptes, ce qui doit être salué.
Les autres institutions de la République ne sont pas en reste, avec une absolue stabilité des budgets des assemblées parlementaires depuis maintenant plusieurs années. Il est important de le dire, dans une période où les élus de la République sont systématiquement soupçonnés d’être trop légers dans leur utilisation des deniers publics !
Le Conseil constitutionnel fournit également un important effort, alors même que ses missions ont largement augmenté ces dernières années.
Enfin, comme nous avons eu l’occasion de le dire, les uns et les autres, en commission élargie, il serait souhaitable de travailler en vue de rapprocher les deux chaînes télévisées parlementaires.
Les missions budgétaires que nous examinons ne se contentent pas de participer au sérieux budgétaire – celui-ci ne forme pas l’horizon indépassable de la majorité – elles mettent aussi en oeuvre nos priorités en termes de politiques publiques. Il en est ainsi des missions « Conseil et contrôle de l’État » et « Direction de l’action du Gouvernement », en hausse respectivement de 1 % et de 4,3 % en crédits de paiement.
Ces efforts permettent de mettre en oeuvre les priorités de la majorité et en particulier la justice, à travers le renforcement de la justice administrative. Ce sont en effet 35 équivalents temps plein qui renforceront l’année prochaine les juridictions, notamment la Cour nationale du droit d’asile.
Notre politique porte ses fruits. En témoigne la diminution, ces dernières années, des délais de jugement et donc l’amélioration de la qualité du service public rendu aux usagers.
Les autres programmes budgétaires de cette mission – Conseil économique, social et environnemental, Cour des comptes et autres juridictions financières, Haut Conseil des finances publiques – sont tous orientés à la baisse.
En ce qui concerne la mission budgétaire « Direction de l’action du Gouvernement », si la hausse s’explique en majeure partie par des modifications de périmètre, elle met également en oeuvre plusieurs de nos priorités.
La reconstitution des capacités stratégiques de l’État en est une. C’est pourquoi un effort important a été fait en direction de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui profite de renforcements à la fois humains – avec 65 nouveaux ETP – et budgétaires, mais aussi au profit du Réseau interministériel de l’État qui bénéficie de personnels supplémentaires. Il s’agit d’une orientation bienvenue pour renforcer les capacités de l’État face aux menaces pesant sur les systèmes d’information.
La simplification constitue un autre chantier essentiel. Le bilan des premières mesures de simplification, présenté la semaine dernière, ainsi que le lancement de 50 nouvelles mesures sont là pour nous le rappeler. Au-delà de la simplification de la vie de nos concitoyens et des entreprises dans leurs relations avec l’administration, ces mesures ont déjà permis à l’économie française de gagner 2,4 milliards d’euros depuis juillet 2013. Aussi il y a lieu de poursuivre ce mouvement.
L’Assemblée nationale suivra de très près l’avancée de ces travaux et veillera à ce que les services qui les mettront en oeuvre bénéficient des moyens suffisants pour les mener à bien.
Enfin, ce budget marque le renforcement des moyens attribués à plusieurs autorités administratives indépendantes couvertes par le programme budgétaire « Protection des droits et libertés ». Ainsi, la Commission nationale de l’informatique et des libertés bénéficiera du renfort de sept équivalents temps plein, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique de dix ETP, et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté de trois ETP.
Ces moyens doivent permettre à des entités chargées de veiller au respect des règles d’accompagner la montée en qualité de la pratique du droit dans notre pays et de rapprocher toujours davantage nos usages avec les règles que nous nous sommes fixées. S’agissant d’une mission essentielle, il y a lieu de souligner le renforcement, dans ce projet de budget, du rôle des acteurs de l’État de droit.
Pour l’ensemble de ces raisons, et pour d’autres que je n’ai pas le temps d’évoquer, le groupe SRC votera en faveur de ces crédits.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’appelle les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Pouvoirs publics », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », inscrits à l’état B.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 626 .
Au nom du Gouvernement et tout particulièrement en tant que secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, je voudrais m’excuser de l’heure tardive à laquelle je vous présente cet amendement.
Il est certes dommage que la procédure parlementaire ne laisse pas davantage de temps à la réflexion, même s’il s’agit d’un sujet que vous connaissez et sur lequel vous avez déjà eu l’occasion de réfléchir, mesdames et messieurs les députés. De quoi s’agit-il ? D’un amendement de coordination avec l’amendement no 427 adopté par votre assemblée lors de l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». Tirant les conséquences du transfert de la délégation interministérielle à la Méditerranée sous l’autorité du ministre des affaires étrangères et du développement international, il minore de 1,884 million d’euros les crédits du programme 129 dont un peu moins de 660 000 euros de dépenses de personnel. Ce transfert préserve les capacités opérationnelles de la délégation tout en offrant une simplification administrative. Il s’agit donc d’un pur changement d’affectation dans l’intérêt de la bonne gestion de la structure.
Par ailleurs, et là est sans doute le point important, l’amendement augmente les crédits consacrés à la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication, la DISIC, de huit millions d’euros, pour l’exercice de deux nouvelles missions : le pilotage du système d’information de l’État, par la mutualisation, la sécurisation et l’expertise de l’ensemble de ses projets informatiques, et le lancement du projet « État-Plateforme », dont fait partie « France Connect » qui fera bénéficier chaque citoyen d’un nouveau service d’identification et d’authentification valable pour tous les services publics numériques. L’augmentation proposée sera intégralement gagée dans la suite de nos débats et n’aura donc aucun impact budgétaire. Vous aurez bien compris, mesdames et messieurs les députés, que c’est ce deuxième élément qui a demandé du temps afin de peaufiner complètement l’amendement, ce qui peut excuser en partie le retard pris par le processus parlementaire.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Cela explique également que la commission n’ait pas examiné l’amendement. À ce propos, je tiens à vous faire part avec la plus grande fermeté et la plus grande détermination, monsieur le secrétaire d’État, de ma colère. Chaque année, Bercy, soucieux d’avoir le dernier mot, dépose un amendement au tout début de la séance consacrée à l’examen de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Je trouve ces pratiques inadmissibles car rien n’empêche de programmer à l’avance les inévitables réajustements. Déposer un amendement de six millions d’euros à l’instant même où nous entrons dans l’hémicycle, cela n’a aucun sens et témoigne surtout d’un profond manque de respect pour la représentation nationale. Je comprends que l’on rattache la DiMed au Quai d’Orsay, pourquoi pas ? J’avais imaginé autre chose car la DiMed ne s’occupe pas des mers dans leur ensemble mais de la Méditerranée, contrairement au SGMer qui reste rattaché au Premier ministre. Quant au littoral, il reste rattaché au ministère du développement durable. Dès lors, parvenir à une vision globale des missions tant régaliennes qu’économiques de l’État dans l’ensemble de la zone maritime s’avérera compliqué pour ce gouvernement.
Cette remarque étant faite, je constate que la DISIC fait aujourd’hui l’objet d’autorisations d’engagement de 7,9 millions d’euros pour 2015. Y ajouter huit millions d’euros équivaut donc à en doubler le budget sans autre forme de procès. Je vous fais grâce, monsieur le secrétaire d’État, des explications fournies dans l’exposé sommaire, car prétendre qu’elles expliquent exactement quelle est la couverture précise des huit millions d’euros prévus, c’est un peu se moquer du monde ! Je n’ai pas fait l’ENA, ce qui explique sans doute mon incapacité à admettre ce qui est écrit ici !
Sourires.
A quoi serviront réellement les huit millions d’euros ? L’exposé sommaire ne fournit aucune expertise ni aucun regard ! Je déplore que nous soyons chaque année maltraités par Bercy à coups d’amendements de dernière minute, tout en constatant que vous-même avez découvert l’amendement peu de temps avant d’arriver en séance. Nous sommes donc logés à la même enseigne, pareillement mal traités !
L’amendement no 626 est adopté.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 498 .
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame et messieurs les rapporteurs, l’amendement vise à réduire la subvention accordée à l’Institut national des hautes études de sécurité et de justice au sein du programme 129, conformément à l’axe défini par le Gouvernement depuis maintenant deux ans consistant à réduire autant que possible le coût des opérateurs pour les finances publiques. La participation de l’INHESJ à l’effort de réduction des subventions est pour l’heure très insuffisante. Je rappelle que son budget a augmenté de plus de deux millions d’euros depuis 2012, lorsqu’il était question d’écrêter les opérateurs de l’État et alors même que le budget de l’Institut des hautes études de défense nationale, par exemple, a augmenté dans une mesure moindre. En outre, l’effort demandé cette année aux deux instituts est inégal. En effet, la ponction sur l’IHEDN est double de celle opérée sur l’INHESJ. Or cet établissement est doté depuis 2009 de statuts dont l’ambition, c’est le moins que l’on puisse dire, trouve difficilement à se réaliser dans les missions qu’il mène effectivement.
En effet, les statuts nouveaux lui donnent pour mission d’intervenir dans les domaines « de la formation, des études, de la recherche, de la veille et de l’analyse stratégique en matière de sécurité intérieure, sanitaire, environnementale et économique »… En sus de cet amalgame hétérogène, ses missions s’étendent aussi, toujours avec la formation, la recherche, la veille et l’analyse stratégique pour objet, aux domaines « de la justice et des questions juridiques », sans autre précision. Sans doute était-il peu raisonnable d’aller au-delà des missions originelles de cet institut, qui participait non sans pertinence à une réflexion sur la sécurité en lien avec le ministère de l’intérieur, en particulier dans le cadre de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales qui lui était intégré et avait la charge de produire des données fiables en matière de sécurité.
Le problème avait été perçu lors de l’examen de la précédente loi de finances. La rapporteure spéciale avait soulevé la question et le Gouvernement avait mis en avant à l’époque qu’un effort de mutualisation avec l’IHEDN serait réalisé, qui en effet l’a été partiellement mais demeure insuffisant. Seule une réduction forte de la subvention attribuée à cet établissement, d’ailleurs de manière tout à fait dérogatoire aux autres opérateurs, est susceptible d’une part de l’engager à une mutualisation accrue avec l’IHEDN et d’autre part d’amener le SGDSN qui en est l’autorité de tutelle à revoir les missions excessives qui lui sont attribuées en vue d’en faire un outil d’appui à la décision en matière de réflexion sur la sécurité publique véritablement utile.
La commission n’a pas étudié l’amendement. Quand Mme Bechtel dit qu’elle souhaite réduire fortement les crédits concernés, fortement est le mot juste, car la somme de 4,5 millions d’euros proposée représente près de la moitié de la subvention prévue pour 2015 qui s’élève à 9,2 millions d’euros !
Réduire un budget de 50 % équivaut à amputer ses chances d’avenir. J’ai préconisé l’an dernier, dans mon rapport sur la mission « Direction de l’action du Gouvernement », une réelle fusion entre l’IHEDN et l’INHESJ. Ma proposition a fait l’effet d’un électrochoc et je souhaitais au moins, à défaut de fusion, que s’opèrent des rapprochements pragmatiques. Des efforts de mutualisation assez conséquents ont été consentis, notamment sur des coûts, des investissements, des salles, des déplacements. Je crois donc que la mutualisation est bien en marche. Une nouvelle étape ne me semble pas d’actualité. Il convient plutôt de laisser les crédits en l’état en attendant de voir quels autres chantiers de mutualisation les deux instituts seront capables de mettre en oeuvre en 2015. Pour toutes ces raisons, j’émets à titre personnel un avis défavorable à l’amendement.
Je comprends les interrogations légitimes dont vous faites part, madame la députée. Je suis cependant en désaccord avec la restriction du champ de l’institut que vous préconisez. Il me semble logique que le périmètre du ministère de l’intérieur inclue une réflexion sur la prévention de la délinquance, mais aussi sur la défense civile au sens large. Que l’institut traite de ces questions n’a rien d’aberrant. En outre, vous avez vous-même souligné que les demandes de mutualisation formulées ont été suivies d’effets. La synergie mise en oeuvre de 2011 à 2017 réduira l’effectif des deux instituts de trente équivalents temps plein, ce qui représente un effort très significatif. Accepter votre amendement, madame la députée, quelle que soit la légitimité des interrogations qui le sous-tendent, créerait une sorte de fracture dans le travail de l’institut.
Je vous demande donc, après vous avoir écoutée, de bien vouloir le retirer.
Je crois à l’intérêt des deux instituts tout en partageant le sentiment de Mme Bechtel de la nécessité de leur rapprochement, voire de leur fusion, comme le proposait Mme la rapporteure, pas simplement pour des raisons d’économies mais aussi pour des raisons de fond. En effet, ils ont été imaginés à une époque où les menaces extérieure et intérieure étaient totalement distinctes et appelaient donc des réflexions différentes. De nos jours, les menaces se conjuguent. Ainsi, un djihadiste que nous combattons en Afrique est susceptible de se trouver ensuite sur notre territoire. La capacité intellectuelle à travailler des questions relevant à la fois de l’IHEDN et l’INHESJ est donc indispensable. Il ne s’agit pas simplement d’économies. Les préoccupations, les sujets, les interlocuteurs et la menace exigent un travail en commun qui rend nécessaire un rapprochement, ou à tout le moins une mutualisation dans un premier temps à laquelle il faut inciter, même si votre proposition est peut-être un peu sévère en termes d’incitation, ma chère collègue !
Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, je vous remercie des précisions que vous avez formulées. Si je ne retire pas l’amendement, c’est pour deux raisons. Tout d’abord, il n’a pas seulement pour objet d’inciter à une meilleure mutualisation, à l’heure où nous demandons tout de même à tous les opérateurs de l’État et aux services de l’État eux-mêmes des économies en regard desquelles l’augmentation du budget de l’institut apparaît tout à fait surprenante. En outre, aucune fracture dans son travail n’est à craindre, comme le redoute M. le secrétaire d’État, et tout cela, madame Dalloz, n’a rien d’un électrochoc mais serait plutôt une petite étincelle. Il n’y aura nulle fracture dans ses missions pour la bonne raison que l’institut n’assume pas l’ensemble extrêmement hétérogène et ambitieux des missions qu’il s’est données ! C’est pourquoi mon amendement est en effet drastique et propose de réduire son budget de moitié. Je ne puis le retirer pour une raison symbolique : c’est que je crois nécessaire que l’État engage une réflexion sur les missions de l’institut. Si le Gouvernement s’engage à réfléchir en vue d’en réduire les missions, dont l’hétérogénéité est aujourd’hui totale et insoutenable, alors je retirerai mon amendement, mais seulement à cette condition.
Contenir les dépenses publiques et à cet effet réduire les subventions des opérateurs, comme le souhaite notre collègue Marie-Françoise Bechtel, est compréhensible. Néanmoins, la forte réduction des crédits de l’institut demandée me semble constituer un amendement d’appel à des explications plus étoffées, à une vigilance, à une mutualisation et un rapprochement.
Il s’agit cependant bien d’envisager une véritable réduction des crédits. Soucieux de réduire les dépenses publiques mais aussi de préserver l’institut, tout en demandant que les dépenses qu’induisent ses activités fassent l’objet d’une vigilance, le groupe SRC ne votera pas l’amendement.
L’amendement no 498 n’est pas adopté.
Je reviens par cet amendement sur le sujet des commissions consultatives, qui me tient particulièrement à coeur. Vous le savez, je partage l’objectif du Gouvernement de faire le tri dans les « comités Théodule ». Le mouvement engagé par le gouvernement de François Fillon se poursuit année après année. Il y a eu cinquante-huit suppressions depuis l’année dernière, et nous pouvons encore aller plus loin. Après étude du « jaune » budgétaire, j’en ai proposé quarante-trois dans ma proposition de loi no 2074 déposée en juillet, pour des économies s’élevant à 314 000 euros – car c’est non seulement un mouvement de simplification, mais aussi un mouvement générateur d’économies.
Voilà un moment que j’essaye de connaître le montant global des économies réalisées grâce à ces suppressions. C’est une question de transparence : tout le monde peut y gagner, y compris le Gouvernement. Pourtant, impossible de connaître le chiffre ! J’ai fait une tentative l’année dernière, ici même : en vain, sous prétexte qu’elles dépendent de ministères différents. Comme s’il n’était pas possible de faire une somme ! Le mois dernier, à l’occasion du projet de loi de programmation des finances publiques, j’ai demandé que le « jaune » budgétaire en fasse mention : refus du Gouvernement. Je renouvelle donc ma tentative par le biais de cet amendement. Si l’on retient un coût moyen approximatif de 2 500 euros, cela fait une économie de 150 000 euros pour les cinquante-huit suppressions intervenues depuis un an. C’est sans doute inférieur à la réalité. Encore une fois, j’aimerais le vérifier, de même que je voudrais savoir si ces économies ont été réaffectées. C’est le sens de cet amendement.
