Aucune donnée ne figure dans la littérature spécialisée sur les animaux domestiques, sinon que l'équipe d'Éric Leroy avait montré la présence d'anticorps contre Ébola chez des chiens dans un village touché au Gabon ; mais aucun chien n'a jamais développé la maladie, et je ne pense pas que les animaux domestiques soient un vecteur. Pour la faune sauvage, l'antilope est un vecteur – de manière très anecdotique – et la transmission par les chauves-souris et les grands singes est avérée ; pour les autres animaux, c'est peut-être possible mais ce n'est pas bien documenté.
Les travaux qui ont conduit à l'identification de récepteurs moléculaires sont très récents. Le tropisme viral initial est pour les cellules présentatrices d'antigènes. Cela permet au virus de se disséminer dans les organes lymphoïdes secondaires, et il en résulte une infection systémique. Le tropisme viral évolue alors vers les cellules endothéliales et épithéliales, si bien que l'on aboutit à une infection touchant tous les organes. On trouve alors le virus dans tous les fluides, ce qui explique pourquoi le malade symptomatique est très contagieux par contact.
Les médicaments inhibiteurs de la transcriptase inverse agissent sur l'ADN ; il reste à démontrer qu'ils agissent sur le virus Ébola, virus à ARN pur qui ne passe jamais par un état d'ADN.
Je ne dirais pas que rien n'a été fait depuis 1976. J'ai fait équipe avec Éric Leroy pendant sept ans au Gabon et nous avons beaucoup travaillé sur le virus Ébola dès sa réémergence en 1994 – et je travaillais moi-même depuis vingt sur ce sujet. Mais, comme l'a souligné M. Bricaire, cette maladie n'était pas un véritable problème de santé publique. D'ailleurs, après 2001, le financement de nos travaux se faisait sur les crédits alloués à la recherche sur le bioterrorisme bien davantage que sur les crédits consacrés à la santé publique, malheureusement.
Pourquoi, depuis 1994, ces réémergences régulières et croissantes des virus Ébola et Marburg ? Ce n'est pas lié à une évolution du virus, inchangé depuis des milliers d'années, mais à l'activité humaine, aux incursions toujours plus profondes dans la forêt où l'on trace des pistes de plus en plus avancées pour exploiter le bois. Cela bouleverse tous les territoires des grands singes, qui se déplacent et sont en contact avec des chauves-souris – ce qui n'était pas forcément le cas auparavant. Il a d'ailleurs été démontré que la forte transmission du virus Ébola dans les années 1990 en Afrique Centrale était secondaire à une épizootie qui a balayé la population de chimpanzés et de gorilles de ces régions. Le virus a ravagé ces grands singes ; pendant des années, ils ont régulièrement été malades, et régulièrement l'homme qui les capturait pour les manger se contaminait à leur contact. Telle est la dynamique à l'oeuvre.