Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le candidat François Hollande s’était engagé pendant la campagne présidentielle à sanctuariser le budget de la culture. Aujourd’hui, après deux années consécutives de diminution, le budget de la culture est enfin stabilisé à hauteur de 7 milliards d’euros. Mais les crédits de la mission « Culture » sont réduits.
Ces montants, soyons honnêtes, ne sont pas les seuls indicateurs à prendre en compte. La répartition des crédits doit être observée de plus près car des rééquilibrages entre les programmes ont été effectués.
Tout comme ce fut le cas l’année dernière, madame la ministre, vous avez fait le choix de préserver l’éducation artistique et culturelle, de poursuivre une politique de protection et de mise en valeur du patrimoine, de ne pas relancer de grands budgets pharaoniques qui auraient grevé les finances de l’État. Ces objectifs sont donc réaffirmés par ce projet de loi de finance, et les écologistes tiennent à saluer ces engagements.
La priorité à la jeunesse et à l’enseignement est confirmée par les moyens consacrés à l’éducation artistique et culturelle. Ces derniers augmentent au-delà de l’inflation en 2015, de même que ceux des établissements d’enseignement supérieur du ministère, dont, en outre, les étudiants bénéficieront de la réforme des bourses.
L’éducation artistique et culturelle est une politique interministérielle entre le ministère de la culture et celui de l’éducation nationale, et les moyens pour sa mise en oeuvre sont à la hauteur des enjeux de diffusion et de démocratisation. Par ailleurs, cette politique est au coeur de la loi sur la refondation de l’école et doit désormais s’articuler entre temps scolaire, périscolaire et extrascolaire de manière intégrée.
En revanche, cette fois-ci, le budget 2015 n’épargne pas la création, qui connaît une baisse de 1,6 % de ses crédits. Si les arts plastiques sont protégés de la rigueur budgétaire, ce n’est malheureusement pas le cas du spectacle vivant, dont les crédits destinés à la production et à la diffusion diminuent de 16 millions d’euros. Les écologistes se désolent de cette perte de crédits qui risque d’affecter lourdement ce secteur.
L’État a une responsabilité dans le devenir de ces secteurs. Comme ma collègue Isabelle Attard l’avait déjà indiqué l’année dernière, il est indispensable, surtout dans ce contexte de réagencements budgétaires, de poursuivre l’accompagnement des acteurs concernés. Ceux-ci ont d’autant plus besoin de soutien qu’ils doivent faire face à d’importantes évolutions, qui tiennent aux enjeux du numérique et à la réforme territoriale en cours.
On sait, madame la ministre, votre attachement à la problématique du numérique, et ce budget en témoigne. C’est le cas du programme « Patrimoine », dont les crédits, en hausse, devraient favoriser une politique d’accessibilité des archives à tous les publics et un rééquilibrage entre nos territoires.
Ce budget est aussi l’occasion de réaffirmer la volonté du Gouvernement d’oeuvrer au lancement de projets structurants en réponse à la mutation numérique. Il s’agit de protéger ce qui constitue notre patrimoine numérique collectif en développant des plates-formes d’archivage mutualisées.
Ces propositions vont dans le bon sens, mais il est dommage de s’arrêter en si bon chemin. Si le projet de loi de finances prend la mesure du tournant numérique, il semble négliger l’ampleur du changement que la transition numérique implique pour les acteurs. C’est l’adaptation même des services publics de la culture qui doit être précisée.
Dans ce contexte, il est nécessaire d’anticiper les bouleversements à venir et de redéfinir, de manière transparente, les missions des grands opérateurs. Ces derniers doivent être accompagnés vers une réorganisation de leurs compétences sur les activités les plus importantes. Laisser aux directions d’établissements l’entière responsabilité de répercuter les choix budgétaires les contraint à choisir entre l’augmentation des tarifs, la diminution de l’activité, la réduction des emplois, voire un peu des trois.
Le budget de la culture devrait préfigurer une nouvelle vision de la culture. Pour cela, les écologistes auraient voulu que le projet de loi de finances contienne les éléments qui annoncent un véritable changement des modes de gouvernance, mais aussi une plus grande décentralisation des moyens sur les territoires ainsi que la reconnaissance des droits culturels comme fondement de ces politiques.
Les écologistes attendent beaucoup du projet de loi relatif à la création artistique et au patrimoine, annoncé par le Gouvernement pour le premier semestre 2015. Ce texte devra enfin apporter aux grands opérateurs des directives claires pour leur adaptation à la transition numérique.
Aujourd’hui, chaque musée, chaque théâtre, chaque salle de spectacle tente d’improviser dans ce contexte nouveau. Certains musées, notamment celui d’Orsay, interdisent maintenant aux visiteurs de prendre des photos. Le musée renvoie vers son site Web pour accéder aux images des oeuvres. Les photographies en ligne mentionnent un copyright « photo du musée ». Cette situation est étonnante : une copie fidèle n’est pas une oeuvre nouvelle. C’est comme si une photocopie d’un livre tombé dans le domaine public donnait de nouveaux droits d’auteur.
Il s’agit là d’un cas de copyfraud, un organisme prétendant détenir un droit d’auteur qui n’existe pas. Ces pratiques dénotent une incompréhension, voire une méfiance envers les possibilités encore mal connues qu’offre la révolution numérique. Il est donc temps de clarifier notre droit. Nos grands opérateurs méritent un cadre juridique clair sur ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire. Nous comptons sur votre volonté à ce sujet, et nous serons à vos côtés pour aboutir au meilleur résultat possible.
Madame la ministre, comme l’année dernière, nous voterons ce budget qui confirme votre ambition de favoriser l’éducation artistique et culturelle. Mais nous espérons que les différents écueils que nous avons soulignés seront pris en compte et nous attendons beaucoup de la future loi sur la création et le patrimoine.