Là encore, la commission n’a pas examiné cet amendement. Une réduction de 150 000 euros des crédits de personnel des commissions rattachées aux services centraux paraît tout de même très faible sur une ligne dotée de 10,7 millions d’euros.
Permettez-moi de vous rappeler les commissions qui sont concernées par cette ligne budgétaire. Il s’agit du Secrétariat général de la mer, de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ou Miviludes, de l’Académie du renseignement, de la Commission supérieure de codification, des commissions consultatives et du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
L’imprécision du projet annuel de performances, le PAP, ne permet pas d’émettre un avis informé, monsieur le secrétaire d’État. Le « jaune », qui récapitule les commissions et instances consultatives et délibératives placées auprès des ministres, nous apprend que le nombre d’instances est passé de trente et un à vingt-huit entre 2014 et 2015 pour ce qui concerne celles qui sont rattachées au Premier ministre. Cependant, les crédits prévus passent de 10,3 à 10,7 millions d’euros. Il y a donc une incohérence : on supprime des entités, mais on augmente les crédits.
Quelles ont été les suppressions réelles depuis un an ? Certaines instances semblent avoir fusionné, mais qu’en est-il ? Comment se répartissent les 10,7 millions entre les différentes instances concernées ? Enfin, pourquoi la dotation augmente-t-elle dans une telle proportion ?
J’émettrai une réserve, monsieur Tardy, sur l’affectation de ces 150 000 euros à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, qui voit déjà ses crédits augmenter de 27,7 % dans ce projet de loi de finances. De grâce, n’allons pas au-delà !
Sur le fond, monsieur le secrétaire d’État, il serait intéressant pour la représentation nationale…
Sourires
Si vous le permettez, monsieur le président, j’attends la réponse de M. le secrétaire d’État pour donner un avis pleinement éclairé.
J’ignore si je vais pouvoir vous éclairer, mais je demande à M. Tardy de bien vouloir retirer cet amendement, qui s’apparente davantage à une interpellation.
J’y viens. Vous nous dites qu’il serait intéressant de procéder à une consolidation budgétaire des économies réalisées sur l’ensemble de ces structures. Nous allons essayer de vous répondre, mais il ne faudrait pas mobiliser plus de postes de fonctionnaires pour venir vérifier ce qui se passe dans ces comités consultatifs, dont beaucoup sont tombés en désuétude ou ne fonctionnent que de manière épisodique et réclament par conséquent peu de moyens.
S’agissant des missions sur lesquelles vous votez et des crédits budgétaires qui vous sont soumis, je puis en revanche vous confirmer que trois suppressions ont été réalisées.
J’entends votre interpellation, et j’essayerai d’y répondre dans les semaines qui viennent. Au regard de cette réponse, il me semble que vous pouvez retirer votre amendement. À défaut, je me verrais contraint d’y donner un avis défavorable.
Compte tenu des explications de M. le secrétaire d’État, j’émets un avis favorable à cet amendement.
L’amendement no 456 n’est pas adopté.
On note de fortes hausses sur les crédits destinés à certaines autorités administratives indépendantes. Cela paraît normal lorsqu’on accroît leurs pouvoirs et leurs missions ; je pense notamment au CSA.
On observe néanmoins dans l’action « autres autorités administratives indépendantes » du programme « protection des droits et libertés » une hausse qui pose question, et que la rapporteure spéciale a très justement évoquée. Il s’agit de l’augmentation de près de 27 % des crédits de personnel de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, la CNCDH. Je ne nie pas l’utilité de cette commission, qui n’est d’ailleurs pas toujours écoutée – elle a rendu sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme un avis critique dont le ministère de l’intérieur se serait sans doute bien passé. Aucune disposition législative n’est cependant venue renforcer ses pouvoirs ou ses missions. Cette augmentation des crédits de personnel est donc surprenante, et elle ne fait l’objet d’aucune explication dans l’annexe budgétaire. Cet amendement permettra, je l’espère, de nous éclairer.
La commission n’a pas examiné cet amendement.
Je dois dire que la consommation des crédits de personnel de la CNCDH m’interpelle. Ces crédits, qui s’établissaient à 535 411 euros dans le projet de loi de finances pour 2012, ont diminué à 497 845 euros dans le projet de loi de finances pour 2013, avant de progresser à 583 000 euros dans le projet de loi de finances pour 2014 et à 737 507 euros dans le projet de loi de finances pour 2015. On observe donc une forte progression au profit de cette instance. Or, comme je l’ai rappelé tout à l’heure dans mon intervention, nous disposons de plusieurs organismes – le Défenseur des droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la CNIL – qui devraient pouvoir remplir les missions de la CNCDH. Il me semblerait logique qu’elle soit intégrée au Défenseur des droits. Je rappelle qu’elle emploie sept équivalents temps plein ; si nous voulons vraiment rationaliser, il faudra bien y passer ! À titre personnel, je suis donc favorable à cet amendement.
Vous proposez de réduire les crédits de personnel de la CNCDH, monsieur Tardy. Mme la rapporteure élargit le débat à une restructuration qui ne toucherait pas simplement à des questions de gestion, mais à des questions d’organisation.
On peut le dire sans polémique. Je ne refuse pas d’en discuter, mais le débat budgétaire n’est pas le lieu adéquat pour remettre en cause l’organisation des structures qui sont en charge de la défense des droits de l’Homme dans notre pays, même s’il est légitime d’ouvrir ce dossier, y compris en termes de bonne gestion. Ma réponse à la question structurelle soulevée par Mme la rapporteure est donc la suivante : cette question ne peut être tranchée par un amendement, mais l’Assemblée peut en débattre quand elle le souhaite.
Quant à l’augmentation des crédits de la CNCDH, elle est liée à deux éléments majeurs. Premièrement, les crédits qui avaient été provisionnés correspondaient à la rémunération de fonctionnaires de catégorie A, alors que ces personnels, qui sont des magistrats, sont des fonctionnaires de catégorie A +. Deuxièmement, la CNCDH représente actuellement le continent européen au sous-comité d’accréditation des institutions nationales des droits de l’Homme à l’ONU, et il y a un certain nombre de frais afférents à cette responsabilité particulière.
Ayant pris note de vos interpellations, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’inviterai l’Assemblée à voter contre.
L’amendement no 466 n’est pas adopté.
Les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », modifiés, sont adoptés.
J’appelle les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », inscrits à l’état C.
Les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative » sont adoptés.
Nous avons terminé l’examen des missions « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics » et « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe relatif aux publications officielles et à l’information administrative.
La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à 18 heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la culture (no 2260, annexes 9 et 10 ; no 2261, tomes II et III.)
La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, après deux ans durant lesquels le ministère de la culture et de la communication a pris toute sa part à l’effort de redressement des comptes publics, son budget est désormais conforté pour les trois prochaines années, ce qui constitue un choix politique fort dans la période économique difficile que nous traversons.
Une forte attente existe dans notre pays en matière de culture : un appétit, une envie, le rêve d’une nouvelle ambition collective. La réponse à la crise peut être aussi une réponse culturelle. La mobilisation des énergies créatives, de notre patrimoine, la place donnée aux nouveaux créateurs, à toutes les nouvelles formes de culture, à l’éducation artistique et culturelle, tout cela donne un souffle, une énergie à un pays.
On ne réveille pas l’économie d’un pays comme la France si on ne parle pas d’abord à son intelligence, à sa créativité, si l’on ne décrète pas que « la beauté est partout », pour citer René Char.
Cette ambition, ce n’est pas un budget qui peut la traduire, c’est un projet global, mobilisant tout le pays, reconnaissant le rôle déterminant, éminent, des collectivités locales, du secteur public comme du secteur privé. Ce projet est désormais porté au plus haut sommet de l’État, par le Président de la République comme par le Premier ministre, et j’entends bien le défendre avec vous.
Le premier signal de cette ambition devait venir du budget. C’est chose faite, puisque ce budget 2015 verra l’ensemble des crédits budgétaires augmenter de 0,33 %, pour s’établir à 7,08 milliards d’euros. C’est un signe fort donné à l’ensemble des artistes, des hommes et des femmes qui oeuvrent au quotidien pour notre patrimoine et notre création, mais aussi en direction des collectivités locales.
De fait, qui peut encore ignorer que la culture est un champ de responsabilités partagées entre l’État et les collectivités locales ? La loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République et celle portant sur la modernisation de l’action publique vont nous permettre de mieux penser les partenariats entre collectivités et État. Avant d’aborder ces questions décisives de gouvernance, il était indispensable de montrer très clairement que l’État continuera à prendre toute sa part au volontarisme budgétaire en matière culturelle.
Ce budget est en effet la traduction d’une volonté politique. J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire en commission des affaires culturelles, et dans ce même hémicycle la semaine dernière, mon action en faveur de la culture repose sur trois piliers : ouvrir largement l’accès à la culture, notamment aux plus jeunes, soutenir l’excellence pour amplifier le rayonnement international de notre pays, et déclencher un véritable renouveau créatif. Ces trois priorités sont le fil conducteur de ce budget.
Premier axe : repenser l’accès à la culture. Le budget 2015 poursuit résolument l’effort en faveur de l’éducation artistique et culturelle, qui verra ses moyens spécifiquement dédiés augmenter d’un tiers entre 2012 et 2015.
Deuxième axe : renforcer l’excellence française, pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. Je pense aux crédits de la Philharmonie, ce magnifique équipement qui renforcera la place de notre pays dans le monde en matière musicale.
Je pense aussi au Louvre Abu Dhabi. Je reviens d’un déplacement de deux jours dans les Émirats, avec la conviction que notre pays n’est jamais aussi désiré et grand que lorsqu’il se donne les moyens de faire connaître ses collections et, plus largement, ses métiers et ses savoir-faire.
Troisième axe : le renouveau créatif. Non seulement les crédits consacrés à la création sont maintenus, mais un effort particulier a été consenti sur les moyens des écoles d’enseignement supérieur, qui accueillent chaque année plus de 36 000 étudiants, lesquels sont les créateurs de demain.
Au-delà de ces lignes directrices, je dirai un mot, si vous me le permettez, des grandes politiques culturelles de ce budget.
D’abord, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » permet de concrétiser deux priorités : la poursuite du plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle, qui verra ses moyens augmenter, pour atteindre 40 millions d’euros.
Les directions régionales des affaires culturelles – les DRAC – pourront ainsi accompagner les collectivités locales et proposer des projets culturels de qualité sur le temps libéré par la réforme des rythmes scolaires : on estime en effet qu’un tiers des activités proposées aux enfants concerne une activité culturelle. Les DRAC vont prendre toute leur part dans cet effort national, mené de conserve avec la ministre de l’éducation nationale, et accompagner la mobilisation de tous les acteurs de terrain, associations, bibliothèques, écoles de musiques, théâtres et compagnies.
Plus d’un tiers de ces crédits sont utilisés dans les territoires issus de la cartographie prioritaire. De fait, la culture est un puissant créateur de lien social et doit redevenir un instrument essentiel de lutte contre les inégalités.
Autre traduction concrète de la priorité donnée à la jeunesse : le choix de soutenir fortement l’enseignement supérieur, et d’abord les étudiants eux-mêmes, dont on sait les conditions économiques parfois difficiles. Nous allons ainsi augmenter de 14,5 % les bourses sur critères sociaux et les aides pour les étudiants, afin de favoriser le recrutement des populations à faible revenu au sein des écoles.
Vous le voyez, ce gouvernement croit aux créateurs de demain.
Il croit aussi aux créateurs d’aujourd’hui. Comme le Premier ministre s’y était engagé dès le mois de juin dernier, les crédits du programme « Création » sont consolidés, en 2015 mais aussi pour les trois années à venir. À l’heure où la mission tripartite de MM. Gille et Combrexelle et de Mme Archambault travaille avec l’ensemble des acteurs concernés à l’élaboration de solutions viables et pérennes s’agissant du régime de l’intermittence, c’était un signe indispensable, pour tous les professionnels, de l’engagement de l’État en faveur de la création.
Les moyens budgétaires alloués au spectacle vivant participent à la structuration de l’économie de ce secteur et à l’amélioration des conditions d’emploi des artistes : de fait, on l’oublie trop souvent, mais ces moyens budgétaires sont avant tout facteur d’emploi. L’aide aux compagnies, c’est la garantie de leur activité et de leur capacité à salarier les artistes. La commande publique est une source de revenus pour les auteurs et les plasticiens. Les subventions aux labels nationaux, comme les centres dramatiques, incluent des moyens de production qui, tout simplement, permettent de rémunérer des artistes et des techniciens.
Mes propos ne seraient pas complets si je n’évoquais pas avec vous les secteurs des patrimoines. Je dirai d’abord un mot général de ce patrimoine si riche en faveur duquel la France a tout intérêt à investir massivement. Depuis deux mois, autrement dit depuis ma prise de fonctions, je mesure chaque jour davantage ce que notre pays compte de richesses en la matière. Nous avons des savoir-faire uniques au monde en matière de restauration de monuments, de mobilier. Je pense aux métiers d’art mais aussi aux fontainiers, aux jardiniers, aux tailleurs de pierre ou aux artisans qui travaillent pour l’orfèvrerie ou la joaillerie. Ce sont des métiers parfois méconnus mais très qualifiés, valorisants, et non délocalisables, qui peuvent et doivent attirer davantage de jeunes. C’est un enjeu essentiel : c’est pourquoi nous devons investir dans notre patrimoine. Mon ministère assumera ses responsabilités et prendra sa part de la dépense publique, pour continuer à entretenir les monuments et les sites historiques qui font le rayonnement de notre pays. L’État répondra présent avec un maintien de ses crédits déconcentrés, soit plus de 224 millions d’euros consacrés aux monuments historiques.
L’amélioration de l’accueil du public sera également au coeur de nos priorités. Je pense à la rénovation de l’accueil du musée de Cluny, à la réouverture de l’Hôtel de la Marine, mais aussi à l’expérimentation de l’ouverture sept jours sur sept, à l’horizon 2017, des trois grands musées nationaux très fréquentés que sont Versailles, le Louvre et Orsay.
Enfin, avec le projet interministériel de plateforme d’archivage électronique, dit VITAM, nous poursuivons, grâce à la dématérialisation, notre effort en faveur d’une plus grande accessibilité au public de notre patrimoine archivistique.
Vous le voyez, nous aurions bien tort d’opposer patrimoine et modernité, ou de croire que la culture est moins une solution qu’une charge pour un pays en crise. Ce gouvernement a fait le choix de la culture. C’est aussi en faisant confiance aux créateurs et à leur génie que l’on rallume un espoir collectif.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous apprécions tous la culture comme vecteur d’émancipation personnelle et collective, comme pilier de notre cohésion sociale, comme ouverture sur le monde, à travers ses oeuvres et le partage qu’elles suscitent en fait de création, voire d’émotion.
Nous avons également conscience d’un paradoxe qui, à vrai dire, n’est qu’apparent : si la culture n’est jamais réductible à une marchandise ordinaire, il n’en demeure pas moins que le secteur culturel, qui représente 3 % de notre produit intérieur brut, est porteur de croissance, d’innovation, d’emplois et contribue fortement à l’attractivité de notre territoire.
À cet égard, la préservation des crédits de la mission constitue un signal très positif, venant après deux baisses successives lors des précédents exercices budgétaires, contrairement aux engagements qui avaient pourtant été pris par le Président de la République.
En outre, comment ne pas remarquer que la stabilisation globale des crédits cache des évolutions contrastées selon les programmes et, notamment, la réduction sensible des crédits de paiement destinés au soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant ?
J’en viens tout d’abord au programme 131 « Création », socle sur lequel reposent la diversité et le renouvellement de l’offre culturelle, et au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Si le premier enregistre une réduction de 12 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 1,7 % sur un an, nous voudrions tout de même saluer la priorité donnée par le second à la jeunesse et à l’enseignement.
Ainsi, les moyens consacrés à l’éducation artistique et culturelle augmentent de 3 %, de même que ceux des établissements d’enseignement supérieur du ministère. Cette augmentation doit servir la diffusion de la culture, qui n’a en effet aucunement vocation à être réservée à tel ou tel milieu.
Au nom de mon groupe, je veux également saluer la qualité du travail de notre rapporteur, qui a axé son rapport sur les inégalités territoriales en matière d’accès à la culture. La disparition progressive – ou au moins espérée – des déserts culturels, qui s’inscrit dans la lutte, plus globale, contre les fractures territoriales, est un enjeu de cohésion sociale. On sait les limites d’une approche segmentée, exclusivement centrée sur les différentes disciplines de la création. En adoptant les territoires comme clé d’entrée des politiques culturelles, nous souhaitons que cet objectif soit explicité dans cette mission dès l’année prochaine.
