Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, présentant les moyens que l’État mobilise pour accompagner les créateurs, conserver et valoriser le patrimoine, assurer l’enseignement des arts, soutenir les industries culturelles, promouvoir l’innovation, ce budget indique la place que le Gouvernement accorde au service public de la culture.
La crise est bien sûr une aubaine pour ceux qui pensent qu’une politique de la culture est un luxe toujours trop cher, que le patrimoine est bien encombrant et qu’une oeuvre d’art est par nature suspecte. Cette année 2014 n’a pas été avare d’agressions contre les oeuvres de l’esprit ni contre les équipements culturels. De telles attaques ne sont jamais neutres. « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude », avait prévenu Camus. C’est pourquoi je veux saluer le symbole que constitue la sanctuarisation du budget de l’État pour la culture, madame la ministre. On pourra déplorer qu’il n’augmente pas assez, discuter des priorités, mais je veux voir dans cette décision un signe de confiance, un signe d’espérance.
L’accès à la culture pour les jeunes a été placé au coeur des priorités de ce budget. Députée dans une région où la population est jeune, aux prises avec un quotidien toujours plus difficile, je sais à quel point cette ambition de démocratisation de la culture est une exigence élevée et républicaine. J’approuve donc l’augmentation pour 2015 des moyens dédiés à cette priorité, ainsi que le principe d’une mobilisation accrue des outils d’aujourd’hui.
Permettez-moi ici de dire ma conviction qu’en matière de renforcement de l’accès à la culture, le vrai défi est celui des contenus. Les technologies contemporaines sont incontournables, certes, mais le chantier n’est pas celui du développement des virtuosités techniques. Concernant la politique culturelle, l’enjeu est avant tout de nourrir les esprits, d’aider à la formation des sensibilités, et donc de mettre en contact tous les publics, en particulier les jeunes, avec l’immensité du patrimoine culturel de l’humanité ; en d’autres termes, c’est l’idéal du meilleur mis à la portée de tous.
Dans chacun des trois programmes de la mission, le partenariat entre l’État et les collectivités est omniprésent. Mais la diminution des dotations aux collectivités risque de compromettre les ambitions que vous poursuivez. Les chances d’accès à la culture s’appréhendent tant du point de vue des personnes que de celui des territoires. Et il revient à l’État de veiller à ce que l’accès à la culture soit équilibré sur l’ensemble du territoire national.
À cet égard, madame la ministre, je sollicite votre arbitrage pour que La Réunion ne soit plus l’angle mort de l’engagement culturel de l’État. Notre île connaît des retards en équipements et comme vous le savez, la culture y est forcément plus chère, du fait notamment du coût du transport aérien. L’État avait bien créé en 1999 un fonds spécifique pour financer la mobilité des artistes, mais celui-ci a été progressivement vidé de sa substance.
Cette juste réévaluation de la solidarité nationale s’impose d’autant plus que le renforcement de l’excellence française dans le monde figure parmi vos priorités pour 2015. Il est certain que La Réunion peut jouer un rôle très actif dans la coopération culturelle dans l’océan Indien, pour peu que l’État s’engage clairement et sans ambiguïté. Sur ce point, je vous remercie de prêter attention aux perspectives de coopération avec l’île Maurice qui s’offrent à l’enseignement de l’architecture à partir de La Réunion, projet dont votre ministère a déjà été saisi.
La volonté affichée d’encourager le renouveau créatif ne peut que recueillir mon adhésion. L’énergie créatrice des artistes, les espaces de diffusion, le défi de la révolution numérique doivent trouver dans l’action culturelle de l’État l’accompagnement nécessaire. Les crédits correspondants augmenteraient de 2 % : c’est un minimum, car si l’option qui vise à renforcer le partenariat avec les collectivités va dans le bon sens, nous savons qu’elle trouvera ses limites dans l’affaiblissement programmé de leurs dotations.
L’effort annoncé en faveur de la formation supérieure est lui aussi de bon augure. Faut-il rappeler en effet que la culture a besoin de professionnels, que ses métiers sont de vrais métiers et que l’intermittence n’est pas une faveur ? Est-il besoin aussi de rappeler que l’enjeu d’un renouveau créatif est pluriel, qu’il relève non seulement de la culture, mais aussi de l’éducation, de la recherche, de l’économie, de l’aménagement du territoire ? La part de la culture dans le PIB et l’importance de la composante culturelle de l’attractivité d’un territoire ont été abondamment commentées ; je n’y reviendrai pas.
Un grand rendez-vous nous attend avec le projet de loi sur la création et le patrimoine qui sera examiné en 2015. Cette loi réaffirmera que l’État est le garant de la liberté de création et du pluralisme. Elle devra aussi garantir le droit à la culture et, à ce titre, une répartition équilibrée de l’offre culturelle sur tout le territoire. Nous souhaitons aussi qu’elle soit moins discrète sur la réforme du régime de Sécurité sociale des artistes auteurs.
L’examen de cette mission est une nouvelle occasion pour le groupe GDR de faire usage de la liberté de vote qui le fonde : certains de ses membres, comme Gabriel Serville, voteront pour ; d’autres m’accompagneront dans l’abstention. Quant aux députés du Front de gauche, ils voteront contre.