Quant au programme 175 « Patrimoines », qui préfigure la politique de l’État en matière de patrimoine culturel, il connaît une progression de ses crédits de 0,6 %, soit une hausse de 4,4 millions d’euros des crédits de paiement. Nous ne pouvons que nous réjouir de cet effort dans un contexte de tension budgétaire extrême, tant le patrimoine, sa préservation et sa valorisation sont au coeur du rayonnement culturel de notre pays. Il contribue en outre à renforcer notre activité touristique de manière si évidente qu’il n’est pas besoin d’insister.
Cela étant, la réduction des crédits alloués par l’État demeure préoccupante, du fait du désengagement contraint ou subi de certaines collectivités territoriales. Ces dernières participent en effet de manière importante aux économies annoncées dans le cadre du programme de stabilité budgétaire. Ces économies sont certes nécessaires, mais il faut souligner que la baisse globale des dotations concernera de manière indifférenciée ces mêmes collectivités, sans qu’une distinction soit faite entre les dépenses allouées à leur fonctionnement, celles relatives aux différents types d’investissement ou encore celles dévolues, notamment, à la préservation et à la valorisation du patrimoine.
Notre groupe craint par conséquent que des mouvements de désengagement s’accentuent et s’aggravent lourdement.
En définitive, malgré les réserves que nous exprimons, il nous semble que les crédits alloués à la mission « Culture » traduisent, cette année, une ambition réelle et maintenue, et reconnaissent dans la culture un facteur d’unité et même l’un des leviers pour sortir de la crise.
C’est sans doute là l’essentiel, et c’est pourquoi nous vous soutiendrons.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour nombre d’acteurs culturels, l’annonce d’une stagnation, l’an prochain, du budget de la culture a presque été ressentie comme une forme de soulagement. Ce qui aurait été perçu et dénoncé auparavant, sous les majorités précédentes, comme une forme de désintérêt, de désengagement, voire de mépris vis-à-vis de la culture, apparaît presque aujourd’hui comme une bonne nouvelle.
Il est vrai que la saignée des crédits dédiés à la culture depuis l’arrivée de François Hollande et de la gauche au pouvoir a été telle que l’arrêt de l’hémorragie était indispensable, sauf à renoncer à des pans entiers de la politique culturelle. En effet, au cours des deux dernières années, les baisses de 7 % des crédits dédiés à la création et de 13 % des crédits dévolus au patrimoine étaient chose inédite depuis la création de la Ve République.
Cela étant, la promesse de « sanctuariser » le budget de la culture pour les trois années à venir, comme l’a annoncé le Premier ministre en juillet dernier, est loin d’éteindre les inquiétudes, d’abord parce que cette promesse a naturellement un air de déjà vu et que l’on sait, hélas, ce qu’il est advenu de ce même engagement pris par le Président de la République en 2012, mais surtout parce que, du fait des décisions du Gouvernement, de lourdes menaces pèsent encore sur le financement de la culture.
Sanctuariser le budget du ministère signifie tout d’abord, très concrètement, le maintenir à un niveau très bas à la suite des coupes sèches des deux années précédentes. De surcroît, la sanctuarisation n’empêchera pas, l’an prochain, la poursuite des baisses de crédits pour certains secteurs déjà fortement affectés par la réduction des moyens des deux années précédentes.
Je pense en particulier aux crédits dédiés au patrimoine monumental, et tout particulièrement à ceux dévolus à la restauration des monuments historiques de l’État, dont le niveau, déjà jugé beaucoup trop faible pour garantir la sauvegarde de ces derniers, va continuer à baisser.
Je pense également aux crédits dédiés aux grands musées, dont les moyens ne cessent de décroître.
Je pense encore aux crédits d’acquisition, réduits désormais à la portion congrue.
Je pense enfin aux crédits dédiés au spectacle vivant, dont l’enveloppe va être réduite de plus de 2 % en 2015.
Et, lorsque les crédits ne diminuent pas, le budget se réduit bien souvent à un exercice de vases communicants : la baisse de crédits sensibles de certains opérateurs, comme l’Opéra national de Paris ou l’Orchestre de Paris, sert à renflouer quelque peu les budgets d’autres opérateurs du spectacle vivant.
La sanctuarisation du budget du ministère qui nous est annoncée n’est donc en réalité qu’un pis-aller, madame la ministre, car la situation budgétaire, qui était très dégradée, est loin d’être ainsi rétablie.
Il y a, qui plus est, une autre préoccupation majeure qui se profile pour le financement de la culture dans notre pays. Les premiers financeurs des politiques culturelles sont, chacun le sait, les collectivités locales.
Or, la réduction drastique par le Gouvernement des moyens dédiés aux communes, régions et départements de 11 milliards d’euros en trois ans, dont 3,7 milliards dès 2015 va avoir, c’est une certitude, un impact négatif sur l’investissement des collectivités locales dans le domaine culturel.
Une étude menée par l’Association des petites villes de France, qui vient d’être rendue publique, confirme ce risque. Près de 95 % des maires des petites villes envisagent dès 2015 des coupes budgétaires dans le domaine de la culture. Loin de conduire à une stabilisation des moyens publics dédiés à la culture, la politique menée par votre gouvernement mène donc au contraire à l’assèchement des financements de la culture, madame la ministre.
En plus de s’inquiéter de cette réalité budgétaire plus que préoccupante pour les artistes, les créateurs et la protection de notre patrimoine, les acteurs du monde de la culture s’interrogent aujourd’hui sur la place et le sens que l’État entend donner à l’action culturelle dans notre pays. Depuis deux ans et demi, toutes les grandes réformes annoncées par votre prédécesseur en faveur de la création et du patrimoine ont été reportées. Nous avons bien pris note cependant, et c’est une bonne chose, madame la ministre, que vous vous engagiez à présenter un projet de loi au premier semestre 2015. Il était grand temps, et nous l’attendons avec impatience.
C’est d’autant plus nécessaire que le temps des projets culturels d’envergure paraît révolu. Les très belles réalisations qui voient le jour actuellement et dont nous pouvons ensemble être fiers pour notre pays – le MUCEM il y a un an, la Fondation Vuitton et le musée Picasso aujourd’hui, ou la Philharmonie dans quelques semaines, pour laquelle je vous remercie de votre très fort engagement, madame la ministre – ont été lancées par la précédente majorité ou sont le fruit d’initiatives privées. Aucun projet d’une ampleur comparable n’a été initié depuis deux ans et demi.
Alors que nous aborderons demain matin la seconde moitié du quinquennat, le bilan de votre majorité, qui n’a pourtant pas cessé de donner des leçons quand elle était dans l’opposition, est donc à la fois bien maigre et bien sombre. Le budget 2015 de la culture ne change rien à ce constat. Par conséquent, le groupe UMP s’opposera à ce budget ; nous refusons une fois encore de cautionner cette politique qui n’est pas à la hauteur de ce que devrait être l’action culturelle de l’État dans un pays comme la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, présentant les moyens que l’État mobilise pour accompagner les créateurs, conserver et valoriser le patrimoine, assurer l’enseignement des arts, soutenir les industries culturelles, promouvoir l’innovation, ce budget indique la place que le Gouvernement accorde au service public de la culture.
La crise est bien sûr une aubaine pour ceux qui pensent qu’une politique de la culture est un luxe toujours trop cher, que le patrimoine est bien encombrant et qu’une oeuvre d’art est par nature suspecte. Cette année 2014 n’a pas été avare d’agressions contre les oeuvres de l’esprit ni contre les équipements culturels. De telles attaques ne sont jamais neutres. « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude », avait prévenu Camus. C’est pourquoi je veux saluer le symbole que constitue la sanctuarisation du budget de l’État pour la culture, madame la ministre. On pourra déplorer qu’il n’augmente pas assez, discuter des priorités, mais je veux voir dans cette décision un signe de confiance, un signe d’espérance.
L’accès à la culture pour les jeunes a été placé au coeur des priorités de ce budget. Députée dans une région où la population est jeune, aux prises avec un quotidien toujours plus difficile, je sais à quel point cette ambition de démocratisation de la culture est une exigence élevée et républicaine. J’approuve donc l’augmentation pour 2015 des moyens dédiés à cette priorité, ainsi que le principe d’une mobilisation accrue des outils d’aujourd’hui.
Permettez-moi ici de dire ma conviction qu’en matière de renforcement de l’accès à la culture, le vrai défi est celui des contenus. Les technologies contemporaines sont incontournables, certes, mais le chantier n’est pas celui du développement des virtuosités techniques. Concernant la politique culturelle, l’enjeu est avant tout de nourrir les esprits, d’aider à la formation des sensibilités, et donc de mettre en contact tous les publics, en particulier les jeunes, avec l’immensité du patrimoine culturel de l’humanité ; en d’autres termes, c’est l’idéal du meilleur mis à la portée de tous.
Dans chacun des trois programmes de la mission, le partenariat entre l’État et les collectivités est omniprésent. Mais la diminution des dotations aux collectivités risque de compromettre les ambitions que vous poursuivez. Les chances d’accès à la culture s’appréhendent tant du point de vue des personnes que de celui des territoires. Et il revient à l’État de veiller à ce que l’accès à la culture soit équilibré sur l’ensemble du territoire national.
À cet égard, madame la ministre, je sollicite votre arbitrage pour que La Réunion ne soit plus l’angle mort de l’engagement culturel de l’État. Notre île connaît des retards en équipements et comme vous le savez, la culture y est forcément plus chère, du fait notamment du coût du transport aérien. L’État avait bien créé en 1999 un fonds spécifique pour financer la mobilité des artistes, mais celui-ci a été progressivement vidé de sa substance.
Cette juste réévaluation de la solidarité nationale s’impose d’autant plus que le renforcement de l’excellence française dans le monde figure parmi vos priorités pour 2015. Il est certain que La Réunion peut jouer un rôle très actif dans la coopération culturelle dans l’océan Indien, pour peu que l’État s’engage clairement et sans ambiguïté. Sur ce point, je vous remercie de prêter attention aux perspectives de coopération avec l’île Maurice qui s’offrent à l’enseignement de l’architecture à partir de La Réunion, projet dont votre ministère a déjà été saisi.
La volonté affichée d’encourager le renouveau créatif ne peut que recueillir mon adhésion. L’énergie créatrice des artistes, les espaces de diffusion, le défi de la révolution numérique doivent trouver dans l’action culturelle de l’État l’accompagnement nécessaire. Les crédits correspondants augmenteraient de 2 % : c’est un minimum, car si l’option qui vise à renforcer le partenariat avec les collectivités va dans le bon sens, nous savons qu’elle trouvera ses limites dans l’affaiblissement programmé de leurs dotations.
L’effort annoncé en faveur de la formation supérieure est lui aussi de bon augure. Faut-il rappeler en effet que la culture a besoin de professionnels, que ses métiers sont de vrais métiers et que l’intermittence n’est pas une faveur ? Est-il besoin aussi de rappeler que l’enjeu d’un renouveau créatif est pluriel, qu’il relève non seulement de la culture, mais aussi de l’éducation, de la recherche, de l’économie, de l’aménagement du territoire ? La part de la culture dans le PIB et l’importance de la composante culturelle de l’attractivité d’un territoire ont été abondamment commentées ; je n’y reviendrai pas.
Un grand rendez-vous nous attend avec le projet de loi sur la création et le patrimoine qui sera examiné en 2015. Cette loi réaffirmera que l’État est le garant de la liberté de création et du pluralisme. Elle devra aussi garantir le droit à la culture et, à ce titre, une répartition équilibrée de l’offre culturelle sur tout le territoire. Nous souhaitons aussi qu’elle soit moins discrète sur la réforme du régime de Sécurité sociale des artistes auteurs.
L’examen de cette mission est une nouvelle occasion pour le groupe GDR de faire usage de la liberté de vote qui le fonde : certains de ses membres, comme Gabriel Serville, voteront pour ; d’autres m’accompagneront dans l’abstention. Quant aux députés du Front de gauche, ils voteront contre.
La parole est à M. Stéphane Travert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, des esprits chagrins et conservateurs estiment encore aujourd’hui que la politique culturelle est accessoire, qu’elle est une variable d’ajustement dans les budgets de l’État et des collectivités territoriales. Ces menaces, perçues dans certains territoires, doivent nous mobiliser plus que jamais pour la défense des politiques culturelles, de leurs acteurs et de l’accès de tous nos concitoyens aux contenus culturels quel que soit leur bassin de vie.
À l’heure où différents rapports – l’un de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles sur l’apport de la culture à l’économie française, l’autre sur la place des industries culturelles au coeur du rayonnement et de la compétitivité française commandé par France Créative – soulignent le rôle de la culture comme étant porteuse d’emploi, de croissance et d’attractivité pour les territoires, l’argument économique selon lequel la culture serait un gouffre financier ne tient plus. J’en suis pour ma part persuadé, comme bon nombre d’entre nous sur ces bancs.
La culture a donc un coût, certes, mais elle doit rester accessible à tous, car elle nous lie, nous éveille, nous émancipe et nous libère. Elle est un pilier de notre pacte républicain au même titre que l’éducation ou encore la santé et l’accès aux soins. C’est pourquoi il revient à l’État d’intervenir pour développer les réseaux culturels sur l’ensemble du territoire, développer la création et la diffusion des oeuvres, protéger, rénover notre patrimoine et concevoir des politiques du patrimoine fortes et ambitieuses, répondant ainsi à l’attachement des Français à ce qui constitue une excellence nationale.
Compte tenu du caractère essentiel que revêt la politique culturelle, je ne peux que me féliciter de l’engagement du Gouvernement à préserver les crédits de la mission « Culture », qui a précédemment largement contribué au redressement des comptes publics de notre pays. L’engagement du Gouvernement à sanctuariser les crédits de cette mission est d’ailleurs garanti dans la loi de programmation triennale 2015-2017 que nous avons votée.
Les crédits de la mission « Culture » répondent à trois objectifs : sauvegarder, protéger et mettre en valeur le patrimoine culturel sous toutes ses formes ; favoriser la création, la diversité et la diffusion des oeuvres d’art et de l’esprit ; renforcer l’enseignement supérieur culturel, favoriser le contact de chacun avec les oeuvres grâce à l’approfondissement de la politique d’éducation artistique et culturelle.
Concernant ce dernier objectif, je tiens ici à souligner le travail en bonne intelligence mis en oeuvre entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture, notamment au travers de la signature de conventions pour l’éducation artistique et culturelle engageant les médias publics dans une démarche pédagogique, à l’instar de celle qui a été signée il y a peu à la Maison de la radio avec Radio France et les recteurs d’académie d’Île-de-France. Madame la ministre, la généralisation d’une telle convention à tout le territoire national, par le biais du réseau France Bleu par exemple, serait à mes yeux de nature à contribuer à l’égalité d’accès de tous les élèves à la culture et permettrait de se défaire de la fracture si souvent décrite entre « Paris et le désert Français », encore très tenace en matière culturelle.
Je souhaite m’arrêter sur le programme « Patrimoines » et, en particulier, sur les crédits alloués à la réhabilitation des monuments historiques. Soulignons que les crédits sont ici stabilisés à hauteur de 312 millions d’euros sur les trois prochaines années. Ils seront également reconduits au même niveau pour ce qui concerne les crédits alloués aux DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, assurant ainsi la qualité du dialogue de l’État avec les collectivités territoriales et les propriétaires privés, mais aussi les savoir-faire des entreprises spécialisées dans ce domaine.
Le patrimoine est le fruit d’un héritage qui nous a été légué par l’histoire, les siècles et les époques. Je ne peux évoquer ce sujet sans parler de ma région, la Basse-Normandie. Il y a soixante-dix ans, un patrimoine historique disparaissait sous les bombes, rayant de la carte des villes comme Valognes, Coutances, Saint-Lô, Caen. Nos villes ont été ensuite reconstruites, et leur style architectural nous ramène à ces heures sombres.
Aujourd’hui, l’heure est venue de repenser cette architecture, cette deuxième peau autour de ce patrimoine porté par des populations qui avaient vécu l’horreur et qui devaient mettre les leurs à l’abri et recommencer une nouvelle vie. Il leur fallait réinventer la ville. Sans cesse nous devons réinventer ce patrimoine que nous léguerons nous aussi aux générations futures.
Il y a une excellence française en matière de politique patrimoniale qui consiste à placer nos concitoyens au coeur d’une ambition nationale. Nos monuments doivent être entretenus et restaurés pour répondre à cette attente si forte. Nous devons cette ambition culturelle en matière de patrimoine aux dizaines de millions de visiteurs étrangers qui viennent chaque année en France découvrir la richesse de nos musées, la splendeur de nos monuments, nos châteaux, nos plages. Je pense à l’inscription des plages du débarquement au patrimoine mondial de l’Unesco.
Nous devons sans cesse innover et inventer de nouveaux lieux de vie culturelle dans des sites parfois improbables ; Le Lieu unique à Nantes, Le Cent Quatre à Paris, La Papeterie d’Uzerche, chère à Sophie Dessus, rapporteure spéciale, la Fermeture éclair et la Station Mir à Caen, anciens locaux industriels devenus aujourd’hui des lieux de création. Ces différents exemples montrent que les collectivités sont à l’oeuvre pour inscrire notre patrimoine dans notre image collective. La concertation avec les collectivités territoriales est un élément indispensable des politiques du patrimoine pour réaliser des projets à la hauteur des ambitions de notre pays, qui est observé et attendu sur ces sujets dans le monde entier.
La France nourrit une vision moderne du patrimoine, loin de la vision passéiste et nostalgique dans laquelle certains veulent résolument le confiner. Concevoir, décider et agir au service de celles et ceux qui font vivre le patrimoine au quotidien, c’est la tâche que vous devez accomplir, madame la ministre, au sein de ce beau ministère de la culture.
Madame la ministre, mes chers collègues, c’est au regard du maintien de ce budget de la culture, sanctuarisé au service de la grande ambition culturelle que nous nous sommes assignée, que le groupe SRC votera les crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour l’année 2015.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le candidat François Hollande s’était engagé pendant la campagne présidentielle à sanctuariser le budget de la culture. Aujourd’hui, après deux années consécutives de diminution, le budget de la culture est enfin stabilisé à hauteur de 7 milliards d’euros. Mais les crédits de la mission « Culture » sont réduits.
Ces montants, soyons honnêtes, ne sont pas les seuls indicateurs à prendre en compte. La répartition des crédits doit être observée de plus près car des rééquilibrages entre les programmes ont été effectués.
Tout comme ce fut le cas l’année dernière, madame la ministre, vous avez fait le choix de préserver l’éducation artistique et culturelle, de poursuivre une politique de protection et de mise en valeur du patrimoine, de ne pas relancer de grands budgets pharaoniques qui auraient grevé les finances de l’État. Ces objectifs sont donc réaffirmés par ce projet de loi de finance, et les écologistes tiennent à saluer ces engagements.
La priorité à la jeunesse et à l’enseignement est confirmée par les moyens consacrés à l’éducation artistique et culturelle. Ces derniers augmentent au-delà de l’inflation en 2015, de même que ceux des établissements d’enseignement supérieur du ministère, dont, en outre, les étudiants bénéficieront de la réforme des bourses.
L’éducation artistique et culturelle est une politique interministérielle entre le ministère de la culture et celui de l’éducation nationale, et les moyens pour sa mise en oeuvre sont à la hauteur des enjeux de diffusion et de démocratisation. Par ailleurs, cette politique est au coeur de la loi sur la refondation de l’école et doit désormais s’articuler entre temps scolaire, périscolaire et extrascolaire de manière intégrée.
En revanche, cette fois-ci, le budget 2015 n’épargne pas la création, qui connaît une baisse de 1,6 % de ses crédits. Si les arts plastiques sont protégés de la rigueur budgétaire, ce n’est malheureusement pas le cas du spectacle vivant, dont les crédits destinés à la production et à la diffusion diminuent de 16 millions d’euros. Les écologistes se désolent de cette perte de crédits qui risque d’affecter lourdement ce secteur.
L’État a une responsabilité dans le devenir de ces secteurs. Comme ma collègue Isabelle Attard l’avait déjà indiqué l’année dernière, il est indispensable, surtout dans ce contexte de réagencements budgétaires, de poursuivre l’accompagnement des acteurs concernés. Ceux-ci ont d’autant plus besoin de soutien qu’ils doivent faire face à d’importantes évolutions, qui tiennent aux enjeux du numérique et à la réforme territoriale en cours.
On sait, madame la ministre, votre attachement à la problématique du numérique, et ce budget en témoigne. C’est le cas du programme « Patrimoine », dont les crédits, en hausse, devraient favoriser une politique d’accessibilité des archives à tous les publics et un rééquilibrage entre nos territoires.
Ce budget est aussi l’occasion de réaffirmer la volonté du Gouvernement d’oeuvrer au lancement de projets structurants en réponse à la mutation numérique. Il s’agit de protéger ce qui constitue notre patrimoine numérique collectif en développant des plates-formes d’archivage mutualisées.
Ces propositions vont dans le bon sens, mais il est dommage de s’arrêter en si bon chemin. Si le projet de loi de finances prend la mesure du tournant numérique, il semble négliger l’ampleur du changement que la transition numérique implique pour les acteurs. C’est l’adaptation même des services publics de la culture qui doit être précisée.
Dans ce contexte, il est nécessaire d’anticiper les bouleversements à venir et de redéfinir, de manière transparente, les missions des grands opérateurs. Ces derniers doivent être accompagnés vers une réorganisation de leurs compétences sur les activités les plus importantes. Laisser aux directions d’établissements l’entière responsabilité de répercuter les choix budgétaires les contraint à choisir entre l’augmentation des tarifs, la diminution de l’activité, la réduction des emplois, voire un peu des trois.
Le budget de la culture devrait préfigurer une nouvelle vision de la culture. Pour cela, les écologistes auraient voulu que le projet de loi de finances contienne les éléments qui annoncent un véritable changement des modes de gouvernance, mais aussi une plus grande décentralisation des moyens sur les territoires ainsi que la reconnaissance des droits culturels comme fondement de ces politiques.
Les écologistes attendent beaucoup du projet de loi relatif à la création artistique et au patrimoine, annoncé par le Gouvernement pour le premier semestre 2015. Ce texte devra enfin apporter aux grands opérateurs des directives claires pour leur adaptation à la transition numérique.
Aujourd’hui, chaque musée, chaque théâtre, chaque salle de spectacle tente d’improviser dans ce contexte nouveau. Certains musées, notamment celui d’Orsay, interdisent maintenant aux visiteurs de prendre des photos. Le musée renvoie vers son site Web pour accéder aux images des oeuvres. Les photographies en ligne mentionnent un copyright « photo du musée ». Cette situation est étonnante : une copie fidèle n’est pas une oeuvre nouvelle. C’est comme si une photocopie d’un livre tombé dans le domaine public donnait de nouveaux droits d’auteur.
Il s’agit là d’un cas de copyfraud, un organisme prétendant détenir un droit d’auteur qui n’existe pas. Ces pratiques dénotent une incompréhension, voire une méfiance envers les possibilités encore mal connues qu’offre la révolution numérique. Il est donc temps de clarifier notre droit. Nos grands opérateurs méritent un cadre juridique clair sur ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire. Nous comptons sur votre volonté à ce sujet, et nous serons à vos côtés pour aboutir au meilleur résultat possible.
Madame la ministre, comme l’année dernière, nous voterons ce budget qui confirme votre ambition de favoriser l’éducation artistique et culturelle. Mais nous espérons que les différents écueils que nous avons soulignés seront pris en compte et nous attendons beaucoup de la future loi sur la création et le patrimoine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre, après deux exercices de rigueur et de remise en ordre, le Gouvernement a décidé de conforter sur les trois prochaines années le budget de votre ministère, qui connaîtra même une légère augmentation. C’est donc un budget sanctuarisé de 3,22 milliards d’euros, hors audiovisuel public, qui réaffirme l’importance de la culture, de ses acteurs et de la création.
En particulier, les moyens sont consolidés en faveur des structures de création et des projets territoriaux, avec une augmentation de 1,4 % des interventions pour le spectacle vivant et un effort particulier pour les scènes de musique actuelles et les scènes nationales.
Permettez-moi de revenir sur les crédits déconcentrés à l’échelon des DRAC, prévus pour accompagner les démarches des collectivités territoriales qui développent leur action dans un cadre contractuel pluriannuel et une politique de parcours d’éducation artistique et culturelle.
Pour que ces projets puissent exister, il faut que toutes les collectivités aient la compétence « culture ». Pouvez-vous, madame la ministre, nous dire comment vous comptez oeuvrer pour que cette compétence soit réellement partagée entre les différentes collectivités, dans le cadre de la future réforme territoriale ?
Madame la députée, je sais votre engagement profond en faveur de la culture dans votre région. Les collectivités territoriales comme l’État ont construit, le plus souvent conjointement, leurs interventions dans le champ culturel, dans le cadre de la clause de compétence générale. Le rôle de l’État a ceci de particulier que celui-ci est garant de l’application des différentes règles et lois rassemblées et codifiées pour certains secteurs. Il est aussi le garant d’une vision nationale de la place de la culture dans notre pays. Plus qu’une compétence stricte, la culture est un domaine partagé, qui implique une responsabilité partagée. Nous en sommes tous ici convaincus.
Tenant compte de cette réalité, mes prédécesseurs ont tenu à créer une instance de dialogue réunissant les associations d’élus et de collectivités territoriales, le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Le CCTDC est une instance de concertation, chargée de réfléchir aux convergences d’actions qui peuvent exister entre les divers niveaux de collectivités publiques.
Votre question est très importante, alors même que l’élaboration des lois de modernisation de l’action publique et de la réforme territoriale nous permet de repenser les actions respectives, ou l’action partenariale des collectivités et du ministère.
Dans le cadre de ces travaux, je m’attacherai pour ma part à quelques grands principes qui doivent guider l’action du ministère : l’affirmation d’une présence territoriale du ministère de la culture et de la communication, la modularité de l’action publique au service de la solidarité et de l’égal accès de tous à la culture et une approche partenariale, fondée sur la qualité et les besoins spécifiques de chaque territoire.
Ces principes seront mis au service des ambitions qui sont les miennes au sein du ministère. Ces ambitions sont les suivantes : la préservation et la valorisation de notre patrimoine, l’organisation de conditions favorables à la création artistique, la transmission de références artistiques et culturelles communes, en direction de la jeunesse mais aussi tout au long de la vie, une reconnaissance du droit de chacun à avoir une pratique culturelle, le développement, enfin, d’une formation supérieure de qualité.
Mes services achèvent actuellement l’évaluation de ce qu’a été la décentralisation culturelle depuis 1983. D’ores et déjà, je peux vous dire que ce qui a été mis en oeuvre dans le domaine des archives et de la lecture publique est considéré comme très positif. Aujourd’hui, j’aborde les questions liées à l’approfondissement de la décentralisation, dans le souci d’assurer les conditions pour une ambition culturelle dans notre pays, avec la volonté de respecter le rôle de chacun et en ayant à l’esprit la diversité des territoires, de leur histoire et de leurs attentes.
La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre, permettez-moi d’abord de me réjouir que les crédits soient préservés, malgré une baisse très sensible ces deux dernières années. Avec 0,834 % du budget général, nous restons très loin du 1 % culturel !
Le patrimoine a été particulièrement mal traité ces dernières années, avec une baisse de crédits de 110 millions d’euros entre 2012 et 2015. Conscient, comme vous tous, des difficultés économiques actuelles, je pense qu’une piste mériterait d’être creusée, celle des jeux de hasard. Une première ouverture a été pratiquée en 2010. Ne serait-il pas intéressant, à l’occasion des journées du patrimoine, de créer un tirage spécial du loto ? Cela mobiliserait toutes les associations du patrimoine.
Je tiens également à vous faire part des inquiétudes qui se sont exprimées sur l’ouverture d’établissements culturels sept jours sur sept, annoncée avant même que le ministère ait conduit les travaux d’expertise nécessaires. Siégeant au conseil d’administration du château de Versailles, j’ai pu constater une très grande crainte de la part des conservateurs, inquiets du maintien de la qualité du bâtiment, et des personnels.
Une question fondamentale n’a pas été traitée ces dernières années, celle de la décentralisation culturelle, et de l’abandon total de l’aide de l’État aux établissements d’enseignement fondamentaux que sont les conservatoires à vocation régionale ou les équipements départementaux.
Enfin, je souhaite vous demander quelle est la véritable ambition de ce ministère. La culture est une question de passion. Nous savons votre compétence dans le domaine du numérique. Celui-ci ne représente pas, loin s’en faut, l’ensemble de l’exception culturelle française, que nous avons tous à coeur de défendre. Mais forte de cette compétence, pourriez-vous nous préciser comment vous l’utiliserez pour apporter de nouvelles garanties aux acteurs de la culture française, notamment sur les droits d’auteur ?
Monsieur le député, un amendement nous permettra tout à l’heure d’aborder le premier point que vous avez soulevé. Il s’agit d’une idée intéressante ; tout ce qui permet d’ouvrir des perspectives en matière de recettes est séduisant pour la ministre que je suis !
Nous avons souhaité examiner dans quelle mesure certains établissements pourraient recevoir du public sept jours sur sept, un projet sur lequel le Président de la République s’est exprimé à plusieurs reprises. La première raison pour laquelle nous avons souhaité conduire cette expérimentation est que les conditions d’accueil du public sont aujourd’hui moins bonnes dans certains établissements conçus pour recevoir plusieurs millions de visiteurs, mais qui accueillent le double de ce qui était prévu il y a seulement une dizaine d’années. Les conditions de travail des agents s’en trouvent également dégradées.
Nous expertisons actuellement auprès des trois établissements concernés – le musée d’Orsay, le musée du Louvre et le domaine du château de Versailles – ce que sont les tâches opérées les jours de fermeture : maintenance, accrochage et décrochage, travaux d’entretien des bâtiments. Nous souhaitons examiner de quelle manière, dans quelles conditions et selon quelles modalités une ouverture sept jours sur sept serait à même de garantir de meilleures conditions de visite pour le public et de meilleures conditions de travail pour les agents. C’est à ces conditions que cette expérimentation sera conduite. Nous réalisons bien actuellement une étude d’impact, un examen très précis de ce qu’impliquerait cette ouverture sept jours sur sept afin de pouvoir, le cas échéant, le faire dans les meilleures conditions possible pour le public et les agents.
Pour ce qui est des conservatoires, je répète que l’éducation artistique et culturelle sera l’une des principales priorités du ministère de la culture pour les prochaines années. Puisque nous devons dégager des priorités, j’ai considéré qu’il fallait augmenter les crédits en faveur de l’enseignement supérieur culturel et des programmes d’éducation artistique et culturelle dans le cadre de l’éducation nationale, sur le temps scolaire ou périscolaire. Cette priorité nous a conduits à arbitrer en direction d’une baisse des crédits des conservatoires à rayonnement régional et départemental. Les effets de cette décision doivent être relativisés car la contribution de l’État était déjà très faible – 6 % en moyenne.
Cela étant, un certain nombre d’actions conduites par ces établissements pourront bénéficier des aides du ministère de la culture.
Il ne me reste plus de temps pour aborder le dernier point mais j’aurai l’occasion d’y revenir.
J’appelle les crédits de la mission « Culture », inscrits à l’état B.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 481 .
Par cet amendement, qui est bien évidemment un amendement d’appel, je voudrais revenir à la question très sensible du financement des conservatoires en vous proposant de transférer 18,2 millions d’euros de l’action 1 du programme 131 à l’action 1 du programme 224 et soutenir ainsi les établissements d’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle. Rappelons que l’aide de l’État, en 2012, s’élevait à 29,2 millions d’euros alors que le projet de loi de finances pour 2015 prévoit de n’octroyer que 11 millions d’euros. La baisse des crédits est considérable.
Vous affirmez que la suppression de cette ligne n’aurait que peu d’effet car l’État donnait déjà peu. Justement ! L’apport de l’État était fondamental. La logique de la décentralisation voudrait que l’État et les régions fassent des efforts. En l’espèce, la situation doit être clarifiée car il est aberrant que des régions – et elles sont nombreuses – ne participent pas du tout au financement des conservatoires à rayonnement régional.
Puisque vous devriez présenter un projet de loi l’année prochaine, madame la ministre, je vous demande de traiter enfin cette question. Lorsque j’étais président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, nous travaillions déjà sur ce sujet, sans jamais obtenir de réponse alors que le sujet est essentiel. Le financement des établissements de formation culturelle constitue la clé de la culture française. On y forme l’excellence française qui peut ensuite faire profiter de son rayonnement l’ensemble de la population.
Vous êtes attachée à l’éducation culturelle et artistique, madame la ministre, mais commencez par agir là où c’est nécessaire : au niveau des établissements de formation.
Cet amendement n’a pas pu être examiné en commission des finances, comme les trois autres d’ailleurs, ce qui pose un réel problème de fonctionnement. Il m’est d’autant plus difficile d’émettre un avis personnel que M. Pierre-Alain Muet, rapporteur des deux programmes évoqués par M. de Mazières, n’est pas présent.
J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, aussi vais-je laisser la ministre vous répondre.
Monsieur le député, vous proposez par cet amendement de redéployer 18,2 millions d’euros du programme 131 vers le programme 224 afin de redistribuer des aides aux conservatoires à rayonnement régional et départemental. Le Gouvernement y est défavorable. Tout d’abord, il continue de recentrer et de rationaliser son action, notamment en matière d’enseignement culturel. Ce recentrage se concentre sur ses missions d’expertise et d’évaluation en matière d’enseignement artistique spécialisé et sur le pilotage de l’enseignement supérieur. C’est d’ailleurs le résultat d’une répartition des compétences issue des lois de décentralisation de 2004.
Naturellement, cette priorisation se traduit par le redéploiement des crédits alloués aux conservatoires à rayonnement régional et départemental sur les missions d’enseignement supérieur d’une part et sur l’éducation artistique et culturelle ainsi que l’accès à la culture d’autre part. Le soutien financier de l’État aux pôles d’enseignement supérieur intégrés aux conservatoires est maintenu à hauteur de 4,4 millions d’euros, tout comme les aides individuelles sous condition de ressources à hauteur de 1,1 million ce qui traduit la continuité de l’action de l’État en matière d’accès à la culture pour les élèves.
Précisons que la diminution des dotations de fonctionnement des conservatoires régionaux et départementaux n’a pas vocation à remettre en cause l’existence de ces établissements dont le classement national est conduit par le ministère de la culture. L’État ne finance qu’une faible part du fonctionnement de ces conservatoires qui continuent à être éligibles à des actions d’éducation artistique et culturelle.
Un prélèvement sur le programme 131 remettrait en cause les efforts que le Gouvernement a engagés dans le domaine de la création artistique, conformément aux engagements du Premier ministre et pour soutenir l’emploi dans ce secteur. Je vous demande de retirer votre amendement, sinon j’y serai défavorable.
Je ne doute pas un seul instant, madame la ministre, de votre bonne foi. Mais permettez à quelqu’un qui a une longue expérience dans le domaine culturel de vous dire que ce n’est pas la réalité.
En effet, les financements en matière d’enseignement culturel n’ont pas été clarifiés dans le cadre des lois de décentralisation. En faisant disparaître du projet de loi de finances pour 2015 la ligne « soutien aux établissements d’enseignement spécialisé », véritablement dédiée à ce type d’établissement, vous avez encore davantage obscurci la situation. L’État se désengage sans que soit pour autant réglée la question, puisque les régions ne financent pas les conservatoires à vocation régionale. Voyez à quelle aberration nous aboutissons ! Et c’est un maire qui vous parle car tout retombe à la charge des communes, aujourd’hui asphyxiées par des péréquations insupportables, sans parler des prélèvements. Tout le tissu de l’enseignement artistique français va tomber en capilotade. Le risque est majeur ! Prenez-y garde. Je vous le dis sans polémique, dans un esprit constructif, pour vous aider à réfléchir aux mesures de votre prochain projet de loi. Vous devrez vraiment clarifier les dispositions relatives à l’enseignement artistique.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je voudrais tout d’abord regretter à mon tour que ces amendements n’aient pas été examinés en commission élargie où nous aurions pu véritablement en débattre. Je sais bien, par ailleurs, que l’article 40 nous amène en seconde partie de loi de finances à ne pouvoir opérer que par transferts de crédits, mais j’invite tout de même la représentation nationale à prendre garde aux conséquences de la suppression de 18,2 millions de crédits au programme « Création ». Je n’ose mesurer l’insatisfaction que cette disposition ferait naître et les critiques dont nous ferions collectivement l’objet, que nous soyons dans la majorité ou l’opposition.
C’est un amendement d’appel, mais il est tout de même important de travailler sur le fond, ce que ne nous permet pas la procédure actuelle. Pardonnez-moi, mais nous nous demandons vraiment à quoi nous servons. Je retire mon amendement.
Les commissions auraient pu se réunir, depuis avant-hier, pour examiner ces amendements. Je sais, c’est compliqué en raison de notre rythme de travail qui est soutenu mais ce n’était pas impossible.
L’amendement no 481 est retiré.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 479 .
Cet amendement concerne le Château de Versailles. Là encore, je suis quelque peu inquiet car la différence est grande entre les déclarations d’intention et la pratique. Vous le savez, un projet très important a été engagé ces dernières années, des travaux indispensables ont été réalisés, sur la base d’un plan de financement étalé sur dix-huit ans et commencé en 2003. Ce schéma directeur a été tenu jusqu’à présent, mais le projet de loi de finances pour 2015 fait apparaître une diminution significative des crédits et nos craintes sont encore plus vives pour les prochaines années.
Là encore, des engagements d’État ont été pris. S’ils ne sont pas tenus, notre patrimoine en subira les conséquences. Or, et M. Jack Lang, qui a écrit un très bon ouvrage sur ce sujet ne me contredirait pas, ce qui n’est pas investi au moment où il faut le faire coûte beaucoup plus cher ensuite.
Vous pourrez toujours penser que le maire de Versailles défend le Château de Versailles, ce qui serait normal, mais le débat va bien au-delà. Il est important que vous puissiez à votre tour tenir les engagements qui ont été pris et respectés jusqu’à présent pour entretenir notre patrimoine.
Une nouvelle fois, je suis obligé de déposer un amendement d’appel pour que nous puissions en discuter sérieusement.
Ma réponse sera la même que précédemment, mais je ferai tout de même remarquer que le programme « Patrimoine » a subi une baisse extrêmement violente de ses crédits au cours de ces deux derniers exercices. Je reconnais que la situation s’est stabilisée cette année mais nous en étions tout de même à moins 13 %. Je comprends les inquiétudes de notre collègue, mais nous n’avons pas pu étudier cet amendement en commission des finances. Vous proposez de retirer un peu plus d’1 million au programme « Création » mais je ne suis pas certain que M. Pierre-Alain Muet en serait heureux.
Monsieur le député, vous proposez de redéployer 1,11 million d’euros depuis le programme 131 « Création » vers le programme 175 « Patrimoine » afin de maintenir au niveau de 2014 les crédits pour le financement du schéma directeur du Château de Versailles. Le Gouvernement y est défavorable. Tout d’abord, les crédits prévus en 2015 permettront bien de poursuivre la réalisation du schéma directeur de Versailles selon le programme et le calendrier initialement prévus, au même titre que les schémas directeurs en cours au Centre Pompidou ou au Château de Fontainebleau.
L’écart avec les crédits de 2014 est dû à des transferts techniques vers le titre II du ministère, neutres pour budget de l’établissement. Un transfert de la masse salariale de l’établissement public sera opéré vers le titre II du ministère pour faire suite aux titularisations dans le cadre de la loi Sauvadet de « déprécarisation » de l’emploi public. Des emplois, auparavant pris en charge par le budget du Château de Versailles, le seront désormais par le ministère de la culture. De surcroît, le ministère supportera le poids des effectifs nécessaires à l’ouverture du château sept jours sur sept dans l’hypothèse où l’expérimentation serait mise en oeuvre.
Le prélèvement de 1,11 million sur le programme 131 remettrait en cause les efforts du Gouvernement dans le domaine de la création artistique sans pour autant permettre de tenir les promesses du schéma directeur du Château de Versailles, lequel, répétons-le, sera bien respecté. Je vous propose de retirer cet amendement sinon j’y serai défavorable.
Il s’agit bien évidemment d’un amendement d’appel pour nous permettre de discuter de ce sujet. Mme Pompili reconnaissait elle-même que le budget de la création diminuait significativement, ce que je regrette également.
Il est aujourd’hui prévu que le Château ouvre sept jours sur sept mais comment croire que les recettes augmenteront pour autant ? C’est mal connaître le fonctionnement du Château car les jours de fermeture au public permettaient d’ouvrir le Château aux opérations de partenariat ou aux tournages de films. Ce seront des recettes en moins. De surcroît, l’ouverture au public impose des frais d’entretien supplémentaires et ces opérations devront dès lors se dérouler la nuit. Pardonnez-moi, mais cette initiative, pour le moment, est fort mal pensée. Je retire néanmoins mon amendement.
L’amendement no 479 est retiré.
Loin de moi l’idée de toucher aux crédits dédiés au patrimoine mais en ces temps de disette budgétaire – le mot est faible –, toute augmentation des crédits doit être justifiée.
Sauf erreur de ma part, ce n’est pas le cas de l’action « Patrimoine linguistique », qui augmente de 300 000 euros par rapport à 2014. Pourtant, la liste des missions n’a pas changé. Cette hausse s’explique en partie par l’augmentation des dépenses d’intervention pour la DGLFLF – la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Dans certains cas, le nombre de dossiers que doit traiter cet organisme augmente ; mais le coût unitaire de traitement des dossiers augmente aussi. Si le coût unitaire était resté au niveau de l’an dernier, la hausse de ces dépenses aurait été plus limitée.
Vous me direz que ce sont là des détails, mais – comme nous l’avons vu en examinant la mission précédente – ces hausses, lorsqu’elles sont mises bout à bout, peuvent atteindre des montants non négligeables. De toute façon, aucune somme n’est négligeable quand le déficit public s’élève à 4,5 % du PIB !
Votre amendement, mon cher collègue, vise à diminuer les crédits du programme « Patrimoine ». Or – comme je le disais tout à l’heure en répondant à notre collègue François de Mazières – ce programme a déjà diminué de 13 % au cours des deux derniers exercices. Ses crédits sont à présent stabilisés, mais on demande encore des efforts à deux opérateurs : le Louvre et le musée d’Orsay. Je pense donc qu’il est vraiment important d’inaugurer une période de stabilité ; en ce sens, Mme la ministre s’est engagée à maintenir ces crédits au cours des trois prochains exercices.
Au-delà du sujet que vous évoquez, je vous demande de tenir compte de cela. Il faut stabiliser les moyens alloués aux opérateurs qui défendent la qualité du patrimoine pour le public et assurent le rayonnement de la France dans le monde.
Monsieur le député, vous proposez de neutraliser l’augmentation de 300 000 euros des crédits de l’action « Patrimoine linguistique » en transférant ces crédits vers le programme « Création ». Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’augmentation des crédits de l’action « Patrimoine linguistique » est destinée à concrétiser les recommandations du Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, qui a remis son rapport le 15 juillet 2013. Cette augmentation permettra notamment de lancer un programme d’enquête scientifique destiné à mesurer la place de ces langues dans les différents champs de la vie économique, sociale et culturelle, afin de contribuer à éclairer l’action publique dans ce domaine. Je précise que c’est particulièrement important pour les outre-mer.
Par ailleurs, l’augmentation de 300 000 euros des crédits dévolus au patrimoine linguistique constitue la première évolution sensible depuis 2010. Alors que la mondialisation modifie les usages de la langue française et des langues de France, je pense que la préservation de notre patrimoine linguistique justifie cette augmentation.
Enfin, une baisse de 300 000 euros, soit 10 % des crédits alloués à cette action, remettrait en cause significativement les inflexions décidées par le Gouvernement pour 2015 dans ce domaine. Je vous demande donc de retirer cet amendement, auquel je suis défavorable.
L’amendement no 472 est retiré.
Les crédits de la mission « Culture » sont adoptés.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 480 .
Comme je l’évoquais tout à l’heure, nous connaissons de graves difficultés en matière de patrimoine. Il faut trouver de nouvelles recettes : nous en sommes tous convaincus.
Pour cela, on pourrait recourir à un tirage exceptionnel du loto. Vous savez que ce système de financement est très pratiqué en Angleterre et en Allemagne. Je sais bien, madame la ministre, que si vous acceptiez d’employer ce procédé, vous vous heurteriez à l’opposition du ministère des finances, même si vos propres services sont très efficaces. Malgré cela, permettez-moi de vous présenter les arguments qui militent en faveur de ce système.
Quel serait l’intérêt d’un tirage spécial du loto pour les journées du patrimoine ? On a le sentiment que la culture en France n’a plus de souffle, mais imaginez que les millions de personnes qui profitent des journées du patrimoine aient la possibilité de contribuer, ces jours-là, à l’entretien des monuments : vous obtiendriez ainsi des recettes vraiment nouvelles !
Je vous incite donc à plaider ce dossier auprès de M. le ministre des Finances. Je sais qu’il sera assez réticent de prime abord, mais si vous démontrez que ce tirage spécial permettrait de dégager des recettes nouvelles, qui s’ajouteraient aux recettes existantes, vous gagnerez. Nous gagnerons ensemble, car ensemble nous aimons la culture.
Mon cher collègue, bien qu’il n’ait pas non plus été examiné par la commission des finances, je me permettrai de vous donner mon avis sur votre amendement. Une remarque : l’exposé sommaire de votre amendement évoquez le prélèvement de 1,8 % sur les jeux et loteries exploités par La Française des jeux, qui finance le Centre national du développement du sport.
Je dis cela à l’intention de nos collègues Régis Juanico et François Rochebloine, ainsi qu’à l’intention de M. le ministre des sports.
Il faut ajouter à ce prélèvement de 1,8 % un prélèvement supplémentaire de 0,3 % visant à financer la construction ou la rénovation des stades de football dans la perspective de l’Euro 2016. Vous voyez que le chiffre d’affaires de La Française des jeux est déjà grevé par des prélèvements assez importants. Nous avons vu en 2010, à l’occasion du débat sur l’ouverture et la régulation des jeux en ligne – dont le modèle repose essentiellement sur les paris sportifs –, que c’est un moyen non négligeable pour abonder les caisses de l’État.
Certes, comme vous l’avez dit, votre amendement ne fait que demander un rapport ; nous devrions néanmoins être très attentifs à l’équilibre économique des jeux de hasard en France. Vous proposez un nouveau prélèvement, mais la ressource n’est pas inépuisable ! On l’a bien vu au moment de l’ouverture des jeux en ligne : entre le poker, les paris hippiques et les paris sportifs, l’équilibre était fragile, avec des pertes substantielles pour le PMU et le poker.
Je n’ai pas d’avis particulier à donner à propos de cette demande de rapport ; simplement, je vous mets en garde : faites attention aux conséquences potentielles du tirage spécial que vous proposez, y compris sur le CNDS, et donc sur le développement de la pratique sportive de proximité.
Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le rapporteur !
Je suis assez sensible à l’argumentation développée par M. le rapporteur. Il faut tenir compte des conséquences de l’instauration d’un tirage exceptionnel sur le taux de retour pour les joueurs. Il faut également s’interroger sur la perte de recettes pour le budget de l’État…
Non, justement, il n’y aurait aucune perte pour l’État, puisque ce serait une ressource totalement nouvelle !
…puisqu’une partie des sommes misées par les joueurs dans le cadre de la Loterie nationale revient à l’État.
Malgré cela, puisque cet amendement vise uniquement à demander un rapport, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
J’ai pris connaissance avec attention de cet amendement de M. de Mazières et plusieurs de ses collègues. Il ne s’agit pas, en effet, de transférer des crédits d’un programme à un autre.
Mme la ministre a donné un avis de sagesse. J’avoue, pour ma part, que cet amendement a suscité spontanément mon intérêt. Tout d’abord, il s’agit simplement de demander un rapport pour évaluer la possibilité d’instaurer un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des journées européennes du patrimoine. On sait, par ailleurs, le succès populaire que connaissent les journées du patrimoine en France chaque année. Un tel tirage spécial se pratique dans des pays voisins du nôtre – et si semblable à lui.
Il est vrai que les crédits du patrimoine ont besoin de ressources supplémentaires. Nous nous réjouissons tous de la stabilité des crédits affectés au patrimoine pour l’année à venir, mais les députés de l’opposition ont regretté le sort réservé à ces crédits lors des deux derniers exercices budgétaires. Qu’ils me permettent de rappeler, pour mémoire, que le décrochage de ces crédits – dont nous portons collectivement la responsabilité – date d’une quinzaine d’années. Tenez-vous bien : au début des années 2000, les crédits du patrimoine s’élevaient à près de 500 millions d’euros par an ! On considérait même, à l’époque, qu’il était impossible de descendre sous ce niveau. C’est au cours de la décennie 2000 que ce lent décrochage s’est produit, ce qui a amené Dominique de Villepin, lorsqu’il était Premier ministre, à décider d’un plan d’urgence sur deux ans, mobilisant 150 millions d’euros, pour éviter des catastrophes.
Je ne serai pas plus long, monsieur le président. Je vous remercie de m’avoir laissé le temps de faire ces quelques rappels historiques quant à notre budget. Quoi qu’il en soit, il me semblerait très utile de disposer de ce rapport. En tant que président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, aussi bien qu’à titre personnel, je souhaite que nous adoptions cet amendement.
L’amendement no 480 est adopté.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (no 2260, annexe 46, no 2261, tome X).
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, j’ai ce soir, une pensée particulière pour M. Jean-Pierre Allossery, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles sur le budget de cette mission.
Le projet de loi de finances pour 2015 reflète les priorités politiques du Gouvernement. Parmi ces priorités, trois relèvent – au moins en partie – de ma responsabilité. Elles traduisent une ambition : la cohésion.
Première priorité : faire en sorte que les jeunes vivent mieux en 2017 qu’en 2012. Par l’emploi, la mobilité internationale, la formation, l’engagement, le plein exercice de leur citoyenneté, nous voulons, mesdames et messieurs les députés, donner aux jeunes les moyens de leur émancipation et de leur épanouissement. Les jeunes ont l’impression d’être une génération sacrifiée ; nous leur devons concrètement une place dans notre société, que ce soit dans l’économie, dans la vie politique, ou dans d’autres secteurs.
C’est pourquoi, comme l’avaient suggéré certains députés, un effort particulier sera réalisé pour les emplois d’avenir et le service civique. Je reviendrai sur ce point au moment de l’examen de l’amendement no 608 du Gouvernement. Comme cela a été annoncé lors de la discussion des crédits de la mission « Travail et emploi », le Gouvernement entend porter de 40 000 à 45 000 le nombre de volontaires engagés dans ce dispositif en 2015. Le service civique continuera ainsi de monter en puissance ; le Président de la République s’est engagé à atteindre le chiffre de 100 000 volontaires en 2017.
Deuxième priorité : poursuivre notre soutien à la vie associative et à l’éducation populaire. La vitalité associative participe autant à la cohésion de notre pays qu’au dynamisme de notre économie. Comme vous le savez, les associations représentent un emploi privé sur dix, soit 1,8 million d’emplois non délocalisables et qualifiés, au sein de 165 000 associations. C’est pourquoi le soutien direct à l’emploi associatif est totalement préservé : 25 millions d’euros iront au Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, le FONJEP. Par ailleurs, alors que le Gouvernement a décidé d’appliquer un effort transversal aux crédits d’intervention, les autres crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative ne baisseront que de manière limitée.
Troisième priorité : faire du sport un vecteur de cohésion et de rayonnement de la France. J’en profite pour saluer M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports. L’accueil de grandes compétitions sportives comme la pratique quotidienne du sport sont des occasions pour les Français de se retrouver. Notre pays en a plus que jamais besoin. Je veillerai notamment à ce que ce budget, égal à périmètre constant à celui de 2014, aide à développer la pratique sportive des publics qui en sont les plus éloignés : je pense aux personnes handicapées et aux habitants des zones urbaines sensibles. Je n’oublie pas non plus que la féminisation du sport en France est une priorité.
Pour assurer ces priorités politiques, il a fallu prendre des décisions structurelles. La première concerne le CNDS : nous avons constaté que les missions et les comptes de cet organisme avaient dérivé. En 2012, nous avons en effet réalisé que le CNDS s’était éloigné du sport pour tous et avait accumulé plusieurs centaines de millions d’euros de dettes. Mes prédécesseurs, en particulier Valérie Fourneyron, ont redressé les comptes du CNDS et levé l’hypothèque qui pesait sur le financement des stades de l’Euro 2016, grâce à la prolongation de la ressource exceptionnelle assise sur les revenus de La Française des jeux, à hauteur de 32 millions d’euros.
Nous continuerons à la percevoir.
Il est à présent nécessaire de passer à un nouvel acte de la réforme du CNDS, en réinventant ses modes d’intervention. En matière d’équipement, notamment, le dispositif est insatisfaisant. L’aide du CNDS est distribuée sans véritable appel à projets, sans véritable stratégie, sans véritable priorisation. Son effet de levier est très faible, comme l’a montré un récent rapport de l’inspection générale de la jeunesse et des sports. Ce rapport a d’ailleurs été mis à votre disposition, comme je m’y étais engagé en commission élargie.
Nous mènerons cette réflexion en 2015, en concertation étroite avec l’ensemble des acteurs – les collectivités territoriales mais aussi, cela va de soi, le mouvement sportif. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à le faire.
Gardons à l’esprit que la part consacrée par les collectivités locales à l’investissement sportif représente plus de 5 milliards d’euros.
Les collectivités locales sont donc propriétaires de la quasi-totalité des 270 000 équipements sportifs et de 100 % des équipements sportifs publics.
Ainsi, l’aide de l’État au titre des équipements sportifs est donc résiduelle, madame la ministre Buffet, au regard de la dépense des collectivités qui, de surcroît, vont bénéficier de 423 millions d’euros supplémentaires au titre de la dotation de soutien à l’investissement local et de la majoration significative de 30 % de la dotation d’équipement des territoires ruraux. Il va de soi que ces dispositifs de droit commun, mesdames et messieurs les députés, serviront aussi les équipements sportifs de proximité.
Enfin, s’agissant de la rationalisation des opérateurs en charge de la jeunesse, nous envisageons de renforcer le pilotage de la priorité accordée à la jeunesse, de créer un opérateur unique et de mutualiser les moyens.
J’espère, mesdames et messieurs les députés, que vous apprécierez l’esprit d’équilibre dans lequel ce budget a été composé : c’est un budget tout à la fois volontaire et soucieux de préserver nos finances publiques, et je forme le voeu qu’il reçoive votre assentiment !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux porte-parole des groupes. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce budget doit avoir pour fil conducteur la lutte contre les inégalités territoriales et sociales. Notre société doit pouvoir offrir aux générations actuelles et à venir les mêmes droits et les mêmes chances de réussite et d’épanouissement, indépendamment de l’origine sociale ou du lieu d’habitation des uns et des autres.
C’est ce qui explique l’importance de ce budget, qui illustre cette volonté d’agir concrètement en permettant à chacun d’entre nous d’avoir accès à un terrain de football, de savoir nager, d’apprendre à jouer de la musique, et ce quel que soient notre âge, nos moyens ou notre lieu de résidence. Ce budget doit également illustrer la mobilisation en faveur de la jeunesse.
Cependant, seule une approche interministérielle multipliant les synergies au profit de la lutte contre les inégalités permettra de redonner des perspectives aux jeunes et de rétablir leur confiance.
Examinons par exemple la réforme des rythmes scolaires, cet outil de démocratisation de l’accès des écoliers aux activités culturelles et sportives. Pour qu’elle puisse déployer toutes ses potentialités, il faut renforcer les passerelles entre l’éducation nationale et les acteurs de la culture, de la santé, de l’éducation populaire, du sport et de la vie associative en général.
Le service civique, ensuite, qui est le principal levier de la politique en faveur de la jeunesse, constitue un outil intéressant contre les inégalités, qui doit notamment contrecarrer le décrochage scolaire et faciliter la réorientation et l’insertion professionnelle des jeunes. Autre intérêt de ce dispositif : il contribue à diffuser une appétence pour l’engagement citoyen, et donc pour le « vivre ensemble ». Toutefois, j’ai déjà eu l’occasion de répéter que si, au regard des objectifs annoncés, le manque de financements parait évident, nous avons surtout besoin d’en faire un premier bilan car force est de constater – entre autres choses – que le brassage social est insuffisant. La faiblesse des niveaux de rémunération des jeunes en service civique ainsi que leur statut posent également question.
Il en va de même du tutorat à mettre en place et de la formation des tuteurs et des jeunes. J’en profite pour souligner que les emplois d’avenir et leurs tuteurs ont les mêmes besoins.
Enfin, j’insiste sur nos craintes de voir la montée en puissance du service civique se faire au détriment des autres moyens consacrés à la vie associative et à l’éducation populaire, car c’est bel et bien l’ensemble des acteurs de la vie associative qui participent à la lutte contre les inégalités.
Si les annonces concernant les conventions pluriannuelles d’objectifs et la mise en place d’un dossier unique de subvention vont dans le bon sens, nous considérons que le secteur associatif doit bénéficier de davantage de soutien. Il s’agit en effet d’être en cohérence avec la coconstruction des politiques publiques qui est bien souvent de mise, et avec la reconnaissance inhérente de ce qu’apporte le tissu associatif à notre société – notamment en cette période de crise, car les besoins augmentent et les pouvoirs publics s’appuient de plus en plus sur ces acteurs pour de nombreuses missions.
De ce fait, il est nécessaire de mieux soutenir les expérimentations. Cette situation explique aussi l’inquiétude qui s’exprime face à la diminution des fonds dédiés à la vie associative, comme le fonds pour le développement de la vie associative, et face au recul des subventions accordées aux structures de l’éducation populaire. Il faut naturellement mieux reconnaître et soutenir l’engagement des bénévoles, mais n’oublions pas le problème de la précarisation des salariés des associations.
En tant que présidente du groupe d’études sur l’intégration des personnes en situation de handicap, je souhaite aussi insister sur l’attention spécifique qui doit être accordée à l’engagement associatif des personnes handicapées.
Si les spécificités de l’accès de ce public aux pratiques sportives semblent mieux prises en compte, l’engagement associatif ne saurait se limiter au sport et, même dans ce champ-là, il faut aller encore plus loin pour atteindre les exigences de la société inclusive que nous évoquons si souvent.
J’en viens justement à la politique sportive. Nous sommes tous d’accord ici pour reconnaître à quel point elle contribue au « vivre ensemble ». Vous ne vous étonnerez donc pas qu’aux grands équipements à usage limité, nous préférions accorder davantage de soutien à la « pratique du sport pour toutes et tous ». Il s’agit de privilégier les publics éloignés du sport mais aussi les territoires, en ciblant les équipements de proximité, les zones rurales et les quartiers en difficulté. Or, la réduction de l’enveloppe dédiée aux subventions d’équipements et les modifications des modalités d’attribution ne présagent rien de bon.
La presse vient en outre de se faire le relais d’une mesure qui, si elle était confirmée, serait inquiétante car elle irait à l’encontre des principes prônés : l’UEFA serait exonérée d’impôts pour l’Euro 2016. Au vu de l’importance des financements consacrés à cette compétition, le manque de clarté quant au soutien de l’État au « Gay Games » est une autre source d’inquiétude. Utilisant les équipements déjà existants, cet événement ouvert à tous contribue au vivre ensemble et à la lutte contre les discriminations.
Enfin, les objectifs sociaux et environnementaux des projets financés mériteraient d’être mieux pris en compte.
En conclusion, nous voterons ce budget, monsieur le ministre, mais nous espérons que nos craintes et nos doutes seront entendus et pris en compte !
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, tout justifiait que les crédits de cette mission soient en augmentation. Elle incarne une démarche éducative et citoyenne – l’éducation populaire – et devrait être reconnue prioritaire au même titre que l’éducation Nationale.
Alors que la France reçoit l’Agence mondiale antidopage, qu’elle réfléchit à une candidature aux Jeux olympiques d’été et qu’elle se prépare à l’Euro 2016, il serait incompréhensible que les crédits du sport de haut niveau – je veux ici saluer nos équipes pour leurs résultats – reculent. De même, il serait incompréhensible que les associations sportives, qui fondent le modèle sportif français et lui donnent toute son efficacité, soient privées des moyens nécessaires à l’accueil de tous les licenciés dans la diversité des pratiques. Enfin, l’apport des associations à l’aménagement du territoire, au développement économique et à l’emploi n’est plus à démontrer. L’argent public, dans ces domaines, est un investissement efficace.
Pourtant vos crédits, monsieur le ministre, sont de nouveau en baisse, fragilisant un peu plus la capacité d’initiative, de soutien et de régulation de l’État – lequel a pourtant la responsabilité d’assurer à tous nos compatriotes l’effectivité de leurs droits en partageant des missions de service public avec le mouvement sportif et d’éducation populaire.
Un Français sur dix est engagé bénévolement. Les associations représentent 10 % de l’emploi salarié privé. Cependant, leurs subventions connaissent une baisse « limitée », selon la belle formule que vous avez utilisée, monsieur le ministre.
Leur financement est trop souvent soumis aux appels d’offres ; il en résulte un double phénomène d’instrumentalisation et de perte d’emplois – au moins 11 000 emplois en moins en 2011 ! Pour remplir leurs objectifs, les bénévoles ont vraiment besoin de subventions pérennes.
Un seul crédit est en augmentation : celui du service civique. On ne peut que s’en féliciter, car il favorise l’engagement des jeunes. Cependant, il ne saurait être financé au détriment des associations et de l’emploi associatif. Il faut envisager un financement interministériel et je sais, monsieur le ministre, que vous avancez en ce sens.
En ce qui concerne le développement de la pratique sportive, tous les clignotants sont au rouge. La marginalisation de ce budget se poursuit. En commission élargie, vous nous avez dit que vous assumiez la baisse des crédits du Centre national pour le développement du sport, le CNDS. Je sais qu’il a été amputé au cours de la gestion précédente, et j’ai entendu que vous doutiez de son rôle de levier dans le financement des petites infrastructures. Soit, mais alors que la dotation des collectivités territoriales – à qui vous avez rendu hommage – est amputée, comment et par qui les clubs et les équipements de proximité vont-ils être financés ?
J’ai pris connaissance de votre volonté de promouvoir un « sport santé » et de faire le lien avec les priorités liées à la politique de la ville, mais le sport doit être considéré en soi. C’est partout, sur tout le territoire, que nos compatriotes doivent à tout âge avoir accès à la pratique sportive de leur choix. Alors que nous entrons en année pré-olympique, la France ne peut conserver sa cinquième ou sixième place mondiale – vous le savez – que grâce à l’excellence des équipements sportifs et des clubs, où les futurs champions font leurs débuts.
Selon la presse, le prochain conseil des ministres devrait décider d’exonérer de tout impôt hors TVA non seulement les entités chargées d’organiser l’Euro 2016, mais aussi toutes celles qui sont chargées des compétitions sportives internationales majeures. L’État semble vouloir s’imposer une nouvelle norme pour obtenir l’organisation de grands événements sportifs, plutôt que de rationaliser les normes existantes. Ce serait pourtant une méthode de bon sens, alors que le Comité international olympique peine à trouver des villes candidates pour accueillir les Jeux olympiques d’hiver. Sur cette question, un débat doit se tenir entre les États et le CIO ; l’UNESCO peut en être le vecteur, comme elle l’a fait pour l’Agence mondiale antidopage. Ce serait également l’occasion d’aborder la questions de l’éthique dans le sport.
La France doit rester en pointe avec l’Agence française de lutte contre le dopage et l’Autorité de régulation des jeux en ligne. Elle doit mener la lutte contre toutes les discriminations et toutes les dérives dans le sport – l’actualité nous appelle en effet à une mobilisation permanente.
Je conclurai en évoquant la situation des personnels. Par leurs liens directs avec les associations et les collectivités, ils font vivre le partage des missions de service public au quotidien. Or, vous savez, monsieur le ministre, que ces personnels souffrent d’avoir perdu leur désignation « Jeunesse et sports », fondue dans la cohésion sociale, alors qu’ils relèvent du pôle éducatif.
Monsieur le ministre, alors que nous devrions faire le choix politique de donner pleinement les moyens à nos jeunes, à notre tissu associatif et à nos sportives et nos sportifs de réussir et de continuer à nourrir la vitalité économique et sociale, ce budget envoie un message légèrement négatif. Il ne répond pas aux ambitions et aux objectifs que nous sommes en droit d’attendre et qu’à vous entendre, vous souhaitez défendre. C’est pourquoi les députés du Front de gauche ne pourront pas le voter.
La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, c’est avec satisfaction que nous abordons la dernière partie de l’examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Satisfaction parce que les crédits de la mission pour l’année 2015 sont globalement préservés à périmètre constant, que ce soit pour le sport ou pour la jeunesse et la vie associative, alors que nous sommes dans un contexte d’économies. Cette stabilité témoigne ainsi de la cohérence des engagements gouvernementaux en faveur d’une politique de jeunesse qui soit au coeur des priorités de notre République.
Lors de la commission élargie qui s’est tenue le 21 octobre, monsieur le ministre, vous avez pu entendre nos interrogations sur un certain nombre de sujets.
La première concernait notre crainte que la montée en charge du service civique ne se fasse d’une part au détriment du financement des associations et, d’autre part, qu’elle ne soit pas assez rapide pour atteindre l’objectif des 100 000 jeunes en 2017 ; vous avez su nous rassurer sur ce point.
De surcroît, un amendement déposé lundi dernier par le groupe socialiste lors de l’examen de la mission « Travail et emploi » a permis de conforter cette montée en charge, avec la création de 5 000 contrats de services civiques en plus de ceux qui sont déjà prévus dans la mission « Sports, jeunesse et vie associative » pour un montant de 25 millions d’euros ; nous nous en félicitons.
Dans le même sens, je tiens à saluer le travail conduit par notre collègue Yves Blein, qui vient de rendre son rapport sur les mesures de simplification en faveur des associations. Les mesures ainsi préconisées vont permettre de lever un certain nombre de freins qui entravent l’action de ces associations, pourtant déterminante pour la cohésion sociale de notre pays.
Lors de la même commission élargie, je m’étais félicitée au nom du groupe SRC des axes stratégiques de ce budget en matière de sport. La priorité donnée à l’accès au sport pour tous, considérant notamment qu’il s’agit d’un levier de santé publique, s’inscrit avec justesse dans une politique publique du sport plus universelle.
Toutefois, une certaine inquiétude demeure quant à la réorientation des missions du CNDS, décidée compte tenu de la mauvaise santé financière héritée de cet établissement. Par ce budget, vous souhaitez redéfinir ses missions, particulièrement sur la ligne budgétaire dédiée aux équipements.
Si l’effet de levier du CNDS n’est pas probant concernant l’aboutissement des projets d’équipements des collectivités, il n’en reste pas moins qu’il demeure un label susceptible de rendre un dossier financièrement acceptable.
D’autre part, privilégier les équipements structurants dans la perspective de l’organisation de grandes compétitions nous éloigne de la priorité donnée au développement de la pratique du sport par le plus grand nombre.
Jusqu’à aujourd’hui, hormis quelques interventions marginales, les politiques publiques du sport n’ont concerné finalement que 25 % de nos concitoyens licenciés dans un club de sport, essentiellement dans une perspective de participation à des compétitions.
Aussi, il conviendrait peut-être d’investir ce vaste chantier afin de répondre aux besoins de tous ceux qui ne trouvent pas de réponses appropriées à leurs demandes de pratique d’activités sportives dans une perspective de santé – à titre préventif comme curatif –, de bien être individuel et collectif ou de loisirs actifs en milieu naturel.
Par exemple, une des pistes à envisager pourrait être d’affecter les moyens du CNDS en priorité aux programmes nationaux d’accessibilité. Sur le modèle des pays anglo-saxons et scandinaves, ces programmes pourraient faire l’objet d’une mise de fonds publique initiale permettant d’engager des financements provenant d’autres acteurs publics – collectivités territoriales, agences ou établissements publics – et privés – fondations, mutuelles, assurances complémentaires, mécénat d’entreprise.
La crainte de nombreux élus mérite d’être entendue. Aussi, nous souhaiterions qu’un premier bilan soit fait au cours de cette année avant d’envisager la poursuite de la diminution des recettes de 33 millions d’euros sur les trois années à venir.
En conclusion, et une fois ces craintes exprimées, ce budget est adapté à l’ambition d’une politique volontariste en faveur du sport et de la jeunesse, qui traduit dans les actes nos engagements. C’est pourquoi, le groupe SRC votera les crédits pour 2015 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, les crédits alloués en 2015 à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » sont en légère diminution de 1,4 % en autorisations d’engagement et de 0,1 % en crédits de paiement, ce qui représente un total de 434 millions d’euros, soit 0,17 % du budget de l’État, alors que la part des dépenses sportives dans le PIB est de près de 2 %.
Avec 228 millions d’euros contre 231 millions d’euros en 2014, le programme « Sport, jeunesse et vie associative » subit une diminution de 1,3 %, celle-ci touchant principalement le sport de haut niveau. Alors que le CNDS est le principal artisan du sport pour tous, le Gouvernement a choisi de baisser les recettes qui lui sont affectées de 33 millions d’euros sur la période 2014-2017, dont 13 millions d’euros dès 2015. Les subventions d’équipement s’en trouveront réduites d’un quart. Cela est d’autant plus navrant que, selon le président de l’association des élus en charge du sport, l’ANDES, le soutien du CNDS aux équipements sportifs a autant un effet de levier qu’une valeur de label pour les cofinanceurs.
Dans la première partie du projet de loi de finances, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à supprimer la taxe sur les spectacles afférents aux réunions sportives et à assujettir la billetterie sportive à la TVA. Monsieur le ministre, une estimation des conséquences de cette nouvelle taxation est-elle disponible ? Ne risque-t-elle pas de générer des effets indésirables, notamment sur des organisateurs qui ne paient pas la taxe sur les spectacles ?
Cet été, les sportifs français ont remporté de nombreux titres : vingt-trois médailles aux championnats d’Europe d’athlétisme et dix médailles aux championnats d’Europe de natation. De plus, l’équipe de France de football a réalisé une très belle Coupe du monde et nos cyclistes se sont distingués à l’occasion du Tour de France. Durant la même période, la France a su bien accueillir la coupe du monde féminine de rugby et les jeux équestres mondiaux. La France a renforcé ces vingt dernières années son excellence dans l’organisation d’événements sportifs.
Cependant, derrière la vitrine médiatique, le sport reste un secteur d’activité insuffisamment reconnu et exploité. Malgré ses 17 millions de licenciés, ses 3,5 millions de bénévoles et ses 170 000 salariés, malgré une dépense sportive évaluée à 35 milliards d’euros, le sport n’est pas suffisamment utilisé comme vecteur de développement et de croissance économique.
Les données concernant l’économie du sport manquent de visibilité. Le marché mondial du sport pèse aujourd’hui plus de 450 milliards d’euros et connaît une croissance moyenne de 4 % par an. Le sport a, chacun le sait, une interaction positive avec un grand nombre d’autres domaines, qu’il s’agisse de la santé publique, du développement local et touristique, des liens sociaux, de l’intégration et de l’éducation. Notre pays, monsieur le ministre, n’investit pas suffisamment dans le sport pour avoir des retombées économiques intéressantes.
Autre thème de cette mission, la jeunesse est une priorité affichée par le Président de la République, le Gouvernement et sa majorité. Dès lors, il apparaît surprenant de constater que les crédits affectés à la vie associative et à l’éducation populaire connaissent une forte baisse, alors même que l’engagement associatif a été reconnu grande cause nationale 2014. Il s’agit sans aucun doute d’une illustration supplémentaire de la méthode de ce Gouvernement, dont les actes ne sont jamais en adéquation avec les mots.
Cela étant, le groupe UMP ne peut que saluer la volonté de l’exécutif de valoriser le service civique et l’objectif annoncé par le Président de la République de 100 000 volontaires en 2017. Le Gouvernement peut-il nous assurer, monsieur le ministre, que le service civique conservera son statut prioritaire, malgré la situation économique de notre pays et les contraintes budgétaires qui en résultent ?
Cependant, en dépit de ce point positif, le programme « Jeunesse et vie associative » est difficilement lisible. On ne peut que s’inquiéter des orientations budgétaires marquées par la diminution du financement alloué aux associations de jeunesse et d’éducation populaire. Les conséquences de la baisse du budget du programme « Jeunesse et vie associative » seront aggravées par la fragilité financière des collectivités territoriales, qui pèse directement sur leur capacité d’intervention dans le champ de la jeunesse et de l’éducation populaire.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP ne votera pas les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, si je devais qualifier le budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » en termes médicaux, je parlerai simplement d’encéphalogramme plat. En effet, celui-ci est loin d’être à la hauteur des attentes du monde sportif, de ses licenciés et de ses nombreux pratiquants.
Une nouvelle fois, ce budget connaît une diminution – c’est une tendance constante, me direz-vous, quels que soient les Gouvernements. En effet, si l’on s’en tient aux deux programmes traditionnels relevant de la mission interministérielle – le programme 219 « Sport » et le programme 163 « Jeunesse et vie associative » –, le budget de la Jeunesse et des Sports connaît une baisse de 12 millions d’euros, soit 2,6 %.
Si le domaine de la culture a été sanctuarisé par le Président de la République, il n’en est pas de même pour le sport. Loin de moi d’opposer culture et sport : les deux sont tout aussi importants. De la même manière, il serait ridicule d’opposer le sport professionnel au sport pour tous. Si la culture a un ministre de plein exercice, le sport doit se contenter – pardonnez le terme, monsieur le ministre – d’un secrétaire d’État, et ce n’est pas le fait du Gouvernement actuel, car il en était de même avec la précédente titulaire du portefeuille, Madame Najat Vallaud-Belkacem. En résumé, le sport et la jeunesse ne sont pas la priorité de ce Gouvernement.
Ce budget est la copie conforme du budget précédent. Le budget du sport est en diminution de 8,5 millions d’euros, soit 3,5 %, alors que les crédits du CNDS sont en réduction de 13 millions d’euros, d’où l’inquiétude des associations quant à son devenir. Avec le relèvement du seuil de financement à 1 500 euros, de nombreuses associations s’en trouveront écartées. De plus, en commission élargie, le secrétaire d’État chargé des sports a reconnu la complexité des dossiers de demande de subventions et rejoint ma critique en ce sens. Il m’avait alors donné son accord pour revoir cette procédure infernale. J’en ai pris bonne note et j’espère que ses propos seront suivis d’effet.
Par ailleurs, j’ai été surpris, lors de cette même commission élargie, par les propos du secrétaire d’État chargé du sport sur l’aide apportée aux collectivités territoriales pour la réalisation de terrains synthétiques. Je le cite : il « reste donc la part équipement. Je suis en désaccord avec le Président de l’ANDES, Jacques Thouroude ». Il a ajouté : « je le dis sans ambages, nous avons atteint les limites du système. Est-ce vraiment le rôle du CNDS que de participer à la rénovation des pelouses synthétiques des stades de football ? Sur les 24 millions d’euros de subventions attribuées lors du dernier conseil d’administration, une grande partie est affectée à la natation, ce qui est logique, mais 80 % de ce qui reste est distribué au football et, dans une moindre mesure, à l’athlétisme et au rugby ». Enfin, il conclut ainsi : « il faut donc réfléchir à l’emploi de ces marges de manoeuvre retrouvées en 2017 et aux méthodes, qui relèvent souvent du copinage ». Il porte ainsi une accusation grave, que je récuse – je pense ne pas être le seul.
Ces terrains sont une source d’économie pour les collectivités et permettent aux clubs de progresser sans être tributaires des aléas de la météo, comme le savent très bien le secrétaire d’État chargé des sports et le rapporteur spécial, avec lequel nous avons inauguré il y a quelques jours dans une commune de sa circonscription un terrain synthétique, dont il s’est félicité de la qualité.
Dans votre budget, monsieur le ministre, le contenu du programme d’actions envisagées et son énoncé tiennent davantage d’une litanie que d’une vision constructive ou réformatrice du sport. Une nouvelle fois, le sport pour le plus grand nombre, le sport pour tous, connaît le recul le plus sensible, avec une baisse de 6,6 millions d’euros. Certes, ces crédits seront abondés comme d’habitude à hauteur de 19,5 millions d’euros par le CNDS.
Dans le peu de temps qui m’est donné, permettez-moi quelques mots sur le sport de haut niveau. Au-delà des félicitations amplement méritées que j’adresse à nos nombreux médaillés des championnats d’Europe d’athlétisme à Zürich, je constate que les crédits accordés au sport de haut niveau sont en diminution de 5 millions d’euros, si l’on prend en compte la titularisation des contractuels, en application de la loi qu’a fait voter un ancien ministre, mon ami François Sauvadet, sous la précédente législature. Le soutien très substantiel accordé aux contrats locaux de sécurité apparaît comme dérisoire, si l’on s’en réfère à différents incidents récemment survenus.
Enfin, quelques mots sur le sport professionnel, alors que, dans moins de deux ans, nous accueillerons les championnats d’Europe de football. Il faut arrêter de stigmatiser le football professionnel, qui est en difficulté, comme vous le savez. En effet, chaque club commence le championnat avec un budget en déficit.
Par ailleurs, interrogeons-nous sur les raisons qui incitent autant de joueurs français à évoluer aujourd’hui à l’étranger ? Les clubs ont dû faire face à la suppression du droit à l’image sous la précédente législature, puis subir la taxe de 75 %, avec des frais supplémentaires imposés pour la sécurité. Comparez avec l’Allemagne, vous serez surpris des différences !
En résumé, monsieur le ministre, vous aurez compris que ce budget est loin de nous donner satisfaction. Aussi, vous ne serez pas étonné de l’opposition du groupe UDI à l’adoption de ce budget. II ne suffit pas de recevoir nos sportifs après d’excellents résultats internationaux – même s’il est nécessaire de le faire –, il faut d’abord donner des moyens au monde sportif, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui. Monsieur le ministre, je vous souhaite bonne chance, à vous qui venez de rentrer en fonction. J’espère que vous nous présenterez l’an prochain un meilleur budget !
C’est le vingt-septième budget sur lequel j’interviens et je dois dire que je ne les ai pas souvent votés.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Nous commençons par une question du groupe SRC. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation de certains clubs sportifs, notamment de l’Essonne, victimes de contrôles de l’URSSAF requalifiant les dédommagements accordés à des bénévoles en salaire. Peut-on espérer une définition du statut du bénévole dans les clubs sportifs, l’instauration de règles permettant l’indemnisation des frais engagés par les bénévoles sans risque de requalification, ainsi qu’un moratoire sur les contrôles parfois agressifs ?
Madame la députée, vous avez raison de souligner que les bénévoles du secteur sportif jouent un rôle essentiel d’animation de nos territoires au plus proche de nos concitoyens. La situation particulière de ces intervenants, qui participent à l’organisation et à l’encadrement des manifestations sportives et peuvent percevoir à cette occasion des sommes modiques, était considérée comme couverte par la lettre circulaire du 18 août 1994 de l’ACOSS relative à la situation des sportifs à l’égard de la Sécurité sociale.
La vocation de cette circulaire est d’éclairer les dispositions du code de la Sécurité sociale à la lumière des situations particulières du secteur associatif. Elle prévoit que les sommes versées aux personnes qui assument des fonctions indispensables à l’encadrement et à l’organisation des manifestations sportives pour le compte des clubs ne soient pas assujetties aux cotisations de Sécurité sociale et à la CSG-CRDS, si elles n’excèdent pas une valeur égale à 70 % du plafond journalier de la Sécurité sociale, soit 120 euros en 2014 – excusez-moi d’entrer dans le détail, mais cela concerne un très grand nombre de situations.
Nous avons été alertés récemment par une multiplication des contrôles et des redressements opérés par des URSSAF intervenus auprès d’associations. Comme vous le savez, l’URSSAF est généralement très rigoureuse dans ce type de situations.
Le point essentiel sur lequel reposent ces redressements tient à une interprétation, désormais très restrictive, établie tant par les URSSAF que par la jurisprudence récente de la Cour de cassation. Cette interprétation exclut en effet les fonctions d’éducateur sportif. Les incidences financières d’une telle interprétation sont effectivement, pour les clubs et leur fonction sociale, lourdes.
Le soutien au bénévolat doit se manifester par des signes concrets. C’est un des domaines d’action de mon ministère : je vais donc saisir la ministre des affaires sociales et de la santé de l’important problème que vous soulevez, afin qu’ensemble nous puissions lui apporter des solutions adaptées et équilibrées.
Ces solutions devront permettre à la fois le respect de la législation – je le dis ici devant la représentation nationale – sans remettre en cause l’existence et les activités essentielles réalisées par nos associations, notamment sportives, qui constituent un lien social indispensable à notre République.
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, le Gouvernement a retenu, en 2014, l’engagement associatif comme grande cause nationale. Par ce label, il a souhaité valoriser et promouvoir le rôle, dans notre société, des associations et de leurs 16 millions de bénévoles.
Le poids du secteur associatif, comme son rôle, sont immenses. Si le label « grande cause nationale » a mis largement en lumière l’engagement associatif, la baisse annoncée de 20 % des crédits alloués à la vie associative dans le projet de budget que nous avons examiné, crédits non reconductibles compris, marque une rupture avec cette reconnaissance.
Localement, les associations sont souvent les victimes collatérales de la réforme des rythmes scolaires qui leur impose une forme de concurrence. Elles seront aussi victimes de la baisse des ressources des collectivités.
Le secteur associatif représente d’abord des bénévoles, mais, aussi, 1,8 millions de salariés, soit 8 % de la population active. Cette baisse sans précédent des crédits risque de se répercuter bien au-delà du seul monde associatif. Elle aura également des conséquences sur l’emploi, et, finalement, sur nos finances publiques.
Plus qu’un simple soutien, les crédits alloués à la vie associative constituent une forme d’investissement. Dans ce contexte, il semble primordial, au minimum, de maintenir les subventions attribuées aux associations.
Monsieur le ministre, ce budget est un mauvais signe adressé au monde associatif. Comment pourrez-vous, aujourd’hui et demain, défendre ce dernier ?
Madame la députée, j’ai essayé de bien comprendre votre argumentation. Manifestement, dans cette baisse de 20 % que vous annoncez figurent les fameux crédits du Programme d’investissements d’avenir. Ils sont inscrits une fois pour toutes dans les crédits de l’État et ne reviennent donc pas de manière récurrente dans le budget que j’ai l’honneur de porter.
Cette baisse n’existe donc pas, permettez-moi de vous le dire. Je suis prêt, de manière très concrète, à vous l’écrire. Il n’y pas de baisses des crédits alloués ni au secteur associatif, ni à la mission « Politique de la ville » que j’ai défendus hier, ni aux autres dispositifs, qu’ils concernent la jeunesse ou le sport.
Au contraire, avec les 100 millions d’euros inscrits pour le PIA « Jeunesse », nous avons les moyens d’agir, y compris sur le projet « la France s’engage » que vous avez évoqué dans votre propos.
Je vous rassure : le secteur associatif, soutenu par les collectivités territoriales et par l’État, voit ses financements totalement préservés. Encore une fois, je me tiens à votre disposition, si vous le souhaitez, pour vous donner des explications d’ordre technique sur la question que vous posez.
J’appelle les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », inscrits à l’état B.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 608 .
Vous allez, peut-être, adopter un amendement tout à fait exceptionnel tant sur le fond que sur les crédits concernés et qui répond à plusieurs interventions faites au cours de ce débat parlementaire.
Je constate, et je m’en félicite, l’unanimité de la représentation nationale autour du concept de service civique. Ce concept, vous le savez, a d’abord été, historiquement, promu par nos amis italiens et soutenu par l’Union européenne. Nous l’avons mis en place depuis 2010, sous le Gouvernement précédent. Il a été amplifié par le Gouvernement actuel. Nous sommes dans une logique de passage de 40 000à 45 000 volontaires du service civique au cours de l’année 2015, grâce à l’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter.
Cela représente une hausse des crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » de 25 millions d’euros qui permettra d’augmenter la subvention pour charges de service public allouée à l’Agence du service civique présidée par M. François Chérèque.
Cette subvention passera en effet de 125 à 150 millions d’euros. Naturellement, le Gouvernement proposera, dans la suite des débats, de compenser intégralement ce mouvement, de manière à garantir le respect de la norme de dépenses de l’État.
La parole est à M. Régis Juanico, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Tout d’abord, je voudrais dire que l’amendement que vient de nous présenter le ministre Patrick Kanner est un amendement bienvenu, et ce pour trois raisons.
Premièrement, il a des conséquences et une incidence sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » que nous examinons ce soir. J’avais eu l’occasion, lors de la commission élargie, d’indiquer que les crédits demandés à ce titre pour 2015 étaient stables par rapport à 2014.
Avec 25 millions supplémentaires, nous aurons une augmentation des crédits alloués à cette mission de plus de 5 % pour l’année 2015. Pour le programme « Jeunesse et vie associative », cette augmentation fait passer les crédits demandés, madame Nachury, de 206 millions à 231 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 12 %.
C’est une bonne nouvelle, deuxièmement, pour la montée en charge du service civique, qui était un engagement présidentiel très fort. Je l’avais également souligné lors de la commission élargie : les crédits demandés à ce titre pour 2015 présentaient l’inconvénient de ne traduire qu’une montée en charge financière relativement faible par rapport à ceux prévus pour 2016 comme pour 2017. Vous le savez, plus de 100 millions d’euros supplémentaires y seront en effet consacrés à l’horizon 2017.
Avec 25 millions d’euros supplémentaires pour 2015, nous allons passer, monsieur le ministre, de 121 millions d’euros en 2014, soit 35 000 volontaires au service civique, à 150 millions d’euros alloués à l’Agence du service civique. Il faut y ajouter 18 millions d’euros qui viendront des fonds européens de l’Initiative pour l’emploi des jeunes. Au total, 168 millions d’euros seront mobilisés pour le service civique.
Cela veut dire que nous pourrons passer, dès 2015, de 40 000 à 45 000 volontaires. Cela constitue une garantie pour une montée en charge la plus importante possible d’ici à 2017.
Enfin,cet amendement vient après celui, relatif à l’abondement des missions locales et aux emplois d’avenir, que notre assemblée a adopté lundi soir lors de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ». C’est donc une bonne nouvelle, qui laisse entrevoir de bonnes possibilités de diversification des modes de financement du service civique. En effet, ces modes évoluent dans un sens plus interministériel.
Le service civique constitue une politique de cohésion sociale à vocation interministérielle. Nous le répétons avec le ministre et François Chérèque, président de l’Agence du service civique : tout ne peut pas reposer sur le seul programme 163 « Jeunesse et vie associative ». Il faut que les autres ministères puissent, bien évidemment, abonder le financement de cette politique interministérielle.
Nous assistons au début de cette évolution, même si tous les crédits reviennent ce soir, avec notre amendement miroir, au programme 163. Nous esquissons en effet, avec ces crédits qui proviennent du ministère du travail et de l’emploi, un début de financement interministériel.
Je souhaite que cette évolution se poursuive. J’émets donc, monsieur le président, un avis favorable à cet amendement.
Je précise que ces 25 millions d’euros seront, en particulier, destinés aux jeunes sans emploi, sans formation et sans stage, donc à ceux qui se trouvent le plus en difficulté, notamment dans les quartiers de la politique de la ville.
Cette priorisation en termes thématiques nous permettra, notamment, d’aller chercher plus de crédits auprès de l’Europe dans le cadre de l’Initiative pour l’emploi des jeunes. Il est important de souligner que nous avons également, au sein de ce ministère, une culture qui nous permet d’aller chercher ces crédits européens.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je voudrais me réjouir de cet amendement et vous féliciter, monsieur le ministre, d’avoir pu effectivement, à l’occasion de l’examen des crédits de votre ministère pour 2015, nous apporter cette bonne nouvelle. Nous avions eu ce débat, en commission élargie.
Jean-Pierre Allossery, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, a, dans son avis, mis l’accent sur l’engagement des jeunes dans les associations. Il a relevé à la fois tout ce que portait le service civique et tout ce que nous en attendions. Il a également rappelé l’objectif de 100 000 jeunes volontaires à l’horizon 2017.
Mais il fallait ce signe, c’est-à-dire ces 25 millions d’euros d’abondement et ces 45 000 volontaires dont le service civique pourra être financé en 2015 pour qu’effectivement nous puissions monter en charge de façon progressive, sans attendre 2016 et donc sans effectuer un saut qui aurait sans doute été difficile.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pris en compte l’apport des parlementaires, et de vous être mobilisé vous-même. C’est une très très bonne nouvelle pour le service civique et pour les jeunes de notre pays. Nous sommes en cohérence avec cette priorité donnée par le Président de la République à la jeunesse.
Avec une certains solennité, monsieur le ministre a tout à l’heure dit que nous allions peut-être voter un amendement exceptionnel. Notre réponse est oui, monsieur le ministre, parce nous souhaitons faire preuve de cohérence : vous avez vous-même rappelé tout à l’heure que le service civique avait été initié par la précédente majorité et le Gouvernement qu’elle soutenait.
Réunion après réunion, intervention après intervention, chacun se réjouit du rythme de croisière que prend le service civique. Nous souhaitons, les uns comme les autres, qu’il soit l’une des solutions – pas la seule – aux grandes difficultés que rencontre la jeunesse depuis quelque temps. Je n’oserai pas me livrer, comme le font parfois les députés de l’opposition, à la caricature et dire qu’elle ne rencontre ces difficultés que depuis deux ans.
Sourires.
Depuis deux ans et demi, le service civique reste un outil utile. Nous voterons donc cet amendement gouvernemental.
Effectivement, je crois que lorsqu’on nous propose une bonne mesure, il nous faut la voter. Et c’est ce que nous allons tout naturellement faire.
Mais le service civique ne va pas tout régler : j’ai ai été quelque peu surpris par ce que vous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre. Je crois, même si ce n’est ni le lieu ni le moment pour le faire, qu’il faut s’interroger sur les raisons qui font qu’autant de jeunes rencontrent des difficultés. Ce n’est pas uniquement un problème relevant de la majorité actuelle.
Il remonte en effet à bien plus longtemps. Mais pourquoi aujourd’hui autant de jeunes se trouvent-ils en difficulté ? Nous avons eu l’occasion, dans un autre débat, d’évoquer l’alternance et l’apprentissage. Peut-être que si nous prêtions plus d’attention aux possibilités qu’offrent ces formations, nous compterions peut-être un peu moins de jeunes en difficulté.
Cela étant dit, je voterai tranquillement cet amendement qui va dans un sens très positif.
L’amendement no 608 est adopté.
La parole est à M. Régis Juanico, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 156 .
Il s’agit d’un amendement qui a été adopté en commission élargie et qui porte sur le Fonds de développement de la vie associative. Comme vous le savez, le FDVA permet de financer, sous forme de subvention, les projets de formation des bénévoles qui sont présentés par les associations.
Cela touche, chaque année, 180 000 bénévoles associatifs. Les deux tiers de ces crédits du FDVA sont déconcentrés au niveau régional. Il s’agit d’un fonds qui a été créé en 2011.
Depuis 2011, monsieur le ministre, ces crédits avaient été maintenus, à hauteur d’un peu plus de 10 millions d’euros. Pour garantir les moyens financiers du FDVA en 2015, puisque le projet de loi de finances annonçait une légère baisse, je propose, au travers de cet amendement, d’y consacrer 520 000 euros, prélevés sur la prise en charge des cotisations retraite des sportifs de haut niveau. Cette ligne budgétaire bénéficie en 2015, pour ce qui la concerne, de 4 millions d’euros en crédits de paiement.
Pourquoi avoir choisi la retraite des sportifs de haut niveau ? Par expérience, on sait que le nombre de dossiers déposés par les bénéficiaires potentiels de ce dispositif récent est relativement faible. Il y a toujours une sur-budgétisation.
Je rassure tous tous les passionnés et les amis du sport : cet amendement ne touchera pas le sport de haut niveau. Il est précisément ciblé pour ne pas le faire.
La formation des bénévoles, soutenue par le fonds pour le développement de la vie associative, constitue un axe essentiel de la politique du Gouvernement. Je salue donc votre proposition, monsieur le rapporteur spécial, en cette année où l’engagement associatif a été déclaré grande cause nationale.
Vous proposez comme gage un prélèvement sur le programme « Sport ». Ce dispositif, qui concerne notamment la retraite des sportifs de haut niveau, doté de 4 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015, peut assumer une telle demande. Nous avons reçu par le biais de la CNAV 1 100 dossiers alors que les estimations initiales étaient d’environ 2 100 bénéficiaires, ce qui montre que, lorsque l’on fait du sport de haut niveau, on part en retraite plus tard.
La mesure avait été budgétée à 6,1 millions d’euros lors des dernières années et, depuis 2013, nous adaptons le budget en fonction de la réalité de la consommation. Aujourd’hui, nous pouvons être tout à fait optimistes sur la possibilité de gager votre proposition sur ce crédit. Toutefois, l’ajustement ne saurait excéder 520 000 euros pour être raisonnablement soutenable. J’émets donc un avis favorable à cet amendement.
Je prends bonne note que les crédits consacrés à la retraite des sportifs de haut niveau seraient suffisants.
Je demande tout de même que l’on fasse très attention. Nous nous sommes suffisamment battus pour accorder une telle retraite aux sportifs de haut niveau. Nous savons très bien que des sportifs professionnels dans certaines disciplines gagnent beaucoup d’argent et peuvent gérer leur vie après le sport. Mais dans d’autres, l’athlétisme par exemple, les sportifs, hormis quelques-uns, gagnent très peu d’argent.
La retraite pour les sportifs de haut niveau que nous avons mise en place il y a quelques années est quelque chose de très positif. Aussi je ne voudrais vraiment pas que ces crédits soient remis en question. S’il y en a suffisamment et s’ils sont nécessaires, pourquoi pas, mais prudence.
Nous ne voyons bien entendu pas d’inconvénient à l’augmentation des crédits du fonds pour le développement de la vie associative, mais je profite de la discussion de cet amendement et du suivant, qui est de la même veine, pour appeler votre attention, monsieur le ministre, puisque nous parlons de sport de haut niveau avec ce transfert de crédits, sur un vrai sujet que je souhaiterais que l’on puisse aborder avec vous et avec M. le ministre de l’intérieur : les frais d’organisation d’épreuves sportives sur le domaine public, et je pense notamment aux courses cyclistes. Avec les nouveaux tarifs, c’est une augmentation de 1 500 % en trois ans qui sera imposée aux organisateurs. Déjà, la Classique de l’Indre, à Châteauroux, n’aura pas lieu, le Tour de Normandie n’aura très probablement pas lieu l’année prochaine et le Tour de France commence à être menacé.
Il faudrait vraiment, monsieur le ministre, qu’il y ait une réunion sur ce sujet. On peut vivre évidemment sans culture et sans sports, on peut vivre simplement avec le boulot, le métro et le dodo, selon une formule rituelle, mais, franchement, il faut regarder cet aspect avec beaucoup de précision parce qu’il serait tout de même dommage que des épreuves appartenant à notre patrimoine sportif disparaissent.
L’amendement no 156 est adopté.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 157 .
C’est un amendement comparable, qui vise à maintenir le montant des subventions aux associations et fédérations bénéficiant d’un agrément national jeunesse et éducation populaire, en baisse de 500 000 euros dans le projet de loi de finances pour 2015.
Vous le savez, un soutien national, l’engagement associatif étant cette année grande cause nationale, est un élément essentiel pour accompagner ces associations et leur réseau. Ces associations ont vocation à intervenir en faveur de la jeunesse, notamment dans les loisirs de proximité, le développement de la citoyenneté, la prévention des pratiques addictives et les actions en direction des publics vulnérables, actions au service de l’intérêt général.
Ce sont 34 millions d’euros qui sont consacrés au soutien des projets associatifs dans le projet de loi de finances pour 2015. Votre amendement, monsieur le rapporteur, porte sur 500 000 euros, ce qui montre tout de même une très grande stabilité de ces crédits, et je m’en félicite.
Cela dit, il faudrait regarder aussi un grand nombre d’autres éléments, notamment les dépenses fiscales de l’État au bénéfice du monde associatif, qui vont s’élever à 2 604 millions d’euros, en progression de 142 millions d’euros par rapport à 2014, soit près de 6 % d’augmentation. La progression est même de 314 millions depuis 2013, traduisant notamment l’impact de l’abattement de la taxe sur les salaires pour les associations applicable depuis le 1er janvier 2014.
De manière globale, l’ensemble des soutiens au monde associatif progressera en 2015 si nous arrivons à accumuler l’ensemble de ces dispositifs. Je m’en félicite. Je vous demande donc d’intégrer cette dimension financière et de bien vouloir retirer votre amendement, sachant que le précédent a été accepté. À défaut, le Gouvernement devrait émettre un avis défavorable.
Si cet amendement était maintenu, monsieur le rapporteur spécial, je voterais contre car vous proposez encore de prendre des crédits prévus pour les retraites des sportifs de haut niveau. Je commence un peu à être inquiet. Mais si l’amendement est retiré, on n’en parle plus.
Je suis sensible aux explications que vous avez données, monsieur le ministre. Aux 940 millions consacrés à l’ensemble de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », il ne faut pas oublier, en effet, d’ajouter les dépenses fiscales, dont le montant est très élevé, 2,6 milliards d’euros, en augmentation de 6 % par rapport à l’an dernier, ce qui traduit une très forte générosité publique, puisque ce sont les particuliers et les entreprises qui donnent à des associations ou à des fondations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général, mais aussi une très grande générosité de l’État parce que c’est évidemment une très grande dépense fiscale.
Il y a aussi la mesure entrée en vigueur le 1er janvier 2014 qui porte l’abattement sur la taxe sur les salaires pour les associations employeurs de 6 000 à 20 000 euros, dont nous aurons les résultats à la fin de l’année pour savoir ce que cela représente exactement en termes de masse financière.
Effectivement, il n’y a jamais eu autant d’efforts pour soutenir la vie associative, sans oublier les mesures adoptées dans le cadre du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire. Je retire donc mon amendement.
L’amendement no 157 est retiré.
Les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », modifiés, sont adoptés.
J’appelle maintenant l’article 61 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
L’article 61 est adopté.
Nous avons terminé l’examen de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 : mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly